[Assemblée nationale.} AUCUNES PARLEMENTAIRES. |15 janvier 1791.] confié le gouvernement aux pasteurs (1); que vouloir subordonner la puissance spirituelle à celles de la terre, c’est attaquer l’édifice de l’Eglise dans ses fondements et exposer la religion à une ruine prochaine. Nous serions donc coupables, nos très chers frères, si nous abandonnions en des mains étrangères quelque portion du Irouprau qui nous est confié : comme si une usurpation sacrilège pouvait nous décharger devant Du u des soins qu’un pasteur doit à toutes ses ouat Ils; comme si la puissance temporelle pouvait former et d ssoudre à son gré les liens spirituels qui unissent les pasteurs à leurs troupeaux, et réciproquement les fidèles à leurs pasteurs légitimes. Mais nous ne craignons pas de déclarer en même temps que nous sommes disposé à consentir au démembrement de notre diocèse, aussitôt que la voix de l’Eglise se sera fait entendre, soit dans un concile national, soit de toute autre manière canonique. Ce sacrifice sera sans doute pénible: et it nous sera bien douloureux de nous séparer de tant de coopérateurs fidèles, qui nous sont chers, qui nous ont donné des témoignages si touchants de leur attachement et de leur confiance; de nous séparer d’un peuple dont le bonheur a été constamment le sujet de nos pensées habituelles, l’objet de nos désirs les plus ardents, la lin de nos travaux ; d’un peuple dont les peines, les besoins, les misères retentissaient à notre cœur dai s tous les instants ; d’un peuple à qui nous ferions encore le sacrifice de notre vie, s'il était utile à son salut. Pouvions-nous prévoir, nos très chers frères, quand nous avons été appelé au gouvernement de l’église de la capitule, que nous verrions disparaître tant d’étublmst ments si précieux à la religion ; tous ces asiles nombreux de fin nocence et de la piété, où la vertu trouvait encore un port assuré contre les dangers du monde; où de vertueux cénobites et des vierges chrétiennes, dont le monde n'était pas digne (2), se dévouaient à la pratique des conseils évangéliques, et levaient au Ciel leurs mains pures pour attirer sur l’Eglise et sur la France les bénédictions divines. Pouvions-nous prévoir la destruction de tant d’églises, où des prêtres, blanchis dans les travaux do saint ministère, goûtaient un repos honorable à l’ombre du sanctuaire et consacraient le reste de leurs jours à chanter les louanges du Seigneur et à remplir les obligations sacrées que leur avait imposées la piété de nos pères. Mais, ce qui met le comble à notre douleur, nos très chers frères, c’est la suppression du chapitre de notre église métropolitaine, de celte église de nos rois, et, en quelque sorte, l’i glise de la nation, où la majesté du culte, l’ordre et la dignité des cérémonies, la modestie et la piété des ministres, annonçaient d’une manière si frappante la grandeur du Dieu que nous servons. Le tribut des prières que tant de ministres payaient à Dieu jour et nuit depuis une longue suite de siècles, pour la prospérité du royaume, est donc interrompu : et ce corps, respectable par ses vertus et ses lumières, ce corps, destiné par sa nature à être le conseil du premier pasteur et à exercer la juridiction dans le diocèse pendant la vacance du siège, ne présente plus maintenant que le tiiste spectacle de ses membres dispersés qui vers nt des larmes sur les ruims de (1) AttcndUc vobis et universo gregi, in quo vos Spi-ritus sanctus posuit episcopos, rogere Eccicsiam bei, quam acquisivit sanguine suo (Act., XX, 28). (2) Quibus dignus non erat muudus. (Hebr xj. 38). Jérusalem. O ncs vénérables frères ! avec quelle sensibilité nous mêlons nos larmes aux vôtres. Mais, hélas ! peut-être nous est-il réservé d’en verser de plus amères encore. Ne le permettez pas, grand Dieu ! ne permettez pas que jamais la foi s’éteigne dans ce royaume où elle a été si florissante ! Jetez enfin un regard de miséricorde sur votre Eglise, sur notre patrie. Rétablissez au milieu de nous le règne de la paix et de la concorde. Réunissez soit le gage de la régénération, des mœurs, de la régénération de l’Etat, de la prospérité de l’Empire et de la félicité publique. Et vous, nos chers coopérateurs, vous tous, prêtres et lévites consacrés ou service des autels, redoublez de zèle et de ferveur. A la prière joignez le spectacle imposant de toutes les v-rtus sacerdotales. Attachez-vous fortement à Jésus-Christ et à son Eglise-, mais surtout, quelque chose que vous ayez à souffrir de la part des hommes, ne laissez jamais refroidir dans vos cœurs la charité, l’amour de vos frères, cette aimable et sublime vertu qui caractérise spécialement la religion sainte dont nous sommes tes ministres. A ces causes, nous avons déclaré et déclarons que nous adoptons l’instruction pastorale de M. l’évêque de Boulogne, donnée à Boulogne le 24 octobre dernier, et imprimée à la suite de notre présent mandement, comme contenant les vrais principes sur l’autoiité spirituelle, la discipline ecclésiastique, et sur le respect et la soumission que l’Eglise catholique prescrit à t’égard de l’autorité civile. Donné à Chambéry, le 31 décembre 1790. -j-Ant. E. L., arch. de Paris. INSTRUCTION PASTORALE De M. Jean-René Assellne, évêque de Boulogne, sur L’autorité spirituelle. Jean-René, par la miséricorde divine et l’autorité du Saint-Siège apostolique, évêque de Boulogne : au clergé séculier et régulier, et à tous les lidèles de notre diocèse, salut et bénédiction en Notre-Se’gneur Jésus-Christ. Nous vous devons la vérité, nos très chers frères; nous allons vous la dire, dans cet esprit de douceur qui nous est expressément recommandé par le grand apôtre (1), et nous espérons que vous recevrez notre enseignement avec la soumission et la docilité qui caractérisent les véritables disciples de Jésus-Christ. Ce Dieu sauveur nous en est témoin. C’est à cause de lui seul que nous vous adressons la parole; jusqu’ici nous avons cru lui devoir de garder le silence : maintenant nous lui devons de lu rompre (2). Nous commençons cette instruction, nos très chers frères, par vous rappeler les droits sacrés de la puissance civile et les obligations indispensables que vous avez à remplir à son égard. La puissance civile est souveraine, absolue, indépendante dans tout ce qui est de son ressort. Pour tout ce qui concerne les objets temporels, elle ne peut être comptable qu’à Dieu, et le voit seul au-dessus d’elle. Dieu, père et protecteur de la société, a établi cet ordre, même avant la prédication de l’Evangile, et l’Evangile, bien loin de (1) Instruite in spirilu lenilatis (Gai., VI, 1). (2) Nuac mihi non alia ad diccndum causa quam Christi est : cui et hoc debui quod usque nuuc tacui, et ex reliquo me intclligo debere, ne taceam (S. Hilar. lib. contr. const. Imper., n. 3). IIS janvier 179 l.J (Assemblée nationale.! l'affaiblir, et d’y rien changer, l’a rendu plus inviolable. Jésus-Christ déclare que son royaume n’est pas de ce monde (1). Il fait le commandement le plus exprès de rendre à César ce qui est à César (2); et donne lui-même l’exemple de la fidélité à accomplir ce précepte, en faisant un miracle pour payer le tribut (3). Soyez donc soumis à la puissance civile, en tout ce qui est de sa compétence, non seulement par la crainte du châtiment, mais aussi pir le devoir de la conscience (4). Rendez à chacun ce qui lui est dû; le tribut à qui vi us devez le tribut; les impôts à qui vous devez les impôts ; la crainte à qui vous devez la crainte; l’h mneur à qui vous devez l’honneur (5) : et marchant sur les traces des premiers chrétiens, vos pères dans la foi, montrez constamment, par votre conduite, combien notre sainte religion doit être chère aux Empires, puisque c’est elle qui forme les meilleurs citoyens. Mais après vous avoir rappelé les droits de la puissance civile, et vos devuirs envers elle, nous ne pouvons nous empêcher de vous avertir que cette puissance a des bornes qu’elle ne p ut dépasser, qu’il est des objets sacrés sur lesquels elle ne peut s’étendre; et que toutes dispositions qu’elle entreprendrait de taire au préjudice de l’autorité spirituelle ne devraient être regardées que comme des erreurs dans lesquelles elle tomberait, et non pas comme des lois qu’elle aurait pu prescrire. Car elle existe sur la terre, cette autorité spirituelle, aussi souveraine, aussi absolue, aussi indépendante, en ce qui est de son ressort, que la puissante civile dans ce qui est du sien; et comme ce n’est pas aux dépositaires de l’autorité spirituelle qu’il apiartient d’administrer l’Empire, de même ceux qui exercent la puissance civile n’ont point le droit de gouverner l’Eglise. Dès Je temps de l’ancienne alliance, Dieu a établi cette distinction des pouvoirs, et a voulu qu’elle fui inviolable. Aussi voyons-nous que «le pieux roi Josaphat... distingua exactement Us deux fonctions, la sacerdotale et la royale, en donnant cette instruction aux lévites, aux sacrificateurs et aux chefs des familles d’Israël... Amarias, sacrificateur, voire pontife, présidera dans les choses qui regardent le service de Dieu; et Zabadias, fils d'Is-maël, qui est chef de la maison de Judas, conduira celles qui appartiennent à la charge du roi ...» O i voit avec qt elle exactitude il distingue les affaires et détermine à chacun de quoi il se d it mêler, ne permettant pas à ses ministres d’attenter sur les ministres des choses sacrées, ni, réciproquement, à ceux-ci d’entreprendre sur les droits royaux (6). Cette distinction des pouvoirs n’est pas moins formellement prescrite sous la nouvelle alliance et doit y être d’autant plus respectée que les fonctions du ministère évangélique sont infiniment supérieures à c�ll� s du sacerdoce d’Aaron. (1) Regnum meum non est de hoc mundo ( Joann ., XVIII, 36). (2) Reddite ergo, quæ sunt Cæsaris, Cæsari (Math., XXII, 4). (3) Math , XVII, 26. (4) ldeo nccessitaie snbditi estote, non solum propter iram, sed etiam propter conscientiam (Rom., XIII, 5). (S) Reddile ergo omnibus débita; cui tributum, tri-butum; cui vedigal, vccligal; cui timorem, timorem ; cui honorcm, lionorom (Ibid., V, 7). (6) II Parai ep., c. XIX. Rossuet, Politique, tirée des propres paroles de l’Ecriture sainte, /. vij. x. Propose. m Jésus-Christ étant incontestablement le principe unique d’où puisse dériver toute autorité spirituelle, aucune partie de cette autorité sainte ne peut appartenir qu’à ceux à qui il a daigné la communiquer. Or, ce n’est pas aux souverains du monde, ce n’est qu’à ses apôtres et à leurs successeurs qu’il a dit : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié aussi dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera aussi délié dans le ciel (1). Toute puissance m’a été donnée clans le ciel et sur la terre. Allez clone, instruisez tous les peuples, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit; leur apprenant à observer toutes les choses que je vous ai commandées; et assurez-vous que je serai avec vous, tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles (2). » Et, en les envoyant ainsi, il ne leur a pas donné seulement le droit d’enseigner les dogmes et d’administrer les sacrements : il a joint celui de porter des lois qui obligent tous les membres de l'Eglise, et de prononcer des peines spirituelles contre ceux qui se rendraient coupables de désobéis-ance (3); car il compare leur mission à la sienne. « Gomme mon Père m’a envoyé, leur dit-il, je vous envoie aussi de même (4).» Et qui oserait prétendre que le tils du Dieu vivant, envoyé par son Père, n’était pas revêtu de l’autorité législative en matière spirituelle? C’est en conséquence de cette mission divine que les apôtres, assemblés en concile à Jérusalem, prescrivent, comme nécessaire alors au salut, la pratique de certaines observances, qui ne devait pas être durable dans l’Eglise, et font clairement connaître qu’ils tiennent de l’Esprit-Sai rit l’autorité qu’ils exercent, en portant ce décret (5). Aussi saint Paul, visitant les églises, leur ordonne-t-il d’observer les préceptes des (1) Quæcumque alligavcritis super terram crunt ligata ot in eœlo : et quæcumque solvcritis super terram erunt soluta et iu cœto (Matth. XVIII, c. 8.) (2) Dala est rnihi omnis poteslas in cœlo et in terra, euntes ergo: doccte omnes gentes, baptizantes cos in nomiiie Patvis et Filii et Spiritus Sancti. Docenles eos sorvare omnia quæcumque mandavi vobis, et eccc ego vobiscum sum usque ad consommatioucm sæculi (Matth., xsxviij, 18-20). (3) La juridiction essentielle à l’Eglise est toute spirituelle, fondée sur les grands pouvoirs que Jésus-Christ donna à ses Apôtres... L’Eglise a par elle-même le droit de décider de toutes les questions de doctrine, soit sur la foi, soit sur la règle des mœurs; elle a le dro.t d’établir des canons ou règles de discipline pour sa conduite intérieure; d’en dispenser en quelques occasions particulières, et de les abroger quand le bien de la religion le demande; elle a le droit u’ctablir des pasteurs et des ministres pour continuer l’œuvre de Dieu jusqu’à la fin des siècles, et pour exercer toute cette juridiction, et elle peut les destituer s’il est nécessaire. Elle a le droit de corriger tous ses enfants, leur imposant dos pénitences salutaires, soit pour les péchés secrets qu’ils confessent, soit pour les péchés publics dont ils sont convaincus. Enfin l’Eglise a droit de retrancher de son sein les membres corrompus, c’est-à-dire les pécheurs incorrigibles qui pourraient corrompre les autres. Voila les droits essentiels à l’Eglise, dont elle a joui sous les empereurs païens, et qui ne peuvent lui être ôtés par aucune puissance humaine, quoiqu’on puisse quelquefois, par voie de fait, et par force majeure, en empêcher l’exercice (Fleury, Inslit., Part. III. c. I). (4) Sieut misit me Pater, et ego mitto vos {Joann., xx, 20-21). (5) Visum est Spiritui Sanclo et nobis, nihil ultra vobis imponcre oneris quàrn bæc necessaria ut absiincatis vos ab immolatis simulacrorum et sanguine ..... A quibus custodientes vos, bene agetis (Act., XV, 41). ARCRiVES PARLEMENTAIRES. 264 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1791.) apôtres et des prêtres (1), et en fait-il lui-même de nouveaux. Qui ne sait qu’après s’êire p oint de plusieurs abus qui s’étaient introduits dans les assemblées de l’égli.-e de Corinthe et avoir prescrit des règlements pour y apporter remède, il se réserve ei corede statuer sur u’amres objets, quand il sera arrivé (2)? Le même apôtre n’hésite point à prcnonci r des reines contre les réfractaires : livre à Satan Hyménëe et Alexandre, afin qu’ils apprennent à ne plus blasphémer (3); traite avec une égale sévérité i’incestueux de Co-rinibe (4), et se glorifie d’avoir reçu de Jésus-Christ lui-nême le pouvoir de punir ainsi les prévaricateurs (5). Cet exemple des apôtres est suivi par leurs successeurs sans aucune interruption ; et depuis la naissance du christianisme, les premiers pasteurs ont constamment exercé dans l’Eglise le pouvoir législatif. Jusqu’à l’époque à jamais mémorable où Constantin se soumit à l'Evangile, la puissance civile ne s’était pas occupée, sans doute, de l’administration de l’Eglise : ses édits sanguinaires n’avaient eu pour but que de l’anéantir. Cependant, au milieu di s hoireurs de la persécution, l’autorité spirituelle s’était développée dans toute son étendue, comme avec toute son indépendance: les premiers pasteurs avaient tout réglé; et au moment où l’Eglise commença à jouir de sa liberté, elle se montra au monde comme une société saint0, dont toutes les parties étaient parfaitement assorties et bien ordonnées, par le seul exercice du pouvoir que ses chefs avaient reçu de Celui dont le royaume n’est pas de ce monde. Cette autorité spirituelle, que l’Eglise a exercée durant la violence des persécutions, aurait-elle pu la perdre par la conversion des princes ? Non, il n’eu est pas ainsi, nos très chers frères. « Non, le monde, en se soumettant à l'Eglise, n’a point acquis le droit de l’assujettir; les princes, devenant les enfants de l'Eglise, ne sont point devenus ses maîtres (6). 11 e.-t vrai que depuis l’heureuse révolution qui a rendu la croix de Jésus-Christ le plus bel ornement du diademe, le dépositaire de la puissance civile est apnelé l'évêque du dehors ; et qu’une des plus belles prérogatives de sa dignité est de piotéger l’Eglise: mais il ne peut mériter cet honneui qu’en donnant d’abord l’exemple de l’obéissance. L’autorité spirituelle ne connaît sur la terre que des protecteurs soumis dans l’ordre de la religion, et ne peut permettre que, sous prétexte de la secourir, on l’anéantisse en lui faisant la loi. « Il est vrai, dit le grand ar-« chevêque de Cambrai, que le prince pieux et (1) Perambulabat autem (Paulus) Syriam et Ciliciam, confirmans ecclesias præcipiens cuslodire præcepta Apostolorum el Seniorum (Act., XY, 41). (2) Si quis esurit, domi manducet, ul non in judicium convenialis ; cœiera autem cum vencro, disponam (/ Cor., XI, 34). (3) Hymenæus ot Alexander quos tradidi Satanæ, ut discant non blasi hemare (1 Tim., I, 20). (4) Ego quidem absens corpore,presens autem Spiritu, jam judicavi ut prosens, cum qui sic operalus est; in nomine liomini nostii Jusu Christi, congregatis vobis cl mco spiritu, cum virtute Pomini nostri Jesu, tradeie liujusmodi Satanæ in inleritum carnis, ut Spiiitus sal-vus sit in die Domini nostri Jesu Christi (/ Cor., Y, 3, 5). (5) Idco bæc absens Scribo, ut non præsens durius agam secundum potestatem quam Dominus dédit milii [II Cor . Xlil, 10). (6) Discours de M. Fénelon au sacre de T électeur de Cologne. « zélé est nommé l'évêque du dehors, et le protec-« teur des canons : expressions que nous répé-« tons sons cesse avec joie, dans le sens modéré « des anciens qui s’en sont servis; mais l’évêque « du dehors ne doit jamais entreprendre les » fonctions de celui du dedans; il se tient le « glaive en main à la porte du sanctuaire ; mais « il prend garde de n’y pas entrer; en même « temps qu’il protège, il obéit : il protège les « décisions; mais il n’en fait aucune. Voici les « deux fonctions auxquelles il se borne: la pre-« mière est de maintenir l’Eglise eu pleine li-* berté contre tous ses ennemis du dehors, afin « qu’elle puisse, au dedans, sans aucune gêne, « prononcer, décider, approuver, cortiger, abattre « toute hauteur qui s’élève contre lu science de « Dieu ; la seconde, c’est d’appuyer ces mêmes « décisions, dès qu’elles sont faites, sans se per-« mettre jamais, sous aucun prétexte, de les in-« terpréter. Cette protection dis canons se tourne « donc uniquement contre les ennemis de l’E-« glise, c’est-à-dire contre les novateurs, contre « les esprits indociles et contagieux, contre tous « ceux qui refusent la correction. A Dieu ne « plaise que le protecteur gouverne, ni prévienne « jamais rien de ce que l’Eglise réglera ! Il attend, « il écoute humblement, il croit sans hésiter, il « obéit lui-même; il fait obéir, autant par l’au-« torité de son exemple, que par la puissance « qu’il tient dans ses mains; mais enfin, je pro-« tecteur de la liberté ne la diminue jamais : sa « protection ne serait plus un secours, mais un « joug déguisé (1), s’il voulait déterminer l’E-« glise, au lieu de se laisser déterminer par elle-« même. » On ne cesse encore de répéter que l’Eglise est dans l’Etat. Cette maxime est vraie, sans doute; mais il faut en bien saisir le sens, de peur d’en abuser. L'Eglise est dans l'Etat, c’est-à-dire que l’Eglise n’a aucun droit sur l’administration temporelle de l’Etat ; que la puissance civile conserve toujours, sur cet objet, une entière souveraineté, une indépendance absolue, et que tous lus membres de l’Eglise, soit pa.-teurs, soit simples fidèles, doivent être soumis à cette puissance, dans tout ce qui concerne l’ordre temporel et le gouvernement politique. Mais l'Eglise dans l'Etat ne peut rien perdre de la souveraineté ut de l’indépendance de son autorité spirituelle : la puissance civile n’a et ne peut avoir le droit d’exercer, à cet égard, aucun acte de supériorité; parce que ce droit, elle ne pourrait le tenir que de Jésus-Christ seul ; et qu’il est plus clair que le soleil qu’il ne le lui a jamais do nié. Si chaque Eglise nationale est dans l’Etat, chaque Etat catholique est dans l’Eglise : et comme chaque Etat catholique conserve dans l’Eglise une indépendance absolue, un ce qui concerne l’ordre politique, chaque Eglise nationale conserve dans l’Etat la même indépendance, en ce qui concerne l’ordre spirituel. Non, « les intérêts du ciel et ceux de la terre « n’ont pas été réunis dans les mêmes mains. « Dieu a établi deux mioisières différents : l’un « pour faire passer aux citoyens des jours doux « ut tranquilles ; l’autre pour la consommation « des saints, pour former les enfants de Dieu, « ses héritiers et les cohéritiers de Jésus-Christ. « La sagesse divine ne pouvant être contraire à « elle-même, Dieu n’a pu établir les deux puis-« sances, pour qu’elles lussent opposées ; il a (1) Fénelon, Discours prononcé, en 1707, au sacre de l'électeur de Cologne. )15 janvier 1791.) 265 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « voulu qu’elks pussent se soutenir et s’en-« tr’aider réciproquement : leur union est un don « du Ciel, qui leur donne une nouvelle force et « les met à portée de remplir les desseins de « Dieu sur les hommes ..... Mais cette union « réciproque ne peut être un principe de sujé-« tion po or l’une ou pour l’autre puissance : « chacune est souveraine, indépendante, absolue « dans ce qui la concerne ; chacune trouve en « elle-même le pouvoir qui convient à son insti-« tution : elles' se doivent une assistance rau-« tuelle, mais par voie de concert et de corres-« pondance, et non par voie de subordination et « de dépendance (1). » Aussi depuis que la lumière s’est approchée du trône, et que ceux qui portent la couronne sont devenus les disciples de la croix, les plus puis-sants monarques ont-ils solennellement reconnus leur incompétence, en ce qui concerne la religion, et le droit exclusif de l’autorité spirituelle de prononcer sur ces objets. Constantin était présent au concile de Nicée : il y fut l'ait plusieurs canons concernant la juridiction des patriarches et des métropolitains, l’institution de? évêques et l’ordination des différents ministres. On n’y vit point l’empereur décider, pendant que les pères du concile gardaient le silence. Ceux-ci seuls prononcèrent, l’empereur ne fut que témoin (2). Cette incompétence fut encore solennellement reconnue par l’empereur Bazile, dans l’admirable discours qu’il fit au huitième concile général. « 11 n’est pas accordé aux laïques et à ceux « qui sont chargés des affaires civiles d’ouvrir « la bouche sur les matières ecclésiastiques : « c’est le partage des évêques et des prêtres ..... « Eu quelque état que vous soyez, soitdistingués » par les charges, soit réduits au commun des « citoyens, je n’ai rien à vous dire, si ce n’est « qu’étant laïques, il ne vous est permis en au-« cuue manière de traiter les affaires ecclésias-« tiques, ni de vous opposer aux décisions de « l’Eglise universelle et du concile général. Ce « qui regarde le spirituel appartient aux mi-« nistres du Seigneur, qui sont préposés au gou-« vernemeht des âmes pour les sanctifier ; qui « ont le pouvoir de lier et de délier, et qui ont « reçu les clefs du royaume céleste. Ce n’est « point là une chose qui soit de notre district ; « nous avons besoin d’être conduits dans les « pâturages, d’être sanctifiés, d’être liés ou déliés. « Car quelque religieux, quelque sage que soit « un laïque, il demeure toujours au rang des « brebis. Au contraire, quelque indigne de son « caractère que puisse être un évêque, tandis « qu’il est attaché à la vérité, il a toujours l’au-c torité de pasteur. Pourquoi donc, simples « brebis, osons-nous juger de nos pasteurs, leur « opposer de fausses subtilités, et décider ce qui « est au-dessus de nous ? Nous devons n’appro-« cher deux qu’avec une foi sincère et une « crainte respectueuse, parce qu’ils sont les mi-« nistres et les images du Seigneur ;nous devons « ne nous élever jamais au-dessus de notre état. « Cependant, que voyons-nous aujourd'hui? Un « grand nombre de séculiers qui, oubliant leur « état, et qu’ils ne sont que les pieds du corps « mystique de l’Eglise, prétendent faire la loi à « ceux qui en sout les yeux. Ils sont toujours « les premiers à accuser leurs maîtres dans la « foi, et les derniers à corriger leurs propres dé-(1) Actes de l’Assemblée du clergé de 1765. <2) Fleury , Histoire ecclésiastique, livre xj. « fauts. Or, j’avertis tous ceux qui méritent ce « reproche de prendre garde à eux-mêmes; de « ne plus juger leurs propres juges; et de se « comporter désormais d’une manière plus con-« forme à la volonté de Dieu, en réprimant leur « haine et en renonçant à leurs calomnies : car « le juge suprême a les yeux ouverts sur leur <■ conduite; sa colère éclatera contre eux; et ils « sentiront, par de lerribhs effets, tout le poids « de sa vengeance (1). >» Tels ont été aussi les sentiments de nos rois. « La France. . . . n’en a jamais eu, depuis plus de « douze cents ans, qui n’ait été enfant de l’Eglise « catholique. Le trône royal est sans tache, et tou-« jours uni au Saint-Siège ; il semble avoir parti-« cipé à la fermeté de cette pierre. En écoutant « leurs évêques dans la prédication de la vraie « foi, c’était une suite naturelle que ces rois les « écoutassent dans ce qui regarde la discipline « ecclésiastique. Loin de vouloir faire en ce point-« la loi à l’Eglise, un empereur, roi de France, « disait aux évêques : Je veux qu'appuyés de no-« ire puissance, comme Le bon ordre le prescrit , « fanuilante, ut decet, potestate nostrâ. . . . (Pe-« sez ces paroles, et remarquez que la puissance « royale qui, partout ailleurs, veut dominer, et « avec raison, ici ne veut que servir.)/*? veux donc, « dit cet empereur, que secondés et servis par no-« tre puissance, vous puissiez-exécuter ce que votre « autorité demande ; paroles dignes des maîtres « du monde, qui ne sont jamais plus dignes de « l’être ni plus assurés sur leurs trônes, que lors-« qu’ils font respecter l’ordre que Dieu a établi. « Ce langage était ordinaire, aux rois t: ès chré-« tiens. Leurs capitulaires ne parlent pas moins « fortement pour les évêques que les conciles. « C’est dans les capitulaires des rois qu’il est or-(1) Non datum est laids aut iis qui ci vilibus officiis mancipantur secundum Canonem diccndi quid quant penitus de ecclesiasticis causis ; opus enim hoc Ponti-iicurn et sacerdotum est... De vobis aillent laicis tant qui in dignitatibus quant qui absolutè conversamini, quid antpliùs dicant non habeo, quant quia nullo modo vobis licet de ecclcsiasiicis causis scrmonom movere integritati Ecclesiæ, el universali synodo adversari. Hoc enim investigare et quærore pati iarcharum, pontificum et sacerdotuin est, qui regiminis oflicium sortiti surit, qui sanctificandi, qui tigandi et solvandi poleslatem ha-bent; qui ecclesiasticas et cœlestes adepli sunt claves : non nostrum qui pasci debemus, qui sanctiflcari, qui ligari, vel a ligameuto solvi egentus. Quantæcumque enim religionis et sapientiæ laicus existât, vol eliamsis universâ virtute interdis polleat, douce laïeus est, ovis vocari non desinet : rursusque quanlâcumque Episco-pus sit irreYcrentiâ et irrcligiosilate plenus et nndtis omni virtute, donec autistes est et vcritalis verbum recte prædicavcrit, Pastoris mentionis et diguitatis damna non patietur. Quæ ergo nobis ratio est in ordine ovium constilutis Pastorcs verborum subtilitate, dis-culiendi, ea quæ super nos sunt quærcndi et ambiendi? Oportet nos cum timoré et fido sincerà hos adiré, et a facieeorum vevericum sint miihstii Donnai omnipolentis, et hujus mob formant possideant, et niliil ampliùs quant ea quæ sunt nostris ordinis rcquirere. Nunc au-tem videmus adeo multos, malitià in insaniam accendi, ut obliviscenlcs proprii ordinis, et quud pedessint rni-nimè cogitantes, legem poncre velint oculis... . et sin-guli ad accusaudum quidern majores existunt semper rromptissimi, ad corrigendum auLcm quidquid eorum in quibus ac-usantur et criminanlur pigerrimini. Sed moneo et exhortor omnes qui taies sunt, ut maledic-tum et alternum odium avertentes, et judicare judices desinentes, attendant sibi, et secundum divinam voluu-tatem convcrsari contondant. Nam non quiescit super-num judicium, sed contra dissidentes Divinus furor stillabit, es ullionem justam opéré cunctis ostendet(Ba-sil. Imperator in VUl Synod. gener. Hard. Conc., t. Y). [A stemLiee nationale J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 17H1.J 26D « donné aux deux puissances, au lieu d’entre-<1 prendre l’une sur l’autre, de s'aider mutuelle - « ment dans leurs fonctions ; qu'il est ordonné en « particnlier aux comtes , aux juges, h ceux qui ont « en n ain l’autoriié royale, d’être obéissants aux « évêques. C'est ce que portait l'ordonnance de •« Charlemagne; et ce grand prince ajoutait «qu'il « ne pouvait tenir pour de fidèles sujets ceux qui « n étaient pas fidèles à Dieu, ri en espérer une sin-« cère obéissance , lorsqu'ils ne la rendaient pas aux « ministres de Jésus-Christ, dans ce quiregar-« dait la cause de Dieu et les intérêts de l'E-« glise. C’était parler en prince habile qui sait « en quoi l’obéissance est due aux évêques, et < ne confond point les bornes des deux puis-« sanees; il mérite d’autant plus d’en être cru. « Selon ses ordonnances on laisse aux évêques « l’autonlé tout entière dans les causas de Dieu « et dan' les intérêts de l’Église, et avec raison, « puisqu’en cela l’ordre de Dieu, la grâce atta-« chée à leur caractère, l’écriture, la tradition, « les canons et les lois parlent pour eux (1)». Que si quelquefois il s’est rencontré des souverains qui ont entrepris d’avoir, dans les affaires de religion, une influence qui ne leur appartenait pas, Dieu a suscité de généreux pontifes qui les ont avertis de rentrer dans le devoir, en leur marquant les bornes qu’ils ne pouvaient franchir. Qui ne sait ce que le grand Osius de Cordone écrivait à l’empereur Constance qui avait eu le malin ur d’ètrc éearé par les Ariens ? <• Dieu, qui « vous a donné l’Empire, nous a confié ce qui con-« cerne l’Église. Et comme celui qui vous ravirait « l’Empire, renvt rserait l’ordre établi de Dieu, « craignez aussi qu’en attirant à vous les affaires * de l’Eglise, vous ne vous rendiez coupable d’un « grand crime ..... Ii ne vous est donc pas per-« mis de dominer sur la terre, et vous n’avi z pas « le droit de mettre la main à l’encensoir (2). » Et le pape saint Gélase Ier ri’a-t-il pas rappelé la même règle à l’empereur Ana-dase qui favorisait i’euiycliianisme ?« Prince auguste, lui écrit « ce saint pape, il y a deux moyens par lesquels « ce monde est principalement gouverné : l’autc-« rhé sacrée des évêques et la puissance royale. « La charge des é\êques est d’autant plus grande as en vertu d’un séuatus-consulte, mais par l’ordre de saint Paul, que Titus était chargé d’établir des évêques dans toutes les villes de Crète (2); et tant que les souverains, convertis au christianisme, ont conservé la véritable foi, il n’est point arrivé. dans l’Eglise latine, que la suppression, l’érection, la circonscription d’aucune métropole, ni d’aucun diocèse, se soient opérées sans l'influence de l’autorité spirituelle. En vain a-t-on prétendu citer quelques exemples pour établir le contraire : la fausseté de ces allégations a été démontrée avec la dernière évidence; et 1 1 a été prouvé, par les monuments mêmes qu’on s’est permis de mettre en avant que, dans toutes et chacune des circonstances objectées, l’autorité spirituelle était intervenue comme cause nécessaire (3). Sans doute, la puissance civile peut proposer des vues sur ces importants objets, et, quand elles sont compatibles avec le bien de la religion, l’autorité spirituelle se fait un devoir d’y accéder : mais l’action de celle-ci est indispensablement requise, et la puissance civile seule ne peut conduire l’ouvrage à sa lin. On ne peut en effet ériger une métropole, un diocèse sans donner au métropolitain, à l’évêque, la juridiction spirituelle sur un clergé et des fidèles : on ne peut reculer les anciennes limites d’une métropole, d’un diocèse, les agrandir par une nouvelle circonscription, sans "étendre la juridiction spirituelle du métropolitain, de l’évêque, en leur assujettissant, dans l’ordre de la religion, un clergé, des fidèles qui, avant, ne leur étaient pas soumis ; ou ne peut enfin supprimer une métropole, un diocèse, sans dépouiller le métropolitain, l’évêque de la juridiction spirituelle qu’ils exerçaient sur le clergé et les fidèles qui leur avau nt été confiés. Mais donner la juridiction spirituelle, ôter la juridiction spirituelle sont évidemment des actes de l’autorité spirituelle. Gomment donc la puissance civile pourrait-elle se les permettre? D’où en aurait-elle le droit? Elle ne le tient ceitainement pas de sa nature. Où sont les témoignages des divines Eciitures ou de la tradition, qui prouvent que Jésus Christ le lui ait donné? Non, si quelque nation se portait à de pareilles entreprises, l’Eglise catholique ne pourrait s’empêcher de lui dire: t Vous êtes un peuple, un Etat, une société ; mais J sus-Chrisl qui est votre roi ne tient rien de vous ; son autorité vient de plus haut : vous n’avez pas plus le droit de lui donner des ministres, que de l’établir lui-même votre prince. Ainsi ses ministres, qui sont vos pasteurs, viennent de plus haut comme lui-même; et il faut qu’ils viennent par un ordre qu’il ait établi. Le royaume de Jésus-Christ n’est pas de ce inonde, et la comparaison que vous pouvez (I) Apoc. (cap. I, 5, 11). (2) Hujus ici gratià reiiqui tcCretæ, ut ..... constituas per chutâtes prcsbylcrus sicut ego disposui tibi (TU., (3) Discours de M. F archevêque d'Aix, prononcé le samedi 29 mai dans l’Assembkc nationale. faire entre ce royaume et ceux de ce monde est caduque; en un mot, la nature ne vous donne rien qui ait rapport avec Jésus-Christ et son royaume; et vous n’avez aucun droit que ceux que vous trouverez dans les coutumes immémoriales de votre société: or, ces coutumes i nmé-moriules, à commencer par les temps ap istoliques, sont q e les pasteurs déjà établis établissent les aUTeS (1). » Et qu’on ne prétende point, pour justifier le procédé dont il s’agit, qu’au moment de la consécration des pontifes, l’Eglise leur communique une juridiction indéfinie, qui peut être ensuite étendue ou restreinte et même anéantie, au gré de la puissance civile, selon qu’il lui plaît de changer la circonscription des métropoles et des diocèses. Non, l’Eglise n’en agit pas ainsi : quand elle consacre ses pontifes, elle ne l ur attribue qu’une juridiction déterminée à tels lieux nom-mém nt, individuellement et exclusivement à tous autres. L’intention de l’Eglisu sur ce point se connaît par ses lois, et les dispositions de celles-ci so it précises. C’est pour cela qu’elle défend si expressément, et sous des peines si giaves, à tout évêque, d’exercer les fonctions épiscop des dans un diocèse étranger, sans la permission de l’évêque de ce diocèse. « 11 est défendu à tout évêque, disent les pères « du troisième concile de Carthage, d’envahir les « peuples étrangers, et d’empiéter sur le diocèse « de son collègue (2). » Le quinzième canon du concile de Sardique est encore plus formel. L’évêque O-ius dit : « Définissons aussi tous que, si l’évêque d’un « autre diocèse veut promouvoir à quelque grade « un ministre étranger, sans le consentement de « son propre évêque, une semblable promotion « soit regardée comme nulle et de nul effet; et « que si quelques-uns se permettent d’en agir « uins , ils soient avertis et corrigés par leurs « confrères et collègues dans l’épiseopat. » Tous les pè es dirent que ce décret soit stable et irré-voeabl ■ (3). On trouve encore une disposition semblable dan-- le quinzième canon du troisièm : concile d’O . léans. « L’évê (ue nedoit point entrer dans les « diocèses étrangers, pour ordonner des clercs « étranger-, ou consacrer d m autels. Que, s il le « fait, l’autel, il est vrai, demeurera consacré; « mais ceux qu’il aura ordonnés seront exclus de « leurs fonctions, et lui-même, comme trans-« gmsseur des canons, sera suspendu, durant « une année, de la célébration des messes (4). Enfin le concile de Trente, renouvelant cette loi observé : dans l’Eglise depuis tant de siée es, a (1) Bossuet ( Histoire des Variations, 1. XV, n° 120). (2) Plaeuit ut a nullo episcopo usurpenlur plcbes abenæ, nec aliquis Episcoporum supergrediatur m dio-cœsi simm collegam (Conc. carthay , au. 397, can. 20). (3) Osius episcopus dixit : hoc quoque omnes deti-niamus : ut si quis episcopus ex ahà parochiâ velit alienum ministrum sine cousensu proprii episcopi in aliquo graitu constituera, irrita et infirma ejusmodi constitutio exislimetur. Si qui autern hoc sibi permi-serint, à fralribus et coepiscopis admoneri et corrigi d:bent. Omnes dixerunt : hoc quoque dcciclum sit lirinum et immobile (Concil. Sard., an. 347, Can, XX). (4) Episcopus in Diceceses aliénas ad alieuos clencos ordinaudos, vcl consecranda altaria irruoro non debet. Quod si fec rit, remotis quos ordinaverat, altaris tamen consccrat.one manente, transgressor canouum anno à missarmn celebratione cessabil l Conc . Aurel., au. 538, can. 15). 268 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |13 janvier 1791. J réglé : « qu’il ne soit permis à aucun évêque, « sous prétexte de quelque privilège que ce soit, « d’exercer les fonctions épiscopales dans le d o-« cèse d’un autre, si ce n’est avec la per ; ission '< eXi resse de l’ordinaire du lieu, et à Bécart! >< seulement des personnes soumises au même « ordinaire. Et que, s’il en arrive autrement, » l’évêque, et ceux qui auront été ainsi ordon-« nés, soient, de droit, suspendus, celui là des « fonctions épiscopales, ceux-ci de l’exercice de « leurs ordres (1). » Il est facile d’appliquer ce qui vient d’être dit à l’erection, suppression, nouvelle circonscription de tous bénéfices auxquels est attaché le soin des âmes, et à la suppression de ces corps vénérables, si dignes de former le conseil habituel de l’évêque, et à qui, suivant une discipline déjà ancienne dans l’Eglise, l’exercice de la juridiction épbcopale est dévolu, pendant la vacance du siège. Gomment un nouvel ordre de ministres pourrait-il les remplacer dans cet exercice, sans l’aveu de l’autorité spirituelle? Ne faut-il donc plus être établi par i’Espri!-Saint, pour gouverner l’Eglise de Dieu? Ou est-ce par l’organe de la puis-ance civile que cet esprit adorable désigne ceux qu’il appelle à une si sublime fonction? Et quant à ce qui concerne tous les autres bénéfices, de quelque nature qu’ils puissent être, il sulfit d’observer que, n’ayantété érigés que pour une fin spirituelle, et avec le concours de l’autorité spirituelle, ils ne peuvent être supprimés par le seul fait de la puissance civile. CeUe puissance n’est pas moins incompétente pour légler ce qui a rapport au choix des pasteurs et à b ur institution. Nous le demandons à tous de bonne foi : donner le droit de choisir les pasteurs, fixer les conditions requises pour l’éligibilité, deleguer le pouvoir de confirmer ceux qui auront été élus, prescrire les précautions qu’il faut prendre, pour s’assurer de la doctrine de ceux qui demanderont l’institution canonique, ne sont-ce pas encore autant d’actes de l’autorité spirituelle? Et d’après quels principes la puissance civile pourrait-elle s’atlnbuer le droit de les faire ? Remont-ns toujours à l’origine des temps; et que la pratique des siècles qui nous ont précédés nous instruise. Jé.-us-Christ choisit ses apôtres (2) : il choisit encore soixante-douze autres disciples qu’il envoie devant lui, deux à deux, dans toutes les villes, où lui-même devait aller (3). Saint Pierie marque les qualités qu’ils doivent avoir et celui qu’il faut substituer au perfide Iscariote, pourcompléter le collège apos olique (4), et ceux qui seront appelés aux fonctions du diaconat (5). L’Esprit-Saint lui-même dit aux pro-(1) Nulli episcopo liceat, cujusvis privilegii prætextu, Poniiiualia m allerius Diœcesi exercere, ni si de ordi-narii loci expressâ liccntiâ, et in personas eidem ordi-nario subjeclas tantum. Si sccùs factum fuerit, episco-pus ab exercitio Poutificalium, et sic ordinati;ab exc-culione ordinum sint ipso jure suspensi (Donc. Trid., sess. VI, de Reform., cap. V). (2) Vocavit discipulos sues, et elegit duodecim ex ipsls quus et apostolos nominavit (Luc, VI, 13). (3) Designavit Dominus et illos septuaginta duos : et misit illos binos ante faciem suam, in omnem civita-tem et locum in quo erat in se venlurus (Luc, X, 1). (4) Oportet ergo ex istis viris, qui nobiscum sunt congregati in omni temporo quo inlravit et exivii inter nos Dominus Jésus ..... Teslem resurrectionis ejus nobiscum flori unurn ex istis (Act., I, 21, 22). (5) Considerate ergo, fratres, viros ex vobis boni tes* phètes et aux docteurs réunis à Antioche : « Sé-parez-moi Saül et Barnabe pour l’œuvre à laquelle je lésai appelés (1) » ; et saint Paul défend d’élever à l’épiscopat un bigame, on un néo phyte (2). Les successeurs des apôtres ont usé du même pouvoir. Longtemps ava it que le glaive de la persécution fut brisé dans la main des tyrans, l'Eglise seule avait réglé par ses lois tout ce qui peut avoir rapport à l’entrée dans L* sanctuaire: elle a continué, dans la suite des siècles, de renouveler ces anciennes dispositions ou d’en faire de nouvelles, quand les circonstances lui ont paru exiger quelques changements dans cette partie de sa discipline : et si quelquefois les souverains catholiques sont intervenus, lorsqu’il s’agissait de statuer sur ces importants objets, ils ont toujours agi de conc' rt avec l’autorité spirituelle, et n’ont jamais rien décidé sans sa participation. En vain, pour excuser une autre conduite de la part de la puissance civile, alléguerait-on qu’elle ne se propose d’autre but que de rappeler la discipline primitive. Qu’il serait facile de répondre, d’abord, que le retour à la discipline primitive ne peut être ordonné que par la même autorité qui l’avait établie! Mais vit-on jamais, dans les premiers siècles, des élections d’évêques, faites sans que le clergé y fût appelé? Que le savant historien de l’Eglise nous donne une idée bien différente de son ancienne pratique à cet égard! « Le choix (des évêques) se faisait par les « évêques les plus voisins, de l’avis du clergé et « du peuple de l’église vacante, c’est-à-dire par « tous ceux qui pouvaient mieux connaître le « besoin de cette église. Le métropolitain s’y « rendait avec tous les comprovinciaux. On conte sultait le clergé, non de la cathédrale seule-« ment, mais de tout le diocèse. On consultait les « moines, les magistrats, le peuple; mais les « évêques décidaient ..... Voilà la promotion des « évêques, telle que vous l’avez vue, pendant les « six premiers siècles; et vous la verrez encore à « peu près semblable dans les quatre suivants (3).» N’est-ce pas une chose inouïe, dans l’histoire des premiers siècles, que les laïques aient entrepris de choisir ceux qui devaient, sous la conduite des évêques et comme pasteurs du second ordre, leur dispenser les choses saintes ! Dans ces premiers temps, il n’y avait proprement de titulaire que l’évêque, qui était chargé de la conduite de tout le diocèse. Les antres ministres restaient attachés auprès de l’évêque, ou iis allaient prêcher en différentes parties du diocèse, toujours près de lui, quand il les appellerait, soit pour demeurer dans la ville, soit pour aller annoncer l’Evangile dans quelque autre endroit (4). Mais faisons connaître le véritable principe de cette ancienne discipline. « Les apôtres, dit le savanl l’ère Thomassin, et leurs successeurs, qui « sont les évêques, ayant été les fondateurs de « toutes les églises, il est visiole que ce sont aussi « les évêques qui doivent, ou les gouverner eux-« mêmes, ou en commettre le gouvernement à timonii septem, plenos Spiritu Sancto et sapientiâ, quos consntuamus super hoc opus (Act., VI, 3). (1) Dixit illis spiritus sanctus : segregate mihi Sau-lum et Barnabam, in opus ad quod assumpsi eos (Act., VI, 3). (2) Oportet ergo cpiscopum esse... unius uxoris vi-rum... non neophytum (I Tim., lit, 2-G). (3) Fleury, Discours II.' (4-) Discours historique sur l'origine des bénéfices, par M. de Hcricourt. [15 janvier 179 1,] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES-« ceux qu’ils en juprent capables »... Originairement les bénéfices n’étaient qu’une suite des ordres, parce qu’il est jœte que celui qui sert à l’autel vive de l’autel ; comme l’évêque est le seul dis-pensateur des ordres, il l’est aussi des bénéfices. Enfin l’évêque étant le souverain prêtre de son diocèse, c'est à lui à distribuer toutes les charges, parce que ce sont comme autant de participations et d’écoulemeuts de sa souveraineté sacerdotale (1). Aussi le changement qui est suryenu dans celte partie de la discipline, et qui a attaché d’une manière inamovible les prêtres à des églises particulières, n’a-t-il pas empêché de reconnaître, dans tous les temps, la vérité de ce qu’écrivait sur celte importante matière le célèbre Guillaume, évêque de Paris. « Vous devez savoir « que c’est aux évêques, comme successeurs des « apôtres, comme ministres de la dignité apos-« tolique, qu’il appartient, en vertu de la fonc-« tion épiscopale, d’instituer les clercs dans les « églises canoniales et les prêtres dans les cha-« pelles et les paroisses : je parle d’une inslitu-« tion pleine, pour ce qui est du droit commun ; « quoique, par une concession spéciale des évê-« ques, le droit de patronage ait été attribué à « quelques personnes. (2) » A quelle époque a-t-on vu que les pasteurs du peuple catholique pussent être choisis par des hommes qui ne seraient pas membres de l’Eglise, qui, peut-être même, n’auraient pas eu le bonheur d’être régénérés en Jesus-Ghrist? La discipline primitive défendit-elle jamais de prendre les précautions les plus exactes pour s’assurer de la foi de ceux qui devaient être élevés au rang dos pasteurs, et força-t-elle de se borner à recevoir le serin mt d’une profession générale, sous laque le les sectateurs de l’hérésie pourraient cacher les erreurs les plus dangereuses? Cette espèce de discipline n’était assurément pas en vigueur à l’époque du concile de Calcédoine. En vain Théodoret y protesta-t-il qu’il avait été nourri par des catholiques et instruit de la doctrine catholique; qu’il l’avait prê-cliée; qu’il rejetait non seulement Nestorius et Eutychès, mais quiconque avait de mauvais sentiments : ce ne fut qu’après avoir dit formellement anathème à Nestorius, et souscrit à la lettre (1) Thomassin Anciens et nouveaux disciples de l’Eglise, part. I, l. Il, c. vi, et part. IV, 1. II, c. ix. (2) Scirc autem debes ad episcopos tanquam aposto-lorum succcssores, et tanquam apostolicæ diguitalis pertinere miuistros, ex ipso episcopali oflicio, instilu-tioncs clericoruni in ecclesiis prebendariis, et sacerdo-tum in capellis et parochiis : institutionem, inquam, plenam, quaniùm est de jure commuai : licct ex spe-ciali collationo cpiscoporum, nonnullis jura Patronorum conccssa siut ( Guillelm . apud Thomassin., part. I, L. I. c. II). On chercherait en vain dans les annales de l’Eglise gallicane une seule époque où le peuple catholique ait exercé ni même réclamé le droit d’élire les pasteurs du second ordre. En 1561, sous le règne de Charles IX, les protestants annoncèrent de toutes parts que l’on était prêt de publier un édit sur l'élection des curés par les laïques des paroisses ; mais le gouvernement s’empressa de calmer les alarmes des évêques de France, assemblés alors à Poissv, en déclarant : qu’il n’y avait jamais pensé, que c’était un faux bruit; qu’il desirait conserver et même augmenter le pouvoir des évêques, bien loin de vouloir l’opprimer. Paroles énergiques, et d’autant plus remarquables, qu’on les croit dictées par le célèbre chancelier l’Hôpital, qui avait la principale confiance de la reine régente, et ne, fut jamais soupçonné d’immoler aux intérêts du sanctuaire les intérêts de la nalion ( Procès-verbal de l'Assemblée de Poissy ). 1 269 de saint Léon, qu’il obtint le consentement des Pères du concile, pour être rétabli dans le siège épiscopal de Gyr (1). La vie mona-tique ne fut-elle donc pas en honneur dans les plus beaux âges de l’Eglise? Ecoutons encore son savant historien. « Après les « martyrs, vient un spectacle aussi merveilleux, « les solitaires. Je comprends sous ce nom ceux « qu’on nommait ascètes dans les premiers temps, « les moines et les anachorètes. On peut les « appeler Ls martyrs de la pénitence... Je re-« garde ces suints solitaires comme des modèles « de la perfection chrétienne. C’étaient les vrais « philosophes, comme l'antiquité les nomme « souvent. Ils se séparaient du monde pour « méditer les choses célestes : non pas comme ces « Egyptiens que décrit Porphyre, qui, sous un « si grand nom, n’entendaient que la géométrie « ou l’astronomie : ni comme ies philosophes « grecs, pour rechercher les secrets de la nature, « pour raisonner sur la morale, ou disputer du « souverain bien et de la distinction des vertus. « Les moines renonçaient au mariage et à la « société des hommes, pour se délivrer de Tem-« barras des affaires et des tentations inévita-« blés dans le commerce du monde... Toute leur « élude était la morale, c’est-à-dire la pratique « des vertus... Ils se cachaient aux hommes « autant qu’ils pouvaient, ne cherchant qu’à « plaire à Dieu. Ce n’était que l’éclat de leurs « vertus et souvent leurs miracles, qui les fai— « saient connaître... Tels étaient les moines tant « loués par saint Chrysostome, par saint Angus-« tin, et par tous les Pères (2). Il y eut aussi « des monastères de tilles, même dans les dé-« serts... Il y en eut dans les villes; et on fit « ainsi vivre en communauté toutes ies vierges « consacrées à Dieu, qui demeuraient auparavant « en des maisons particulières (3). » Les titres d’archiprêtres, de pénitenciers, d’archidiacres ne se montrèrent-ils pas dans l’iiis-toire presque aussitôt que la religion chrétienne fut devenue la religion de l’Empire? Epqui pourrait ne pas reconnaiîre l'origine des églises collégiales dans les basiliqi.es élevées sur les tombeaux des martyrs, dès les temps voisins de ceux des apôtres, et desservies par des ecclésiastiques que les conciles distinguent si expressément des clercs préposés au gouvernement des paroisses, et de ceux qui résidaient dans les monastères? Alors les propriétaires opulents, convaincus clu dogme d’une Providence qui veille sur les familles et sur les Empires, croient bien mériter de la patrie en employant une partie de leurs biens à multiplier les monuments consacrés d’une manière spéciale à la prière publique. Les premiers siècles, enfin, reconnurent-ils jamais que le témoignage de l’unité de foi, et de la communion que chaque évêque doit entretenir avec les successeurs de saint Pierre, dût nécessairement se borner à lui écrire, comme au chef visibl * de l’Eglise universelle? Cette dernière réflexion nous conduit à examiner ce qui concerne l’exercice de la juridiction dans les différents degrés de la hiérarchie ecclésiastique. Il serait inutile de s’arrêtera prouver que c’est à l’autorité spirituelle touie seule qu’il appartient de régler l’exercice de la juridiction qui lui est propre. Qui ne voit, du premier coup d’œil, que cette juridiction, dont Jésus-Christ est la source, (1) Floury, Histoire ecclésiastique, 1. XXVIII, n° 24. (2) Fleury, Discours II. (3; Fleury, Mœurs des chrétiens, n° 32. 270 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1791.] se trouve, par là même, à une hauteur à laquelle la puissance civile ne peut jamais atteindre ? Mais celle-ci ne peut surtout rien changer à la forme de gouvernement, à l’ordre d’administration qui ont été immédiatement établis par le Sauveur du morde. L’Eglise elle-même n’a aucun pouvoir sur ces objets consacrés ; et tout sa gloire, à cet égard, consiste à conserver invnda-blement le dépôt qui lui est confié et à perpétuer, Sans aucune altération, jusqu’à la fin ues temps, l’ouvrage de son auteur. Appliquez-vous, nos très chers frères, à bien saisir le plan de cet admirable édifice, qui porte tout entier sur Jésus-Christ. Cette connaissance ne peut vous être étrangère, puisque, suivant la doctrine de saint Paul, vous êtes vous-mêmes « édiiiés sur le fondement des apôtres et des « prophètes, et unis en Jésus-Christ qui est lui— « même la principale pierre de l’angle sur lequel « tout l’édifice, étant posé, s’élève et s’accroît dans « sa proportion et sa symétrie, pour être un saint « temple consacré au Seigneur (1). » L’H mme-Dieu, avant de quitter la terre, a donné à son Eglise un chef visible, à qui il a attribué la principauté d’honneur et de juridiction sur Jes pasteurs et les fidèles. Les preuves de ci tte piéén inence que saint Pierre a reçue de son divin Maître sont incontestables. Il a été nommé le premier à l’apostolat (2). Jé-us-Chrisl lui a oit : « Vous êtes Pierre, et sur ceib-piene je bâtirai mon Eglise, et les portis de l’enter ne prévaudront i as contre elle (3). Simon, j’ai prié pour vous, afin que votre foi ne défalde point. ; lors donc que vous sertz converti, ayez soin de confirmer vos frères (4). Paissez mes ; gneaux, paissez mes brebis (5). Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel (6). » 11 est vrai que le Seigneur a adressé ensuite ces dernières paroles à tous les apôtres (7), et qu’il leur a dit encore : Tous ceux dont vous remettrez les pêchés , ils leur seront remis , et tous ceux dont vous retiendrez les péchés, ils leur seront retenus (8). Mais la suite ne renvetse pas le commencement, et le premier ne perd pas sa place. Cette première parole, tout ce que Lu lieras, dite à un seul, a déjà rangé sous sa puissance tous ceux à qui on dira : Tout ce que vous remettrez; car les promesses de Jésus-Christ, au, -si bien que ses dons, sont sans repentance, et ce qui esi une fois donné indéfiniment et universellement est irrévocable. Outre que lu puissance (1) Superædificati super fondamentum apostolorum et prophetarum ipso summo angulari lapide Chrislo Jesu; in quo omnis ædificatis constructa cresnt in tem-plum sanctum Domino ( Ephes ., Il, 20-21). (2) Duodecim autein apostolorum nominasunt hæc : primus Simon qui igitur Petrus [Math., X, 2). (3) Tu es Petrus, et super banc petram ædificabo Ec-clesiam rncam, et portæ inferi non prævalcbunt ad\er-sùs eam (Matth., XVI, 18). (4) Simon ..... rogaviprotc ut non deficiat fides tua ; et tu ahquando conversus confirma fratres lu os (Luc XXII, 31-32). ' ’ (5) Pasce agnos meos... Pasce oves meas ( Joann XXI, 16-17). (6) Quodcumque ligaveris super terrarn erit ligatura et in cœlo : et quodeumque solveris super terrain erit solutum et in cœlo ( Matth ., XXII, 19). (7) Qi æcumquealligaveritis super terrant cruntligata et in cœlo : et quæcumque solveritis super terrant erunt soluta et in cœlo [Matth., XV11I, 13). (8) Quorum remiscritis pcccata remittunlur eis, et quorum retinuentis retenta sunt [Joann., 20-28). donnée à plusieurs porte sa restriction dans son partage, au lieu que la puissance donnée à un seul et sur tous, et sans exception, emporte la plénitude, et n’ayant à se partager avec aucune autre, elle n’a d’autres bornes que celles que donne la règle. « Saint Pierre paraît le premier, en toutes manières ; le premier à confesser la foi ; le premier dans l’obligation d’exercer l’anmur ; le premier de tous lesjapôtres qui vit Jésus-Christ ressuscité des morts, comme il en devait être le premier témoin devant tout le peuple ; le premier, quand il fallut remplir le nombre des apôtres; le premier qui confirma la foi, par un mirage; le premier à convertir les Juifs ; le premier à recevoir les Gentils ; le premier partout. «Qu’on ne dise point, qu’on ne pense point, que ce ministère de saint Pierre finisse avec lui: ce qui doit servir de soutien à une Eglise éternelle ne peut jamais avoir de fin. Pierre vivra dans ses successeurs, Pierre parlera toujours dans sa chaire. « C’est cette chaire romaine, tant célébrée par les Pères, ' où ils ont exalté, comme, à l’envi, la principauté de la chaire apostolique , la principauté principale, la source de l'unité, et dans la place de Pierre, T éminent degré de la chaire sacerdotale , Eglise-mère qui tient en sa main la conduite de toutes les autres églises, le chef de l'épiscopat, d'où part le rayon du gouvernement ; la chaire principale, la chaire unique en laquelle toutes gardent l'unité. Vous entendez dans ces mots : saint Optât, saint Augustin, saint Gyprien, saint Irénée, saint Prosper, saint Avide, saint Theoret, le concile de Calcédoine et les autres; l’Afrique, les Gaules, la Grèce, l’Asie, l’Orient et l’Occident unis ensemble (1). » La qualité de chef visible de l’Eglise universelle n’est donc point, dans l’évêque de Rome, un vain titre. Elle lui as.-ure, comme à saint Pierre, la principauté, non seulement d’honneur, mais encore de juridiction dans toute l’Eglise; et on ne peut être catholique sans reconnaître son autorité. Cette autorité, sans doute, n’est point arbitraire. « Il faut (comme l’a solennellement déclaré le clergé de France) régler l’usage de la puissance apostolique par les canons fai ts par l’esprit de Dieu, et consacrés par le respect général de tout l’univers. Les réglés, les mœurs et les institutions reçues dans le royaume et dans l’Eglise gallicane, doivent avoir leur force et leur vertu ; et les usages de nos pères doivent demeurer inébranlables. Il est même de la grandeur du Saint-Siège apostolique, que les lois et les coutumes établies du consentement de ce siège respectable subsiste invariablement, (2); mais dès que celte autorité se renferme dans les justes bornes, il est indispensable de s’y soumettre. « Tout est « soumis à ces chefs; tout, rois et peuples, pas-« leurs et troupeaux ; nous le publions avec joie, « car nous aimons l’unité, et nous tenons à gloire t notre obéissance (3). » (1) Bossuet, Sermon prêché à l’ouverture de l’Assemblée générale du clergé de France, lo 9 novembre 1081. (2) Apostolicæ pote.-tatis usum moderandiim per ca-noucs spiri-tu Dei conlitos et tolius mundi reverentiâ cousecratos. Valero ctiam régulas, mores et instiluta a regno et Ecclcsiâ Gallieanâ reeepta, patrum que termi-nos manere iuconcussos; atque id pertiuere ad ampli-tudinem apostolicæ sedis, est statutaet cuusuetudiues tantæ sedis et Ecelesiarum consensioue firmatæ, pro-priam stabilitatem obtineant [Occlaratio Gallieanâ de ecclesiastica potestate, art. 3). (3) Bossuet, ut suprà. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1791.| Gomme le Souverain Pontife succède à saint Pierre, les évêques sont successeurs des autres apôtres (l). Ceux-là, unis entre eux et à leur chef, forment le tribunal suprême de l’Eglise. Au corps des premiers pasteurs appartient l’autorité infaillible de prononcer en matière de foi, de mœurs et de discipline, et personne, dans l’Eglise, n’est indépendant de cette autorité. C’est un article de foi que les évêques sont supérieurs aux prêtres. Ce point a été solennellement défini par le concile de Trente (2). « Si « quelqu'un dit que les évêques ne sont pas « supérieurs aux prêtres, qu’il soit anathème. » L’évêque a, dans le clergé de son diocèse, des coopérateurs qu’il doit honorer : mais il ne peut jamais recou naître, •» ans les pasteurs du second ordre, ni de3 supérieurs, ni même des égaux. Ceux-ci ne peuvent donc jamais être ses juges. Timothée était évêque d’Ëpbè-e, lorsque saint Paul lui écrivait: « Ne recevez point d’accusation contre « un prêtre, que sur la déposition de deux eu « trois témoins. » L’apôtre ne prescrit point aux prêtres des règles puur recevoir des accusations contre les évêques, parce qu’ils ne peuvent les juger. C’est le raisonnement de saint Epiphane sur ce texte. « A quoi servirait, dit ce Père, de « défendre à l’évêque de reprendre le prêtre avec « trop de sévérité, si l’évêque n’avait une plus « grande puissance? Pourquoi l’apôtre donn -t-il « ensuite cet avis à sou disciple? Ne vous pre.s-« sez pas d’admeitre d’accusation contre un prê-« tre: ne le fanes que sur la déposition de deux « ou trois témoins. Nous ne voyons pas qu’il « ait prescrit à aucun prêtre de ne pas se presser « de recevoir d’accusation contre l’évêque, ou « de ne pas reprendre l’évêque avec trop de sévé-« rite (4). » En effet, comme le remarque le judicieux historien de l’Eglise, « la juridiction ecclésiastique « réside proprement dans les évêque. Jésus-« Christ la donna à ses apôtres; ils la commum-« quèrent à leurs disciples par l’imposition des <■ mains : ceux-là à d’autres, par une tradition « continuée jusqu’à nous, et qui durera jusqu’à « la lin des siècles; puisque Jésus-Christ a promis « d’être toujours avec ses disciples enseignant « et baptisant (5). » Que le même auteur nous donne ensuite une idée bien vraie et bien conforme à l’institution de Jésus-Christ de la manière dont cette juridiction s’exercait dans les premiers siècles! « Le « gouverne* ment de l’Eglise, dit-il, n’est pas une « domination comme celle des princes temporels. « 11 est fondé sur la charité et tempéré par l’hu-« milité. C’est pourquoi, dans les premiers temps « les évêques ne faisaient rien que de l’avis des « prêtres qui étaient le sénat de l’Eglise, et avec « la participation des diacres et des clercs.. « Si (1) Déclarât sancta synodus ad ilium hicrarchicum or-dinern præcipuô pertinero Episcopos qui iu Apostolo-rum locum successerunt ( Cortcil . Tritl., sess. XXIII, de Sacr. ordin., cap. îv.) (2) Si quis dixerit episcopos non esse presbyteris su-periores ..... anathema sit (Goncil. Trid., ibid. , can. 7j. (3) Advcrsus presby terum accusationem noli recipere, nisi sub duobus, nul tribus testibus [I Tim., V, 19). (4) Quid attinebat Episcopo vatare no presbyterum objugaret, nisi majorem ipso potestalem haberet? Quare demeeps admonet : adversùs presbyterum cito accusationem no admiseris, nid sub duobus, vol tribus tesli-bus? Non alicui ex presbyteris prœcepit ut accusationem contra Episcopum non admiUerct, aut Episcopum non objurgaret [S. Epiphan. Hœres., 75). (o) Fleury. Instit. au droit ecclésiastique , 111° partie, chap. fl. 271 l’affaire était importante, l'évêque ne se contentait pas de consulter les clercs qui résidaient ordinairement dans la cité, et près de sa personne; il convoquait ceux qui étaient dispersés par les litres de la campagne; et cette assemblée extraordinaire est ce que nous appelons aujourd’hui le synode diocésain. Le-évêques s’assemblaient ensuite de temps en temps auprès de leurs métropolitains et formaient les conciles ou synodes provinciaux. Là, se jugeaient les plaintes contre les évêques mômes, et les plus grandes affaires de l’Eglise. Voilà donc les deux tribunaux ordinaires : l’évêque assisté de son clergé, et le concile provincial. Dans le premier tribunal, l’évêque était seul juge, dans le second, tous les évêques étaient juges et avaient le métropolitain pour président (1). La différence si essentielle et si remarquable entre les deux tribunaux vient, de la différence de ceux qui les composent. An concile provincial, le métropolitain voit, dans les suffragants, ses collègues dans l’épiscopal, auxquels il n’est supérieur qu’en vertu du droit positif de l'Eglise. Au synode diocésain, l’évêque seul a le complément du sacerdoce; et tous ceux qui siégeai autour de lui n’occupent qu’un degré inférieur dans la hiérarchie instituée par l’Homme-Dieu (2). Le droit de juger seul, après avoir consulté son presbytère, appartient surtout à l’évêque, pour tout ce qui concerne l’éJucalion des jeunes ministres, et leur promotion aux saints ordres; parce que c’est à lui qu’il est dit: « N’imposez légèrement les mains à personne (3). » Et lorsque, après les avoir éprouvés, il les a revêtus du sacerdoce, ils ne peuvent néanmoins remplir le ministère de la parole, ni celui de la conduite des âmes, sans avoir reçu de lui la mission : et tout acte de juridiction qu’ils entreprendraient d’exercer dans le sacré tribunal, sans avoir é é délégués, serait non seulement illicite, mais même de nul effet : « Parce que quelques-uns, disent les pères du « troisième concile de Latran, affichant l’appa-u rence delà piété, mais en en ruinant, selon lelan-« gage de l’apôtre, la vérité et l’esprit, s’arrogent « le pouvoir de prêcher; quoique le même apôire « dise : comment prêcheront-ils, s’ils ne sont en-« voyés ? Que tous ceux qui en ayant reçu la dé-« fense, ou n’ayant pas obtenu la mission, oseront, « sans y être autorisés par le Saint-Siège, ou l’é-<; vêque catholique du lieu, usurper la charge « d’annoncer la divine parole soit en public, soit « en particulier, soient frappés de ta sentence « d’excommunication (4). « Quoique les prêtres (c’est la décision du con-« elle de Trente) reçoivent dans leur ordination « le pouvoir d’absoudre les péchés, néanmoins « le concile décide qu’aucun, môme régulier, ne (1) Fleury, Ibid. (2) Si quis dixerit in Ecclesia catholicà non esse hie-rarchiam divinà ordinatione institutam quæ constat ex episcopis, presbyteris et ministris, anathema sit [donc. Trid., sess. XXIII, can. 6). (3) Nemini citô manus imposueris ( I Tim., V. 22). (4; Quia nonnulli sub specie pielatis virtutem ejus, quod ait apostolus, almcgantes, auetoritatem sibi vin dicant prædicandi, cùm ipse Apostolus dk-at : Quomodo prædicabuut, nisi mittantur? Ümnes qui proliibiti, vel non missi, prætor auetoritatem ab apo'tolicâ sede, vel catholioo episcopo loci, susceptam, publicè vel priva-tim prædicationis oflicium usurpare prcesumpserint, excommunicationis vincuio innodcnlur [donc. Latran.- III, c. ni). 272 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1191. | « peut entendre les confessions des séculiers, « mêmes prêtres, ni être réputé propre à remplir « ce ministère, à moins qu’il ne soit titulaire d’un « bénéfice-cure, ou qu’il n’ait été jugé capable « par les évêques, d’après un examen, s’il le juge « nécessaire, ou autrement, et qu’il n’en ait ob-« tenu l’approbation qui sera donnée gratuite-« tement, nonobstant tout privilège et usage « même immémorial (4). » Et le même concile ajoute : parce que la nature et l’idée de jugement demande qu’une sentence ne soit portée que sur ceux qui sont sujets; on a toujours été persuadé, dans l’Eglise de Dit u, et ce concile assure que c’est une vérité incontestable, que l’absolution n’est d’aucun poids lorsqu’un prêtre la prononce sur celui sur qui il n’a point de juridiction, ni ordinaire, ni subdélégué (1). Ces dispositions ont été adoptées par les conciles provinciaux tenus depuis en France ; « Comme « suivant la doctrine évangélique et apostolique, « disent les pères du concile de Bordeaux, per-« sonne ne peut ni ne doit prêcher la parole de « Dieu, à moins qu'il ne soit légitimement envoyé; « puisque Jésus-Christ lui-même ne s’est chargé « de cette fonction qu’après avoir reçu la mission « de son père, et que les apôtres ne l’on fait qu’en « vertu de l’ordre et du commandement de Jésus-« Christ : nous, eu conséquence, nous appuyant « sur la règle évangéli iue et apostolique, statuons « et ordonnons qu’aucun, soit séculier, soit ré-« gulier, n’entreprenne de parler publiquement « au peuple de la religion, à moins que l’évêque « ne lui ait donné, par écrit, la permission et « commission spécialederemplirceministère(2).» Et les [/ères du concile de Toulouse déclarent : « qu’il n’est permis à aucun, ni séculier, ni ré-« gulier, d’entendre les confessions, sans avoir « obtenu l’auprobation prescrite par le saint Gon-« cile de Trente (3). » Les mêmes décisions se trouvent répétées dans les conciles de Rouen de 1581, de Reims et de Tours de 1583, de Bourges de 1684, d’Aix de 1585, de Nai bonne de 1609, et elles ont été insérées dans les ordonnances du royaume. (1) Quamvis presbyteri in suà ordiuatione, à pecca-tis absolvendi, potestatem recipiant, decernit tamen sancta synodus nullurn, etiam regularem posse confes-siones sæcularium etiam sacerdotum audire, nec ad id idoncum reputari, nisi aut parochiæ beneficium, autab episcopis, per examen, si illis videbitur esse necessa-rium, aut alias idoneus judicetur, approbationem quæ gratis detur, obtineat : privilegiis et consuetudine quà-cumque etiam immemorabili non obstantibus (Conc. Trid., sess. XXI II, de Reform., cap. XV). (2) Quoniam igitur naturaet ratio judicii illud expos-cit ut senleutia in subditos dumtaxat feralur; persua-sum semper in Ecclosiâ Dei fuit, et yerissimum esse synodus hæc confirmât, nullius momenti absolutionem eam esse debere, quam sacerdos in eum profert in quem ordinari un aut subdelegatam juridictionem non habet (Conc. Trid., Sess. XIV, do Pcnilentia, cap. VII). (3) Cùm autem ex evangelicâ et aposlolicà doctrinà nulius nisi légitime missus verburn Dci prædicare possit ac debeat: quandoquidem ipse Christus nonnisi a Pâtre mLsus, neque apostoli, nisi ex instituto Chrisli atque præeepto,id muuus susceperunt; proindè nos Evangelicæ et Apostolicæ regulæ innitcntes, statuimus atque præci-pimus, ne quis, sive sit secularis, sive rcgularis, publicèad populum verba faccro de religionc audeal, nisi ab epis-copo facultatem et mandatum id speciatim munus ob-eundi in scriptis habuerit (Conc. Burgidal., an. 1583, lit. : De verbi divini prædicatione). (4) Nulli sæcularium, regulanumve, abique eàquam sacro sancta Tridcntina synodus injunxit, approbatione, confessiones audire liceat (Conc. Tolos., an 1590, Tit . : De Pœnitenlià), L’article 11 de l’édit de 1606 porte « que les prédicateurs ne pourront obtenir la chaire des églises, même pour l’Avent et le Carême, sans la mi.-sion et permission des archevêques e; évêques, ou leurs grands v'eaires, chacun en leur diocèse. Et l’article 11 de l’édit de 1695 (conforme à l’article 28 du règlement spirituel de la Chambre ecclésiastique aux états généraux de 1614) porte « que les prêtres séculiers et réguliers ne « pourront administrer le sacrement de pénitence, « sms en avoir obtenu la permission des arche-« vêques ou évêques, etc. » Telle est, nos très chers frères, la véritable forme du gouvernement ecclésiastique ; nos pères nous l’ont transmise de siècle en siècle, par une tradition non interrompue : et nous devons la transmettre nous-mêmes, sans aucune altération, à ceux qui viendront après nous. Soyez donc soumis à l’autorité spirituelle, en tout ce qui est de son ressort. Il est nécessaire de vous y soumettre aussi , par un devoir de conscience (1), puisqu’il est écrit : Obéissez à vos conducteurs , et soyez-leur soumis ; car ce sont eux qui veillent pour le bien de vos âmes; comme en devant rendre compte; afin qu'ils s' acquittent de ce devoir avec joie, et non en gémissant : ce qui ne vous serait pas avantageux (2). Et pour donner maintenant à cette autorité sainte, dont Jésus-Christ est le ptincipe, la preuve de soumission qu’elle a droit d’attendre de vous, ne coopérez à aucun changement, dans l’ordre spirituel, avant qu’elle ait parlé. Demeurez inviolablement attaches à la chaire de saint Pierre, à la sainte Eglise romaine, mère et maîtresse de toi tes les églises, centre de l’unité catholique. Ne perdez jamais de vue c nte vérité, qui vous a été enseignée dès l’enfance, que not’e Saint-Père le pape est vicaire de Jésus-Christ, le chef visible de l’Eglise universelle, le père commun de tous les lidèles, et rendez-lui toujours le respect et l’obéissance qui lui sont dus à ces titres. Demeurez-nous attachés comme à votre seul véritable évêque; car de même qu’il n’y a qu’une chaire de notre Seigneur, un seul autel, un seul calice, aussi n’y a-t-il qu’un seul évêque dans chaque église (3); et ceux qui ne sont pas envoyés par la puissance ecclésiastique et canonique, mais viennent d’ailleurs, ne sont pas ministres légitimes de la parole et des sacrements (4). Vous ne pouvez donc reconnaître aucun autre évêque que nous, jusqu’à ce qu il plai.-e à Dieu de nous appeler à lui, ou que l’autorité spirituelle ait délié le nœud sacré qui nous unit à vous. Ah! sans doute quelque désir que nous ayons de vous servir jusqu’à la mort, si cette autorité prononce que les circonstances exigent que nous remettions en d’autres mains le somde vusâmes, nous sommes prêt à acquiescer à ceitedéeision : nous répéterons ce que saint Grégoire de Na-(1) Necessilate subdili estote ..... etiam propter cou-scienliam ( Rom XIII, 15). (2) Obedite præpositis vestris et subjacete eis ; ipsi enim pervigiluni quasi rationem pro animabus vestris reddituiri, ut cum gaudio hoc facianl et non gementes : hoc enim non expedit vobis (Hebr., XIII, 17). (3) Una est caro Domini nostri, et unus calix, unum altare, sicut unus Episcopus(S. ignat., Mart,, Ep. ad Philadelph). (4) Si quis dixerit... eos qui nec ab ecclesiasticâ et canonicà poteslate rite ordinati, nec misi sunt sed aliunde veniunt legitimos esse verbi et sacramentorum minislros, anatliema sit (Conc. Trid., Sess. XXIII, can. 7). [Assemblée nationale.] archives parlementaires. [15 janvier 1791.] 273 zianze disait au concile de Constantinople: « Si « je vous suis une occasion de trouble, je serai « Jonas : jetez-moi dans la mer pour apaiser la « tempête (1). » Non, jamais, avec la grâce de Dieu, aucun sacrilice ne nous coûtera pour contribuer à la paix de l’Eglise, et éviter les horreurs du schisme. Mais, tant que cette autorité n’aura point parlé, il ne nous est pas permis d’abandonner le poste où il a plu à la divine providence de nous placer; Dieu nous défend de vous laisser comme des brebis qui n’ont point de pasteurs (2). Que si, pour remplir ce devoir, il fallait que nous fussions exposé à quelques tribulations, nous supplierions le père des miséricordes de nousélever à ces dispositions sublimes où était l’apôtre saint Paui, quand il écrivait aux Colossiens:A? me réjouis de souffrir pour vous (3). Et nous pouvons du moins vous assurer, nos très chers frères, qu’au lieu de nos peines, nous aurions un grand sujet de consolation, eu pensant qu'elles seraient la preuve de l’amour immortel que nous avons voué à cette église et à vous tous. Demeurez aussi inviolablement attachés à vos pasteurs actuels, qui veillent sous notrecunduite, pour le bien de nos âmes: vous ne pouvez en reconnaît! e d’autres, à moins qu’ils n’aient reçu la mission canonique de nous, ou de nos successeurs légitimes, ou de nos supérieurs dans l’ordre de la hiérarchie. Et vous, nos chers coopérateurs, conservez toujours les sentiments dont vous avez été pénétrés jusqu’ici pour l’episcopat. Ayez toujours devant les yeux ce que l’illustre martyr, saint Ignace, évêque d’Antioche ; cet homme, qui avait vu les apôtres, écrivait aux fidèles de son siècle : « Vous êtes soumis à votre évêque comme à Jésus-Christ, et c’t st ce qui fait que je vous regarde comme vivant, non selon les maximes des hommes, mais selon celles de Jésus-Christ quiest mort pour vous... » Il est néce saire, en effet, de ne rien faire sans l’évêque ..... 11 faut le révérer comme celui qui est l’imaae du père (1)... suivez tous l’évêque, comme Jésus-Christ a suivi son père ; que personne ne fasse rien sans l’évêque, dans toutes les choses qui appartiennent à l’Église... Il n’est permis ni de baptiser, ni détenir îles assemblées sans l’évêque: mais tout ce qu'il approuvera ne peut manquer d’être agréable à Dieu.... Celui qui honore l’évêque est honoré de Dieu (5). Que si nous vous rappelons ces témoignages si glorieux à l’épiscopat, ne pensez pas, nos très chers frères, que ce soit un esprit de domination qui nous anime (6). Ah ! que ce sentiment est éloigné ne nous ! Grâce au Seigneur, nous ne voyons dans le rang où nous sommes élevé, qu’une servitude honorable que la charité nous (1) Fleury, Histoire ecclésiastique, 1. XVIII, n° 4). (2) Siculoves non habentes pastorem [Marc, VI, 3-4). (3) Gaudco in passionibus pro vobis (Coloss., I. 24). (4) Cùm episcopo subjecti estis ut Christo Jesu, vidc-miui mibi non sccundùm hommes, sed secundùm Je-sum-Christum viv. re qui propter vos mortuus est .... Ne-cessarium ituque est... .Ut nihil sine episcopo agatis .... Cuncti revereanlur episcopum ut eum qui est figura Pa-tris (Sanct. Ignat., Martyr., Ep. ad Irall.). (5) ümnes episcopum sequimini ut Jésus Christus Pattern ..... Sine episcopo nemo quidquam faciat eorum, quæ ad Ecclcsiam spectaut... Non licet sine episcopo baptizare, neque agapen facero, sed quodcumque i 1 le probaveril, hoc et Deo est bene placitum. .. Qui honorât episcopum Deo honoratus est (ld., Ep. ad. Smyr.). (6) Non ut dominantes in cleris (/ Petr. , I, 3). lro Série. T. XXII. impose pour sauver les àmes{ 1). Nous savons que le disciple n’est pas au-dessusdu maître (2) et que celui dont nous avons l’honneur d’être le ministre n’est pas venu pour être servi mais pour servir (3). Enfin nous avons présente à l’esprit cette maxime si terrible de l’Esprit-Suint : Ceux qui président seront jugés avec une extrême rigueur (4). Aussi pourrions-nous dire, comme autrefois le grand évêque d’Hippone: Vous voyez avec quelle frayeur nous tenons ce langage (5). Mais c’est cette crainte même dont nous sommes saisis, dans l’attente d’un jugement si redoutable, qui nous oblige de conserver, avec le plus grand soin, les droits de la dignité dont nous sommes revêtus. Car le souverain juge nous en demandera un compte rigoureux, et la négligence à les maintenir deviendrait un titre de condamnation contre nous. Donné à Boulogne, le vingt-quatrième jour d’octobre mil sept cent quatre-vingt-dix. -j-Jean-René, évêque de Boulogne, ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du samedi 15 janvier 1791, au soir (6). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes : Adresse des juges du tribunal du district d’Or-thez, de ceux du district de Pau, du district de Dreux, et du district de Bain, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Adresse des membres du club de l’unité de Genève, qui remercient vivement l’Assemblée du décret qu’elle a rendu en l’honneur de J, -J. Rousseau. Ils annoncent qu’un très grand nombre de Genevois, qui sont exclusivement membres de leur conseil national, s’étant réunis à ceux qui en sont exclus pour voter la présente adresse, cette adhésion est un favorable augure qu’ils ne tarderont pas à jouir d’une Constitution fondée sur les bases de la liberté et de l’égalité politiques. Adresse de M. Gaspary, consul honoraire à Athènes, résident à Marseille, qui envoie le procès-verbal du serment civique qu’il a prêté par-devant la municipalité de cette ville. Adresse du curé et des vicaires de la paroisse de Villers-le-BM, département de Seine-et-Oise, qui font part à l’Assemblée de leur entière adhésion à ses décrets, et de leur résolution de, prêter le serment prescrit au sujet de la constitution civile du clergé. (Cette dernière adresse est vivement applaudie.) (1) Bossuet, Discours du 9 novembre 1681. (2) Nou est discipulus super Magistrum [Luc, VI) 40. (3) Filius hominis non venit ut ministraretur ci, sed ut ministraret {Marc., X, 45). (4) Judicium durissimum his qui præsunt fiet ( Sap ., VJ, 6). (5) Videlis fratres, cum quo iremore isla dicamus (S. Augustin. Enarrat. in Ps. XLIX). (6) Cette séance est incomplète au Moniteur. 18