697 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j « aSbre 1793 •- propres erreurs et pour les crimes de nos ennemis S’il le faut, nous pouvons encore lui présenter d’autres titres. Notre sang aussi a coulé pour la patrie. La Convention nationale peut montrer aux amis et aux ennemis de la France d’hono¬ rables cicatrices et de glorieuses mutilations. Ici, deux illustres adversaires de la tyrannie sont tombés à ses yeux sous les coups parri¬ cides d’une faction criminelle; là, un digne émule de leur vertu républicaine renfermé dans une ville assiégée, a osé former la résolution géné¬ reuse de se faire, avec quelques compagnons, un passage au travers des phalanges ennemies; noble victime d’une odieuse trahison, il tombe entre les mains des satellites de l’Autriche, et il expie, dans de longs tourments, son dévoû-ment sublime à la cause de la liberté. D’autres représentants pénètrent au travers des contrées rebelles du Midi, échappent avec peine à la fureur des traîtres, sauvent l’armée française livrée par des chefs perfides, et reportent la ter¬ reur et la fuite aux satellites des tyrans de l’Autriche, de l’Espagne et du Piémont. Dans cette ville exécrable, l’opprobre du nom français, Bayle et Beauvais, rassasiés des ou¬ trages de la tyrannie, sont morts pour la patrie et pour ses saintes lois. Devant les murs de cette cité sacrilège, Gasparin, dirigeant la foudre qui devait la punir, Gasparin, enflammant la valeur républicaine de nos guerriers, a péri victime de son courage et de la scélératesse du plus lâche de tous nos ennemis. Le Nord et le Midi, les Alpes et les Pyrénées, le Rhône et l’Escaut, le Rhin et la Loire, la Moselle et la Sambre ont vu nos bataillons répu¬ blicains se rallier à la voix des représentants du peuple, sous les drapeaux de la liberté et de la victoire ; les uns ont péri, les autres ont triomphé. La Convention tout entière a affronté la mort et bravé la fureur de tous les tyrans. Illustres défenseurs de la cause des rois, princes, ministres, généraux, courtisans, citez-nous vos vertus civiques; racontez-nous les importants services que vous avez rendus à l’humanité : parlez-nous des forteresses con¬ quises par la force de vos guinées; vantez-nous le talent de vos émissaires et la promptitude de vos soldats à fuir devant les défenseurs de la République; vantez-nous votre noble mépris pour le droit des gens et pour l’humanité; nos prisonniers égorgés de sang-froid, nos femmes mutilées par vos janissaires, les enfants massa¬ crés sur le sein de leurs mères, et la dent mer-trière des tigres autrichiens déchirant leurs membres sanglants; vantez-nous vos exploits d’Amérique, de Gênes et de Toulon; vantez-nous surtout votre suprême habileté dans l’art des empoisonnements et des assassinats : ty¬ rans, voilà vos vertus... Illustre parlement de la Grande-Bretagne, citez-nous vos héros. Vous avez un parti de l’opposition. Chez vous, le despotisme triomphe; la majo¬ rité est donc corrompue. Peuple insolent et vil, ta prétendue représentation est vénale, sous tes yeux et de ton aveu; tu adoptes toi-même leurs maximes favorites : que le talent de tes députés même est un objet d’industrie comme la laine de tes moutons, et l’acier de tes fabri¬ ques; et tu oserais parler de morale ou de liberté ! Quel est donc cet étrange privilège de déraisonner sans mesure et sans pudeur, que la patience stupide des peuples semble accorder aux tyrans ? Quoi ! ces petits hommes dont tout le principal mérite consiste à connaître le tarif des consciences britanniques, qui s’efforcent do transplanter en France les vices et la corrup¬ tion de leur pays; qui font la guerre non avec des armes, mais avec des crimes, osent accuser la Convention nationale de corruption, et insulter aux vertus du peuple français ! Peuple géné¬ reux, nous jurons, par toi-même, que tu seras vengé; avant de nous faire la guerre, nous exterminerons tous nos ennemis, la maison d’Autriche périra plutôt que la France; Lon¬ dres sera fibre avant que Paris redevienne es¬ clave : les destinées de la République et celles de la terre ont été pesées dans les balances éter¬ nelles; les tyrans ont été trouvés plus légers. Français, oublions nos querelles et marchons aux tyrans; domptez-les, vous, par vos armes; et, nous, par nos lois. Que les traîtres tremblent, que le dernier des lâches émissaires de nos ennemis disparaisse, que le patriotisme triomphe et que l’innocent se rassure. Français, combat¬ tez; votre cause est sainte, vos courages sont invincibles, vos représentants savent mourir, ils peuvent faire plus, ils savent vaincre. TJn membre. Je demande que cette adresse, que vous venez de décréter, soit imprimée et distribuée à chacun de vos membres, au nombre de dix exemplaires, et la traduction dans toutes les langues. Ces propositions sont décrétées. Sur la pétition présentée à la Convention na¬ tionale par une députation du district de Roanne, la Convention décrète (1) le renvoi au comité de Salut public, et le rapport dans deux jours sur l’objet de la pétition (2) . Suit la déclaration faite par les députés du district de Roanne (3). Les suppôts de la tyrannie ont enfin expié leurs forfaits; encore quelques instants et le sol de la liberté va être purgé de tous les infâmes fédéralistes qui, abusant de la confiance et de la crédulité du peuple, faisaient tous leurs efforts pour le replonger dans l’abîme d’où il venait de se retirer par mille sacrifices. Vous avez d’une main hardie saisi le gouvernail de la République, et la République est sauvée. La loi punit le crime, mais elle pardonne à l’erreur. Convaincu de votre justice, le district de Roanne nous a députés vers vous pour vous faire con¬ naître l’erreur momentanée de ses habitants, et ce qu’ils ont fait pour la réparer. Pétition (4). Les députés extraordinaires du district de Roanne, département de la Loire, à la Convention nationale. Vive la République une, indivisible et démo¬ cratique / « Depuis le commencement de la Révolution, (1) Sur la proposition de Noailly d’après la minute du décret qui se trouve aux Archives natio¬ nales, carton C 282, dossier 790. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 400. (3) Archives nationales, carton C 282, dossier 790. (4) Archives nationales, carton C 284, dossier 824. 698 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. j le district de Roanne avait constamment marché sur la ligne, exécutant les lois avec empressement, et conservant le calme et la tranquillité au milieu des secousses inévitables d’un nouveau gouvernement; lorsqu’entraînées par les suggestions perfides et les serments impies des administrateurs du directoire du département de Rhône-et -Loire, trompées par des émissaires hypocrites et par des écrits empoisonnés répandus avec profusion, quelques communes crurent servir les intérêts de la patrie en députant à la Commission soi-disant populaire et de Salut public qui se formait dans l’infâme Lyon. « Ce qui démontre invinciblement la bonne foi des administrateurs du district de Roanne et des administrés dans cette démarche ; ce qui prouve incontestablement la pureté de leurs intentions et leur simplicité dont les scélérats lyonnais abusèrent cruellement : c’est qu’à l’époque même de la nomination des commissaires, les administrateurs convoquè¬ rent de toutes les parties du district une force armée suffisante pour contenir des communes fanatisées, dont les mouvements auraient pu devenir dangereux; et pour y donner force à la loi. « Bientôt le district de Roanne, éclairé sur sa démarche par les propres excès de la mal¬ veillance qui l’avait séduit, s’empressa de rappeler ses commissaires et adressa une pétition à la Convention nationale tendante à obtenir sa séparation d’avec l’administra¬ tion supérieure dont il venait d’éprouver la funeste influence. La pétition est déposée, de¬ puis le 8 août dernier, au comité de divi¬ sion. « Les hommes simples et de bonne foi, les hommes dont les intentions sont droites n’ont pas plutôt ouvert les yeux à la lumière, qu’ils détestent leur erreur, et s’efforcent de la réparer. « A l’instant du rappel des commissaires, les autorités constituées du district font par¬ venir leur rétractation en forme au comité de sûreté générale. La sincérité en est attestée par les actes postérieurs de leur administra¬ tion, comme l’a reconnu le citoyen Dorfeuille, commissaire des représentants du peuple, dans ses relations fréquentes avec elles. « A la voix des représentants du peuple, elles font d’abord marcher un corps de 500 hom¬ mes sur la ville rebelle. Il est bon d’observer ici que la commune de Roanne s’était constamment opposée aux propositions anté¬ rieures de la Commission, pour ce qui regardait l’envoi d’une force lyonnaise dans notre district, duquel on se défiait. « La résistance des rebelles devenant de jour en jour plus opiniâtre, la commune de Roanne se lève en masse, marche avec 1,800 hommes des compagnies du district sur Mont -Brisé, que les rebelles évacuent à son approche, et se porte de là à Feurs pour les poursuivre, puis enfin sous les murs de Com¬ mune-Affranchie. Le dévouement et les sacri¬ fices de tout genre de la commune de Roanne dans ces circonstances orageuses sont certifiés par la déclaration du citoyen Reverchon. Elle est de plus la seule commune principale du ci-devant département de Rhône-et -Loire, qui ait mérité de conserver son nom. Ce district entier, dont l’erreur d’un moment, n’a pas coût A une seule larme à la patrie serait -il enveloppé dans la terrible mais nécessaire punition qui frappe les conspirateurs, aux termes de l’ article 2 de la loi du 12 juillet der¬ nier, ainsi conçu : « Sont destitués de leurs « fonctions et déclarés pareillement traîtres « à la patrie les administrateurs officiers muni-« cipaux et tous autres fonctionnaires publics, « officiers civils et militaires du département « de Rhône-et -Loire, qui ont convoqué ou « souffert le congrès départemental qui a eu « lieu à Lyon, qui ont assisté ou participé aux « délibérations qu’il a prises, et à leur exé-« cution. » Les citoyens du district de Roanne n’ont jamais cru être compris dans les dispo¬ sitions de cet article. Ils n’ont pas souffert longtemps l’existence du congrès départe¬ mental, puisqu’ils se sont levés en masse, autant pour le dissoudre, que pour étouffer la rébellion lyonnaise; ils n’ont pas longtemps reconnu l’autorité monstrueuse des fédéra¬ listes, puisqu’ils se sont opposés à l’exécution des arrêtés de la soi-disant Commission popu¬ laire, dès qu’ils ont pu s’apercevoir de sa per¬ fidie, car elle avait la scélératesse d’intercepter toutes les lois de la Convention. Ils sont d’au¬ tant mieux fondés à se croire exceptés de» dispositions de cet article, que par la même loi la Convention nationale, invitant tous les bons citoyens du département à se réunir à la force armée, et à concourir avec elle et les représentants du peuple à la défense de la. liberté, de l’égalité, de l’unité et de l’indivisibi¬ lité de la République, ils ont obéi à cette disposition; ils doivent donc y trouver une exception salutaire; elle sera d’autant plus juste, qu’au lieu de se borner au simple con¬ tingent requis par les représentants du peuple ils ont voulu tous marcher contre les rebellés de Commune-Affranchie. Les administrateurs, officiers civils et militaires ont secondé cet heureux mouvement. Cette conduite, jointe à leur rétractation antérieure, ne doit-elle pas les faire jouir du bénéfice de la loi du 26 juin dernier! « Cependant, les citoyens du district de Roanne se trouvent dans les plus vives alarmes. Une Commission militaire vient d’être établie à Feurs, chef-lieu du département de la Loire, et menace de faire tomber sous le glaive de la loi tous les officiers civils et militaires du district de Roanne, depuis le sous-officier jusqu’au chef de légion, quoiqu’ils aient marché contre les rebelles. Le président de cette Commission, convaincu du bon esprit qui règne dans ce district, et informé de sa conduite ultérieure a témoigné des doutes sur l’application de l’article 2 de la loi du 12 juillet, par rapport aux citoyens du district de Roanne; il en a même demandé l’interprétation au ministre de la justice. C’est cette même interprétation que nous venons solliciter auprès de vous, au nom de nos concitoyens que ce doute frappe de terreur. « Citoyens législateurs, la Convention natio¬ nale ne punit pas l’erreur, elle ne cherche pas des victimes. Que les conspirateurs périssent, mais que le sang des républicains ne Boit versé que contre les ennemis de la patrie. « Nous venons vous demander l’interpré¬ tation de l’article 2 de la loi du 12 juillet der¬ nier, en faveur des citoyens de notre district. Nous vous la demandons, au nom de la justice, au nom de l’humanité, au nom de tout I® [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j « SEStoflA 699 district plongé dans la plus affreuse désola¬ tion. « Les députés extraordinaire à du district de Eoanne, « J. -Pierre Mulsant jeune; Ramel; Marillier; Durelle. » Un membre expose qu’une lettre officielle lui apprend que les citoyens du district de Brutus-le-Magnanime, département de la Nièvre, ont apporté au comité de surveillance du chef-lieu de ce district 18,000 livres en or, et des valeurs bien plus considérables en argenterie et argent monnayé, pour être échangées contre des assi¬ gnats; que le comité de surveillance, faute de fonds, n’a pu que délivrer des reconnaissances, qu’il est juste et pressant d’acquitter. U demande qu’à cet effet il soit versé provisoi¬ rement une somme de 60,000 livres dans la caisse du receveur du district de Brutus-le-Ma-gnanime, et que, sur les états, qui seront fournis des valeurs en or et argent apportées pour être échangées, le versement du surplus soit fait, sans délai, dans la même caisse-Cette proposition est renvoyée au comité des finances, qui est chargé d’en rendre compte in¬ cessamment (1). « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport [Lion, rapporteur (2)] de son comité de marine, décrète : Art. 1er. « Qu’elle passe à l’ordre du jour sur la demande que fait le citoyen Baudin, d’une conduite pro¬ portionnée à son grade d’aspirant de la marine, motivé sur les articles 6 et 8 du décret du 17 sep¬ tembre 1792. Art. 2. « Le comité de marine enverra copie du mé¬ moire du citoyen Baudin aux représentants du peuple à Rochefort, Brest et Lorient, pour être remis, par eux, aux accusateurs publics des tri¬ bunaux chargés de poursuivre l’instruction du procès fait aux marins renvoyés de Toulon, et arrivés dans ces ports sur les vaisseaux de la République (3). » La Convention nationale décrète que ses com¬ missaires près les [armées sont autorisés à prendre toutes les mesures les plus promptes et (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 400. (2) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 790. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 400. les plus sûres pour l’échange des prisonniers de guerre (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). Par une seconde lettre, le ministre de la guerre rend compte des mesures qu’il a prises pour l’exécution du décret relatif à l’échange des prisonniers. Il résulte des démarches déjà faites par l’agent du conseil exécutif provisoire, qu’au Nord, Cobourg refuse toute espèce d’échange, jusqu’à ce que la garnison de Valenciennes le soit par un cartel. Du côté du Rhin, les représentants du peuple, instruits par l’expérience que les communica¬ tions avec les ennemis étaient dangereuses, ont pris un arrêté en vertu duquel les deux armées ne pourront communiquer que d’une rive à (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 401. (2) Moniteur universel [n° 77 du 17 frimaire an II (samedi 7 décembre 1793), p. 310, col. 1], D’autre part le Mercure universel [16 frimaire an II (ven¬ dredi 6 décembre 1793), p. 252, col. 2] et V Auditeur national [n° 440 du 16 frimaire an II (vendredi 6 décembre 1793), p. 4] rendent compte de la lettre du ministre de la guerre dans les termes suivants 3 I. Compte rendu du Mercure universel. Le ministre de la guerre, aux termes du décret qui lui enjoint de rendre compte de l’exécution de la loi sur l’échange des prisonniers, annonce qu’une Commission a été nommée dans l’armée du Nord. Mais quelques difficultés retardent l’échange sur ce qui regarde la garnison de Valenciennes. Dans l’armée du Rhin, dans celle de la Moselle, ainsi que dans les autres armées, l’échange serait effectué sans le décret qui défend aux trompettes ennemis, sous peine de mort, de passer nos postes avancés. Sur la proposition de Merlin, de faire cesser cet empêchement qui retarde la liberté de nos frères, l’Assemblée renvoie à ses comités pour lui présenter des vues qui facilitent les échanges relatifs à la gar¬ nison de Valenciennes. Dans les armées où sont des représentants, elle s’en rapporte à leur prudence. II. Compte rendu de l 'Auditeur national. Le ministre de la guerre, conformément à un décret, rend compte des mesures prises pour l’échange des prisonniers. Cet échange n’a pas été possible pour l’armée du Rhin, parce que les repré¬ sentants du peuple ont pris un arrêté qui interdit toute communication. A l’armée du Nord, l’opé¬ ration est très avancée. Aux Pyrénées-Occidentales, le général espagnol ne veut pas traiter sur cet objet que le décret qui punit de mort les émigrés ne soit rapporté. Aux Pyrénées-Orientales, malgré la morgue castillane, le général s’est déterminé à cet échange. Merlin représente que l’arrêté des représentants du peuple près l’armée du Rhin doit être annulé parce qu’il s’oppose à ce que de braves défenseurs de la République soient rendus à la liberté. La Convention, après quelques débats, décrète, sur la proposition de Bourdon (de VOise), qu’elle s’en rapporte à la sagesse et à l’humanité des repré¬ sentants du peuple près l’armée du Rhin pour l'échange des prisonniers.