SÉANCE DU 13 FRUCTIDOR AN II (30 AOÛT 1794) - N° 8 91 A l’aurore naissante, cette mémorable journée fut annoncée par une décharge d’artillerie qui annonça aux citoyens de la commune de se préparer à célébrer cette fête. Le point de rassemblement étoit indiqué pour 10 heures du matin sur la place de la maison commune. Nos jeunes Républicains formant quatre bataillons, étoient au nombre de deux cens armés de pèles, de faux, piques, bâtons et sabres : le corps armé étoit entouré des corps constitués sans marques distinctives; des vétérans, de nos frères d’armes convalescens et blessés, des officiers de santé, du commissaire des Guerres, de la gendarmerie à pied, des citoyens du dépôt de Franciade, de la garde nationale, de l’administration des Charrois militaires, tous sans armes, et un grand nombre de citoyens et citoyennes qui forment un cortège immense. Une musique guerrière précédant la marche, le cortège se rendit à la place de Guillaume Tell où se fit le simulacre d’attaque de la représentation de la Bastille. Le signal du combat étant donné, la générale et le tocsin se firent entendre. Le combat s’étant engagé, nos jeunes Républicains remplis de pétulence et de courage, s’élancèrent au pied de la forteresse, coupèrent les chaines du pont-levis, et entrèrent de force dans cette redoutable forteresse aux cris mille fois répétés, vive la République, vive la Convention nationale. L’assaut étant terminé, le cortège se mit en marche de la même manière qu’il étoit arrivé, et se transporta à la place de la Montagne. Le nombre considérable de citoyens et citoyennes étant placés autour de la place, le citoyen maire de la commune se rendit au sommet de la Montagne, et prononça un discours analogue à la circonstance. Le discours fini, les cris de vive la République, vive la Montagne, retentirent dans les airs. Des artistes musiciens exécutèrent plusieurs morceaux de musique guerrière, et on termina par le chant d’un hymne en l’honneur des victoires remportées par les armées de la République. Les citoyens reprenant leur places, le cortège commença à défiler et se rendit à la porte Pontoise, emplacement où étoit représenté le fort de Charleroi. Là, une partie de nos jeunes Républicains, sur la proposition d’arborer la cocarde blanche, pour prendre la distinction des ennemis de la République et déffendre le fort contre ses armes, refusèrent de la porter, et ce ne fut qu’après avoir versé des larmes, et sur les observations qu’on leur fit que cette fixion étoit indispensable pour la fête, qu’ils se résolurent à la porter: alors ayant le simulacre des ennemis de notre Liberté, ils furent placés dans le fort. L’autre partie se porta à une distance convenable pour imiter l’attaque. Cette place, après avoir fait une vigoureuse résistance, nos jeunes Républicains représentans nos courageux et intrépides frères d’armes, firent battre la charge, et les armes en avant, emportèrent la place d’assaut, aux cris de vive la République, vive la Convention, vive la Montagne. Le simulacre d’attaque étant terminé, nos jeunes Républicains formèrent deux rangs, dans le centre desquels étoit placée la garnison ennemie. Le cortège se mit en marche et se rendit sur la place de la maison commune, où il arriva à trois heures après midi. Le reste de cette journée mémorable fut employé par les danses et par une représentation de trois pièces patriotiques sur le théâtre de Thalie établi en cette commune. C’est ainsi, Représentans, que se termina cette fête que nous pouvons nommer la fête de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité. Decolange (président), Malaisie (secrétaire). 9 La société populaire de Foix applaudit au décret du 16 messidor, portant qu’il ne sera fait aucun prisonnier de guerre anglais ou hanovrien. Mention honorable, insertion au bulletin (22). [La société montagnarde régénérée de Foix, département de VAriège, à la Convention nationale, le 25 messidor an II\ (23). Patrie, Egalité, Liberté. Périssent les ennemis du Peuple. Citoyens Représentans, Les succès éclatans et soutenus de nos armées consolent et animent les patriotes, tandis qu’ils font pâlir les tyrans sur leur trône. Votre décret sublime du 16 messidor est digne de la majesté d’un peuple pénétré du sentiment de sa force et de sa dignité. Son effet est assuré : le peuple l’a rendu par votre organe, et le peuple armé est chargé de son exécution. Mais nos succès même pourraient fournir à nos ennemis des moyens de nuire : le désir d’anéantir la République est toujours actif. Les traitres, les intrigans, les soudoyés de Pitt, ne pouvant s’opposer à nos triomphes, voudront peut-être essayer de nous endormir sur nos lauriers : bientôt ils viendront vous dire que l’expulsion des satellites, ennemis du sol de la République, est l’époque à laquelle il faut enfin songer à la paix. Les traitres ! ils voudraient nous inspirer une dangereuse sécurité, afin que, négligeant nos moyens de défense, ils pussent nous livrer à nos ennemis qui auraient réparé leurs pertes. Pères de la Patrie, ne leur en donnés pas le tems; ordonnés qu’ils soient poursuivis jusqu’à ce que leurs outrages et leurs attentats soient pleinement punis. Que le mot Paix ne soit prononcé que par vous, et qu’il ne le soit que lorsque l’intérieur de la France sera entièrement purgé de ses ennemis; que lorsque, reconnaissant notre République, les puissances coalisées, épuisées d’hommes et d’argent, cesseront de fournir du secours ou de donner azile à nos émigrés, à ces monstres sortis de leur patrie pour conjurer sa ruine. (22) P. V., XLIV, 217. (23) C 320, pl. 1313, p. 52. 92 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Ne craignes pas que nous nous lassions jamais de faire des sacrifices; nous ne verrons que la Liberté, l’honneur et la gloire, et rien ne nous coûtera pour les obtenir. Tels sont, citoyens Représentans, les senti-mens de notre société, et tels sont ceux de tous les patriotes de ce départements. Guerre aux tyrans, mort aux ennemis du peuple, affermissement de la Liberté, triomphe de la République : voilà le cri de tous les Français, voilà le but de vos travaux, voilà l’objet de nos espérances. Soyés assurés que nous vous soutiendrons avec constance et avec courage, et que nous n’oublierons jamais le serment sacré de nos cœurs. La Liberté ou la Mort. Vive la Montagne. Sassaut (président), Roques, Larroire, La-mote, Verniolle (secrétaires). 10 Le citoyen Eschard, de la commune d’Evreux, fait passer des stances allégoriques qu’il intitule Le Dix Août. Mention honorable de l’hommage, et renvoi au comité d’instruction publique (24). [Le citoyen Eschard, d’Evreux, département de l’Eure, au président de la Convention nationale, 24 thermidor an II\ (25) Citoyen, Qui ne seroit poète, qui ne seroit peintre à l’aspect des événements mémorables de notre heureuse Révolution, c’est-à-dire des triomphes de la République française ? Pour moi, sans autres talents que ceux d’une âme républicaine, et regardant comme un ordre l’invitation de la Convention nationale, j’ose lui faire hommage aujourd’hui, de quelques stances allégoriques, de ma composition, intitulées le 10 août, trop heureux si le comité d’instruction publique les juge dignes d’un acceuil favorable ! Salut et fraternité. Eschard, sans-culotte d’Evreux, auteur du Chant Républicain, publié à Evreux, dans le tems même du fédéralisme, en réponse au Chant soi-disant patriotique des rebelles du Calvados, dans lequel (chant républicain) on lisait entre autres choses: Qu’importe le fier Robespierre ? Un homme ne fait pas l’Etat. Qu’importe Danton, etc... ? Buzot et Barbaroux, voilà les vrais brigands. Français (français), exterminez ces restes de Normands ! (24) P. V., XLIV, 217. (25) C 320, pl. 1313, p. 53. Le Dix Août. Stances allégoriques dédiées à la Convention nationale (26) I Ecoutez, ô races futures Les combats de la Liberté, Contre les tyrans, les Augures, Ces fléaux de l’humanité. De ce récit allégorique, Muses, rendez les traits frappants: Ils ramèneront nos enfants Au berceau de la République. II Les tyrans, que l’esclave enscense, Régnent par la flamme et le fer; Et tous les Capet de la France Sont descendus de Jupiter: Jupiter, armé de sa foudre, Bien fait pour tout émouvoir, Fut cet arbitraire pouvoir Que la raison réduit en poudre. III L’esclave ne voit rien d’injuste; Le tyran, de tout est jaloux: Rome créa le mois d’Auguste; Ce mois planait déjà sur nous: De la moisson et des orages Régnoit la brûlante saison Depuis longtems notre horizon Etoit obscurci de nuages. IV Faisant du Louvre une cellule Le dernier des fils de Jupin, Vil, abruti par la crapule, Dormoit soumis au Dieu du vin Le gouvernement de la Terre, Usurpé par les demi-Dieux, Etoit en plus ambitieux; Et Junon lançoit le Tonnerre. V Sous le rideau du fanatisme, L’appui du trône étoit l’autel, Et l’autel, dans le despotisme, Trouvoit un soutien mutuel. La plus affreuse tyrannie, Ce monstre échappé des enfers, Chargeoit et d’opprobre et de fers Notre malheureuse Patrie. VI Du despotisme de ses ordres Le françois las de soupirer, Contre l’opprobre et les désordres Commence enfin à murmurer. Il invoque le nom d’Astrée, Déïté chère à nos ayeux... A ce nom détesté des Dieux La perte du monde est jurée. (26) Lues à la société populaire d’Evreux le 9 août (v.s.) et chantées le lendemain à la fête, sur l’air de La Visitandine.