BAILLIAGE DE CRÉPI CAHIER Ou sommaire de pétitions faites par V assemblée de l’ordre du clergé , convoquée à Grépy en Valois le 14 mars 1789 (1). Les ministres de la religion sont par état des ninistres de paix; soulager les peuples, concilier les différends, réformer les abus, rétablir l’ordre où règne la confusion, protéger les pauvres, essuyer les larmes des malheureux, propager partout le flambeau de la vérité, telles sont leurs fondions augustes ; c’est ce qu’a envie le monarque bienfaisant sous lequel nous avons le bonheur de vivre, en assemblant les Etats généraux, et c’est ce que se proposent également les trois ordres convoqués aujourd’hui dans la ville de Grépy. En conséquence, le clergé du bailliage de Grépy désirerait : Art. 1er. Qu’on remit en vigueur les lois de police relatives à la sanctification des dimanches et fêtes. Art. 2. Qu’on choisît le moyen le plus efficace de procurer à l’Eglise des parleurs éclairés et doués de bonnes moeurs ; pour y parvenir, il serait peut-être à propos qu’aucun ecclésiastique ne fût promu à r épiscopat, sans avoir préalablement exercé le saint ministère pendant un certain nombre d’années, et que les cures fussent données au concours. Art. 3. Rien n’étant si pernicieux à la religion et aux mœurs que les mauvais livres, il serait à désirer que le gouvernement prît des mesures assurées pour en empêcher la circulation et la vente, et que les ministres de l’Eglise n’eussent plus à émir de son inconséquence en semblant ne les lâmer publiquement que pour leur donner plus de vogue. Art. 4. Qu’on pourvût à, l’éducation de la jeunesse, qui paraît fort négligée, et que pour la rendre meilleure on établît dans les villes des collèges gouvernés par des instituteurs soumis à l’obéissance d’un chef capable de les diriger. Art. 5. Rien n’étant aussi expressément recommandé que la commisération envers les pauvres et les malades, il faudrait pourvoir à leur existence en établissant des bureaux de parité et des hôpitaux dans les villes, et des dépôts de remèdes gratuits dans les campagnes ; des boîtes fu-migatoires, dans les lieux situés sur les bords des rivières, seraient aussi d’une très-grande ressource pour parer aux accidents trop souvent occasionnés par l’imprudence des hommes. Art. 6. Dans les Etats même les plus parfaits, les hommes ayant un penchant naturel au relâchement, ne serait-il pas à propos de convoquer à des époques fixes des conciles nationaux, où des députés du premier et second ordre seraient convoqués en juste proportion pour travailler de (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. concert à la réforme des mœurs et de la discipline? Art. 7. Le vœu public étant connu depuis longtemps sur la réforme du Gode civil et criminel, nous la demandons avec instance et nous nous reposons pour l’opérer sur la sagesse et les lumières des Etats généraux. Art. 8. On connaît dans toute l’étendue du royaume les ravages affreux que cause la trop grande quantité de gibier sur les capitaineries des princes, et ce désastre est encore plus sensible dans nos cantons ; c’est pourquoi nous désirons ardemment leur suppression ; nous voudrions aussi qu’on abolît tous les tribunaux d'attribution. Art. 9. Etant parfaitement convaincus que la plus parfaite justice consiste à réparer les torts et à rendre à chacun ce qui leur est dû, de la manière la moins compliquée, nous demandons que les justiciables soient approchés de leurs juges naturels, et qu’on diminue s'il est possible les degrés de juridiction. Art. 10. Nous désirons que plusieurs bénéfices ne soient pas accumulés sur la môme tête, et que les titulaires, conformément aux décrets de plusieurs conciles, résident dans le lieu de leur bénéfice ; la décence et la justice indépendamment des décisions de l’Eglise leur ont dicté cette loi. Art. 11. Rien n’étant aussi méritoire que les fonctions du saint ministère quand on s’v livre avec assiduité, l’assemblée du clergé de ce bailliage vote pour l’établissement d’une maison de retraite dans chaque diocèse, où les curés, vieillards ou infirmes, puissent goûter le repos et trouver un soulagement à leurs infirmités, ou si on trouve mieux, leur assurer des pensions sur leurs revenus ecclésiastiques. fous désirons aussi que les canonicats ne soient possédés que par des ecclésiastiques qui auront vaqué pendant quinze ans aux fonctions du saint ministère. Art. 12. Pour faciliter le commerce et prévenir les fraudes, nous croyons qu’il serait convenable ue les poids et les mesures fussent les mêmes ans toutes les provinces ; c’est pourquoi nous en demandons l’uniformité. Art. 13. 11 n’y a pas de province où l’on ne sc plaigne du prix exorbitant du sel ; cette denrée, de peu de valeur en elle-même, devient cependant un objet de grande dépense pour le peuple par rapport aux impôts dont elle est chargée. Nous demandons l’abolition de ces impôts et l’entière suppression de la gabelle. Art. 14. Nous nous joignons aux vœux de tous nos concitoyens pour demander l’abolition des lettres de cachet. Art. 15 Pour éviter à l’avenir les murmures de toutes les classes des citoyens touchant la répartition des impôts, murmures dont les membres du clergé ont été trop souvent l’objet, nous opinons qu’il ne doit y avoir à l’avenir pour les trois ordres de l’Etat qu’un seul et même impôt perçu par les mêmes agents. 74 [États gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Crépy.] Art. 16. Que, par cette innovation, le sort des ecclésiastiques étant assimilé à celui des laïques pour les impôts, il le soit aussi pour ce qu’ils doivent, et que les dettes du clergé soient coÜfdndües avec celles de l’Etat. Art. 17. La dotation des curés fixera sans doute l’attention des Etats généraux. Plusieurs d’entre eux ont à la vérité un revenu suffisant pour pourvoir à leur nécessaire et à la subsistance des pauvres ; mais combien y en a-t-il dont la possession les rend témoins de la misère des peuples sans que leurs facultés mbdiqüès leur permettent de la soulager ! On peut mettre de ce nombre tous ceux que l’on appelle comrüùnémèqt curés à portion congrue ; çetté portion dé tOU livres est encore de beaucoup insuffisante; il est notoire que depuis quatre-vingts ans là valeur des fonds a augmenté de trois à huit ; ce calcul, fort simple, nous détermine à demander que lesdites portions soient augmentées d’une manière honnête et décente et que leur revenu soit assigné en nature sur des fonds ecclésiastiques. Art. 18. Nous demandons qu*Un fermier ne puisse faire , valoir que les terres attachées à un seul corps de ferme. Art. 19. Nous désirons la conservation des ordres religieux, qu’on les maintienne dans leur institut, et qu’il soit demandé compte de l’emploi qui a été_ fait depuis vingt ans des monastères supprimés. Art. 20. Nous demandons enfin qu’on mette les mêmes religieux à l’abri du reproche, qu’on leur fait chaque jour injustement de leur inutilité. Si les fonctions auxquelles ils se livrent, ne sont pas suffisantes pour constater leur utilité, qu’on leiir en indique d’autres. L’éducation publique et le ministère ouvrent un champ assez vaste, et ce champ commence à devenir désert. Art, 21. Le droit de banalité est si odieux et f»eut avoir des conséquences si funestes pour 'avantage des peuples, qu’on a crû devoir en demander la suppression, et qu’il en soit de même des autres droits de servitude féodale, tels que Sîs, minages et autres, et qu’il soit pourvu au oursement desdits droits. Art. 22. Le vœu général est qu’au moyen de la nouvelle dotation des curés, le casuel soit supprimé, et l’entretien des presbytères et des églises pris sur m revenu ecclésiastique. j Art. 23. Ou supplie très-humblement Sa Màjësté de consentir qu’il soit pourvu aux moyens, d'affranchir les novices de la servitude à laquelle ils sont assujettis, vœu diGté par la religion et l’humanité. . . „ Fait et arrêté par le clergé de l’assemblée du bailliage de Crépy, cejourd’hui 18 mars 1789, et avons signé. ÜAHiËR De là noblesse dit bailliage de Crépy (1). La défense de la patrie est le principal devoir de la noblesse. Appelée aujourd’hui de mère que les autres ordres à chercher un remède aux maux qui menacent le royaume, elle va s’occuper de répondre aux vues d’un monarque bien-laisant. La loyauté, le patriotisme, l’amour pour son Roi dicteront ses vœux. Elle n’a pour but, pour arriver au bonheur et à la gloire de l’Etat, que le concours le plus (1) Nous publions ce cahier d’apùs un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. fraternel avec les autres ordres, et les sacrifices qui annonceront son zèle. , Pénétré de ces sentiments, l’ordre de la noblesse âêclâre qu’il renonce à tous privilèges pécuniaires, avec réserve spéciale des seules distinctions honorifiques et prérogatives, qui sont une vraie propriété confirmée par les lois de la monarchie; mais que, pour ne gêner aucuns suffrages, il est essentiel que l’on opine par ordre. Et dans le cas où il arriverait que les représentants de la nation réunie en décidassent autrement, ou proposassent d’établir une constitution nouvelle, il est de toute nécessité, pour conserver la liberté des trois ordres, que, quoique réufiis ensemble d’après un vœu porté séparément par Chacun des ordres à la pluralité des voix, il soit libre à chacun desdits ordres de se retirer, pour délibérer séparément sur les points qui le concerneront parlicliêrement, et que la pluralité des voix dans chacun des ordres soit fixée aux trois quarts. Et considérant quô les Etats généraux, s’assemblant pour régénérer la constitution de la monarchie, vont s’occuper de grandes questions qui doivent être délibérées avec toute la sagacité due à là confiance de la nation dans ses députés, Etablit sés doléances et pétitions ainsi qu’elles suivent i 1° Qu’aucune loi générale et permanente ne puisse être statuée que dû consentement des trois ordres, sous là sanction ëxpressè de l'autorité paternelle du Roi. En conséquence, . le projet de toute loi proposée sera mis sur le bureau, pour que chaque dépütê puisse en prendre copie, la méditer séparément, en balancer les avantages et les inconvénients, et qu’elle ne pourra être adoptée qu’après Un délai proportionné à son importance. 2° Que les Etats généraux avisent aux moyens défaire contribuer les capitalistes en proportion de leur aisance et de leur lüxe. 3° Qüe la noblesse ne soit plus vénale ; qu’elle ne soit obtenue que par des services Utiles et distingués. 4° Que la vénalité des charges soit supprimée; qüe le Code civil et criminel soit réformé, et qu’il est important qu’üne autre peiné remplace celle du bannissement, qui ne fait que présenter au criminel Un nouveau théâtre à ses forfaits. 5° Qüe les capitaineries soient supprimées; qu’en Conservant la propriété dès chasses il soit rendu Une loi qui, Combinée avec sagesse, réprime les abus qui excitent déS plaintes presque générales. 6° Qu’en conservant aux gens de mainmorte cette même propriété, ils ne puissent faire chasser que des gardes revêtus de leürs bandoulières. 7° Qu’il soit fait Un règlement concernant les banalités, qui, en réprimant les abüs de leurs servitudes, n’attaquent pas la propriété. 8° Que les droits de péage, fondés ou usurpés, soient, après un mûr examen, rachetés ou supprimés. 9° Que, pour perfectionner la culture et donner à Un plus grand nombre de familles une subsistance plus facile, le même fermier ne puisse exploiter plus de quatre charrues, à moins qu’un üombre plus Considérable n’appartienne au même propriétaire, en Composant le même corps de ferme. 10° Que les baux des usufruitiers, des bénéficiers ou grevés de substitution, aient leur durée, nonobstant les mutations. 11° Que, pour prévenir là disette menaçante des bois, les nouvelles plantations soient encou-