706 [Assemblée nationale.] M. Coehard. Demander si l’Assemblée ne déléguera pas la fonction d’apurer les comptes, c’est demander si elle cumulera tous les pouvoirs, si elle examinera peut-être 14 millions de pièces. Les recouvrements, par exemple, qui sont à faire au profit et bénéfice de la nation s’élèvent à 600,000 francs, c’est à nous à poser les règles de l’apurement des comptes; mais ce n’est pas à nous à nous occuper du contentieux de la comptabilité. On propose que le Corps législatif renvoie les contestations à l’un des 540 tribunaux de district. L’agent du Trésor public aura donc à partager sa confiance entre 540 procureurs! La seule mesure est de nommer une commission de 42 membres nommés par les assemblées électorales qui n’ont pas été en tour pour les nominations aux places du tribunal de cassation. Cette commission, composée de fonctionnaires populaires, méritera votre confiance et remplacera la chambre des comptes. Le pouvoir exécutif comptable ne peut nommer la commission qui recevra les comptes; l’Assemblée nationale devant juger et arrêter les comptes, est une autre partie intéressée. La commission ne peut donc être nommée que par le peuple. M. Camus, rapporteur. 11 ne s’agit pas encore ici de la manière de nommer. Mais la proposition du préopinant ne tend à rien moins qu’à re-nouveiler la Chambre des comptes que vous avez supprimée. Le projet de M. Baumetz porte expressément : Il y aura une cour de comptabilité. C’est une nouvel e chambre des comptes. L’auteur de ce projet a sans cesse confondu l’apurement des comptes et le jugement des con-testaûons. Si un comptable était soupçonné d’avoir introduit une pièce fausse, alors il faudrait sans doute qu’il fût poursuivi devant les tribunaux; mais à quoi serviront vos tribunaux de district, si vous obligez toutes les parties à venir dispendieusement poursuivre leurs afiaires auprès d’une cour séante à Paris? Ainsi ne confondons pas l’apurement des comptes avec le jugement. Je demande que la question soit réduite à cette proposition simple : « L’Assemblée nationale apurera -t -elle les comptes? Un très grand nombre de membres opinent sur la manière de nommer les auditeurs. M. d’André. Il me semble que Ja difficulté que nous éprouvons dans notre délibération vient de ce que l’on a confondu plusieurs questions très difficiles : l’organisation des bureaux de comptabilité, l’audition des comptes, la nomination des membres du bureau de comptabilité; or, il me semble que, si on voulait diviser toutes ces questions-là, on parviendrait facilement à un résultat. La première question ; Qui doit entendre les comptes en définitive? est absolument distincte et séparée des autres. Cette quesiion ne peut, suivant moi, souffrir de difficulté. Je pense aussi que le jugement des contestations doit être renvoyé aux tribunaux de districts ; nous ne sommes pas venus ici faire un tribunal unique qui jugerait toutes les contestations relatives aux comptes; car, nous ne devons pas nous attribuer le jugement de ces contesta-|4 juillet 1791.] tions, puisque ce serait exercer une partie du pouvoir judiciaire. Il ne s’agit donc uniquement que de savoir, en dernière analyse, qui appuiera les comptes ; et je ne pense pas que personne puisse imaginer de donner cette connaissance définitive à d’autre qu’au Corps législatif. C’est ce Corps législatif qui a ordonné les dépenses, c’est à lui de savoir si les impôts qu'il a votés |>)ur y faire face, ont été justement appliqués aux dépenses votées; c’est donc en définitive au Corps législatif à viser les comptes. Il me semble, Monsieur le Président, que si vous vouliez mettre d’abord cette question aux voix, nous examinerons ensuite de quelle manière ces comptes doivent parvenir au Corps législatif, et c’est là que se placera la seconde question : De quelle manière sera formé le bureau de comptabilité? Plusieurs membres: La discussion fermée ! M. Camus. Je propose de poser ainsi la question : « La législature recevra-t-elle et apurera-t-elle par elle-même les comptes? » M. d’André. Le mot définitivement est très nécessaire. Je ne crois pas qu’il soit possible de donner au Corps législatif l’apuremunt et la vérification des comptes : c’est-à-dire que vous ne pouvez pas, suivant moi, nommer, par exemple, 60 ou 80 membres du Corps législatif qui passeraient tout le temps de la session à examiner 14,000 pièces. Ce serait priver le Corps législatif de 60 membres qui peut être n’auraient pas le temps dans le cours d’une législature entière de faire cet apurement. D’ailleurs, outre les connaissances générales qu’auront les députés qui seront envoyés, il faut des connaissances premières qu’on pourrait ne pas trouver dans le sein de l’Assemblée nationale, et voilà pourquoi il faut mettre le mot définitivement afin qu’on ne préjuge rien. Alors la question secondaire sera, comme je vous l’ai dit, de savoir quels seront les rapporteurs qui iront au comité que l’Assemblée aura chargé de faire le rapport de toutes les différentes pièces de la vérification et de l’apurement des comptes et qui définitivement sur les rapports et sur la responsabilité de la cour secondaire fera son rapport lui - même à l’Assemblée, laquelle clora et fixera définitivement les comptes. Ainsi, j’insiste sur le mot définitivement. Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. le Président. Voici comment la question est posée : « Le Corps législatif verra-t-il et apurera-t-il par lui-même et définitivement les cumptes des finances de la nation, oui ou non? » Je consulte l’Assemblée. (L’Assemblée décrète que le Corps législatif verra et apurera par lui-même définitivement les comptes des finances de la nation.) M. le Président. Messieurs, M. Fréteau a à vous donner connaissance d’une lettre de l'ambassadeur d'Espagne , que l’Assemblée entendra avec plaisir. {Oui! oui!) M. Fréteau-Satnt-Just, au nom du comité diplomatique. Messieurs, hier soir le ministre des affaires étrangères a envoyé au comité diploma-ARCH1VES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juillet 1791.J 707 tique une lettre de l'ambassadeur d'Espagne relative aux dépêches qui noxis sont parvenues hier du département des Basses-Pyrénées. « Monsieur, « Je viens de recevoir une lettre de votre Excellence, dans laquelle elle m’apprend que le directoire du département des Basses-Pyrénées, réuni au directoire du district et à la municipalité de Pau, viennent d’annoncer l’entrée des troupes espagnoles en France par 3 différentes gorges de montagne. Cette nouvelle ne peut être l’eflet que de quelque méprise exagérée. Vous savez, Monsieur le Comte, que dans nos frontières, ainsi que dans celles qui nous séparent du royaume de Portugal, il y a souvent des incursions réciproques qui occasionnent des coups de fusil entre les contrebandiers des deux royaumes : c’est sans doute un événement de cette espèce gui, dans les circonstances actuelles, aura donné lieu à un pareil bruit; ne se trouvant sur la frontière que les troupes absolument nécessaires pour le cordon dont j’ai eu l’honneur de vous faire part. « Votre Excellence, qui connaît le caractère personnel du roi d’Espagne, pourrait-elle le croire capable d’une pareille conduite? Cette conduite serait-elle digne de la probité du roi et conforme à la dignité de la couronne ? Si la possibilité du changement de ses principes existait, serait-ce avec la France, son amie et son alliée, qu’il commencerait à s’en écarter? <* Non, Monsieur le Comte, je crois que le roi mon maître ne me tiendrait pas ici pour que ses intentions vous fussent connues par des lettres des municipalités de la frontière. Je me flatte que les premières que vous recevrez vous feront connaître la fausseté des nouvelles dont voulez bien me faire part. « J’ai l’honneur d’être avec un parfait attachement, Monsieur le Comte, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé ; Comte de Fernand-Nunez. M. Fréteau-Saint-Just, rapporteur. Je dois ajouter qu’un député du pays oe Soûle vient de m’attester que, par les lettres qu’il a reçues samedi du district de Mauléon, il n’a rien appris desemblable et qu'il ne croit pas du tout à l’exactitude des faits dont il est parlé dans ces lettres. M. d’Arraing. J’ai reçu, en effet, par le Courier de samedi, 10 ou 12 lettres du district de Mauléon, ci-devant pays de Soûle, dont aucune ne fait mention de l’incursion des Espagnols. M. Sanrlne. J’atteste les faits avancés par M. Fréteau et je profite de la circonstance pour observer à l’Assemblée qu’il existe entre les Basques et lesE-pagnols des frontières des divisions au sujet des limites. L’ouvrage qui doit les fixer est encore imparfait : je vous prie de vouloir bien prendre des mesures pour que ce germe de division soit étouffé le plus promptement possible. Au surplus, j’assure l’Assemblée nationale que les Basques qui ont eu assez d’énergie pour vivre toujours francs et libres, qui ne se sont unis à la France que pour vivre tels, sauront défendre leur liberté et leur pays, si l’envie prenait aux Espagnols d’aller les attaquer. M. d’André. La lettre de M. l’ambassadeur d’Espagne devant être pour la nation un garant des intentions du roi d’Espagne, je demande qu’elle soit imprimée et insérée dans le procès-verbal. (Lu motion de M. d’André est décrétée.) M. Fréteau-Saint -Jhist, au nom du comité diplomatique. Voici une lettre de l’ambassadeur d’ Angleterre à notre ministre des affaires étrangères. « Paris, le 3 juillet 1791. « Monsieur, « Je reçois dans l’instant une lettre datée de Nantes le 30 juin, et signée par MM. Pyne et Forster, maîtres de l'Endeavourat du Commerçant , deux vaisseaux anglais actuelle! lient dans le port, qui se plaignent, tant en leur nom qu’au nom de tous les maîtres anglais dont les vaisseaux y sont en ce moment, que le 29, jour auparavant, un corps de garde nationale est venu à bord de leurs vaisseaux et en a emporté les voiles. « Ils me représentent qu’ils étaient sur le point de partir; qu’aucun des gens de l’équipage n’avait troublé l’ordre ni violé les lois du pays et qu’ils s’éiaient eux-mêmes conformés à tout ce que prescrit le traité de commerce, n’ayant rien pris à bord qui n’eût été visité par les officiers de la douane. Je vous prie donc, Monsieur, sans perdre de temps, de prendre les mesures nécessaires pour que leurs voiles et la liberté de partir leur soient rendues sans délai. « J’ai l’honneur d’être avec un très sincère attachement, Monsieur, votre très humble. « Signé : Comte de Gower-Sutrerland. « « Pour copie conforme à l’original remis par M. de Montmorin. « Signé : Delessart. » M. Fréteau-Saint-«Iust, rapporteur. Messieurs, relativement à cette lettre, le comité diplomatique m’a chargé de vous présenter le décret suivant : « Sur le compte rendu à l’Assemblée nationale, d’une lettre de M. l’ambassadeur d’Angleterre au ministre des affaires étrangères, par laquelle cet ambassadeur se plaint de ce qu’un corps de garde nationale de la ville de Nantes est venu à bord de deux bâtiments anglais qui se trouvaient dans le port de cette ville, et qui étaient sur le point d’en partir, et a emporté leurs voiles; « L’Assemblée nationale charge le ministre de l’intérieur de prendre, sans délai les éclaircissements nécessaires sur ce qui a pu donner lieu à ce procédé, afin qu’il soit accordé une juste indemnité, s’il y a lieu, aux maîtres des deux bâtiments anglais dont il s’agit, et que toute liberté leur soit rendue pour suivre leur destination. « Et cependant, l’Assemblée nationale voulant que la bonne intelligence et l’amitié qui régnent entre la France et les nations étrangères soient constamment entretenues, ordonne aux corps administratifs, aux municipalités, aux commandants des forces de terre et de mer, et généralement à tous les fonctionnaires publics, de faire jouir les étrangers, dans toute l’étendue du royaume, et particulièrement dans les ports de France, de la liberté, de la sûreté et de la protection qui leur sont garanties par les traités. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. de Menou, au nom du comité diplomatique. Messieurs, conformément aux ordres de l’As-