[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j fj novembre 7m .233 « J’apprends aussi qu’ avant-hier huit brigands seulement se portèrent à Pontorson, qu’ils y abattirent l’arbre de la liberté et s’en retour¬ nèrent avec huit chevaux chargés de butin. Ce trait serait incroyable partout ailleurs. « J’ai su encore qu’à Fougères les habitants du lieu même avaient jeté par les fenêtres des pots sur la tête de nos soldats, les brigands ont fusillé dans cette ville le peu de patriotes qu’il y avait et beaucoup de gardes nationaux et de chasseurs tombés entre leurs mains. « Ces atrocités, auxquelles on pourrait en joindre bien d’autres, vous peignent en même temps la barbarie des brigands et le caractère des habitants de la ci-devant Bretagne qui touche à ce département. « Encore quelques jours, la vengeance arrive à grands pas; elle sera générale et terrible. « Je vous envoie copie d’une réquisition faite à la municipalité d’Avranches par Putod, chef des brigands, datée de son quartier général à Fougères. On s’en est moqué à Avranches un peu plus qu’à Saint-James où une pareille réquisition avait été adressée. Cependant les habitants de cette première ville ont besoin d’être rassurés. « Les rebelles ont, outre leur artillerie, une cavalerie singulièrement leste et forte. Ils regret¬ tent beaucoup Lescure, un de leurs chefs, mais il leur en reste d’autres. Il paraît aussi qu’ils espèrent prendre leurs quartiers d’hiver dans nos ports. « Patience, nous leur épargnerons les rigueurs de la mauvaise saison : il est temps d’en finir. « J’attends avec impatience les prêtres du Mont-Saint-Michel. « Le Carpentier. » Premier arrêté (1), Nous, représentant du peuple/ délégué par la Convention nationale dans le département de la Manche. Après avoir appelé près de nous les autorités civiles et militaires de Granville, et la Société patriotique par députation; le conseil formé où étaient encore présents le citoyen Yarin, commandant général provisoire, le citoyen Coffy, commissaire militaire, le chef du génie et les commandants des divers bataillons convoqués à cet effet. La direction des troupes actuellement réunies à Granville ayant été mise en délibération, Avons arrêté à l’unanimité des avis, que lesdites troupes ne feront aucun mouvement offensif avant que nous ayons su du général Sépher, commandant en chef l’armée du Calva¬ dos, le jour et le lieu où son armée pourra joindre celle de la Manche, et qu’un courrier extraordi¬ naire sera sur-le-champ dépêché au général Sépher, pour, ensuite de sa réponse, être prises et arrêtées toutes les mesures qu’il conviendra, Granville, le 19e jour du second mois de l’an II de la République. Signé : Le Carpentier. Certifié conforme : Le Carpentier. r (1) Archives nationales, carton AFii 275, pla¬ quette 2304, fp. 67. Deuxième arrêté (1), Nous, représentant du peuple, délégué pour la Convention nationale dans le département de la Manche, D’après les rapports qui nous ont été faits, considérant : 1° Qu’il est de plus en plus nécessaire de déve¬ lopper les principales ressources du département de la ' Manche, tant pour opposer une masse impénétrable aux brigands de la Vendée, que pour assurer encore les points maritimes de ce département contre les tentatives de l’Anglais; 2° Que si la levée en masse est effrayante pour nos ennemis, l’expérience prouve que ce grand mouvement ne peut être tout à lait salutaire pour nous, qu’autant qu’il est régularisé et combiné avec autant d’ordre que d’énergie; 3° Que la guerre en général, surtout celle que le fanatisme et la rébellion ont excitée dans le sein même de la République, commande impé¬ rieusement d’employer tous les moyens de force et de prudence, et que les plus grandes possibilités d’un avantage décisif ne doivent pas faire négliger les précautions capables de nous prémunir contre la possibilité d’un revers; ( 4° Enfin, qu’il est digne du peuple français d’attacher la victoire à la liberté et d’enchaîner la fortune même à son sort ; Avons arrêté ce qui suit en maintenant les dispositions de nos proclamations et arrêtés précédents : Art. l®r. « Les citoyens des divers districts du dépar¬ tement de la Manche, en état de porter les armes, depuis vingt-cinq jusqu’à trente ans, se réuniront sur-le-champ dans les cantons respectifs de leur district. Art. 2. « Les municipalités feront remettre sans délai aux citoyens compris dans la présente réqui¬ sition les fusils de tout calibre, les piques ou faux nécessaires à leur armement. Art. 3. « Elles, pourvoiront également et sans retard à leur subsistance, sous la surveillance des districts, et en se concertant avec les munici¬ palités des chefs-lieux de canton qui sont parti¬ culièrement chargées d’exécuter les approvision¬ nements dans une portion relative au nombre d’hommes fournis par chaque municipalité de leur arrondissement. Art. 4. « Les municipalités des chefs-lieux de canton sont encore chargées de répartir les citoyens requis dans les villages les plus voisins où ils logeront provisoirement, sans qu’ils puissent être cantonnés dans leur propre commune, à l’exception de ceux des municipalités chefs-lieux. Art. 5. « Les citoyens ci-dessus désignés s’organise¬ ront, d’abord en compagnies, ensuite en batail-(1) Archives nationales, carton AFii 275. pla¬ quette 2304, pièce 68. 224 {Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { u brumaire an H I 14 novembre 1 1 93 Ions d’après le mode déterminé par les lois. Les chefs et adjudants-majors de légion seront spé¬ cialement tenus de surveiller cette organisation et d’en faire cadrer les parties respectives. Art. 6. « Il sera incontinent procédé à leur instruction, tant pour le maniement des armes, que pour la direction de la marche, par des instructeurs mili¬ taires nommés par les municipalités, par les districts ou par nous, selon le besoin. Ces ins¬ tructeurs recevront une solde de quarante sols par jour, qui leur sera payée par les receveurs de district, sur l’état des municipalités des chefs-lieux, visé par les administrations, et les sommes avancées pour cette dépense seront remboursées aux receveurs par le payeur général de l’armée. Art. 7. « Des commissaires seront envoyés par les administrations de district, pris dans leur sein ou hors leur sein, pour veiller à ce que rien ne manque aux subsistances, cantonnements, orga¬ nisation et instruction des citoyens requis; l’ad¬ ministration du département surveillera elle-même les différents districts, afin que tout marche avec ensemble et célérité. Art. 8. « Les bataillons ainsi organisés formeront un corps de réserve prêt à soutenir l’armée s’il en était besoin, ou à défendre les places et les côtes dans ce département, si elles étaient menacées; et, dans l’un et l’autre cas, ils recevront la solde, comme étant en activité de service à compter du jour de leur départ. Ils devront toujours se tenir prêts à marcher au premier signal. Art. 9. ■ « Attendu que cette nouvelle levée n’est que provisoire, la défaite des brigands de la Vendée sera le signal de son licenciement, mais tout citoyen requis ne pourra rentrer dans ses foyers avant la proclamation qui l’y autorisera et qui sera publiée à cet effet dès que les circonstances le permettront. Art. 10. « Ne sont et ne peuvent être compris dans la présente réquisition, ni les fonctionnaires publics ni aucun des ouvriers et autres citoyens em¬ ployés pour les besoins de l’armée en général. Art. 11. « Les administrations de district rendront exactement compte de l’exécution du présent arrêté à l’administration du département qui nous en instruira elle-même. Toutes sont char¬ gées d’employer la vigilance et la promptitude nécessaires à cette mesure momentanée, dont le caractère principal doit être la célérité. Art. 12. « Le présent arrêté sera imprimé, lu, publié et affiché dans toutes les municipalités du dépar¬ tement de la Manche, et envoyé au comité de Salut public ainsi qu’à nos collègues et aux généraux dans les départements voisins. Granville, le 19e jour du 2e mois de l’an II de la République. Signé : Le Carpentier. Certifié conforme : Le Carpentier. Troisième arrêté (1). Nous, représentant du peuple, délégué par la Convention nationale dans le département de la Manche, Considérant , qu’il est urgent de réparer les routes existant dans le département de la Manche pour faciliter les communications et le transport des différents effets et voitures d’artil¬ lerie pour l’armée qui s’organise, avons, en vertu des pouvoirs à nous donnés, arrêté ce qui suit ; Art. 1er. « Toutes les routes du département de la Manche, entre autres celles de Cherbourg, Valo-gnes, Carentan, Coutances, Granville, Avran-ches et Mortain, seront sur-le-champ réparées. Art. 2. Le département transmettra le présent arrêté aux différents districts à fin de son exécution prompte. Art. 3. a Les municipalités voisines desdites routes seront requises de fournir le plus grand nombre possible d’hommes, chevaux et voitures pour ladite réparation. Art. 4. « Chaque district fixera économiquement le prix des journées, l’avance en sera provisoire¬ ment faite par lesdits districts, sauf, sur les quittances, à s’en faire rembourser, soit par les adjudicataires ou entrepreneurs desdites répara¬ tions, soit par la caisse à ce destinée. Art. 5. « Les administrations de département et de district, ainsi que les municipalités seront per¬ sonnellement responsables des mouvements qui pourraient résulter du retard à faire faire lesdites réparations. Art. 6. « Les personnes requises, et qui se refuseraient, seront réputées suspectes et condamnées par les municipalités en telles peines pécuniaires qu’il appartiendra, sauf toute autre peine. Granville, ce 20e jour du 2e mois de l’an II de la République. Signé : Le Carpentier. Certifié conforme ; Le Carpentier. (1) Archives nationales, carton AFn 275, pla¬ quette 918, pièce 31.