[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 mai 1790.] g{4 une marche dont l’Espagne nous a donné l’exemple dans toutes les occasions qui nous ont intéressées. « Le roi va employer tous les moyens qui dépendent de lui pour effectuer entre les cours de Madrid et de Londres un rapprochement qu’il désire avec ardeur. Sa Majesté connaît trop la justice et la modération du roi d’Espagne, pour n être pas persuadé qu’il se prêtera avec empressement a toutes les voies de conciliation qui seront compatibles avec la dignité et les véritables intérêts de sa couronne. Les dispositions qu’annonce la cour de Londres donnent une égale espérance que, de son côté, elle n’exigera rien qui ne soit conforme à la justice et aux convenances réciproques. « Le roi m’a ordonné de témoigner à Sa Majesté Britannique toute sa sensibilité à la communication amicale dont elle a chargé son ministre plénipotentiaire auprès de lui, et de lui donner les assurances lés plus fortes et les plus positives de .con extrême désir que la bonne harmonie entre les deux nations ne soit troublée ni dans cette occasion ni dans une autre. « Enfin, quelle que soit la confiance de Sa Majesté dans les efforts d’une grande nation qui ne souffrirait sûrement pas que les premiers moments de sa régénération fussent flétris par une conduite que l’honneur national désavouerait, elle est si frappée des malheurs de tout genre qu’entraînerait la guerre, qu’elle n’épargnera ni soin, ni démarche pour l’éviter. Ce serait avec une douleur inexprimable que le roi verrait la nation entraînée; et c’eslessentiellement pour éloigner d’elle un semblable malheur, que Sa Majesté croit devoir envoyer dans les ports les ordres dont j’ai eu l’honneur de vous donner connaissance au commencement de cette lettre. Les dispositions qui en sont l’objet exigeront nécessairement quelques secours extraordinaires pour le département de la marine. Sa Majesté est trop convaincue du patriotisme des représentants de la nation pour n’être pas assurée d’avauce dé leur empressement à décréter des secours, lorsque le tableau en aura été mis sous leurs yeux. « J’ai l’honneur d’être, etc. » « Signé : DE MONTMORIN. « 14 mai 1790. >< Quelques membres demandent la parole. M. le Président annonce qu’il y a déjà une liste. M. Charles de Larneth. Gomment est-il possible que la liste soit déjà formée? On ne sait pas quellé proposition pourra être faite, et l’on ne peut établir une liste que pour ou contre telle ou telle proposition. Si, avant même qu’un objet soit connu de l’Assemblée, on vient ici avec une opinion arrêtée; si, avant que cet objet soit connu, une liste est déjà formée, que devient la liberté des opinions? M. le comte de Crillon. Ce matin, vingt personnes sont venues demander qu'on les inscrivit pour l’ordre de la parole sur une lettre qui devait, pendant le cours de la séance, être remise au président. Cette forme est un usage constant de l’Assemblée. (On demande la lecture de la liste.) M. le comte de Mirabeau. Je ne comprends pas à quoi peut servir la lecture de cette liste] car la défaveur qu’une si singulière méthode doit jeter sur la liste faite ne doit pas influer sur la question de savoir si une autre liste sera substituée à celle qui existe. Il est singulier que cette Assemblée, qui s’est fait une règle de ne discuter aucune matière qui n’ait été annoncée, laisse une initiative si subite à une lettre ministérielle. Nous devons décider, pour l’avénir, que les messages du roi ne seront délibérés que le lendemain; mais comme cette loi n’est pas établie, et que le présent message est très important, je ne vois nul inconvénient à ce qu’on commence la discussion. Alors il faut que la parole se donne sur des demandes successives, et sur la décision volontaire et successive de M. le président. C’est le seul moyen de sortir de ce débat. M. de Cazalès. Ce message est d’une telle importance, qu’il n’y a pas d’inconvénient à l’ajourner. Cet ajournement sera très utile; parce que les membres qui n’étaient pas prévenus pourront diriger sur cet objet toutes leurs réflexions. M. de Lafayette. Pour que chacun de nous ait le temps de réfléchir sur cette importante lettre, je fais la motion d’ajourner la discussion à demain. M. le marquis dé Foucault. Il est étonnant qu’on élève de semblables difficultés. Je ne suis pas grand politique, et je sais cependant quatre jours d’avance les délibérations que prendra l’Assemblée. Je pense que la discussion doit commencer dès à présent. M. Ilewbell. Je prie M. le président de demander à M. de Foucault quelle délibération l’Assemblée prendra sur la discussion de l’objet intéressant qui va l’occuper : cette connaissance abrégera beaucoup la discussion. M. de Toulongeon. En appuyant le renvoi à demain, je pense qu’il est de la dignité de la nation que nous manifestions un assentiment subit aux mesures prises par le roi. (L’ajournement à demain est ordonné.) La séance est levée à deux heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du vendredi 14 mai 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. Kspic, député du Vivarais, donne lecture d’une délibération de la municipalité de la ville de Vernoüx portant que lecture ayant été faite d’un imprimé qui a pour titre : Délibération des citoyens catholiques de la ville de Nîmes,, en date du 20 avril dernier et adressée à la ville de Vèr-noux , la municipalité de Vernoux, loin d’adhérer à cette délibération, la désapprouve, comme contraire au respect dû à l’Assemblée nationale, et surprise par les ennemis de l’Etat et de la religion. M. Lucas, député de Moulins, fait lecture d’une (1) Cette séance est simplement mentionnée au Moniteur. K12 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 mai 1790.] délibération de la municipalité de Gannat qui annonce avoir fait prêter main-forte, par la maréchaussée et la garde nationale, à un receveur de la douane et des droits de taille, contre un certain nombre de routiers réunis en troupe qui refusaient de déclarer les marchandises dont iis étaient chargés et d’en acquitter les droits. L’Assemblée nationale arrête que son président écrira à la municipalité de Gannat pour lui témoigner sa satisfaction sur la conduite qu’elle a tenue. M. Chabrond, secrétaire, fait ensuite lecture des adresses suivantes : Adresse des citoyens du bourg de Chenebrun et de la communauté de Puy-l’Evêque, portant adhésion à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et le don patriotique du produit de l’imposition des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789. Adres-e de la ville d’Angoulême, contenant le procès-verbal de ce qui s’y est passé dans l’As-semblée générale des gardes nationales confédérées du département de Charente, ou province d’Angoumois, le 6 avril dernier. Adresse de l’assemblée primaire des rues du Bourg-neuf, et Gauterets de la ville de Bagnères, qui, considérant que c’est du sein des assemblées primaires que doit émaner le vœu individuel des Français sur ce qui intéresse la chose publique, a unanimement délibéré qu’elle adhère purement, simplement et sans réserve, à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et qu’elle maintiendra de tout son pouvoir la Constitution, qui assure à jamais le bonheur et la gloire de l’empire français. Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des nouvelles municipalités des communautés de Damas et Betteigney, département des Vosges, d’Iholdun en Basse-Navarre, et de la ville dePuy-l’Evéque. Adresses de la ville de Ventenac et de celle d’Embrun, contenant le procès-verbal du serment civique prêté par les gardes nationales de ces deux villes, en exécution de la proclamation du ïoi sur le décret de l’Assemblée du 16 mars dernier. Adresse des habitants de la ville d’Uzès, etc., qui demande la conservation de son siège épiscopal. Adresse des capitaines et officiers de la marine marchande du Havre, qui propose des établissements relatifs à l’instruction et à 1 encouragement des marias : l’Assemblée nationale a renvoyé cette adresse au comité de la marine. Adresse de M. de Hauteville, en Bas-Maine, qui demande la grâce d’un particulier qui a incendié ses titres. Il est d’abord proposé que M. le président se retirera vers le roi, pour faire part à Sa Majesté de la présente adresse; sur cette proposition, la question préalable est demandée ; l’Assemblée décrète qu’il y a lieu à délibérer. Il est ensuite décrété que M. le Président se retirera vers te roi pour lui présenter cette adressent la lui recommander. Adresse des maire et officiers municipaux d?Eaüse, contenant l’expression du véritable patriotisme; ils supplient l’Assemblée nationale de continuer ses glorieux travaux. Adresse de la commune de Marc, département du Nord, portant soumission et adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale. Adresse de plusieurs chanoines, curés et autres ecclésiastiques, contenant dénonciation de l’envoi qui a été fait au chapitre de Nuits, sous le sceau de l’Assemblée nationale, d’un imprimé ayant pour titre: Déclaration d’une partie de l’Assemblée nationale, etc. » ; ils en témoignent leur mécontentement, et sont tiès éloignés d’applaudir à cet ouvrage; déclarent qu’ils ont des sentimeuts absolument opposés à ceux des signataires, et qu’ils sont bien persuadés qu’on trouverait autant de confesseurs et de martyrs parmi ceux qui n’ont pas signé la susdite déclaration, que parmi ceux qui s’annoncent avec autant d’intérêt les défenseurs et les apologistes de la religion. Délibération du conseil général delà commune de Saint-Brieuc, qui déclare qu'elle proteste formellement contre la déclaration faite par des membres de l’Assemblée, qui ont souscrit clandestinement un acte opposé à tous les principes, insidieux dans son but, et dangereux dans ses conséquences ; fait des remerciements à l’Assemblée nationa'e de travailler sans relâche, de concert avec le meilleur des ruis, pour le bonheur des peuples et la prospérité de l’empire français, et déclare adhérer purement et simplement, sans restriction mentale, ni direction d’inleution, à tous les décrets de l’Assemblée nationale. Adresse des deux assemblées primaires de la ville de Pontoise, et des deux autres assemblées primaires du canton de ladite ville; c’est-à-dire quatorze paroisses portant adhésion formelle à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et notamment à ceux qui concernent l’administration, la vente des biens du clergé et l’abolition des dîmes. Celte adresse porte les signatures de près de trois mille citoyens, qui déclarent qu’ils regardent et regarderont comme ennemi de la nation, de la loi et du roi, quiconque aurait souscrit ou souscrirait aucune protestation ou déclaration contraire aux décrets acceptés ou sanctionnés par le roi. M. Bouche présente, de la part de MM. Brou-chier et Nicolas, ingénieurs et géographes de la ville d’Aix en Provence, un mémoire sur la formation d’nn terrier général. Ils y ont joint un calcul de toutes les mensurations, évaluations et montant du prix, ainsi que trois tableaux figuratifs, qui présentent sous un seul point de vue tous les résultats. L’Assemblée, satisfaite de cet aperçu, en envoie l’examen à son comité d’imposition. M. Payen-Boisneuf, député de Tours , demande un congé de quelque durée. M. le vicomte d’Ustou de Saint-iiichel, député de Comminges, écrit pour demander la permission de s’absenter pendant quelque temps. (Ces congés sont accordés.) M. Defermon, secrétaire , fait la lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. Broclieton demande la parole sur le. procès-verbal. Il observe que plusieurs députés peuvent être partis pour se trouver dans les assemblées primaires ou avoir été nommés électeurs, comme M. Lecarlier l’a été pour Ghaun� ; il propose de rappeler tous les députés parce qu’il n’est pas séant qu’ilis quittent leurs fonctions à l’Assemblée nationale pour paraître dans les assemblées primaires.