246 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 septembre 1790.] placement de ses capitaux, conservés en tout ou partie, soit en fonds de terre, soit en intérêt. 4° Enfin, vous observerez, Messieurs, qu’il ne faut pas confondre la dette à terme avec la dette exigible; qui à terme ne doit rien ; mais en même temps qui a fait des engagements doit les tenir. Alors ce sont dans ces deux propositions que se renferment les engagements réciproques de la nation envers ses créanciers ; vous examinerez s’il convient à la nation de rembourser immédiatement des emprunts tels que ceux de la ville de Paris et de l’ancienne compagnie des Indes, montant ensemble à 112 millions qui ne coûtent que 4 1/2 0/0 d’intérêt, et dont les remboursements ne sont ordonnés que progressivement jusques en 1814 et 1822. Vous examinerez si l’emprunt national, les emprunts à Gênes et en Hollande, celui de 80 millions, celui de 125 millions, les annuités données à la caisse d’escompte et aux notaires, dont la masse totale s’élève à 356 millions, et n’est remboursable qu’à des échéances successives, jusqu’en 1810, peuvent réellement vous être présentés comme une dette exigible. D’après cet aperçu vous croirez peut-être qu’il serait convenable de diviser la totalité de la dette qu’on appelle exigible en trois classes. Vous satisferez d’abord aux dettes les plus urgentes auxquelles vous vous persuaderez que ces dettes réunies aux besoins du service public n’exigeront qu’une création nouvelle de 400 millions d’assignats-monnaie. Vous déterminerez alors que cette masse ne pourra être augmentée sous aucun prétexte, et à mesure qu’il y aura 10 millions de réalisés dans la caisse de l’extraordinaire, vous ordonnerez qu’ils soient remis en émission pour être distribués successivement par la voie du sort aux créances dont vous aurez déterminé le remboursement, à commencer par les titres placés dans la première classe dont tous les numéros seront mis dans la roue de fortune jusqu’à ce que le tirage en soit épuisé avant de procéder à l’échange des titres de la secondé classe. En ayant égard à ces différentes considérations, vous concilierez, Messieurs, la justice qui est due aux créanciers de l’Etat, et la saiue politique (qui ne vous permet pas de hasarder une interruption forcée dans les revenus) avec la mesure que vous devez observer dans les contributions. C’est dans cet esprit que j’ai rédigé, Messieurs, un projet de décret ; mais comme il est réglementaire et qu’il pourrait prolonger beaucoup la discussion, je crois, Messieurs, qu’il convient, dans les circonstances actuelles, de poser et de décréter préalablement les principes dans les termes suivants : Art. 1er. Il sera fait une création nouvelle de 400 millions d’assignats-monnaie pour assurer le service courant des dépenses publiques, dans le cas où les recettes ordinaires ne pourraient y suffire, et rembourser successivement les dettes exigibles les plus pressantes, lesquels 400 millions, réunis aux 400 millions ci-devant décrétés, élèveront le montant total des assignats-monnaie à 800 millions. Art. 2. L’Assemblée nationale déclare qu’elle veut borner et fixer l’émission des assignats-monnaie à la somme de 800 millions : en conséquence, elle décrète que cette masse de 800 millions ne pourra être augmentée sous aucun prétexte. Art. 3. Les 400 millions d’assignats-monnaie, dont la création sera ainsi effectuée en exécution de l’article 1er, emporteront avec eux, ainsi que les 400 millions çMev&nt décrétés, hypothèque, privilège et délégation spéciales, tant sur le revenu que sur le prix des domaines nationaux, Art. 4. Les créances sur l’Etat, autres que celles constituées en rentes perpétuelles et viagères, seront seules admises ainsi que les 800 millions d’assignats déterminés et fixés dans les précédents articles à concourir dans l’acquisition des domaines nationaux. Art. 5. Les assignats qui sont en émission, ou qui y seront mis en exécution dés articles î, 2, 3 du présent décret, porterbnt 3 0/0 d’intérêt jusqu’au 15 avril prochain: ils n’en porteront plus aucun, passé cette époque. A cet effet, le caissier de l’extraordinaire en acquittant l’intérêt des 400 millions précédemment décrétés, qui écherront le 15 avril 1791, est autorisé de retrancher de l’assignat, les trois coupons qui y sont annexés. Art. 6. Ces différentes créances, autres que lès titres de celles constituées en rentes perpétuelles et viagères seront converties en de nouveaux titres uniformes en sommes rondes et disponibles portant 5 0/0 d’intérêt, la première année, èt 4 0/0 les suivantes. Art. 7. Avant l’échange de ces nouveaux litres contre les créances, autres quë celles constituées en rentes perpétuelles et viagères, lesdites créances serout diviséës en trois classes. L’Assemblée nationale charge Son comité des finances de lui présenter incessamment un tableau de cette division, en observant de placer, dans la première classe et successivement dans la seconde, les créances qui, par leur nature et leur création, seront plus oü moins exigibles. Art. 8. Aussitôt qu’il y aura une somme de 10 millions de réalisés en assignats-monnaie dans la caisse de l’extraordinaire, par le produit des revenus et des ventes des domaines nationaux et autres recettes extraordinaires, il en sera dressé procès-verbal, et ils seront remis dans la circulation en échange des nouveaux titres ou reconnaissances nationales qui auront été délivrés et placés dans la première classe, et successivement dans les deux classes suivantes, en exécution des articles 5 et 6 du présent décret. Art. 9. L’Assembléè nationale charge son Comité des finances de lui présenter Un projet réglementaire sur les dispositions du présent décrel, et les moyens qui concilieront l’intérêt de l’Ètîit et celui des propriétaires des titres nouveaux, pour accélérer l’échange de leurs créances contre des domaines nationaux. Plusieurs membres demandent l'impression du discours de M. Le Gouteulx. L’impression est ordonnée. M. le Président interrompt la discussion pour donner lecture d’une lettre de M. Lambert, qui expose à l’Assemblée qiie, dans plusieurs villes, les tanneurs ont refusé, dès ratifiée dernière, de laisser prendre en charge les cuirs de leur fabrication, et se sont soustraits, par là à l’obligation imposée à tous les tanneurs d’acquitter les droits; H demande qu’en exécution de son décret du 22 mars dernier, i’Assëm-hlée détermine l’estimation moyenne de la valeur des droits dus par les tanneurs en douze payements et en douze mois, conformément audit décret. (L’Assemblée renvoie cette lettre à son comité des finances.) M, le Président annonce que par le résultat [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 septembre 179Ô.] 247 du scrutin, lès membres adjoints au comité de Constitution sont : MM.Barnave, De Clermont-Tonnerre, Alexandre de Lameth, Duport, JBuzot, Pétion, De Beaumetz. M. le Président annonce également que MM. Salomon et Charles-Claude Ûelacoür, fci-de-vant d’Ambezieux, ont réuni les suffrages et sont nommés commissaires inspecteurs des archives. M. lë Président annonce une lettre de Mi l'abbé Perrotiù, dit de Barmond ; elle est ainsi conçue : « Monsieur le Président, mes réclamations pourraient paraître importunes à l’Assemblée, si la justicé de ma cause était moins évidente ; je ne réclame que l’exécution de vos décrets. Vous avez ordonné que le comité des recherches remettrait au procureur du roi toutes les pièces relatives à mon affaire : elles ont été remises, dix-sept témoins ont été entendus, le procès allait être jugé, lorsque le comité des recherches a annoncé qu’il avait de nouveaux témoins à faire entendre et de nouvelles pièces à produire : en vain ont-elles été réclamées, elles n’ont point encore été produites* Je prie l’Assemblée de vouloir bien ordonner que ie comité des recherches remettra, dans le jour, les nouvelles pièces relatives à mon affaire, et qu’il lui soit enjoint de ne se mëier aucunement d’une affaire qui ne peut être instruite en même temps par deux tribunaux, sans blesser à la fois la justice et l’humanité. » M. dê Hl&caÿe, membre du comité des recherches. Le procureur du rdi au Châtelet â été saisi des pièces depuis hier au Soir. Ces pièces n’ont pii êtrë envoyées plus tôt parce que plusieurs étaient arrivées récemment et qu’il avait été nécessaire d’attendre que le comité se trouvât en nombre pour les examiner. M. Durai, ci-devant d'Eprémesnil. L’Assemblée a décrété que M. l’abbé de Barmond serait en état d’arrestation. On ne sait pas comment cette arrestation a été exécutée. Je représente à votre humanité que non seulement sa porte est gardée, mais qu’il a un détachement dans sa cour et que trois officiers couchent dans sa chambre; il ne peut pas travailler. (On demande vivement la reprise de l’ordre du jour.) M. le Président met cette proposition aux voix. Elle est adoptée. La discussion est reprise sur lé mode de liquida' tion de la dette publique. M. Raynaud de Montlosier (1). Messieurs, si nous ne voulions écouter que le sentiment qui s’est produit de nos divisions particulières, peut-être il. serait de l’intérêt d’un grand nombre d’entre nous de vous abandonner à une mesure impudente, qui justifierait, auprès des peuples, nos réclamations continuelles et le zèle constant (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours dë M. dë Montlosier. que nous n’avons cessé de montrer pour la conservation de cet Empire; mais lorsque, entouré de ruines, ces ruines s’agitent autour de vous ; lorsque le danger menace de toutes parts, et semble demander impérieusement la réunion de tous les moyens et de tous les efforts, c’est alors que nous devions oublier tous nos dissentiments personnels et monter encore une fois à cette tribune, pour vous offrir l’hommage de nos conseils et de nos lumières. Vous aviez décrété pour 400 millions de ventes des domaines du roi et du clergé; les quatre cents millions d’assignats que vous aviez mis en circulation pouvaient être considérés, dès lors, comme une sorte d’anticipation; c’était en quelque manière des billets de l’échiquier pour lesquels le malheur des temps vous avait forcés de commander la confiance, et cependant vous n’avez pas tardé à vous apercevoir combien cette opération était malheureuse et insuffisante. C’est en vain qu’on a voulu vous en adresser des éloges, et vous en vanter le succès; le premier ministre des finances ne vous a pas laissé ignorer que vos assignats , repoussés de toutes parts, étaient obligés de se réfugier dans toutes les caisses du Trésor public. La prime de 3 0/0 d’intérêt, les efforts de certaines villes de commerce, les tentatives de vos clubs, de vos sociétés patriotiques, rien n’a pu les sauver d’une perte et d’un discrédit progressifs, et c’est d’après cette triste expérience, c est lorsque vous êtes encore dans les embarras d’une première opération mauvaise qu’on vient vous en proposer Une plus mauvaise encore, en vous pressant de l’exagérer, au point d’en couvrir toute la dette publique exigible. Certes, Messieurs* il est difficile de croire que ceux qui vous ont conseillé Une semblable entreprise, e'n aient bon calculé tous les dangers ; ils vous ont déjà été développés avec une grande sagacité. Il ne me reste qu’à ajouter quelques réflexions aux excellentes observations qui vous ont été présentées; et pour cela je considérerai d’abord l’opération des assignats dans sa nature* j’en examinerai ensuite la nécessité. Le premier caractère qui se présente dans la nature des assignats-monnaie qu’on vous propose, c’est leur hypothèque fictive, et je l’appelle exprès hypothèque fictive parce que vous allez voir que cette hypothèque n’a aucun terme réel et qu’elle est toujours prête à fuir devant le porteur d’assignats. En effet, on conviendra que toute hypothèque, pour être bonne, doit être constituée de manière à répondre certainement du prix qu’elle a pour objet. Or, je laisse ici de côté tous les doutes qne je pourrais élever sur la sûreté de l’hypothèque qu’on nous présente; mais je soutiens que quand môme les biens nationaux pourraient être regardés comme Une bonne hypothéqué pour la dette publique, il ne s’ensuivrait pas pour cela qu’ils dussent être regardés comme une lionne hypothèque pour les assignats : là raison en est bien simple. S’il ne s’agissait qUe de [réunir tous les créanciers de l’Etat et de leur présenter une masse de biens territoriaux, jugée égale ou supérieure à leur créance, cette hypothèque pourrait leur paraître valable et sûre ; mais du moment qu’on mobilise en même tefnps l’ hypothèque et la dette, sans les faire correspondre dans leurs parties, de la même manière qu’elles correspondent en masse, leurs relations changent évidemment de nature, et l’hypothèque est nécessairement altérée, par cela seul qu’elle