SÉANCE DU 11 THERMIDOR AN II (SOIR) (29 JUILLET 1794) - Nos 5-6 647 Mention honorable, insertion au bulletin (l). [Le C. de Surv. et révol. de la Sect " de Brutus à la Conv.; s.d.]( 2) Citoiens représentans Vous voïez devant vous une partie du Comité de Surveillance et révolutionnaire de la Section de Brutus L’autre partie est à son poste, elle surveille. Un serment sacrilège fut demandé au comité par une commune rebelle. Il l’a refusé avec indignation. Il est resté ferme dans ses principes. Jamais il ne deviera. Nous venons, au nom du Comité de Surveillance de la Section de Brutus, applaudir à vos glorieux travaux[;] des scélérats ont osé s’insurger contre la convention. bientôt ils ne seront plus Périssent ainsi tous les traitres Le Comité vient renouveller entre vos mains le serment de vivre et mourir pour la représentation nationalle et pour l’exécution de ses décrets Vive la République une et Indivisible. Vive la convention nationalle. 5 Les Liégeois réfugiés viennent féliciter la Convention d’avoir découvert et anéanti l’affreuse conspiration du Cromwell français et de ses complices : « L’énergie de la Convention, disent-ils, secondée par le courage du peuple, a sauvé la République du complot le plus terrible ». Mention honorable, insertion au bulletin (3). [Les Liégeois réfugiés à la Conv.; s.d.] [ 4) Fondateurs de la République Les Liégeois réfugiés viennent vous féliciter sur la découverte de l’affreuse conspiration du Cromwel françois, et de la prompte punition du scélérat hypocrite et de ses infâmes complices : l’énergie de la Convention, secondée du courage du peuple, a sauvé la république du complot le plus terrible mais aussi le dernier que les ennemis de la liberté oseront former contre elle. Vive la République Vive la Convention. DECHAMPS {présid .), Eugène LONEUX (secrét.), F. P. Dethier (secrét.), p.f.J. WALEFF [secrét. j. (1) P.V., XLII, 265. Mon., XXI, 354; M.U., XLII, 201. Mention dans Débats, n° 678, 211; -J. Mont., n° 94, 773. (2) C 314, pl. 1257, p. 36. (3) P.V., XLII, 265. Mon., XXI, 354; C. Univ., n°941. Mention dans Débats, n°678, 211; J. Mont., n° 94, 773; F.S.P., n° 390 ; M.U., XLII, 185. (4) C 314, pl. 1257, p. 30. 6 Un membre observe que le système du dernier tyran étoit de concentrer les pouvoirs sur les mêmes individus; que le temps étoit arrivé où il falloit décréter irrévocablement en principe, que tous les comités de la Convention seroient renouvelés par quart tous les mois, et par appel nominal (l). Barère propose ensuite, pour remplacer au comité de salut public les trois conspirateurs dont la tête vient de tomber sous le glaive de la loi, Bernard (de Saintes), Duval et Eschasseriaux Aux voix, aux voix ! crient plusieurs membres. MERLIN (de Thionville) : Je m’oppose à ce qu’on mette aux voix le projet présenté par le comité; les membres que l’on propose ont ma confiance ; ont-ils celle de la Convention tout entière ? Ils vont être investis d’une grande puissance (on murmure); ils vont être chargés de grandes et d’importantes fonctions; ils tiendront les rênes du gouvernement; ils doivent donc paraître au peuple, pour lequel ils vont travailler, investis de la confiance de la représentation nationale tout entière. Je demande la question préalable sur la proposition de Barère, et l’ajournement à demain de la nomination des membres du comité de salut public, et que cette nomination se fasse comme celles des présidents et secrétaires. *** : Le comité de salut public doit être composé de douze membres, conformément à son organisation primitive; depuis longtemps Hérault en est absent; sans doute on a eu des raisons pour ne pas le remplacer. Je demande qu’il soit nommé demain par la voie du scrutin les membres du comité de salut public. (On applaudit). TURREAU : Je demande qu’ils soient nommés par appel nominal et à haute voix; c’est ainsi que les hommes libres doivent émettre leur pensée. BILLAUD-VARENNE : Je demande la priorité pour l’appel nominal. Si le comité s’est permis de présenter la liste des membres qu’il croyait propres au travail du comité de salut public, c’est qu’un décret formel le lui prescrivait. Mais, puisqu’il s’est élevé de l’opposition, j’insiste pour l’appel nominal; c’est par cette voie que le peuple a connu ses vrais amis. On vient de dire qu’on avait eu des raisons pour ne pas remplacer Hérault; oui, nous en avons eu; nous n’avons pas voulu augmenter le nombre des conspirateurs qui étaient déjà dans le comité. (De violents murmures s’élèvent dans l’assemblée). Plusieurs membres : Président, rappelez Billaud à l’ordre; il insulte la Convention. LE PRÉSIDENT ; C’est sans doute une erreur échappée à Billaud; il est inutile de le rappeler à l’ordre. BILLAUD-VARENNE : Je m’étonne qu’on ait déjà oublié l’état d’oppression sous lequel gémissait la Convention nationale... ( Plusieurs membres : Nous ne l’oublierons jamais !) Je soutiens qu’il faut sans (1) P.V., XLII, 265. SÉANCE DU 11 THERMIDOR AN II (SOIR) (29 JUILLET 1794) - Nos 5-6 647 Mention honorable, insertion au bulletin (l). [Le C. de Surv. et révol. de la Sect " de Brutus à la Conv.; s.d.]( 2) Citoiens représentans Vous voïez devant vous une partie du Comité de Surveillance et révolutionnaire de la Section de Brutus L’autre partie est à son poste, elle surveille. Un serment sacrilège fut demandé au comité par une commune rebelle. Il l’a refusé avec indignation. Il est resté ferme dans ses principes. Jamais il ne deviera. Nous venons, au nom du Comité de Surveillance de la Section de Brutus, applaudir à vos glorieux travaux[;] des scélérats ont osé s’insurger contre la convention. bientôt ils ne seront plus Périssent ainsi tous les traitres Le Comité vient renouveller entre vos mains le serment de vivre et mourir pour la représentation nationalle et pour l’exécution de ses décrets Vive la République une et Indivisible. Vive la convention nationalle. 5 Les Liégeois réfugiés viennent féliciter la Convention d’avoir découvert et anéanti l’affreuse conspiration du Cromwell français et de ses complices : « L’énergie de la Convention, disent-ils, secondée par le courage du peuple, a sauvé la République du complot le plus terrible ». Mention honorable, insertion au bulletin (3). [Les Liégeois réfugiés à la Conv.; s.d.] [ 4) Fondateurs de la République Les Liégeois réfugiés viennent vous féliciter sur la découverte de l’affreuse conspiration du Cromwel françois, et de la prompte punition du scélérat hypocrite et de ses infâmes complices : l’énergie de la Convention, secondée du courage du peuple, a sauvé la république du complot le plus terrible mais aussi le dernier que les ennemis de la liberté oseront former contre elle. Vive la République Vive la Convention. DECHAMPS {présid .), Eugène LONEUX (secrét.), F. P. Dethier (secrét.), p.f.J. WALEFF [secrét. j. (1) P.V., XLII, 265. Mon., XXI, 354; M.U., XLII, 201. Mention dans Débats, n° 678, 211; -J. Mont., n° 94, 773. (2) C 314, pl. 1257, p. 36. (3) P.V., XLII, 265. Mon., XXI, 354; C. Univ., n°941. Mention dans Débats, n°678, 211; J. Mont., n° 94, 773; F.S.P., n° 390 ; M.U., XLII, 185. (4) C 314, pl. 1257, p. 30. 6 Un membre observe que le système du dernier tyran étoit de concentrer les pouvoirs sur les mêmes individus; que le temps étoit arrivé où il falloit décréter irrévocablement en principe, que tous les comités de la Convention seroient renouvelés par quart tous les mois, et par appel nominal (l). Barère propose ensuite, pour remplacer au comité de salut public les trois conspirateurs dont la tête vient de tomber sous le glaive de la loi, Bernard (de Saintes), Duval et Eschasseriaux Aux voix, aux voix ! crient plusieurs membres. MERLIN (de Thionville) : Je m’oppose à ce qu’on mette aux voix le projet présenté par le comité; les membres que l’on propose ont ma confiance ; ont-ils celle de la Convention tout entière ? Ils vont être investis d’une grande puissance (on murmure); ils vont être chargés de grandes et d’importantes fonctions; ils tiendront les rênes du gouvernement; ils doivent donc paraître au peuple, pour lequel ils vont travailler, investis de la confiance de la représentation nationale tout entière. Je demande la question préalable sur la proposition de Barère, et l’ajournement à demain de la nomination des membres du comité de salut public, et que cette nomination se fasse comme celles des présidents et secrétaires. *** : Le comité de salut public doit être composé de douze membres, conformément à son organisation primitive; depuis longtemps Hérault en est absent; sans doute on a eu des raisons pour ne pas le remplacer. Je demande qu’il soit nommé demain par la voie du scrutin les membres du comité de salut public. (On applaudit). TURREAU : Je demande qu’ils soient nommés par appel nominal et à haute voix; c’est ainsi que les hommes libres doivent émettre leur pensée. BILLAUD-VARENNE : Je demande la priorité pour l’appel nominal. Si le comité s’est permis de présenter la liste des membres qu’il croyait propres au travail du comité de salut public, c’est qu’un décret formel le lui prescrivait. Mais, puisqu’il s’est élevé de l’opposition, j’insiste pour l’appel nominal; c’est par cette voie que le peuple a connu ses vrais amis. On vient de dire qu’on avait eu des raisons pour ne pas remplacer Hérault; oui, nous en avons eu; nous n’avons pas voulu augmenter le nombre des conspirateurs qui étaient déjà dans le comité. (De violents murmures s’élèvent dans l’assemblée). Plusieurs membres : Président, rappelez Billaud à l’ordre; il insulte la Convention. LE PRÉSIDENT ; C’est sans doute une erreur échappée à Billaud; il est inutile de le rappeler à l’ordre. BILLAUD-VARENNE : Je m’étonne qu’on ait déjà oublié l’état d’oppression sous lequel gémissait la Convention nationale... ( Plusieurs membres : Nous ne l’oublierons jamais !) Je soutiens qu’il faut sans (1) P.V., XLII, 265. 648 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE cesse rappeler cet état d’oppression, afin que la Convention ne retombe plus dans un pareil état d’avilissement. (On applaudit). On me dit que dans ce moment-ci l’assemblée est libre; oui, elle l’est; mais l’était-elle avant que le glaive de la loi eût frappé le tyran ? L’était-elle à l’époque où la loi sur le tribunal révolutionnaire lui fut présentée ? Non; si ces faits sont constants, comment peut-on les avoir oubliés depuis la mort du tyran ? J’insiste pour que la nomination des membres des deux comités soit faite par appel nominal. La Convention décrète qu’elle nommera demain, par appel nomminal, les membres qui doivent compléter les deux comités de salut public et de sûreté générale (l). FRÉRON : D’après ce que vient de dire Billaud, il est évident que, si le comité de salut public eût été complet, il se serait opposé à la tyrannie de Robespierre; il est évident qu’en venant dénoncer ce traître, les membres du comité se seraient couverts de gloire, et que, le bandeau une fois tombé, la loi sanguinaire rendue sur le tribunal révolutionnaire n’aurait point été adoptée. Je conclus de là que le comité de salut public doit toujours être complet; Jeanbon Saint-André et Prieur en sont maintenant absents. Je demande leur rappel, et que le comité ne puisse jamais envoyer de ses membres en mission. BARÈRE : Il est nécessaire de répondre à ce que vient de dire Fréron. Lorsque nous étions une majorité de cinq contre les conspirateurs, nous ne savions pas si, en appelant un nouveau membre au comité, la réputation de patriotisme que s’était faite Robespierre n’aurait pas influé sur sa nomination, et si ce n’était pas augmenter le nombre des partisans de ce scélérat, au lieu que nous étions sûrs de nous; nous n’avions qu’à nous regarder pour délibérer. On a dit que, si le comité eût été complet, on serait venu dénoncer Robespierre; ce n’est que depuis quelques jours que le masque est tombé; ce n’est que depuis quelques jours que nous avons apprécié cet hypocrite ; et lorsqu’il fallait détromper une grande Société dont il avait usurpé les suffrages, lorsque des hommes courageux n’avaient pas même osé l’attaquer, il fallait, pour l’abattre plus sûrement, garder quelques ménagements. Cependant qui, dans cette assemblée, attaqua le premier le tyran ? Billaud. Qui lui arracha le premier le masque patriotique dont il s’était couvert ? Billaud, membre du gouvernement. Plusieurs membres : Ce fut Tallien. BARÈRE : Je rendrai toujours la même justice aux membres de la Convention ; ils ont tous (1) Mon., XXI, 361-363 Débats, nos 679, 680, p. 235, 237; Mess. Soir, n°710; Rép., n° 223; J. Perlet, n°676; Audit, nat., n°675; J. Fr., n°674; Ann. R.F., n°241; C. Eg., n° 711 ; Ann. patr., n° DLXXVI; mention dans J. Jac-quin, n° 733. Les 9 dernières gazettes font également état de la nomination de 3 membres proposés pour le comité de sûreté générale; 5 d’entre elles citent des noms. Mais, s’il y a concordance entre elles à propos du premier (Le Blanc) et du troisième (Bouillerot), il y a discordance à propos du second (Berlier, pour C. Eg.; Portiez, pour Ann. patr.; Gauthier, pour J. Perlet; Cordier, pour Ann. R.F.; Portiez, pour Mess. Soir). concouru à démasquer le tyran, mais le fait que j’ai cité est vrai. Quant à la seconde proposition de Fréron, je crois que la Convention doit examiner si, pour des opérations majeures, le comité ne doit pas employer quelques-uns de ses membres. Carnot a été très-utile à Maubeuge, parce que, connaissant les intentions et les plans ultérieurs du comité, il a pu prendre des mesures en conséquence. Jeanbon Saint-André a également servi la république dans notre dernière expédition maritime. DUBOIS-CRANCÉ : Il est de l’intérêt de la liberté que le comité de salut public soit toujours complet. Plus les membres sont nombreux, plus les opérations sont bien faites, et moins la liberté court de périls. Certes, si Robespierre eût pu envoyer en mission les membres du comité, son triumvirat eût triomphé, et la république n’existerait plus. Vous avez abattu Robespierre ; mais ne peut-il pas arriver que l’habitude du pouvoir fasse naître de nouveaux ambitieux ? Quand on a bu dans la coupe de la puissance, on a de la peine à rentrer dans la classe des citoyens. Vous avez vaincu le tyran; défiez-vous de ces hommes qui, s’identifiant sans cesse avec le gouvernement, soutiennent qu’on ne peut les accuser sans attaquer le gouvernement lui-même. Je demande qu’un membre du comité de salut public ne puisse rester en mission plus de quinze jours. (Plusieurs voix : Jamais !) J’ajoute une autre proposition. Nous avons vu le danger de prolonger longtemps le pouvoir dans les mêmes mains; je ne demande pas qu’on renouvelle tous les quinze jours le comité de salut public, mais je soutiens que chaque mois trois membres doivent en sortir et faire place à de nouveaux. De cette manière la liberté ne courra aucun danger; d’ailleurs, il n’est pas un membre parmi nous qui ne sache que le physique et le moral s’épuisent par un travail continu. Je suis persuadé que les membres du comité pensent comme moi. Je demande que ma proposition soit mise aux voix. CAMBON : La question que vous discutez mériterait d’être examinée sous un point de vue plus étendu. Je pense qu’il conviendrait de s’occuper de l’organisation du gouvernement, et d’examiner si la Convention ne peut pas rendre utiles les membres de cette assemblée en les employant dans la surveillance de l’administration générale de la république. Depuis que le gouvernement révolutionnaire est organisé, la partie exécutive en est confiée à des commissions qui ont remplacé l’ancien ministère; ces commissions rendent compte journellement de leurs opérations au comité de salut public, qui s’est organisé en sections pour se diviser le travail, en plaçant un membre à la tête de chaque section. Certains membres ont sous leur surveillance jusqu’à trois commissions, de sorte que, surchargés de travail, ils ont subdivisé leur section en bureaux, à la tête desquels ils ont placé des chefs. Les commissions leur présentent les vues, rapports et arrêtés qu’elles croient nécessaires pour l’exécution des lois, et, dans le compte qu’elles rendent, le membre du comité y trouve des vues utiles à la législation. Le représentant du peuple, à la tête de la section, examine, modifie ou adopte les projets qui lui sont soumis, et en fait le rapport au comité. Mais comme les affaires sont multipliées, il renvoie quel-648 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE cesse rappeler cet état d’oppression, afin que la Convention ne retombe plus dans un pareil état d’avilissement. (On applaudit). On me dit que dans ce moment-ci l’assemblée est libre; oui, elle l’est; mais l’était-elle avant que le glaive de la loi eût frappé le tyran ? L’était-elle à l’époque où la loi sur le tribunal révolutionnaire lui fut présentée ? Non; si ces faits sont constants, comment peut-on les avoir oubliés depuis la mort du tyran ? J’insiste pour que la nomination des membres des deux comités soit faite par appel nominal. La Convention décrète qu’elle nommera demain, par appel nomminal, les membres qui doivent compléter les deux comités de salut public et de sûreté générale (l). FRÉRON : D’après ce que vient de dire Billaud, il est évident que, si le comité de salut public eût été complet, il se serait opposé à la tyrannie de Robespierre; il est évident qu’en venant dénoncer ce traître, les membres du comité se seraient couverts de gloire, et que, le bandeau une fois tombé, la loi sanguinaire rendue sur le tribunal révolutionnaire n’aurait point été adoptée. Je conclus de là que le comité de salut public doit toujours être complet; Jeanbon Saint-André et Prieur en sont maintenant absents. Je demande leur rappel, et que le comité ne puisse jamais envoyer de ses membres en mission. BARÈRE : Il est nécessaire de répondre à ce que vient de dire Fréron. Lorsque nous étions une majorité de cinq contre les conspirateurs, nous ne savions pas si, en appelant un nouveau membre au comité, la réputation de patriotisme que s’était faite Robespierre n’aurait pas influé sur sa nomination, et si ce n’était pas augmenter le nombre des partisans de ce scélérat, au lieu que nous étions sûrs de nous; nous n’avions qu’à nous regarder pour délibérer. On a dit que, si le comité eût été complet, on serait venu dénoncer Robespierre; ce n’est que depuis quelques jours que le masque est tombé; ce n’est que depuis quelques jours que nous avons apprécié cet hypocrite ; et lorsqu’il fallait détromper une grande Société dont il avait usurpé les suffrages, lorsque des hommes courageux n’avaient pas même osé l’attaquer, il fallait, pour l’abattre plus sûrement, garder quelques ménagements. Cependant qui, dans cette assemblée, attaqua le premier le tyran ? Billaud. Qui lui arracha le premier le masque patriotique dont il s’était couvert ? Billaud, membre du gouvernement. Plusieurs membres : Ce fut Tallien. BARÈRE : Je rendrai toujours la même justice aux membres de la Convention ; ils ont tous (1) Mon., XXI, 361-363 Débats, nos 679, 680, p. 235, 237; Mess. Soir, n°710; Rép., n° 223; J. Perlet, n°676; Audit, nat., n°675; J. Fr., n°674; Ann. R.F., n°241; C. Eg., n° 711 ; Ann. patr., n° DLXXVI; mention dans J. Jac-quin, n° 733. Les 9 dernières gazettes font également état de la nomination de 3 membres proposés pour le comité de sûreté générale; 5 d’entre elles citent des noms. Mais, s’il y a concordance entre elles à propos du premier (Le Blanc) et du troisième (Bouillerot), il y a discordance à propos du second (Berlier, pour C. Eg.; Portiez, pour Ann. patr.; Gauthier, pour J. Perlet; Cordier, pour Ann. R.F.; Portiez, pour Mess. Soir). concouru à démasquer le tyran, mais le fait que j’ai cité est vrai. Quant à la seconde proposition de Fréron, je crois que la Convention doit examiner si, pour des opérations majeures, le comité ne doit pas employer quelques-uns de ses membres. Carnot a été très-utile à Maubeuge, parce que, connaissant les intentions et les plans ultérieurs du comité, il a pu prendre des mesures en conséquence. Jeanbon Saint-André a également servi la république dans notre dernière expédition maritime. DUBOIS-CRANCÉ : Il est de l’intérêt de la liberté que le comité de salut public soit toujours complet. Plus les membres sont nombreux, plus les opérations sont bien faites, et moins la liberté court de périls. Certes, si Robespierre eût pu envoyer en mission les membres du comité, son triumvirat eût triomphé, et la république n’existerait plus. Vous avez abattu Robespierre ; mais ne peut-il pas arriver que l’habitude du pouvoir fasse naître de nouveaux ambitieux ? Quand on a bu dans la coupe de la puissance, on a de la peine à rentrer dans la classe des citoyens. Vous avez vaincu le tyran; défiez-vous de ces hommes qui, s’identifiant sans cesse avec le gouvernement, soutiennent qu’on ne peut les accuser sans attaquer le gouvernement lui-même. Je demande qu’un membre du comité de salut public ne puisse rester en mission plus de quinze jours. (Plusieurs voix : Jamais !) J’ajoute une autre proposition. Nous avons vu le danger de prolonger longtemps le pouvoir dans les mêmes mains; je ne demande pas qu’on renouvelle tous les quinze jours le comité de salut public, mais je soutiens que chaque mois trois membres doivent en sortir et faire place à de nouveaux. De cette manière la liberté ne courra aucun danger; d’ailleurs, il n’est pas un membre parmi nous qui ne sache que le physique et le moral s’épuisent par un travail continu. Je suis persuadé que les membres du comité pensent comme moi. Je demande que ma proposition soit mise aux voix. CAMBON : La question que vous discutez mériterait d’être examinée sous un point de vue plus étendu. Je pense qu’il conviendrait de s’occuper de l’organisation du gouvernement, et d’examiner si la Convention ne peut pas rendre utiles les membres de cette assemblée en les employant dans la surveillance de l’administration générale de la république. Depuis que le gouvernement révolutionnaire est organisé, la partie exécutive en est confiée à des commissions qui ont remplacé l’ancien ministère; ces commissions rendent compte journellement de leurs opérations au comité de salut public, qui s’est organisé en sections pour se diviser le travail, en plaçant un membre à la tête de chaque section. Certains membres ont sous leur surveillance jusqu’à trois commissions, de sorte que, surchargés de travail, ils ont subdivisé leur section en bureaux, à la tête desquels ils ont placé des chefs. Les commissions leur présentent les vues, rapports et arrêtés qu’elles croient nécessaires pour l’exécution des lois, et, dans le compte qu’elles rendent, le membre du comité y trouve des vues utiles à la législation. Le représentant du peuple, à la tête de la section, examine, modifie ou adopte les projets qui lui sont soumis, et en fait le rapport au comité. Mais comme les affaires sont multipliées, il renvoie quel- SÉANCE DU 11 THERMIDOR AN II (SOIR) (29 JUILLET 1794) - N° 6 649 quefois dans les divers bureaux, et les chefs lui en font le rapport. Il serait possible que des représentants du peuple, surchargés d’affaires ou trop confiants dans la commission, adoptassent sans un examen approfondi les projets qui leur seraient présentés. Il peut résulter de cet ordre de choses que la législation et la surveillance que la Convention doit se réserver pourraient passer entre les mains des chefs de bureaux ou des commissions exécutives. Je puis citer, sans craindre de compromettre personne, un de nos collègues qui est chargé, dans le comité de salut public de la surveillance de trois ou quatre parties très-considérables, parmi lesquelles se trouve celle du commerce et approvisionnement : tout le monde sait qu’il examine, sans l’intermédiaire des chefs de bureaux, tous les projets qui lui sont soumis; mais on sait encore qu’il est obligé de passer les jours et les nuits. Il est certain que celui qui le remplacerait, et qui n’aurait ni sa santé, ni son activité, serait obligé, ou de ralentir les opérations, ou de les confier à des chefs de bureau. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’insensiblement tous les comités de la Convention doivent se trouver sans occupation, ou se trouver en concurrence avec le comité de salut public. Nous trouverions la preuve de cette hypothèse dans la formation de la section de police générale que le tyran Robespierre organisa, dont il lançait des lettres de proscription qui contrecarraient les opérations du comité de sûreté générale; en enlevant des patriotes souvent chargés des opérations importantes. Le remède à apporter serait de nous occuper de l’organisation intérieure de la Convention, de supprimer tous les comités existants, de les remplacer par autant de comités qu’il y a de commissions exécutives; chaque comité surveillerait les opérations d’une commission, exigerait d’elle des comptes journaliers ; les comités se réuniraient partiellement ou ensemble, par l’invitation d’un commissaire, à un centre commun, qui serait le comité de salut public, pour tous les objets qui seraient relatifs à l’exécution, et à la Convention pour la législation : dès lors, la Convention serait le centre du gouvernement; la séance deviendrait plus intéressante par les travaux des comités; tous les membres de la Convention seraient employés à surveiller le gouvernement, et feraient le travail qui, dans l’état actuel, pourrait être entre les mains des chefs de bureau. Cette idée m’a été suggérée par l’expérience que j’ai acquise dans le comité des finances, qui, chargé d’une surveillance nécessaire, a exigé, sous les Assemblées législative et conventionnelle, que les commissaires de la trésorerie lui rendissent compte journellement de leurs opérations, et c’est à cette organisation qu’on doit attribuer les connaissances locales que le comité s’est procurées. Cette opinion a besoin d’être développée et méditée; si l’assemblée veut le permettre, je lui présenterai, ou au comité de salut public, le travail que j’avais commencé. Je demande que vous vous borniez à procéder au remplacement du comité de salut public, et que vous vous occupiez de l’organisation de ce comité. THURIOT : Il n’est pas question, dans ce moment-ci, de savoir si on renouvellera tous les mois un certain nombre de membres du comité de salut public; nous nous occuperons de cet objet dans l’organisation définitive du comité. Il faut décréter, dans ce moment, que les membres du comité n’iront jamais en mission. Nous serions bien malheureux si, lorsqu’il s’agit d’une mission importante, on ne pouvait choisir, pour la remplir, que les membres du comité de salut public. Je demande qu’on nomme demain les membres qui doivent compléter le comité de salut public, et qu’on charge ce comité de présenter le plan de son organisation. On demande l’ajournement de la discussion. TALLIEN : La question que l’on discute dans ce moment est de la plus grande importance, et quelques moments de plus seront utiles à la patrie. La Convention nationale a fait en trois jours une révolution; elle l’a faite par son énergie; elle l’a faite pour le peuple, et non pour quelques individus. Nous avons abattu des triumvirs, nous ne voulons pas les remplacer par des décemvirs; nous voulons la liberté, la liberté tout entière. Vous ne devez pas vous séparer sans avoir décrété le renouvellement du comité de salut public tel que vous l’a proposé Dubois-Crancé. Je demande que vous consacriez dans ce moment le principe que tous les comités seront renouvelés par quart, tous les mois. (On applaudit.) On demande que cette proposition soit mise aux voix. BOURDON (de l’Oise) : A la manière dont on délibère ce soir, je reconnais la suite du complot infâme de Robespierre. (Murmures.) Ses secrets partisans ont semé dans cette enceinte qu’on ne l’avait attaqué, lui et ses complices, que parce qu’on voulait mettre un autre à sa place. Sans doute il faudrait bien peu connaître le cœur humain pour ne pas savoir qu’après une longue compression succède naturellement quelque exaltation dans les idées; mais j’invite la Convention à ne pas déshonorer sa victoire par une précipitation qui ne peut qu’être funeste à la chose publique. De grâce, ajournons cette discussion; songeons que nous avons 14 armées en activité, un gouvernement fort et vigoureux qui les fait agir; ne le désorganisons donc pas par une décision précipitée. Citoyens, parmi les vigoureux athlètes qui ont abattu le machiavélisme en personne, il faut convenir que les deux comités de salut public et de sûreté générale se sont distingués avec honneur. J’insiste pour l’ajournement. Lecointre (de Versailles) demande que la discussion soit ajournée à trois jours. TALLIEN : J’avoue que je conçois difficilement comment, lorsqu’il s’agit de consacrer un principe sauvegarde de la liberté publique, on demande l’ajournement. Nous avons passé la nuit pour abattre le tyran, passons-la aujourd’hui pour assurer le triomphe de la liberté. Ce qui est vrai dans ce moment le sera-t-il moins demain, ou dans deux ou trois jours ? Sera-t-il moins vrai demain qu’au-jourd’hui qu’il ne faut pas que les mêmes hommes exercent longtemps le pourvoir, si l’on ne veut pas qu’ils en abusent ? On peut ajourner les moyens d’exécution, mais je soutiens que ce principe doit être consacré sur-le-champ. BARÈRE : Je ne conçois pas comment les opinions sont partagées, quand on a vu que l’habitude du pouvoir pouvait causer le plus grand mal. D’ail-SÉANCE DU 11 THERMIDOR AN II (SOIR) (29 JUILLET 1794) - N° 6 649 quefois dans les divers bureaux, et les chefs lui en font le rapport. Il serait possible que des représentants du peuple, surchargés d’affaires ou trop confiants dans la commission, adoptassent sans un examen approfondi les projets qui leur seraient présentés. Il peut résulter de cet ordre de choses que la législation et la surveillance que la Convention doit se réserver pourraient passer entre les mains des chefs de bureaux ou des commissions exécutives. Je puis citer, sans craindre de compromettre personne, un de nos collègues qui est chargé, dans le comité de salut public de la surveillance de trois ou quatre parties très-considérables, parmi lesquelles se trouve celle du commerce et approvisionnement : tout le monde sait qu’il examine, sans l’intermédiaire des chefs de bureaux, tous les projets qui lui sont soumis; mais on sait encore qu’il est obligé de passer les jours et les nuits. Il est certain que celui qui le remplacerait, et qui n’aurait ni sa santé, ni son activité, serait obligé, ou de ralentir les opérations, ou de les confier à des chefs de bureau. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’insensiblement tous les comités de la Convention doivent se trouver sans occupation, ou se trouver en concurrence avec le comité de salut public. Nous trouverions la preuve de cette hypothèse dans la formation de la section de police générale que le tyran Robespierre organisa, dont il lançait des lettres de proscription qui contrecarraient les opérations du comité de sûreté générale; en enlevant des patriotes souvent chargés des opérations importantes. Le remède à apporter serait de nous occuper de l’organisation intérieure de la Convention, de supprimer tous les comités existants, de les remplacer par autant de comités qu’il y a de commissions exécutives; chaque comité surveillerait les opérations d’une commission, exigerait d’elle des comptes journaliers ; les comités se réuniraient partiellement ou ensemble, par l’invitation d’un commissaire, à un centre commun, qui serait le comité de salut public, pour tous les objets qui seraient relatifs à l’exécution, et à la Convention pour la législation : dès lors, la Convention serait le centre du gouvernement; la séance deviendrait plus intéressante par les travaux des comités; tous les membres de la Convention seraient employés à surveiller le gouvernement, et feraient le travail qui, dans l’état actuel, pourrait être entre les mains des chefs de bureau. Cette idée m’a été suggérée par l’expérience que j’ai acquise dans le comité des finances, qui, chargé d’une surveillance nécessaire, a exigé, sous les Assemblées législative et conventionnelle, que les commissaires de la trésorerie lui rendissent compte journellement de leurs opérations, et c’est à cette organisation qu’on doit attribuer les connaissances locales que le comité s’est procurées. Cette opinion a besoin d’être développée et méditée; si l’assemblée veut le permettre, je lui présenterai, ou au comité de salut public, le travail que j’avais commencé. Je demande que vous vous borniez à procéder au remplacement du comité de salut public, et que vous vous occupiez de l’organisation de ce comité. THURIOT : Il n’est pas question, dans ce moment-ci, de savoir si on renouvellera tous les mois un certain nombre de membres du comité de salut public; nous nous occuperons de cet objet dans l’organisation définitive du comité. Il faut décréter, dans ce moment, que les membres du comité n’iront jamais en mission. Nous serions bien malheureux si, lorsqu’il s’agit d’une mission importante, on ne pouvait choisir, pour la remplir, que les membres du comité de salut public. Je demande qu’on nomme demain les membres qui doivent compléter le comité de salut public, et qu’on charge ce comité de présenter le plan de son organisation. On demande l’ajournement de la discussion. TALLIEN : La question que l’on discute dans ce moment est de la plus grande importance, et quelques moments de plus seront utiles à la patrie. La Convention nationale a fait en trois jours une révolution; elle l’a faite par son énergie; elle l’a faite pour le peuple, et non pour quelques individus. Nous avons abattu des triumvirs, nous ne voulons pas les remplacer par des décemvirs; nous voulons la liberté, la liberté tout entière. Vous ne devez pas vous séparer sans avoir décrété le renouvellement du comité de salut public tel que vous l’a proposé Dubois-Crancé. Je demande que vous consacriez dans ce moment le principe que tous les comités seront renouvelés par quart, tous les mois. (On applaudit.) On demande que cette proposition soit mise aux voix. BOURDON (de l’Oise) : A la manière dont on délibère ce soir, je reconnais la suite du complot infâme de Robespierre. (Murmures.) Ses secrets partisans ont semé dans cette enceinte qu’on ne l’avait attaqué, lui et ses complices, que parce qu’on voulait mettre un autre à sa place. Sans doute il faudrait bien peu connaître le cœur humain pour ne pas savoir qu’après une longue compression succède naturellement quelque exaltation dans les idées; mais j’invite la Convention à ne pas déshonorer sa victoire par une précipitation qui ne peut qu’être funeste à la chose publique. De grâce, ajournons cette discussion; songeons que nous avons 14 armées en activité, un gouvernement fort et vigoureux qui les fait agir; ne le désorganisons donc pas par une décision précipitée. Citoyens, parmi les vigoureux athlètes qui ont abattu le machiavélisme en personne, il faut convenir que les deux comités de salut public et de sûreté générale se sont distingués avec honneur. J’insiste pour l’ajournement. Lecointre (de Versailles) demande que la discussion soit ajournée à trois jours. TALLIEN : J’avoue que je conçois difficilement comment, lorsqu’il s’agit de consacrer un principe sauvegarde de la liberté publique, on demande l’ajournement. Nous avons passé la nuit pour abattre le tyran, passons-la aujourd’hui pour assurer le triomphe de la liberté. Ce qui est vrai dans ce moment le sera-t-il moins demain, ou dans deux ou trois jours ? Sera-t-il moins vrai demain qu’au-jourd’hui qu’il ne faut pas que les mêmes hommes exercent longtemps le pourvoir, si l’on ne veut pas qu’ils en abusent ? On peut ajourner les moyens d’exécution, mais je soutiens que ce principe doit être consacré sur-le-champ. BARÈRE : Je ne conçois pas comment les opinions sont partagées, quand on a vu que l’habitude du pouvoir pouvait causer le plus grand mal. D’ail- 650 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE leurs, le repos est nécessaire aux membres qui composent maintenant le comité de salut public. Nous avons plus d’une fois gémi de ne pouvoir suivre la marche de vos opérations. Il faut, après un long travail, rentrer dans le sein de la Convention, pour s’y reposer de ses fatigues. Je m’oppose à l’ajournement. On demande que la discussion soit fermée. L’assemblée ferme la discussion. Plusieurs membres insistent pour l’ajournement. MERLIN (de Thionville) : Je demande la priorité pour la proposition de Barère. L’opposition que j’y vois fait que j’y tiens davantage. Aux voix la proposition de Barère ! Le président met aux voix, et la Convention décrète le principe du renouvellement des comités par quart, tous les mois. (De toutes les parties de la salle s’élèvent des applaudissements plusieurs fois réitérés, avec des cris de vive la république !) DELMAS : Vous venez de tarir la source de l’ambition des hommes. Pour compléter votre mesure, je demande que vous décrétiez que nul membre ne pourra rentrer dans un comité qu’un mois après en être sorti. (On applaudit). Je réclame cette disposition pour le bonheur du peuple. La proposition de Delmas est décrétée au milieu des applaudissements. BARERE présente la liste des membres proposés par les comités pour composer le tribunal révolutionnaire. ... :Je demande l’impression et l’ajournement jusqu’à ce qu’on ait des renseignements sur chacun des individus proposés. L’impression et l’ajournement sont décrétés (l). Cette proposition a été adoptée ainsi qu’il suit : « La Convention nationale décrète que tous ses comités seront renouvelés par quart chaque mois, et par appel nominal ; et que les membres qui sortiront chaque mois, ne pourront être réélus qu’un mois après » (2). 7 MERLIN (de Douai), au nom du comité de législation : Votre comité de législation vous a déjà présenté par mon organe plusieurs projets de décrets sur des réclamations élevées contre diférents jugements émanés de la ci-devant commission soi-(1) Mon., XXI, 362-363; Débats, n° 679, 237-242. A propos de la composition du tribunal révolutionnaires, 3 gazettes font des commentaires : « Barère présente ensuite la liste des membres qui doivent, provisoirement, composer le tribunal révolutionnaire. Il propose Sellier pour président; pour accusateur public Fouquier-Tinville; parmi les juges, nous avons remarqué Maire, Bravet, Félix, Laporte, etc; pour substitut de l’accusateur public, Royer; pour jurés, Gauthier, Topino le-Brun, Brochet, Dix-Août, Devise, Duquesnel, Dupeyra etc. Il s’est élevé quelques murmures... » (J. Perlet). Pour Ann. patr. et C. Eg., seuls les noms de Fouquier-Tinville et de Royer auraient provoqué des protestations. (2) P.V., XLII, 265. Minute de la main de Barère. Décret n° 10 169. Reproduit dans Bm, 12 therm. Mentionné par F.S.P., n° 391 ; M.U., XLII, 201 ; J. Mont., n° 94, 778; -J. Paris, n° 577 ; C. Eg., n°712. disant révolutionnaire que Saint-Just et Lebas avaient érigée à Strasbourg, pendant leur mission près l’armée du Rhin. En adoptant ces projets de décrets, en accueillant ces réclamations, vous avez chaque fois manifesté votre indignation contre les jugements qui en étaient l’objet et contre les juges qui les avaient prononcés. Je viens aujourd’hui vous en énoncer deux autres que l’esprit contre-révolutionnaire a également dictés, et qui exciteront également toute votre horreur. Pendant l’invasion du département du Bas-Rhin par les satellites des tyrans du Nord, le comité de surveillance de Strasbourg, mis depuis lui-même en arrestation, fit envisager l’éloignement de l’état-major de la garde nationale de cette place comme une mesure importante à la sûreté générale. En conséquence, le citoyen Hecht, apothicaire, fut, en sa qualité de commandant de bataillon, transféré dans le département de la Côte-d’or, et la manutention de sa boutique fut abandonnée à un commis. Quelques jours après sa translation, un inconnu se présenta à sa boutique, et demanda deux onces de manne en larmes et de rhubarbe. Le commis d’Hecht s’empressa de les lui fournir, et se les fit payer 54 onces. Aussitôt, plainte de la part de l’accusateur public Schneider, de ce prêtre autrichien, de ce scélérat, dont un jugement du tribunal révolutionnaire a fait tomber la tête, pour les crimes dont il s’était couvert dans le tribunal de Saint-Just et de Lebas. Sur cette plainte, sans entendre, sans assigner même le citoyen Hecht, alors fort loin de Strasbourg, il intervient à l’instant un jugement aussi monstrueux dans la forme qu’horrible au fond. Voici comme il est conçu : SÉANCE DU 21 BRUMAIRE « Le premier commis de la pharmacie du citoyen Hecht, accusé d’avoir vendu deux onces de rhubarbe et de manne à 54 sous ; condamné lui, citoyen Hecht, propriétaire de ladite pharmacie, à une amende de 15,000 liv. » « Signé WEISS, secrétaire-greffier. » Ainsi, point d’instruction, point d’examen, point de signature de juges; voilà les vices que ce jugement présente dans la forme; au fond, arbitraire, absolu, et à peine comparable au despotisme des tribunaux de Turquie. La loi du 29 septembre 1793 (vieux style), qui était alors dans toute sa vigueur, n’assujettissait point les drogues au maximum. Où est donc le délit ? où est donc, je ne dis pas le motif, mais le prétexte de cette condamnation ? Eh ! que sera-ce si vous considérez que, par une délibération de la municipalité de Strasbourg, du 14 ventôse, il est prouvé que le citoyen Hecht avait payé plus de 40 sous ce que son commis avait revendu 54 ? J’en ai dit assez pour vous déterminer à anéantir cet infâme jugement. Votre comité vous proposerait de sévir contre les juges dont il est l’ouvrage, s’il n’était pas informé que déjà la loi en a frappé quelques-uns, et qu’elle poursuit les autres (l). (1) Mon., XXI, 357; Débats, n° 679, 222-224; M.U., XLII, 216-218. 650 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE leurs, le repos est nécessaire aux membres qui composent maintenant le comité de salut public. Nous avons plus d’une fois gémi de ne pouvoir suivre la marche de vos opérations. Il faut, après un long travail, rentrer dans le sein de la Convention, pour s’y reposer de ses fatigues. Je m’oppose à l’ajournement. On demande que la discussion soit fermée. L’assemblée ferme la discussion. Plusieurs membres insistent pour l’ajournement. MERLIN (de Thionville) : Je demande la priorité pour la proposition de Barère. L’opposition que j’y vois fait que j’y tiens davantage. Aux voix la proposition de Barère ! Le président met aux voix, et la Convention décrète le principe du renouvellement des comités par quart, tous les mois. (De toutes les parties de la salle s’élèvent des applaudissements plusieurs fois réitérés, avec des cris de vive la république !) DELMAS : Vous venez de tarir la source de l’ambition des hommes. Pour compléter votre mesure, je demande que vous décrétiez que nul membre ne pourra rentrer dans un comité qu’un mois après en être sorti. (On applaudit). Je réclame cette disposition pour le bonheur du peuple. La proposition de Delmas est décrétée au milieu des applaudissements. BARERE présente la liste des membres proposés par les comités pour composer le tribunal révolutionnaire. ... :Je demande l’impression et l’ajournement jusqu’à ce qu’on ait des renseignements sur chacun des individus proposés. L’impression et l’ajournement sont décrétés (l). Cette proposition a été adoptée ainsi qu’il suit : « La Convention nationale décrète que tous ses comités seront renouvelés par quart chaque mois, et par appel nominal ; et que les membres qui sortiront chaque mois, ne pourront être réélus qu’un mois après » (2). 7 MERLIN (de Douai), au nom du comité de législation : Votre comité de législation vous a déjà présenté par mon organe plusieurs projets de décrets sur des réclamations élevées contre diférents jugements émanés de la ci-devant commission soi-(1) Mon., XXI, 362-363; Débats, n° 679, 237-242. A propos de la composition du tribunal révolutionnaires, 3 gazettes font des commentaires : « Barère présente ensuite la liste des membres qui doivent, provisoirement, composer le tribunal révolutionnaire. Il propose Sellier pour président; pour accusateur public Fouquier-Tinville; parmi les juges, nous avons remarqué Maire, Bravet, Félix, Laporte, etc; pour substitut de l’accusateur public, Royer; pour jurés, Gauthier, Topino le-Brun, Brochet, Dix-Août, Devise, Duquesnel, Dupeyra etc. Il s’est élevé quelques murmures... » (J. Perlet). Pour Ann. patr. et C. Eg., seuls les noms de Fouquier-Tinville et de Royer auraient provoqué des protestations. (2) P.V., XLII, 265. Minute de la main de Barère. Décret n° 10 169. Reproduit dans Bm, 12 therm. Mentionné par F.S.P., n° 391 ; M.U., XLII, 201 ; J. Mont., n° 94, 778; -J. Paris, n° 577 ; C. Eg., n°712. disant révolutionnaire que Saint-Just et Lebas avaient érigée à Strasbourg, pendant leur mission près l’armée du Rhin. En adoptant ces projets de décrets, en accueillant ces réclamations, vous avez chaque fois manifesté votre indignation contre les jugements qui en étaient l’objet et contre les juges qui les avaient prononcés. Je viens aujourd’hui vous en énoncer deux autres que l’esprit contre-révolutionnaire a également dictés, et qui exciteront également toute votre horreur. Pendant l’invasion du département du Bas-Rhin par les satellites des tyrans du Nord, le comité de surveillance de Strasbourg, mis depuis lui-même en arrestation, fit envisager l’éloignement de l’état-major de la garde nationale de cette place comme une mesure importante à la sûreté générale. En conséquence, le citoyen Hecht, apothicaire, fut, en sa qualité de commandant de bataillon, transféré dans le département de la Côte-d’or, et la manutention de sa boutique fut abandonnée à un commis. Quelques jours après sa translation, un inconnu se présenta à sa boutique, et demanda deux onces de manne en larmes et de rhubarbe. Le commis d’Hecht s’empressa de les lui fournir, et se les fit payer 54 onces. Aussitôt, plainte de la part de l’accusateur public Schneider, de ce prêtre autrichien, de ce scélérat, dont un jugement du tribunal révolutionnaire a fait tomber la tête, pour les crimes dont il s’était couvert dans le tribunal de Saint-Just et de Lebas. Sur cette plainte, sans entendre, sans assigner même le citoyen Hecht, alors fort loin de Strasbourg, il intervient à l’instant un jugement aussi monstrueux dans la forme qu’horrible au fond. Voici comme il est conçu : SÉANCE DU 21 BRUMAIRE « Le premier commis de la pharmacie du citoyen Hecht, accusé d’avoir vendu deux onces de rhubarbe et de manne à 54 sous ; condamné lui, citoyen Hecht, propriétaire de ladite pharmacie, à une amende de 15,000 liv. » « Signé WEISS, secrétaire-greffier. » Ainsi, point d’instruction, point d’examen, point de signature de juges; voilà les vices que ce jugement présente dans la forme; au fond, arbitraire, absolu, et à peine comparable au despotisme des tribunaux de Turquie. La loi du 29 septembre 1793 (vieux style), qui était alors dans toute sa vigueur, n’assujettissait point les drogues au maximum. Où est donc le délit ? où est donc, je ne dis pas le motif, mais le prétexte de cette condamnation ? Eh ! que sera-ce si vous considérez que, par une délibération de la municipalité de Strasbourg, du 14 ventôse, il est prouvé que le citoyen Hecht avait payé plus de 40 sous ce que son commis avait revendu 54 ? J’en ai dit assez pour vous déterminer à anéantir cet infâme jugement. Votre comité vous proposerait de sévir contre les juges dont il est l’ouvrage, s’il n’était pas informé que déjà la loi en a frappé quelques-uns, et qu’elle poursuit les autres (l). (1) Mon., XXI, 357; Débats, n° 679, 222-224; M.U., XLII, 216-218.