82 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 janvier 1791. J ecclésiastiques séculiers, autres que celles des maisons et jardins, dans la proportion ci-après, savoir : « Au vingtième des pensions ou traitements ecclésiastiques qui n'excèdent pas 1,200 livres. « Au dix-huitième, jusqu’à 1,800 livres. « Au quinzième, jusqu’à 2,400 livres. « Au douzième, jusqu’à 3,200 livres. « Et au dixième, au-dessus de cette dernière somme. * 2° Les rôles seront exécutés provisoirement; et le montant des décharges accordées à raison des surtaxes sera réimposé en l’année prochaine, par émargement ou simple addition de rôle, sur l’ordonnance des directoires de districts ou départements, sans qu’il soit besoin d’autre et plus ample autorisation, à moins que ce déficit ne f misse être couvert, au désir des intéressés, par a contribution des privilégiés, pour les six derniers mois de l’année 1789. « 3° Les contribuables qui ont été imposés au delà de la proportion ci-dessus, et qui ont payé en entier le montant de leur cote, seront tenus, ainsi que ceux qui croiront avoir à se plaindre, de former leurs demandes dans le mois, par devant les districts, à dater du jour de la publication du présent décret, au chef-lieu des départements, passé lequel temps, ils en demeureront déchus ; ceux dont la cote n’a pas été portée au taux tixé par l'article 1er du présent décret ne subiront néanmoins aucune augmentation pour l’annéel791,àraison du bénéfice qu’ils pourraient en ressortir. » M. Leleu de la Yille-aux-IBois. Le projet de décret qu’on vous propose tend à soustraire les curés aux impositions générales du royaume, pour leur accorder un soulagement; ce décret serait infiniment injuste, et contrarierait la loi de l’égalité proportionnelle des impôts. Le curé qui a un revenu de 1,200 livres ne payerait que le vingtième, tandis que le père de famille, avec un revenu égal, payerait, et le vingtième et les impositions accessoires qui s’élèvent à 18 deniers pour livre; le célibataire ne serait imposé qu’à 60 liv. , et le père de famille cultivateur serait imposé à 50 écus 1 . . . Je demande la question préalable sur le projet de décret. M. Vernier, rapporteur. Il ne s’agit point ici de soustraire les ecclésiastiques à l’égalité proportionnelle des impositions; au contraire, il faut empêcher que, par une fausse application ces principes, ou n’impose des fonctionnaires publics dont les revenus ne sont que le salaire de leur travail, autant que les rentiers et les propriétaires de domaines. Les fonctionnaires publics doivent jouir (les mêmes avantages que les personnes qui vivent de leur industrie : telle est la loi; telle est la véritable application du principe de l’égalité proportionnelle. Dans plusieurs paroisses, des curés, n’ayani que 1,200 livres de revenu, ont été imposés à 450 livres. C’est pour affranchir vos comités de la nécessité de répondre aux plaintes multipliées qui leur sont adressées, que je vous prie d’adopter le projet de décret que je vous ai proposé. (La question préalable est mise aux voix : l’Assemblée décide qu’il y a lieu à délibérer, et adopte le projet de décret du comité.) L’ordre du jour est un rapport du comité de l'emplacement des tribunaux sur l’emplacement des tribunaux de Paris. M. Prngnon, rapporteur du comité de l’emplacement des tribunaux. Messieurs, plusieurs difficultés se sont élevées au sujet de l’emplacement des six tribunaux de Paris. La municipalité a envoyé à votre comité un mémoire dans lequel elle expose que si elle emploie des bâtiments nationaux, les réparations nécessaires pour le placement des tribunaux occasionneront une-dépense de 600,000 livres. La ville de Paris sera forcée d’acheter ces bâtiments en totalité ou en partie. Si elle ne les achète qu’en partie, le reste, devenu moins précieux, se vendra moins bien. Elle offre en exemple la maison des Jacobins-Saint-Honoré, qui a été abandonnée par les religieux. Les soumissions s’élèvent à plusieurs millions. Les bâtiments occupent un terrain très considérable; ils ne peuvent être bien vendus qu’autant qu’on y percera une rue; de sorte que les juges seront placés au milieu des décombres, outre l’inconvénient que le bâtiment qui leur est destiné empêcherait les alignements. La municipalité a donc jeté les yeux sur l’ancien palais de la Justice, emplacement vaste et commode qui réunit la sûreté à la salubrité. Les six tribunaux étant rapprochés, les communications nécessaires entre les juges seront plus faciles. Les hommes de loi, obligés pareillement de converser entre eux sur les intérêts de leurs clients, s’y rencontreront. Les plaideurs ayant des affaires pendantes à plusieurs tribunaux jouiront des avantages de celte réunion. Deux choses doivent déterminer votre opinion : la convenance des justiciables et l’économie. Quant à la convenance des citoyens, je ne pense pas qu’elle exige la distribution des tribunaux. La majeure paitie des citoyens de. l’Empire sera bien plus éloignée du tribunal de district que les habitants de Paris ne le sont du palais. Quelles sont à Paris les deux classes les plus exposées à avoir des procès? Les propriétaires de maisons et les négociants : or, combien de fois n’arrivera-t-il pas qu’un homme, propriétaire de maisons situéis dans différents quartiers, aura des procès en instance devant plusieurs tribunaux à la fois ? Ce propriétaire, ou le négociant qui se trouvera dans le même cas, seront donc obligés d’avoir des avoués attitrés auprès de chaque tribunal? Et qu’on ne dise pas qu’il sera permis aux avoués de postuler auprès de tous les tribunaux : les distances rendraient cette faculté illusoire par le fait... Craint-on une coalition entre les différents tribunaux? Mais ils agiront sous les yeux de la législature, du tribunal de cassation, de l’administration de département. La distance s’opposerait-elle à la coalition, si elle était aujourd’hui possible? Mais les parlements ne se coalisaient-ils pas de l’extrémité du royaume à l'autre? On peut défendre aux juges des différents tribunaux de s’assembler en commun ; ils auront dans cet immense édifice chacun un établissement séparé. Oublieront-ils qu’ils sont les élus du peuple, lorsqu’ils jugeront en sa présence; et si la Constitution avait quelque chose à redouter, serait-ce de leur part? Si l’on craint les inconvénients de la confraternité, la distribution en six arrondissements serait-elle un obstacle aux rapports des juges entre eux? Dira-t-on que six tribunaux réunis dans un même local ne formeront qu’un tribunal divisé en six chambres? C’est comme si l’on prétendait que le parlement, la cour des aides, la chambre des comptes, la cour des monnaies, la table de marbre, l’amirauté, la chancellerie, la chambre des requêtes de l’hôtel, etc., etc., et toutes les [8 janvier 1791.] [Assemblée nationale.] juridictions autrefois réunies au palais, ne formaient qu’un seul tribunal. Cependant il y avait entre elles de fréquents conflits de juridiction, elles rendaient des arrêts contradictoires. La grande publicité des rapports et des jugements doit ôter toute crainte ; tout se passera au grand jour; on ne peut en inspirer, car, comme l’on dit, il y a peu de filous là où il y a beaucoup de réverbères. . . Votre comité rend justice aux vues de la municipalité. Si elle achetait des bâtiments nationaux en totalité, elle se chargerait d’une dette immense. Si elle n’achetait que la partie de ces bâtiments nécessaire au placement des tribunaux, elle en diminuerait le prix, et les réparations occasionneraient, et une dépense de 600,000 livres, et un retard considérable dans l'administration de la justice. Le Corps législatif, l’administration du département et la municipalité pourraient tenir leurs séances au palais, sans gêner les tribunaux. Votre comité a été touché d’un dernier motif, c’est que l’opération qu’il a l’honneur de vous présenter, étant purement réglementaire, purement administrative, si l’avenir découvre quelques inconvénients dans la réunion des tribunaux il sera toujours extrêmement possible de procéder à la distribution proposée. Noos vous proposons, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que les six tribunaux du département de Paris seront réunis dans l’ancien palais de la Justice, en telle sorte cependant qu’il soit assigné à chacun d’eux un local distinct et entièrement séparé, et sans que, sous aucun prétexte, ils puissent se réunir et délibérer en commun. » M. Bouttcv illc - Dumetz . Messieurs, je demande la question préalable sur ce projet de décret. Vous vous rappelez que les membres du comité de Constitution, qui vous ont successivement parlé, vous ont tous fait remarquer qu’une crainte devait vous empêcher de déférer au vœu des ofliciers municipaux; c’est de voir que, dans la capitale, il se trouvât un corps unique de magistrats. {Murmures.) Messieurs, je puis avoir tort; mais vous en auriez un plus grand de ne pas m’entendre. Cette réunion avait paru dangereuse à tous les bons esprits, à tous les vrais amis de la Constitution, et c’est parce que le comité de Constitution a assuré que les six tribunaux seraient placés dans ues locaux différents, que l’Assemblée nationale a consenti à la réunion des électeurs. Je vous ajoute, Messieurs, que je me suis trouvé au comité de Constitution un jour où cette question s’agita; je puis vous attester que tous les membres que j’entendis étaient tous d’un avis formel que cette demande ne pouvait pas être sagement admise. Je sais, Messieurs, qu’un des bons esprits de l’Assemblée nationale, que certainement vous entendez avec plaisir, M. Thouret, employa toutes les forces de sa raison pour persuader à à ses nouveaux confrères qu’ils ne devaient pas consulter la commodité ou les intérêts des clients et qu’ils ne devaient jamais voir dans l’établissement d’une Constitution ce qui l’intéresse. Or, je demande, Messieurs, si vous pouvez mettre en parallèle, avec le plus léger danger que pourrait courir la Constitution, les raisons que votre comité vient de vous déduire 1 {Applaudissements à gauche; murmures à droite.) Oui, Messieurs, il n’appartient pas à un peuple 83 qui a conquis sa liberté d’entendre, sans indignation, qu’on lui parle de quelque misérable économie, quand il s’agit... {Interruption). Quel que soit le plus ou moins de sagesse de moa opinion, j’atteste qu’elle m’est dictée par ma conscience; c’est un motif au moins pour qu’on m’entende. Enfin, Messieurs, je demande lecture du décret qui, déférant au vœu des électeurs, a permis qu’ils ne formassent qu’une assemblée électorale. Je ne réponds pas qu’on n’y ait apposé la condition que les six tribunaux seraient distincts et séparés. Un membre : Elle y est. M. Bouttevîlle-Dumetz. J’espère que vous n’insulterez pas à votre décret; et je demande avec la plus grande confiance la question préalable. Plusieurs voix : Et que le comité soit rappelé à l’ordre. M. Guillaume. Je considère la question sous deux différents rapports: l’intérêt public et celui des justiciables. Sous le premier rapport, quelle que soit la teneur du décret invoqué par le préopinant, je crois que c’est faire bien de l’honneur aux trente juges de Paris. {Murmures.) Je soutiens que trente juges, bien classés, bien divisés dans un vaste édifice, ue sont pas plus à craindre que cinq, d’abord parce que, divisés ou réunis, ils ne formeront pas corps ; en second lieu, parce que, quand on pourrait prévoir leur coalition, il est connu que plus une compagnie est nombreuse, moins elle a d’ensemble. Je m’étonne qu’on veuille toujours faire envisager comme ennemis de la Constitution dis hommes qui lui devront leur existence, et, d’ailleurs, je vuus prie d’observer que si les craintes qu’on veut inspirer à l’Assemblée étaient fondées la surveillance du Corps législatif, du tribunal de cassation, du département, de la municipalité suffiraient pour les dissiper. Les justiciables n’ont pas un intérêt moins grand à la réunion proposée. Dans le système de la division, jamais les affaires ne seront prêtes et l’on demandera délais sur délais, sous prétexte que les avoués ou les défenseurs officieux sont employés ailleurs. Les juges, les bureaux de paix seront dislrinués dans tous les quartiers de ia capitale: voilà la justice qu’il faut mettre à la portée du pauvre; mais il n’y a aucun motif pour diviser les tribunaux destinés à connaître des affaires majeures, et, en les réunissant, il n’y aura pas encore de département dans lequel les justiciables soient aussi près de leurs tribunaux. M. Rewbell. Je demande qu’on ferme la discussion et que l’Assemblée prononce la question préalable sur le projet de décret. M. Bouche. J’appuie la question préalable sur le projet de décret, non pas que je croie que les juges soient à craindre, fussent-ils au nombre de 500; mais parce que vous avez décrété qu’il y aurait un tribunal dans chaque district, et que les tribunaux ne pourraient sortir de leur arrondissement. La municipalité ne vous a présenté qu’une question ü’economie; mais le palais est uue maison nationale, elle n’entend pas sans doute ARCHIVES PARLEMENTAIRES.