630 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE glaive de la loi. Catilina, insatiable de sang, s’est gorgé du sien propre et de celui de ses complices : le perfide et cruel triumvirat, au moment où il croyait tenir l’autorité souveraine, est tombé lui-même et n’a pressé de son poid méprisable que les cadavres immondes de ses hideux complices. C’est encore à votre prudence, la première des vertus; C’est encore à votre fermeté héroïque, Pères de la Montagne, que la Patrie doit son salut ! Vivez, continuez votre tâche peinible mais glorieuse ! continuez d’étonner le monde entier par vos vertus et par votre généreux dévouement au salut et au bonheur' de la République. Les juges composant le tribunal du 5e arrondissement viennent vous renouveller le serment qu’ils ont fait de mourir, s’il le faut, en vous deffendant : aucun ennemi ne marchera impunément, en leur présence, contre les dignes Représentans du Peuple français. S. et f. Michault Mention honorable, insertion au bulletin (l). [« Quelle qu’ait été la conduite de celui de vos Membres qu’il a été prudent d’arrêter, (a dit le Président de l’Assemblée à l’Orateur de la députation), la Convention croit que vous aimeriez mieux mourir que de rendre la justice au nom d’un tyran » (2)]. [Le président : C’est autour des représentans du peuple que les membres purs des autorités constituées doivent toujours se rallier dans les événe-mens critiques. La montagne est dans toute la convention, et toute la convention est la montagne. Elle voit avec plaisir votre empressement à lui porter l’expression de vos sentimens, et vous accorde les honneurs de la séance (3)]. Mention honorable, insertion au bulletin. Un membre [TALLIEN] dénonce le nommé Soisson, l’un des juges. TALLIEN : J’observe que, parmi les membres de ce tribunal, se trouve un citoyen qui, dans la nuit du 9 au 10, est resté aux Jacobins jusqu’à la fin de la séance, dans laquelle ils se sont déclarés en insurrection et ont correspondu avec la commune coupable, et partagé sa rébellion. L’ordre de l’arrêter vient d’être donné; j’espère que la Convention confirmera cette mesure. [Des applaudissements se font entendre]. Et ceci n’est point une conjecture; cet homme est convenu du fait, et s’est ainsi jugé lui-même. On demande le nom de cet individu. Un citoyen le nomme (4). [Nouvelles acclamations]. La Convention décrète ce qui suit : « La Convention nationale, sur la proposition d’un membre, décrète que le nommé Sois-11) Mention marginale non datée, signée A. DUMONT. 2) J. Paris, n° 576. 3) Débats, n° 678, 211; J. Mont., n° 94, 773; Bin, 11 therm. (4) Moniteur (réimpr.), XXI, 354; Débats, n°678, 211; J. Mont., n° 94, 773; F.S.P., n°390; M.U., XLIII, 185; C. Eg., n° 710; Rép., n°222; J. Fr., n° 674. J. Sablier (n° 1467) et J. Paris (n° 576) font un amalgame entre i’adresse ci-dessus et celle du trib. d’appel de la police du départ4 de Paris Cf. 11 therm. (soir), n° 3 - ; J. Perlet, n°675; C. Univ., n°941. son, juge à Paris, sera sur-le-champ mis en état d’arrestation, et conduit au comité de sûreté générale »(l) [Vifs applaudissements]. 15 Un autre membre observe qu’il est temps d’empêcher que les juges se fassent accompagner de gendarmes, quand ils se présentent dans le sanctuaire des lois. La Convention nationale rend le décret suivant : « La Convention nationale décrète qu’aucune autorité constituée ne pourra désormais se présenter à sa barre, accompagnée de gardes » (2). [Bréard s’est plaint de ce que des gendarmes accompagnoient toujours les tribunaux : il a demandé qu’ils vinssent seuls : leur bouclier doit être la confiance et l’amour du peuple (3)]. 16 Un membre observe qu’Auguis, l’un des adjoints du représentant du peuple Barras, a été omis dans le décret. « La Convention nationale, sur les observations d’un membre, décrète que le nom du citoyen Auguis, représentant du peuple, nommé, par le décret du 9 de ce mois, adjoint du représentant du peuple Barras, commandant-général de la force armée de Paris, et omis dans la minute de ce décret, y sera rétabli » (4). 17 Un membre propose un projet de décret tendant à la suspension des membres composant le tribunal-révolutionnaire; la discussion s’ouvre; dans les débats plusieurs propositions se succèdent; le renvoi aux comités de salut public, de sûreté générale et de législation, obtient la priorité, et est à l’instant décrété (5). *** : J’observe qu’il serait possible que plusieurs fonctionnaires publics à l’exemple de celui qui vient d’être arrêté, eussent partagé la rébellion de la commune; en conséquence, je demande que tout fonctionnaire public soit tenu de déclarer où il était dans la nuit du 9 au 10. (l) P.V., XLII, 250. Minute anonyme. Décret n° 10 161. Bm, 11 therm. Mentionné par Audit, nat., n°674; Ann. pair., n° DLXXV. (2) P.V., XLIII, 250. Minute de la main de Bréard. Décret n° 10 160. Reproduit dans Bin, 11 therm.; F.S.P., n°390; Ann. patr., n° DLXXV; C. Eg., n°710; J. Perlet, n° 675. (3) J.S. Culottes, n° 530 ; Rép., n°222; J. Fr., n°674; J. Sablier, n° 1467 ; Audit, nat., n° 674; Mess. Soir, n° 709. (4) P.V., XLII, 250. Minute de la main de Monnel. Décret n° 10 163. (5) P.V., XLII, 251. Minute de la main de Tallien. Décret n° 10 164. 630 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE glaive de la loi. Catilina, insatiable de sang, s’est gorgé du sien propre et de celui de ses complices : le perfide et cruel triumvirat, au moment où il croyait tenir l’autorité souveraine, est tombé lui-même et n’a pressé de son poid méprisable que les cadavres immondes de ses hideux complices. C’est encore à votre prudence, la première des vertus; C’est encore à votre fermeté héroïque, Pères de la Montagne, que la Patrie doit son salut ! Vivez, continuez votre tâche peinible mais glorieuse ! continuez d’étonner le monde entier par vos vertus et par votre généreux dévouement au salut et au bonheur' de la République. Les juges composant le tribunal du 5e arrondissement viennent vous renouveller le serment qu’ils ont fait de mourir, s’il le faut, en vous deffendant : aucun ennemi ne marchera impunément, en leur présence, contre les dignes Représentans du Peuple français. S. et f. Michault Mention honorable, insertion au bulletin (l). [« Quelle qu’ait été la conduite de celui de vos Membres qu’il a été prudent d’arrêter, (a dit le Président de l’Assemblée à l’Orateur de la députation), la Convention croit que vous aimeriez mieux mourir que de rendre la justice au nom d’un tyran » (2)]. [Le président : C’est autour des représentans du peuple que les membres purs des autorités constituées doivent toujours se rallier dans les événe-mens critiques. La montagne est dans toute la convention, et toute la convention est la montagne. Elle voit avec plaisir votre empressement à lui porter l’expression de vos sentimens, et vous accorde les honneurs de la séance (3)]. Mention honorable, insertion au bulletin. Un membre [TALLIEN] dénonce le nommé Soisson, l’un des juges. TALLIEN : J’observe que, parmi les membres de ce tribunal, se trouve un citoyen qui, dans la nuit du 9 au 10, est resté aux Jacobins jusqu’à la fin de la séance, dans laquelle ils se sont déclarés en insurrection et ont correspondu avec la commune coupable, et partagé sa rébellion. L’ordre de l’arrêter vient d’être donné; j’espère que la Convention confirmera cette mesure. [Des applaudissements se font entendre]. Et ceci n’est point une conjecture; cet homme est convenu du fait, et s’est ainsi jugé lui-même. On demande le nom de cet individu. Un citoyen le nomme (4). [Nouvelles acclamations]. La Convention décrète ce qui suit : « La Convention nationale, sur la proposition d’un membre, décrète que le nommé Sois-11) Mention marginale non datée, signée A. DUMONT. 2) J. Paris, n° 576. 3) Débats, n° 678, 211; J. Mont., n° 94, 773; Bin, 11 therm. (4) Moniteur (réimpr.), XXI, 354; Débats, n°678, 211; J. Mont., n° 94, 773; F.S.P., n°390; M.U., XLIII, 185; C. Eg., n° 710; Rép., n°222; J. Fr., n° 674. J. Sablier (n° 1467) et J. Paris (n° 576) font un amalgame entre i’adresse ci-dessus et celle du trib. d’appel de la police du départ4 de Paris Cf. 11 therm. (soir), n° 3 - ; J. Perlet, n°675; C. Univ., n°941. son, juge à Paris, sera sur-le-champ mis en état d’arrestation, et conduit au comité de sûreté générale »(l) [Vifs applaudissements]. 15 Un autre membre observe qu’il est temps d’empêcher que les juges se fassent accompagner de gendarmes, quand ils se présentent dans le sanctuaire des lois. La Convention nationale rend le décret suivant : « La Convention nationale décrète qu’aucune autorité constituée ne pourra désormais se présenter à sa barre, accompagnée de gardes » (2). [Bréard s’est plaint de ce que des gendarmes accompagnoient toujours les tribunaux : il a demandé qu’ils vinssent seuls : leur bouclier doit être la confiance et l’amour du peuple (3)]. 16 Un membre observe qu’Auguis, l’un des adjoints du représentant du peuple Barras, a été omis dans le décret. « La Convention nationale, sur les observations d’un membre, décrète que le nom du citoyen Auguis, représentant du peuple, nommé, par le décret du 9 de ce mois, adjoint du représentant du peuple Barras, commandant-général de la force armée de Paris, et omis dans la minute de ce décret, y sera rétabli » (4). 17 Un membre propose un projet de décret tendant à la suspension des membres composant le tribunal-révolutionnaire; la discussion s’ouvre; dans les débats plusieurs propositions se succèdent; le renvoi aux comités de salut public, de sûreté générale et de législation, obtient la priorité, et est à l’instant décrété (5). *** : J’observe qu’il serait possible que plusieurs fonctionnaires publics à l’exemple de celui qui vient d’être arrêté, eussent partagé la rébellion de la commune; en conséquence, je demande que tout fonctionnaire public soit tenu de déclarer où il était dans la nuit du 9 au 10. (l) P.V., XLII, 250. Minute anonyme. Décret n° 10 161. Bm, 11 therm. Mentionné par Audit, nat., n°674; Ann. pair., n° DLXXV. (2) P.V., XLIII, 250. Minute de la main de Bréard. Décret n° 10 160. Reproduit dans Bin, 11 therm.; F.S.P., n°390; Ann. patr., n° DLXXV; C. Eg., n°710; J. Perlet, n° 675. (3) J.S. Culottes, n° 530 ; Rép., n°222; J. Fr., n°674; J. Sablier, n° 1467 ; Audit, nat., n° 674; Mess. Soir, n° 709. (4) P.V., XLII, 250. Minute de la main de Monnel. Décret n° 10 163. (5) P.V., XLII, 251. Minute de la main de Tallien. Décret n° 10 164. SÉANCE DU 11 THERMIDOR AN II (MATIN) (29 JUILLET 1794) - N" 18 631 Cette motion n’est point appuyée (l) [BAYLE : Des fonctionnaires publics, autres que ceux de la municipalité, ont participé à la conspiration; je demande qu’ils soient mis hors de la loi. Thuriot observe que cette proposition est trop générale, qu’il faut d’abord examiner et que les coupables seront punis. ELIE LACOSTE confirme l’annonce faite par Bayle (2)]. ELIE LACOSTE, au nom du comité de sûreté générale : Citoyens, je déclare à la Convention qu’il résulte de différents renseignements reçus par le comité qu’un grand nombre de fonctionnaires publics ont partagé la rébellion de la commune; je propose de les mettre hors la loi. (On applaudit). : Citoyens, ce serait donner trop de latitude à la mesure que de la généraliser ainsi; je demande que les individus mis hors de la loi soient nommés dans le décret. ELIE LACOSTE : Je n’ai pas eu l’intention de généraliser la mesure. Le comité n’a voulu frapper que les individus coupables; je n’insiste donc point sur ma première proposition. Citoyens, un autre objet doit attirer toute votre attention : une partie des juges et des jurés du tribunal révolutionnaire étaient à la dévotion de Robespierre; il est donc essentiel de l’épurer; je propose à la Convention de supprimer ce tribunal composé comme il l’est, et de créer une commission provisoire qui en remplisse les fonctions. THURIOT : Citoyens, nous sommes tous d’accord sur les principes, et nous ne différons que sur l’application de la loi; sans doute ils sont doublement coupables ces magistrats rebelles, qui, chargés du dépôt sacré des lois et de leur exécution, ont abandonné lâchement le poste important où les appelait la patrie en danger, pour s’enrôler sous la bannière de la rébellion. Mais, si la loi est sévère, elle est juste. Citoyens, il faut d’abord constater les faits, entendre les témoins oculaires et reconnaître les signatures. Il se pourrait, par exemple, que, lorsqu’on a sonné le tocsin, quand on a convoqué la réunion des Jacobins, des hommes purs, je dirai plus, des hommes pour qui l’amour de la patrie est un besoin, se fussent présentés à la commune, aux Jacobins, pour s’informer du motif de la réunion, et qu’éclairés sur la scélératesse des meneurs de l’insurrection ils se fussent retirés indignés. Assurément votre intention, citoyens, ne peut être de confondre de pareils hommes avec les traîtres dont vous voulez purger la société. Au reste, les deux comités, investis par nous de tous les pouvoirs utiles, sont en mesure ; ils feront arrêter tous ceux qui leur seront (l) Mon., XXI, 354; Débats, n° 678, 211; J. Mont., n° 94, 773. (2) J. Fr., n° 673; Mess. Soir, n° 709; Rép., n° 222; C. Eg., n°710; M.U., XLII, 185-186; Ann. R.F., Suite du n°240; F.S.P., n°390; J. Sablier, n° 1467 ; Audit, nat., n°674; J. Perlet, n°675; Ann. patr., n°DLXXV; C. univ., n° 941 ; J. Paris, n° 576. Si le nom de Moïse Bayle est cité par toutes les gazettes, celui de Thuriot n’est avancé que par Ann. R.F., J. Fr. et J. Sablier, les autres se contentant de mentionner « un membre ». Selon Audit, nat., Mess. Soir (n° 710), Rép., C. univ., et Ann. R.F., André Dumont aurait profité de ce débat sur les fonctionnaires publics pour lancer des accusations contre Hermann. désignés comme ayant participé à la rébellion; ils y sont autorisés : cela doit vous suffire. Prenez-y garde, citoyens, les intrigants sont là; ils ont des vengeances à exercer; veillez à ce qu’ils ne dirigent le glaive de la loi; que vos comités s’entourent de faits, qu’ils prennent des mesures, qu’ils vous les présentent; si elles sont sages, vous les approuverez. Quant à ce que l’on vous a dit du tribunal révolutionnaire, Robespierre avait senti de quelle importance il était pour lui de s’attacher les jurés de ce tribunal; aussi l’avait-il peuplé de ses créatures; et lorsque sa sainteté, car c’est ainsi que l’appelaient ses partisans, quand ce roi catholique, ou plutôt sacrilège, avait indiqué l’individu, le juré prononçait, et le jugement s’exécutait. (Mouvement d’indignation). Je demande que désormais les jurés soient appelés de tous les départements de la république et choisis parmi ces hommes qui font honneur à la République, et non parmi les intrigants hypocritement patriotes, comme cet homme si petit, qui voulait être si grand, et qui, s’il eût pu, aurait déplacé l’Eternel pour se mettre à sa place. (On rit et on applaudit) (l). - *"(2) J’annonce à l’assemblée que les commissions populaires établies à Lyon et à Nîmes ne sont composées que de créatures de Robespierre. C’est l’infâme Payan qui en a présenté la liste à ce tyran. Je demande que ces commissions soient suspendues de leurs fonctions. [Oui, oui ! s’écrient plusieurs membres). L’assassinat est à l’ordre du jour dans le midi de la France, tous les juges de cette contrée ont pris les instructions de Robespierre pour immoler les jpatriotes. BREARD : La Convention nationale ne doit pas, dans ce moment, se borner à une mesure particulière; elle doit prendre des mesures générales; elle doit empêcher que les hommes qui appartenaient au tyran que vous venez d’abattre ne profitent des courts instants qui leur restent pour anéantir les patriotes. Il faut que les opérations du tribunal révolutionnaire soient suspendues, et qu’un jury patriote soit choisi par toutes les députations qui composent la Convention; il faut que les commissions populaires, ouvrage de l’infâme Robespierre, soient anéanties, et que leurs jugements soient révisés. Je demande que la Convention décrète cette proposition, et renvoie son exécution à ses deux comités réunis.� MALLARME : Nous venons d’apprendre de grandes vérités; chaque jour nous en dévoilera de nouvelles. Citoyens, prenez le calme qui convient à une grande assemblée ; que vos décrets soient le résultat de la sagesse et de la froide raison; considérez que l’aristocratie veille aux portes de la Convention, qu’elle a les yeux fixés sur vous, et qu’elle profitera du premier mouvement inconsidéré pour anéantir la liberté. Nous avons recouvré la liberté de nos opinions, j’en profite pour demander qu’on ne suspende pas précipitamment le tribunal révolutionnaire. (On murmure). Je veux dire que, si vous vous déterminez à suspendre le tribunal révolutionnaire, (1) Mon., XXI, 354-355; Débats, n° 678, 212-212; J. Mont., n° 94, 773-774. (2) Boisset, d’après J. Fr., n° 673, Ann. R.F., Suite du n°240; Mess. Soir, n°710; C. univ., n°941. SÉANCE DU 11 THERMIDOR AN II (MATIN) (29 JUILLET 1794) - N" 18 631 Cette motion n’est point appuyée (l) [BAYLE : Des fonctionnaires publics, autres que ceux de la municipalité, ont participé à la conspiration; je demande qu’ils soient mis hors de la loi. Thuriot observe que cette proposition est trop générale, qu’il faut d’abord examiner et que les coupables seront punis. ELIE LACOSTE confirme l’annonce faite par Bayle (2)]. ELIE LACOSTE, au nom du comité de sûreté générale : Citoyens, je déclare à la Convention qu’il résulte de différents renseignements reçus par le comité qu’un grand nombre de fonctionnaires publics ont partagé la rébellion de la commune; je propose de les mettre hors la loi. (On applaudit). : Citoyens, ce serait donner trop de latitude à la mesure que de la généraliser ainsi; je demande que les individus mis hors de la loi soient nommés dans le décret. ELIE LACOSTE : Je n’ai pas eu l’intention de généraliser la mesure. Le comité n’a voulu frapper que les individus coupables; je n’insiste donc point sur ma première proposition. Citoyens, un autre objet doit attirer toute votre attention : une partie des juges et des jurés du tribunal révolutionnaire étaient à la dévotion de Robespierre; il est donc essentiel de l’épurer; je propose à la Convention de supprimer ce tribunal composé comme il l’est, et de créer une commission provisoire qui en remplisse les fonctions. THURIOT : Citoyens, nous sommes tous d’accord sur les principes, et nous ne différons que sur l’application de la loi; sans doute ils sont doublement coupables ces magistrats rebelles, qui, chargés du dépôt sacré des lois et de leur exécution, ont abandonné lâchement le poste important où les appelait la patrie en danger, pour s’enrôler sous la bannière de la rébellion. Mais, si la loi est sévère, elle est juste. Citoyens, il faut d’abord constater les faits, entendre les témoins oculaires et reconnaître les signatures. Il se pourrait, par exemple, que, lorsqu’on a sonné le tocsin, quand on a convoqué la réunion des Jacobins, des hommes purs, je dirai plus, des hommes pour qui l’amour de la patrie est un besoin, se fussent présentés à la commune, aux Jacobins, pour s’informer du motif de la réunion, et qu’éclairés sur la scélératesse des meneurs de l’insurrection ils se fussent retirés indignés. Assurément votre intention, citoyens, ne peut être de confondre de pareils hommes avec les traîtres dont vous voulez purger la société. Au reste, les deux comités, investis par nous de tous les pouvoirs utiles, sont en mesure ; ils feront arrêter tous ceux qui leur seront (l) Mon., XXI, 354; Débats, n° 678, 211; J. Mont., n° 94, 773. (2) J. Fr., n° 673; Mess. Soir, n° 709; Rép., n° 222; C. Eg., n°710; M.U., XLII, 185-186; Ann. R.F., Suite du n°240; F.S.P., n°390; J. Sablier, n° 1467 ; Audit, nat., n°674; J. Perlet, n°675; Ann. patr., n°DLXXV; C. univ., n° 941 ; J. Paris, n° 576. Si le nom de Moïse Bayle est cité par toutes les gazettes, celui de Thuriot n’est avancé que par Ann. R.F., J. Fr. et J. Sablier, les autres se contentant de mentionner « un membre ». Selon Audit, nat., Mess. Soir (n° 710), Rép., C. univ., et Ann. R.F., André Dumont aurait profité de ce débat sur les fonctionnaires publics pour lancer des accusations contre Hermann. désignés comme ayant participé à la rébellion; ils y sont autorisés : cela doit vous suffire. Prenez-y garde, citoyens, les intrigants sont là; ils ont des vengeances à exercer; veillez à ce qu’ils ne dirigent le glaive de la loi; que vos comités s’entourent de faits, qu’ils prennent des mesures, qu’ils vous les présentent; si elles sont sages, vous les approuverez. Quant à ce que l’on vous a dit du tribunal révolutionnaire, Robespierre avait senti de quelle importance il était pour lui de s’attacher les jurés de ce tribunal; aussi l’avait-il peuplé de ses créatures; et lorsque sa sainteté, car c’est ainsi que l’appelaient ses partisans, quand ce roi catholique, ou plutôt sacrilège, avait indiqué l’individu, le juré prononçait, et le jugement s’exécutait. (Mouvement d’indignation). Je demande que désormais les jurés soient appelés de tous les départements de la république et choisis parmi ces hommes qui font honneur à la République, et non parmi les intrigants hypocritement patriotes, comme cet homme si petit, qui voulait être si grand, et qui, s’il eût pu, aurait déplacé l’Eternel pour se mettre à sa place. (On rit et on applaudit) (l). - *"(2) J’annonce à l’assemblée que les commissions populaires établies à Lyon et à Nîmes ne sont composées que de créatures de Robespierre. C’est l’infâme Payan qui en a présenté la liste à ce tyran. Je demande que ces commissions soient suspendues de leurs fonctions. [Oui, oui ! s’écrient plusieurs membres). L’assassinat est à l’ordre du jour dans le midi de la France, tous les juges de cette contrée ont pris les instructions de Robespierre pour immoler les jpatriotes. BREARD : La Convention nationale ne doit pas, dans ce moment, se borner à une mesure particulière; elle doit prendre des mesures générales; elle doit empêcher que les hommes qui appartenaient au tyran que vous venez d’abattre ne profitent des courts instants qui leur restent pour anéantir les patriotes. Il faut que les opérations du tribunal révolutionnaire soient suspendues, et qu’un jury patriote soit choisi par toutes les députations qui composent la Convention; il faut que les commissions populaires, ouvrage de l’infâme Robespierre, soient anéanties, et que leurs jugements soient révisés. Je demande que la Convention décrète cette proposition, et renvoie son exécution à ses deux comités réunis.� MALLARME : Nous venons d’apprendre de grandes vérités; chaque jour nous en dévoilera de nouvelles. Citoyens, prenez le calme qui convient à une grande assemblée ; que vos décrets soient le résultat de la sagesse et de la froide raison; considérez que l’aristocratie veille aux portes de la Convention, qu’elle a les yeux fixés sur vous, et qu’elle profitera du premier mouvement inconsidéré pour anéantir la liberté. Nous avons recouvré la liberté de nos opinions, j’en profite pour demander qu’on ne suspende pas précipitamment le tribunal révolutionnaire. (On murmure). Je veux dire que, si vous vous déterminez à suspendre le tribunal révolutionnaire, (1) Mon., XXI, 354-355; Débats, n° 678, 212-212; J. Mont., n° 94, 773-774. (2) Boisset, d’après J. Fr., n° 673, Ann. R.F., Suite du n°240; Mess. Soir, n°710; C. univ., n°941. 632 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE vous devez décréter en même temps qu’une commission provisoire remplacera sur-le-champ le jury révolutionnaire; car si vous chargez les différentes députations de présenter au comité de salut public la liste des jurés pris dans tous les départements, vous sentez que le temps considérable que cette opération entraînerait serait très-préjudiciable à la chose publique. Je demande que les comités réunis de salut public et de sûreté générale soient chargés de présenter à la Convention l’organisation d’une commission qui remplacera momentanément le tribunal et le jury révolutionnaires. TURREAU : Il est d’autant plus nécessaire de suspendre sur-le-champ les opérations du tribunal révolutionnaire, que Catalina-Robespierre scellait de son approbation les listes que lui présentaient les jurés. (Mouvement d’indignation). ELIE LACOSTE : Il n’est pas possible que la Convention nationale puisse hésiter un instant sur la suspension de ce tribunal. - (Aux voix la suspension !). La suspension est décrétée au milieu des plus vifs applaudissements. FAYAU : Il me semble que le président vient de mettre aux voix la suspension du tribunal révolutionnaire. Cette proposition est dangereuse, elle... Plusieurs voix : Lacoste n’a pas fini ! ELIE LACOSTE : Vous venez de rendre un décret qui sauve la patrie; les membres du tribunal révolutionnaire, frappés par l’opinion publique, ne pouvaient plus faire le bien. Je demande que la Convention nationale décrète qu’une commission provisoire le remplacera. Cette proposition est adoptée. On demande que les comités réunis présentent, séance tenante, la liste des citoyens qui doivent composer cette commission. L’assemblée adopte cette proposition. TURREAU : Je demande que cette commission porte le nom de tribunal révolutionnaire provisoire. Cette proposition est décrétée (l). TALLIEN : Citoyens, je partage avec vous l’opinion que vous venez d’émettre sur le tribunal révolutionnaire; vous l’avez supprimé; vous le deviez à votre conscience, à votre devoir, au peuple qui le demandait. On a fait la proposition de supprimer les commissions populaires existantes dans toutes les parties de la République; je crois que la Convention ne doit rien précipiter à cet égard. Citoyens, je répète ce que je disais hier : L’aristocratie veille et nous épie; gardons-nous des mesures inconsidérées. Citoyens, si vous n’aviez pas supprimé le tribunal révolutionnaire, et que vous eussiez besoin de faits nouveaux pour vous affermir dans cette idée, je vous lirais une lettre que je viens de recevoir; vous y verriez que des hommes, sans être détenus, s’introduisaient auprès des prisonniers, dressaient des listes des proscription qu’ils faisaient passer à Robespierre, et que celui-ci, après les avoir approuvées, les envoyait aux jurés du tribunal révolutionnaire. (1) Mon., XXI, 354-355; J. Débats, n° 678, 212-214; J. Mont., n° 94, 774-775. Mess. Soir (n° 710) précise qu’au cours de la discussion sur le tribunal révolutionnaire, « Treilhard, Monestier et d’autres membres proposent des articles [du décret] ». Citoyens, tous les conjurés ne sont pas encore frappés; il existe des hommes qui parlent aujourd’hui contre Robespierre, qui, il y a quelques jours, étaient ses plus chauds partisans : on vient aujourd’hui vous dire à la barre que Robespierre était un scélérat, et il y a quelques jours les mêmes hommes l’appelaient vertueux; mais c’est assez longtemps nous occuper de scélérats; occupons-nous des grands intérêts de la patrie. Je demande en ce moment le renvoi au comité de salut public. Les patriotes étaient sous le couteau, ils sont sortis de cette oppression, nous leur devons protection ; mais nous devons aussi veiller les aristocrates, nous devons poursuivre les ennemis de la république avec énergie et sans relâche. Pour cela il faut de l’ensemble dans le gouvernement; il faut que tout se tienne enchaîné et marche du concert. C’est maintenant que nous sentons le bonheur de notre situation. Maintenant nous pouvons nous expliquer librement; il y a quatre jours nous ne le pouvions pas. (Vifs applaudissements); Consacrons cette liberté par un digne usage. Haine aux fripons, aux scélérats, aux complices du tyran, aux satellites de Robespierre; mais amitié, fraternité pour les bons citoyens. (Nouveaux applaudissements). Il y aura sans doute un rapport de vos comités sur un autre objet. Je veux parler de l’épuration des commissions exécutives : on sait qu’elles n’ont pas été exemptes de l’influence liberticide des conspirateurs; ainsi on avait mis à la tête de l’instruction publique un jeune homme de dix-neuf ans, un jeune homme que son âge appelle à la défense de la patrie aux frontières. On ne s’est pas contenté de cela; on a envoyé ce jeune homme dans un département du Midi. Là il a exercé un pouvoir révoltant : il a fait couler le sang pour s’applaudir ensuite de ses actes arbitraires auprès de Robespierre et lui envoyer la liste de ses victimes. A dix-neuf ans, chargé de l’instruction publique ! un jeune homme de dix-neuf ans diriger l’instruction d’un grand peuple ! cela se peut-il concevoir ? Je demande si cela ne révolte pas et n’accuse pas l’auteur d’un pareil choix ! Il sera donc nécessaire de purger ces commissions, et il en devra être de même des tribunaux. Vous les avez vus paraître successivement pour applaudir au triomphe de la liberté et au salut de la représentation nationale et de la république; mais dans toutes les bouches ces félicitations ne sont pas également sincères. On a pu remarquer ces hommes qui, sous le manteau, avaient la physionomie et l’empreinte de l’aristocratie. Tous ceux qui ne sont pas attachés de cœur à la république, qui n’est que l’égalité entre les citoyens; tous ceux qui rampaient lâchement sous Robespierre sont indignes de régir des républicains. Certes tout cela exige une réforme, et désormais, sous le régime de la liberté, un jeune homme de dix-neuf ans ne sera point à la tête de l’instruction publique. (On applaudit). CARRIER : Je demande la parole pour un fait sur ce jeune homme; je ne puis me taire sur les crimes qu’il a manqué de faire commettre à mon égard. JULLIEN (de la Drôme) : Je demande la parole; c’est de mon fils qu’il s’agit... CARRIER : Ce jeune homme avait été dans le Morbihan. A l’approche des brigands, les partisans du fanatisme se levèrent; ils se formait déjà un rassemblement de trois à quatre mille hommes; je 632 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE vous devez décréter en même temps qu’une commission provisoire remplacera sur-le-champ le jury révolutionnaire; car si vous chargez les différentes députations de présenter au comité de salut public la liste des jurés pris dans tous les départements, vous sentez que le temps considérable que cette opération entraînerait serait très-préjudiciable à la chose publique. Je demande que les comités réunis de salut public et de sûreté générale soient chargés de présenter à la Convention l’organisation d’une commission qui remplacera momentanément le tribunal et le jury révolutionnaires. TURREAU : Il est d’autant plus nécessaire de suspendre sur-le-champ les opérations du tribunal révolutionnaire, que Catalina-Robespierre scellait de son approbation les listes que lui présentaient les jurés. (Mouvement d’indignation). ELIE LACOSTE : Il n’est pas possible que la Convention nationale puisse hésiter un instant sur la suspension de ce tribunal. - (Aux voix la suspension !). La suspension est décrétée au milieu des plus vifs applaudissements. FAYAU : Il me semble que le président vient de mettre aux voix la suspension du tribunal révolutionnaire. Cette proposition est dangereuse, elle... Plusieurs voix : Lacoste n’a pas fini ! ELIE LACOSTE : Vous venez de rendre un décret qui sauve la patrie; les membres du tribunal révolutionnaire, frappés par l’opinion publique, ne pouvaient plus faire le bien. Je demande que la Convention nationale décrète qu’une commission provisoire le remplacera. Cette proposition est adoptée. On demande que les comités réunis présentent, séance tenante, la liste des citoyens qui doivent composer cette commission. L’assemblée adopte cette proposition. TURREAU : Je demande que cette commission porte le nom de tribunal révolutionnaire provisoire. Cette proposition est décrétée (l). TALLIEN : Citoyens, je partage avec vous l’opinion que vous venez d’émettre sur le tribunal révolutionnaire; vous l’avez supprimé; vous le deviez à votre conscience, à votre devoir, au peuple qui le demandait. On a fait la proposition de supprimer les commissions populaires existantes dans toutes les parties de la République; je crois que la Convention ne doit rien précipiter à cet égard. Citoyens, je répète ce que je disais hier : L’aristocratie veille et nous épie; gardons-nous des mesures inconsidérées. Citoyens, si vous n’aviez pas supprimé le tribunal révolutionnaire, et que vous eussiez besoin de faits nouveaux pour vous affermir dans cette idée, je vous lirais une lettre que je viens de recevoir; vous y verriez que des hommes, sans être détenus, s’introduisaient auprès des prisonniers, dressaient des listes des proscription qu’ils faisaient passer à Robespierre, et que celui-ci, après les avoir approuvées, les envoyait aux jurés du tribunal révolutionnaire. (1) Mon., XXI, 354-355; J. Débats, n° 678, 212-214; J. Mont., n° 94, 774-775. Mess. Soir (n° 710) précise qu’au cours de la discussion sur le tribunal révolutionnaire, « Treilhard, Monestier et d’autres membres proposent des articles [du décret] ». Citoyens, tous les conjurés ne sont pas encore frappés; il existe des hommes qui parlent aujourd’hui contre Robespierre, qui, il y a quelques jours, étaient ses plus chauds partisans : on vient aujourd’hui vous dire à la barre que Robespierre était un scélérat, et il y a quelques jours les mêmes hommes l’appelaient vertueux; mais c’est assez longtemps nous occuper de scélérats; occupons-nous des grands intérêts de la patrie. Je demande en ce moment le renvoi au comité de salut public. Les patriotes étaient sous le couteau, ils sont sortis de cette oppression, nous leur devons protection ; mais nous devons aussi veiller les aristocrates, nous devons poursuivre les ennemis de la république avec énergie et sans relâche. Pour cela il faut de l’ensemble dans le gouvernement; il faut que tout se tienne enchaîné et marche du concert. C’est maintenant que nous sentons le bonheur de notre situation. Maintenant nous pouvons nous expliquer librement; il y a quatre jours nous ne le pouvions pas. (Vifs applaudissements); Consacrons cette liberté par un digne usage. Haine aux fripons, aux scélérats, aux complices du tyran, aux satellites de Robespierre; mais amitié, fraternité pour les bons citoyens. (Nouveaux applaudissements). Il y aura sans doute un rapport de vos comités sur un autre objet. Je veux parler de l’épuration des commissions exécutives : on sait qu’elles n’ont pas été exemptes de l’influence liberticide des conspirateurs; ainsi on avait mis à la tête de l’instruction publique un jeune homme de dix-neuf ans, un jeune homme que son âge appelle à la défense de la patrie aux frontières. On ne s’est pas contenté de cela; on a envoyé ce jeune homme dans un département du Midi. Là il a exercé un pouvoir révoltant : il a fait couler le sang pour s’applaudir ensuite de ses actes arbitraires auprès de Robespierre et lui envoyer la liste de ses victimes. A dix-neuf ans, chargé de l’instruction publique ! un jeune homme de dix-neuf ans diriger l’instruction d’un grand peuple ! cela se peut-il concevoir ? Je demande si cela ne révolte pas et n’accuse pas l’auteur d’un pareil choix ! Il sera donc nécessaire de purger ces commissions, et il en devra être de même des tribunaux. Vous les avez vus paraître successivement pour applaudir au triomphe de la liberté et au salut de la représentation nationale et de la république; mais dans toutes les bouches ces félicitations ne sont pas également sincères. On a pu remarquer ces hommes qui, sous le manteau, avaient la physionomie et l’empreinte de l’aristocratie. Tous ceux qui ne sont pas attachés de cœur à la république, qui n’est que l’égalité entre les citoyens; tous ceux qui rampaient lâchement sous Robespierre sont indignes de régir des républicains. Certes tout cela exige une réforme, et désormais, sous le régime de la liberté, un jeune homme de dix-neuf ans ne sera point à la tête de l’instruction publique. (On applaudit). CARRIER : Je demande la parole pour un fait sur ce jeune homme; je ne puis me taire sur les crimes qu’il a manqué de faire commettre à mon égard. JULLIEN (de la Drôme) : Je demande la parole; c’est de mon fils qu’il s’agit... CARRIER : Ce jeune homme avait été dans le Morbihan. A l’approche des brigands, les partisans du fanatisme se levèrent; ils se formait déjà un rassemblement de trois à quatre mille hommes; je SÉANCE DU 11 THERMIDOR AN II (MATIN) (29 JUILLET 1794) - N" 20 633 donnai ordre de le dissiper par la force ; eh bien, ce jeune homme a voulu instruire criminellement contre ceux qui avaient exécuté cet ordre; il avait écrit contre moi à Robespierre sur ce sujet, et j’étais sur la liste de proscription. (On interrompt Carrier). Plusieurs voix : Il ne s’agit point ici d’objets particuliers. JULLIEN (de la Drôme): Je vous demande d’écouter avec bonté un malheureux père. Mon fils n’a pas vingt ans, à la vérité; mais cela seul n’est pas un crime; j’espère que, du reste, vous ne préjugerez rien, que vous voudrez l’entendre lui-même. TURREAU : Je demande qu’on ne parle que de la république. (On applaudit). JULLIEN : Vous avez mis fin à la tyrannie qui régnait par la terreur; ce n’est plus la terreur qui règne, c’est la justice. Eh bien, au nom de la justice, vous ne refuserez pas d’entendre un malheureux père. Je déclare que ni moi ni mon fils n’avons jamais demandé cette place... L'ordre du jour! s’écrie-t-on de toutes parts, l’ordre du jour ! point d’affaires personnelles ! La Convention passe à l’ordre du jour(l). BILLAUD-VARENNE : J’arrive à la séance, j’ignore quelle marche a prise la discussion; mais j’apprends que la Convention a suspendu les. membres du tribunal révolutionnaire, et à cet égard j’observe que, quoiqu’en grande partie ce tribunal soit composé d’hommes nommés par Robespierre pour parvenir à son but, cependant il y a des hommes purs... Plusieurs voix : On le sait, on les renommera. BILLAUD : J’entends dire qu’ils ne sont que suspendus ; mais on ignore donc qu’au moment où je parle la horde infâme qui a conspiré est au pied de ce tribunal; si le projet des monstres eût été exécuté dans toute sa latitude, il y eût eu hier soixante mille citoyens égorgés; vous connaîtrez cet horrible complot par un rapport qui vous sera fait. Il faut donc que les infâmes complices de Robespierre soient frappés. Déjà plusieurs l’ont accompagné à l’échafaud, les autres ne doivent point tarder à le suivre. Ils sont prêts à être jugés; nous avons mis des hommes purs pour composer le tribunal devant lequel ils vont comparaître; je demande le rapport du décret. Plusieurs voix : Non, non ! BILLAUD : Il paraît qu’on n’a pas bien saisi mon objet; quand j’ai demandé le rapport, c’est pour que l’exercice du tribunal n’éprouve point de suspension. Ce n’est pas dans l’intention de conserver son organisation actuelle; car les comités s’occupent maintenant de vous présenter un projet d’épuration de ce tribunal. Si la sûreté publique n’est pas compromise, si au contraire la chute des contre-révolutionnaires s’effectue par l’existence du tribunal révolutionnaire actuel, jusqu’au rapport de vos comités qui peut-être aura lieu avant la fin de cette séance, je ne vois pas pourquoi ma proposition ne serait point adoptée. Oui, je le répète, avant la fin de la séance peut-être vous entendrez un rapport du comité pour éloigner du tribunal révolutionnaire les (1) Mon., XXI, 355-356; Débats, n° 678, 214-216; J. Mont., n° 94, 775-776. Dans Audit, nat. (n° 674) on trouve, au terme de cette discussion : « Cambon répond que la patrie n’a été mise en danger, que parce que trop longtemps on s’est occupé des individus ». complices de Robespierre; mais jusque-là il ne doit point rester sans action, et je soutiens que, d’après votre décret, le tribunal révolutionnaire est maintenant sans pouvoir. [Applaudissements]. THURIOT : Il n’y a pas de division dans l’assemblée quant au but, il n’y en a pas non plus dans les opinions. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de nommer de nouveaux juges et de nouveaux jurés, mais nous ne voulons pas commettre d’injustice, et nous sommes tous persuadés qu’il y a des membres du tribunal qui méritent la confiance; c’est pourquoi le comité s’occupe d’un projet qu’il va vous présenter incessamment; jusqu’à son rapport il n’y a rien d’urgent pour prononcer dans ce moment plutôt que dans une heure; ainsi je demande l’ajournement jusqu’au rapport des comités. L’ajournement est décrété. BARRAS : Citoyens, je n’abuserai pas de vos moments; je viens faire part à la Convention de la félicité générale. C’est l’attitude vigoureuse que vous avez prise qui a produit ce calme et cette joie universelle. La Convention n’avait pas besoin de mon témoignage pour connaître cet heureux état de choses. Depuis avant-hier elle ne cesse de recevoir des assurances d’amour, de fidélité et de reconnaissance. Partout on entend répéter les cris de vive la Convention ! vive la république ! Les mesures sont prises pour que les complices des rebelles n’échappent point. Les prisons ne doivent donner aucune inquiétude; toute est tranquille; le comité de salut public, auquel j’ai fait passer des renseignements plus détaillés, vous fera un rapport. (On applaudit) (l). 18 Le tribunal du quatrième arrondissement est admis; il exprime sa profonde indignation contre l’usurpateur et la commune usurpatrice. Il applaudit au courage et à l’énergie de la Convention, et jure de défendre la représentation nationale jusqu’à la mort. Mention honorable, insertion au bulletin (2). [Le Trib. du 4e Arr1 A la Conv. ; s.d.] (3) Représentans du Peuple français Une horrible conspiration menaçait la liberté. Des scélérats, indignes du nom d’hommes, avaient juré la perte de la patrie. Une Municipalité conspiratrice secondait leurs projets parricides. Votre sagesse, votre courage et votre fermeté ont déjoué leurs complots. Déjà les chefs ne sont plus, et bientôt leurs complices rentreront dans le néant. Continuez, fidèles Représentans, de veiller sur les ambitieux, sur les intrigans, sur les traîtres, Et la République est sauvée. Restez fermes à votre poste. Le peuple dont vous assurés le bonheur, vous (1) Mon., XXI, 356; Débats, n° 678, 216-217; J. Mont., n° 94, 776; J. S. -Culottes, n°530; J. Paris, nos 576, 577. Voir Séance du 10 therm. (soir), nos 7 et 8. (2) P.V., XLII, 251. Bin, 15 therm. (ler suppl1). Mention dans Mon., XXI, 356; Débats, nos 678, 217; J. Mont., n° 94, 776. (3) C 314, pl. 1257, p. 31. SÉANCE DU 11 THERMIDOR AN II (MATIN) (29 JUILLET 1794) - N" 20 633 donnai ordre de le dissiper par la force ; eh bien, ce jeune homme a voulu instruire criminellement contre ceux qui avaient exécuté cet ordre; il avait écrit contre moi à Robespierre sur ce sujet, et j’étais sur la liste de proscription. (On interrompt Carrier). Plusieurs voix : Il ne s’agit point ici d’objets particuliers. JULLIEN (de la Drôme): Je vous demande d’écouter avec bonté un malheureux père. Mon fils n’a pas vingt ans, à la vérité; mais cela seul n’est pas un crime; j’espère que, du reste, vous ne préjugerez rien, que vous voudrez l’entendre lui-même. TURREAU : Je demande qu’on ne parle que de la république. (On applaudit). JULLIEN : Vous avez mis fin à la tyrannie qui régnait par la terreur; ce n’est plus la terreur qui règne, c’est la justice. Eh bien, au nom de la justice, vous ne refuserez pas d’entendre un malheureux père. Je déclare que ni moi ni mon fils n’avons jamais demandé cette place... L'ordre du jour! s’écrie-t-on de toutes parts, l’ordre du jour ! point d’affaires personnelles ! La Convention passe à l’ordre du jour(l). BILLAUD-VARENNE : J’arrive à la séance, j’ignore quelle marche a prise la discussion; mais j’apprends que la Convention a suspendu les. membres du tribunal révolutionnaire, et à cet égard j’observe que, quoiqu’en grande partie ce tribunal soit composé d’hommes nommés par Robespierre pour parvenir à son but, cependant il y a des hommes purs... Plusieurs voix : On le sait, on les renommera. BILLAUD : J’entends dire qu’ils ne sont que suspendus ; mais on ignore donc qu’au moment où je parle la horde infâme qui a conspiré est au pied de ce tribunal; si le projet des monstres eût été exécuté dans toute sa latitude, il y eût eu hier soixante mille citoyens égorgés; vous connaîtrez cet horrible complot par un rapport qui vous sera fait. Il faut donc que les infâmes complices de Robespierre soient frappés. Déjà plusieurs l’ont accompagné à l’échafaud, les autres ne doivent point tarder à le suivre. Ils sont prêts à être jugés; nous avons mis des hommes purs pour composer le tribunal devant lequel ils vont comparaître; je demande le rapport du décret. Plusieurs voix : Non, non ! BILLAUD : Il paraît qu’on n’a pas bien saisi mon objet; quand j’ai demandé le rapport, c’est pour que l’exercice du tribunal n’éprouve point de suspension. Ce n’est pas dans l’intention de conserver son organisation actuelle; car les comités s’occupent maintenant de vous présenter un projet d’épuration de ce tribunal. Si la sûreté publique n’est pas compromise, si au contraire la chute des contre-révolutionnaires s’effectue par l’existence du tribunal révolutionnaire actuel, jusqu’au rapport de vos comités qui peut-être aura lieu avant la fin de cette séance, je ne vois pas pourquoi ma proposition ne serait point adoptée. Oui, je le répète, avant la fin de la séance peut-être vous entendrez un rapport du comité pour éloigner du tribunal révolutionnaire les (1) Mon., XXI, 355-356; Débats, n° 678, 214-216; J. Mont., n° 94, 775-776. Dans Audit, nat. (n° 674) on trouve, au terme de cette discussion : « Cambon répond que la patrie n’a été mise en danger, que parce que trop longtemps on s’est occupé des individus ». complices de Robespierre; mais jusque-là il ne doit point rester sans action, et je soutiens que, d’après votre décret, le tribunal révolutionnaire est maintenant sans pouvoir. [Applaudissements]. THURIOT : Il n’y a pas de division dans l’assemblée quant au but, il n’y en a pas non plus dans les opinions. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de nommer de nouveaux juges et de nouveaux jurés, mais nous ne voulons pas commettre d’injustice, et nous sommes tous persuadés qu’il y a des membres du tribunal qui méritent la confiance; c’est pourquoi le comité s’occupe d’un projet qu’il va vous présenter incessamment; jusqu’à son rapport il n’y a rien d’urgent pour prononcer dans ce moment plutôt que dans une heure; ainsi je demande l’ajournement jusqu’au rapport des comités. L’ajournement est décrété. BARRAS : Citoyens, je n’abuserai pas de vos moments; je viens faire part à la Convention de la félicité générale. C’est l’attitude vigoureuse que vous avez prise qui a produit ce calme et cette joie universelle. La Convention n’avait pas besoin de mon témoignage pour connaître cet heureux état de choses. Depuis avant-hier elle ne cesse de recevoir des assurances d’amour, de fidélité et de reconnaissance. Partout on entend répéter les cris de vive la Convention ! vive la république ! Les mesures sont prises pour que les complices des rebelles n’échappent point. Les prisons ne doivent donner aucune inquiétude; toute est tranquille; le comité de salut public, auquel j’ai fait passer des renseignements plus détaillés, vous fera un rapport. (On applaudit) (l). 18 Le tribunal du quatrième arrondissement est admis; il exprime sa profonde indignation contre l’usurpateur et la commune usurpatrice. Il applaudit au courage et à l’énergie de la Convention, et jure de défendre la représentation nationale jusqu’à la mort. Mention honorable, insertion au bulletin (2). [Le Trib. du 4e Arr1 A la Conv. ; s.d.] (3) Représentans du Peuple français Une horrible conspiration menaçait la liberté. Des scélérats, indignes du nom d’hommes, avaient juré la perte de la patrie. Une Municipalité conspiratrice secondait leurs projets parricides. Votre sagesse, votre courage et votre fermeté ont déjoué leurs complots. Déjà les chefs ne sont plus, et bientôt leurs complices rentreront dans le néant. Continuez, fidèles Représentans, de veiller sur les ambitieux, sur les intrigans, sur les traîtres, Et la République est sauvée. Restez fermes à votre poste. Le peuple dont vous assurés le bonheur, vous (1) Mon., XXI, 356; Débats, n° 678, 216-217; J. Mont., n° 94, 776; J. S. -Culottes, n°530; J. Paris, nos 576, 577. Voir Séance du 10 therm. (soir), nos 7 et 8. (2) P.V., XLII, 251. Bin, 15 therm. (ler suppl1). Mention dans Mon., XXI, 356; Débats, nos 678, 217; J. Mont., n° 94, 776. (3) C 314, pl. 1257, p. 31.