23-2 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (14 juillet 1789.] Son discours donne lieu à de longues discussions qui se prolongent jusqu’à trois heures. M. le' Président propose de surseoir à la délibération, attendu qu’il est tard. En conséquence, on renvoie au soir pour prendre les voix sur cette question. Avant de suspendre les délibérations, M. le président fait annoncer à l’Assemblée le résultat du scrutin relatif à la nomination de huit membres qui doivent former le comité de constitution. La majorité des voix désigne pour commissaires MM. Mounier, de Talleyrand-Périgord, évêque d’Autun, l’abbé Sieyès, le comte de Clermont-Tonnerre, le comte de Lally-Tollendal, Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux , Chapelier et Bergasse. Séance du soir à 5 heures. On remet sur le bureau des délibérations et adresses de la commission intermédiaire des Etats du Dauphiné, des villes de Laon, Aurillac, Joigny et Hesdin. Ces divers actes expriment les sentiments d’attachement et de fidélité pour le roi, de respect et de reconnaissance pour l’Assemblée nationale, et d’adhésion à tous ses arrêtés. La noblesse des bailliages de Mortagne et de Vendôme a révoqué l’injonction faite à ses députés, et leur donne des pouvoirs illimités. Celle du bailliage de Vendôme a ajouté à cette démarche : elle a voté des remercîments aux 47 gentilshommes qui se sont rendus le 25 juin dernier dans la salle de l’Assemblée nationale. L’Assemblée a témoigné la plus vive satisfaction de la lecture de cet acte. L’insertion au procès-verbal en a été ordonnée au milieu des acclamations répétées. On renouvelle la motion pour l’éloignement des troupes ; elle est universellement appuyée. Quelques membres proposent en conséquence qu’il soit fait sur-le-champ une députation au Roi pour lui porter les vœux de l’Assemblée, et ue tout travail, toute délibération soit suspen-ue jusqu’au renvoi des troupes rassemblées autour de la capitale et du lieu des séances de l’Assemblée. M. l’abbé Grégoire, curé d’Emberménil. Messieurs, vous vous rappelez avec indignation les outrages faits au monarque par ceux qui, ayant surpris sa religion et compromis son autorité, voulaient faire régner sur les lois un prince qui ne vent régner que par les lois. Un despotisme constitutionnel voulait briser les ressorts du gouvernement, et anéantir les espérances de la nation. Les aristocrates espéraient consommer militairement leurs crimes; mais la force s’unit à la justice. Paris frémissant pensait à garantir la sûreté personnelle de ses mandataires. Le soldat français prouva que l’honneur est aussi son patriotisme, et qu’il ne pouvait être l'instrument des malheurs de ses frères. Hélas! s’il eût été animé des mêmes principes dans le temps des dissentions qui déchiraient, il y a deux siècles, le sein de la France, il eût épargné des larmes à l’humanité, et des gémissements à la postérité. Depuis l’ouverture des Etats, nous avons vécu au milieu des divisions, parce qu’on voulaitense-velir la raison sous les usages, et faire taire la justice devant l’orgueil. Nous avons vécu au milieu des vexations ..... vexations même de la part des subalternes des subalternes. On vous avait ravi la police de votre salle; des infidélités à la poste ont supprimé des envois qui devaient être remis, quel qu’en fût le contenu. On a voulu soumettre au compas de la censure les opérations de vos séances; en ce moment sont affichées, à l’entrée de cette salle, des prohibitions attentatoires à vos droits; vous avez trouvé sans cesse des intermédiaires entre le souverain et vous, tandis que vous devez travailler immédiatement avec celai à qui la nation a confié les rênes du gouvernement. Nous avons vécu au milieu des orages : qui n’a pas ouï parler des projets atroces suggérés par la fureur? C’est dans l’histoire du parlement Anglais, près d’être englouti sous les débris de son sanctuaire, qu'il faut aller chercher le modèle des attentats qu’on méditait, dit-on, contre vous ; et si les accusés n’ont pas projeté ces forfaits, au moins esl-il vrai qu’on les en a crus capables : il est des vices qui reconnaissent des bornes, mais la scélératesse les franchit toutes. Il ya donc, Messieurs, des êtres si vils qu’ils feraient rougir d’être homme, si dans cette Assemblée on nes’honorait de l’être 'H y adonc desêtres atroces qui ont l’oreille fermée à la pitié, et dont le cœur n’admet jamais les remords! 11 y a donc des perfides qui prétendent nous intimider, tandis qu’aux fureurs des pervers nous opposons tranquillement l’égide du courage, et que chacun de nous se ferait gloire d’èlre inscrit dans le martyrologe de la patrie! Jusqu’ici l’Etat, victime des déprédations dans tous les genres, n’offrait plus qu’une nation en proie à tous les maux ; le pauvre citoyen, le triste citoyen, arrosait ses fers de ses larmes, nos campagnes de ses sueurs, sans oser parler de ses droits; et l’Etat marchait à grands pas vers sa ruine. Et lorsque la France se réveille, lorsqu’après deux siècles, la famille se réunit sous les yeux d’un Roi chéri, lorsqu’un prince issu de nos Rois, vient s'asseoir au milieu de nous, et s’honorer de la qualité de citoyen; le despotisme agonisant fait un dernier effort, il lève son bras pour nous replonger dans l’avilissement et le malheur. Vainement ferait-on couler des fleuves de sang; la révolution s’achèvera. La raison étend son empire, elle resplendit de toutes parts; elle va consacrer les droits respectifs d’une nation idolâtre de son monarque, et d’un monarque qui dans l’amour de son peuple, trouvera son plus ferme appui. Ahl s’il fallait de nouveau nous courber sous le joug, il vaudrait mieux sans doute fuir avec un ministre chéri au sein de l’Helvétie ou vers les rivages de Boston, sur lesquels d’illustres chevaliers Français ont aidé à planter l’étendard de la liberté. Il est donc vrai que notre Roi est obsédé, trompé par ses ennemis et les nôtres; et qui trompe le Roi, disait Massillon, est aussi coupable que s’il voulait le détrôner. Notre devoir exige, Messieurs, que nous nous ralliions autour de lui pour le défendre et pour relever avec lui le temple de la patrie. Il y a longtemps, Messieurs, que le peuple est victime : bientôt on connaîtra les sacrificateurs. Les nommerai-je? Non. Leurs noms ne souilleront point ma bouche; mais je demande qu’un comité soit établi pour connaître et révéler tous les crimes ministériels, pour dénoncer à la France I les auteurs des maux qui affligent la patrie, pour