[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]13 juillet 1791.] 224 ils ont fait jouer pour faire coaliser les citoyens avec les citoyens soldats, pour diviser les forces réunies, et pour détruire cette harmonie qui fait à la fois l’admiration et le désespoir des conjurés. « Représentants d’un peuple libre, dépositaires de ses pouvoirs, veuillez l’étre aussi de rengagement sacré que nous avons contracté avec la patrie ! Nous vous réitérons le serment de lui être constamment dévoués, d’observer fidèlement les lois décrétées par l’Assemblée natio-na'e, de rester constamment soumis àla discipline militaire, et de ne jamais noos écarter du respect et de l’obéissance que nous devons à nos supérieurs, tant qu’ils seront les organes de la loi : nous nous engageons solennellement à dénoncer quiconque se permettrait des propos, ou ferait la moindre démarche contraire à la Constitution-, de réprimer entre nous, de punir ceux qui n’observeraient pas l’engagement que nous prenons avec les représentants de la nation ; et afin qu’aucun de nous ne puisse oublier, un seul instant, les obligations qu’il s’impose, copie dudit serment sera affichée dans chaque chambre. « Nous sommes avec respect, etc. « Signé : Les sous-officiers , grenadiers et soldats du 13e régiment d'infanterie. « Strasbourg, le 7 juillet 1791. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette lettre dans le procès-verbal.) M. Merle, secrétaire, donne lecture d’une adresse des électeurs du département du Gers, ain.d conçue : « Augustes représentants, « Un sentiment d’admiration, qui impose à notre sensibilité, vient dYlever nos âmes. « De coupables complots s’étaient formés dans le sein des ténèbres. Le chef suprême de la nation était devenu la proie d’un tas de ravisseurs qui méditaient la ruine de l'Empire. Encore quelques heures, et le premier fonctionnaire du royaume était porté dans une terre ennemie : encore quelques heures, et les méchants se ralliaient pour frapper notre sainte Constitution. Us croyaient déjà, les traîtres ! la voir chanceler sur ses majestueux fondements; comme si des lois faites par un peuple devenu libre n’avaient pas leur appui dans les représentants que ce peuple a revêtus de ses pouvoirs!... Oui, suprêmes législateurs ! plus grands que les plus grands événements, votre fermeté a soutenu cet immense édifice ! Tous les caractères de la souveraineté se sont déployés. Le génie puissant qui souffla sur la France dans les jours de sa liberté naissante vous a inspirés dans ces instants de péril et d’orages. Sévères et justes comme la loi que vous avez créée, vous avez appelé sa vengeance contre les auteurs du plus noir attentat... Poursuivez, augustes représentants... Dépositaires de la confiance d’une nation qui a horreur de la tyrannie, continuez de protéger votre ouvrage. » Le respect pour les lois, l’amour de l’ordre, la reconnaissance, tels sont les devoirs que nous nous imposons. Nos bras, notre sang, notre vie, voilà nos sacrifices pour la défense de notre liberté. « Les électeurs du departement du Gers. r< Audi, 29 juin 1791. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette adresse dans Je procès-verbal.) M. Mei‘le, secrétaire , donne lecture d’une adresse des gardes nationales de Fontenay-le-Comte, ainsi conçue : Messieurs, « Etonnés un moment du crimeque les ennemis de la liberté étaient enfin parvenus à consommer, nous ne nous sommes point laissé abattre par ce coup de leur perfidie ; mais, redoublant de courage et de fermeté, nous avons, à l’instant, tourné nos regards du côté de la patrie en danger; et, inspirés par le génie qui veille sur ses destinées, nous avons tous juré de mourir pour elle ou de la sauver. « Quelle satisfaction, Messieurs, pour des citoyens fidèles, d’avoir su prévenir, par leur conduite, l’exemple que vous avez donné vous-mêmes à tout l’Empire avec tant d’énergie, et lorsque les lois que vous nous avez dictées dans ces circonstances difficiles nous sont parvenues, de n’y voir pour nous d’autre devoir à remplir, que celui de persévérer avec courage dans nos résolutions. « Des traîtres, par leurs discours insidieux, et à furce de trahisons, avaient déterminé le roi à suivre leurs lâches conseils, à renoncer à l’amour d’un peuple généreux et loyal qui l’idolâtrait, et à déserter le plus beau trône de l’univers. Qu’importe, avons-nous dit? Nos lois nous restent; et mourir pour leur défense, ou vivre pour les venger des insultes de leurs vils détracteurs, est le serment que chacun de nous a prononcé dans son cœur, au moment où nous avons reçu la nouvelle de cette catastrophe funeste. « Nous n’avons pas tardé, Messieurs, à recevoir la digne récompense de notre zèle et de notre fidélité; et l’arrestation du roi, le plus beau triomphe de la liberté, en confondant les lâches complots de nos ennemis, a mis enfui le sceau à leur perfidie et à leur opprobre. « Représentants du peuple français, nous ne souillerons point votre gloire par nos éloges : ces moyens, réservés pour les flatteurs des tyrans et des despotes, ne sont faits que pour encourager les petites âmes, et sont indignes d’un peuple libre : vous nous avez montré les vôtres inaccessibles atout autre sentiment qu’à l’amour de la patrie et à l’ardeur de travailler sans relâche au bonheur des hommes ; et nous nous bornerons à vous offrir, avec la loyauté de vrais citoyens français, le tribut d’amour, de respect et de reconnaissancedont votre conduite héroïque nous a pénétrés. Continuez, dans le calme des méditations qui conviennent aux législateurs de l’univers, vos travaux magnifiques; achevez, par la confection des lois qui vont désormais nous gouverner, notre Constitution immortelle, et nous veillerons pour empêcher les brigands d’arriver jusqu’à vous, tandis que vous préparerez le bonheur de tous les peuples de la terre. « Nous espérons que la sagesse de ces lois qui seront la gloire du peuple français, et l’admiration du monde entier; de ces* lois faites pour consoler le genre humain de ses misères, nous fera vaincre, par les armes seules de la vérité et de la raison, les fanatiques et les séditieux qui oseraient encore s’opposer à leur exécution ; mais, s’ils nous forcent enfin à nous servir de celtes que la justice et l’intérêt de toutes les nations ont mises en nos mains, qu’ils jugent, les [Assemblée natioaale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 juillet 1791.] traîtres, de ce que nous pourrons faire, sur ce que nous avons fait... Et qu’ils frémissent!... « Signé : Les citoyens composant la garde nationale de Fontenay-le-Gumte. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette adresse dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre du sieur Balzac , citoyen de la section de la place Royale à Paris, qui offre de payer, à compter du jour que nous serons en guerre jusqu’à celui où nos armes seront victorieuses, 15 sols par jour, pour celui de ses compatriotes qui le remplacera. Il regrette que sa fortune ne lui permette pas de répondre plus grandement au patriotisme qui anime tous les bons citoyens. M. le Président fait donner lecture d’une lettre du sieur Jacques Langlade de Villier , citoyen de Paris, père de 14 enfants ou petits-enfants, à laquelle est joint le serment qu’il prête en conséquence du décret de l’Assemblée du 22 juin dernier. Cette lettre est ainsi conçue : « Messieurs, « J’ai l’honneur de vous envoyer ci-joint mon serment patriotique : il est dans toute l’effusion de mon cœur; il est l’expression de mon âme et de mes sentiments. J’ai adressé aujourd’hui au district de Saint-Lazare , maintenant section Poissonnière, mon serment. Depuis, malgré mon âge, je lui ai témoigné le désir que j’avais de rester citoyen actif. Je réitère aujourd’hui en vos mains le serment dû à la circonstance : il importe très peu à la nation, mais il importe beaucoup à un père qui, prêt à descendre dans le tombeau, laisse après lui 14 enfants ou petits-enfants. « Recevez donc, Messieurs, mon serment comme pèrede famille, j’ose dire respectable, et de fidélité de laquelle je réponds. « Je soussigné Jacques Langlade, âgé de 78 ans, ancien secrétaire de feu M. de Conti ; je jure en mon âme et conscience de maintenir les décrets prononcés et à prononcer par l’auguste aréopage; j’espère verser jusqu’à la dernière goutte de mon sang pour soutenir l’heureuse Constitution qui nous a été donnée envers et contre tous ses ennemis; j’espère que la providence, qui a si bien surveillé les travaux de nos sages législateurs, voudra bien m’accorder la grâce que je lui demande tous les jours, de me conserver la santé et la force pour être en état de donner à nos concitoyens les preuves de mon patriotisme, que je jure de porter jusque dansje tombeau. ( Applaudissements .) « Je suis, etc. « Signé ; LANGLADE DE VlLLIER. » M. le Président fait donner lecture de la soumission faite par plusieurs membres du tribunal de cassation pour l’entretien, l’un de trois gardes nationaux, et tous les autres de chacun un garde national, pendant tout le temps que durera leur exercice audit tribunal. Suivent les noms desdits membres : J. -P .-Ü.GzrrsLn, président; Vernier, Fantin, Cl.- B. Navier, Gensonné, Giraudet, François Le Maire, Barrai, Caillemer, Riolz, Mol-vaut, Albarel, de Prosnay, Boucher, Hor-tal, Pons, J.-G. du Mesnil, Bailly, Miquel, 1" Série. T. XXVIII. Bazenerye, Tupinier, Cosinhal, Hérault, Morseng, Lions, de Torcy, G. Hom, greffier du tribunal de cassation , Malleville, Brouard, Greuzé-Latouche, Bouche, Vieil-lart. (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette liste dans le procès-verbal.) L’ordre du jour est un rapport des commissaires de L'Assemblée nationale envoyés dans les départements de la Meuse , de la Moselle et des Ardennes. M. de JVIontesqnîou, l’un des commissaires. Messieurs, Nous avons terminé la mission que vous nous aviez donnée. Nous avons parcouru les trois départements de la Meuse, de la Moselle et des Ardennes : c’est là que M. de Bouillé commandait; c’est là ([ue devait se consommer le mystère d’iniquité dont le patriotisme d’un seul citoyen a préservé la France. Certes, celui qui avait coqçu cet horrible projet n’avait pas étudié l’esprit qui anime les habitants du pays qui devait en être le théâtre : nulle partie du royaume ne rassemble des citoyens plus ardents pour la Révolution ; la terre y est hérissée de soldats prêts à mourir pour la cause de la liberté : un seul esprit semble les animer tous. Au moment où l’imagination grossissait encore le danger très réel qui nous a menacés, le peuple des villes a vu des femmes, semblables à ces fameuses Spartiates, disputer pour leurs fils l’honneur de marcher les premiers (. Applaudissements .) : là on ne demande que des armes et des chefs fidèles; enfin, après avoir parcouru cette partie de l’Empire, il est impossible de n’avoir pas l’intime conviction que le despotisme ne pourrait désormais y conquérir que des déserts. Nous vous avons rendu compte précédemment de l’exécution de vos ordres à Verdun et à Metz. Après être sortis de cette dernière place, nous avons gagné Bitche, le point le plus reculé de la partie que nous étions chargés de visiter, et nous avons suivi la frontière dans une longueur de 80 lieues, jusqu’à Charlemont, Givet et Philippe-ville, passant par Sarrelouis, Thionville, Longwy, Montmédy, Sedan, Mézières et Rocroy. Les troupes dont nous avons reçu le serment consistent, en infanterie, en 14 régiments, un bataillon d’infanterie légère, un régiment d’artillerie et le corps des mineurs; en troupes à cheval, en 2 régiments de cavalerie, 5 de hussards, 6 de dragons et 3 de chasseurs. Partout nous avons trouvé le même zèle pour le maintien de la Constitution, dans les soldats, cavaliers, dragons, hussards et chasseurs; cette ardeur est portée à un point qui doit faire trembler nos ennemis. Si nos troupes ont à combattre pour la cause de la Révolution, ce sma leur propre cause qu’elles croiront défendre. ( Applaudissements .) Malheureusement tous les officiers n’ont pas adopté les mêmes principes; ceux qui avaient une opinion différente ont montré du moins leur respect pour la religion du serment : ils n’ont pas juré ce que leur cœur désavouait; mais il n’est pas un régiment, parmi ceux que nous avons vus, où la totalité des officiers ait refusé de prendre l’engagement décrété : il en est plusieurs où tous font accepté. Ainsi les officiers actuellement au service méritent la confiance de la nation, et les régiments où il y a beaucoup de places vacantes témoignent plutôt des regrets 15