[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 juillet 1790.] 689 putés de cette armée qui, malgré le jugement le plus imposant, n’a pu se persuader que nous fussions coupables, lui rapportent l’agréable conviction de n’avoir conservé son estime qu’à des hommes qui ne cessèrent jamais d’en être dignes ; que la vérité brille dans tout son jour ! Nous ne redoutons que les ténèbres ; c’est à leur ombre que nos réclamations légitimes ont été jusqu’ici étouffées et nous nous félicitons aujourd’hui de leur peu de succès. « Notre justification sous l’ancien régime, et d’après sa marche obscure, aurait pû être soupçonnée d’être le fruit de l’intrigue, de l’importunité et d’une complaisance miséricordieuse. « Qu’il nous sera bien plus doux de ne la devoir qu’à la pureté de notre conscience et à la justice incorruptible des législateurs de la nation. « Notre mémoire, Messieurs, a été remis à votre comité militaire; il n’attend que vos ordres | pour prendre une connaissance parfaite de notre affaire et vous en faire le rapport. Est-il une circonstance plus favorable ? L’armée entière, assemblée dans ses représentants, connaîtra par un exemple aussi frappant quels sont les maux auxquels des militaires, quoique irréprochables, étaient exposés, sous le régime du despotisme que vous avez détruit: quels sont les biens dont ils sont assurés sous l’empire de la liberté que vous avez établie et pour laquelle ils réuniront désormais tous les efforts. «Signé: MarTJMPREY, MENGAUD, BOUSQUET, pour nous et nos camarades absents. » M. Régnault. Je demande que cette affaire, déjà ancienne, soit examinée par le comité militaire réuni à celui des rapports et qu’il en soit rendu compte mardi prochain. (Gette motion est adoptée.) M. Paul Hairac, député de Bordeaux , demande que le rapport sur l’envoi de la garde nationale de Bordeaux à Moissac, lors des troubles de Montauban, soit fait tout de suite. Un membre observe que cette affaire n’occupe que le quatrième rang à l’ordre du jour. M. le Présîdeut observe que cette affaire peut venir en ce moment, comme adresse , si l’Assemblée consent à entendre M. Nairac. (L’Assemblée adopte cette proposition.) M. Paul Mairac commence la lecture de la relation du voyage du détachement de l’armée bordelaise envoyé à Moissac, adressée à l’Assemblée par ce détachement. — « La municipalité de Montauban s’est rendue fameuse et peut-être immortelle par la conduite la plus coupable. Nous devons dévoiler cette conduite et prévenir la calomnie; car la municipalité de cette ville malheureuse ne peut se défendre qu’en calomniant les meilleurs citoyens, et peut-être nous-mêmes, nous que l’indignation avait armés , nous qui devions paraître des ennemis, parce que le patriotisme nous animait. Il se pourrait que ce patriotisme eût mêlé quelque exaltation au zèle le plus pur ; il se pourrait que nous eussions quelquefois passé les bornes de notre mission ; mais, citoyens, marchant au secours de citoyens, nous avons cru faire ce que tous les Français auraient voulu faire; nous nous sommes crus envoyés par la France entière. Vous connaîtrez, vous jugerez. Nous vous tracerons le tableau pé-1N Série, T. XVI. nible de la barbarie de nos ennemis ; vous les verrez se jouant sans cesse des souffrances de leurs prisonniers, prodiguer les serments et les parjures... Notre détachement se met en marche le 16 et le 17 mai... » (Une grande impatience se manifeste dans l’Assemblée.) Un membre : Ce n’est pas un rapport, c’est un réquisitoire ou un pamphlet. Divers membres: Le renvoi au comité des rapports. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide que la lecture ne sera pas continuée et que les pièces seront renvoyées au comité des rapports. M. Paul Mairac. Je prie l’Assemblée d’ordonner l’impression et la distribution. M. Martineau. L’Assemblée ne peut décréter l’impression d’une pièce qu’elle ne connaît pas; elle ne peut donner de la publicité à une adresse qui n’est autre chose qu’une dénonciation, sans savoir si les faits sont exacts. (La demande d’impression est rejetée.) Une députation de la société du serment du Jeu de Paume est admise à la barre et remet le procès-verbal qui constate qu’on a placé à Versailles, au Jeu de Paume, le monument relatif au serment du 20 juin 1789. La députation dit : Messieurs, « Nous eûmes, le 10 juin dernier, l’inestimable honneur d’offrir à vos regards le premier monument qu’on ait encore élevé au souvenir de votre généreux dévouement. Ce don, que la simplicité et l’énergie du patriotisme pouvait rendre touchant, vous l’avez accueilli; le lieu qu’il devait consacrer et embellir, vous l’avez proclamé le point de ralliement des amis de la liberté. « Fiers de vos suffrages, Messieurs, au nom de la patrie que vous avez sauvée, inspirés nous-mêmes par le génie de la reconnaissance, nous avons, le lendemain 20 du même mois, exécuté le vœu que le civisme nous avait dicté. Notre monument au milieu de nous, nous avons traversé lentement et en silence la ville de Versailles. L’aspect religieux de cette marche, ou plus encore sans doute, le souvenir du serment auguste qu’elle rappelait, a frappé tous les cœurs ; la municipalité, les corps militaires, des citoyens de tous états est de tout âge ont voulu partager l’honneur d’accompagner, de porter, de consacrer le monument. Des gardes nationales ont juré sur leurs sabres de le garder au péril de leur vie. Tous paraissaient sentir qu’après celui de ia Divinité, il n’est pas de culte plus doux ni plus saint que celui de la patrie. « Ainsi, Messieurs, un acte privé de piété civique est devenu tout à coup, pour une ville entière, une fête publique et nationale. Gette ville nous a offert de toutes parts les expressions les plus touchantes de t’union, de la fraternité, de l’affection la plus tendre. Un seul sentiment, le souvenir de vos bienfaits, régnait dans toutes les âmes, et confondait tous les mouvements.Tei est, Messieurs, tel sera toujours l’effet du véritable amour de la liberté : tel ne sera jamais l’effet de cette licence coupable qui, se parant audacieusement du nom de la liberté et n’aspirant au contraire qu’à opprimer la liberté commune et la religion même 44