296 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE dépouille mortelle de l’un de vos plus dignes collègues, d’un soldat philosophe, d’un sage. Ordonnez que dans le fort de Sud-Libre s’élève un monument qui retrace à la fois la carrière qu’il a parcourue, et la fin glorieuse dont il a scellé ses travaux. Eh! quel Panthéon plus fait pour sa cendre, que cette même enceinte qu’il vient de rendre à la liberté, que ces superbes monts d’où sa valeur et son génie précipitèrent l’orgueilleux Espagnol? Avec quel saint respect s’approcheront ses frères d’armes de la tombe qui renfermera leur chef et leur ami ! avec quel sentiment profond ils iront jurer sur son urne de l’imiter, de le venger ! Si l’on vit jadis ; au tombeau de Maurice (sic), des soldats aiguiser leurs sabres, et dès lors se croire invincibles, combien de guerriers républicains seront-ils plus doucement émus, à l’aspect des restes de Dugommier que la reconnaissance publique aura recueillis par vos mains ! C’est ici, diront-ils, que repose un représentant du peuple, un général, l’effroi des tyrans, l’ami des hommes et des vertus. Ici son ombre illustre plané encore sur nous ; du haut de ces remparts elle enflamme nos courages et sourit à nos nouveaux triomphes. (On applaudit.) MILHAUD : Plus sages que les Romains, vous n’avez pas voulu décerner les honneurs du triomphe aux généraux pendant leur vie ; mais il est beau de voir les défenseurs de la patrie réclamer des récompenses pour leur chef, qui a péri à son service. Vous avez déjà décrété que les noms de plusieurs généraux seraient inscrits sur la colonne du Panthéon ; mais Dampierre, couvert de blessures, mais vaincu, a obtenu les honneurs décernés aux grands hommes ; et n’en devons-nous pas à la cendre de Dugommier, de cet homme qui enchaîné toujours la victoire, qui n’est connu que par les services qu’il rendit à son pays ? Je ne demande pas pour lui ceux du Panthéon, je sais qu’il faut attendre que la postérité ait prononcé ; mais j’appuie fermement la demande qui vous est faite par son ami. Qu’on lui élève un tombeau dans l’enceinte de Sud-Libre; son ombre planera sur la montagne voisine de cette place ; elle excitera nos soldats à ne jamais rétrograder. Ils se souviendront que le dessein de leur chef était de porter son camp, cet hiver, sous les murs de Barcelone. Une seule bombe jetée dans les immenses magasins de cette place l’eût fait rendre aussitôt, et rien n’eût plus arrêté sa marche sur madrid. Je demande que soit élevé un tombeau à Dugommier. Renvoyé au comité d’instruction publique (96). (96) Moniteur , XXII, 622. Rép., n° 69 ; Débats , n° 796, 977 ; M.U., n° 1356. 43 Le rapporteur du comité de Salut public [GUYTON-MORVEAU] obtient la parole, et fait un rapport dans lequel il rend compte de la situation de la manufacture de fusils à Paris. Plusieurs motions ont été faites, tendantes à ce qu’il fût pris des mesures pour régulariser et distribuer progressivement cette fabrication ; en reportant une partie de ses travaux dans les manufactures qui sont plus à la proximité des matières qu’elles consomment. La Convention, après quelques débats pour et contre l’établissement d’une commission, a renvoyé toutes les propositions à son comité de Salut public (97). [Guyton-Morveau entretient l’Assemblée des abus introduits dans les manufactures d’armes établies à Paris. Les ouvriers se sont constamment plaint des inspecteurs ; l’inspection s’est relâchée, il a été fabriqué de mauvaises armes, et il arrive à ce sujet des plaintes des généraux : il propose en conséquence de surveiller plus que jamais ces établissement. Plusieurs membres parlent successivement sur cet objet ; ils sont d’avis qu’on n’eût jamais dû établir ces manufactures à Paris. On a fait venir les ouvriers où la matière manque, et dans les pays où se trouvent les matières premières, il n’y a pas d’ouvriers : ils proposent de renvoyer tous ces ouvriers dans les manufactures anciennes qui languissent, tandis que celles de Paris sont encore à leur berceau. Ces propositions sont renvoyées au comité de Salut public.] (98) Ce rapport donne lieu à une discussion dans laquelle Noël Pointe et Reverchon ont soumis des calculs très judicieux sur le parti qu’on tire de cette manufacture. Ils ont fait sentir que l’éloignement où elle était des matières premières, les frais de transport, le salaire des ouvriers, qu’on était obligé d’augmenter à proportion de la che-reté des denrées dans une grande ville, augmentaient de beaucoup le prix des armes sans en hâter la fabrication. Cette discussion a été terminée par un décret qui renvoie à l’examen du comité la question de savoir s’il ne serait pas plus convenable de répartir les ouvriers sur les divers points de la République où se trouvent les matières premières, et où on a établi des ateliers. (99) (97) P.-V., L, 168. C 327 (1), pl. 1432, p. 36. Guyton-Morveau rapporteur selon 0*11, 21. (98) Moniteur, XXII, 620 ; Rép., n° 69 ; Débats, n° 796, 975 ; Ann. Patr., n° 697 ;C. Eg., n° 832 ; J. Fr., n° 794 ; Gazette Fr., n° 1061 ; M.U., n° 1356 ; Mess. Soir, n° 832. (99) Moniteur, XXII, 620.