Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]29 octobre 1790.] sept heures du soir, dans la paroisse Saint-Eusta-che. M. Basquiat, député, absent depuis le 2 de ce mois, par congé de l’Assemblée, annonce qu’il reprend sa place dans la présente séance. M. de Montesquieu, au nom des commissaires réunis, des finances et d’aliénation, fait un rapport sur l'ordre de liquidation et de remboursement de la dette publique (1). Messieurs, vous avez décrété, le 29 septembre, que la dette non constituée de l’Etat et la dette constituée du ci-devant clergé seraient remboursées en assignats-monnaie. Vous avez ordonné le lendemain aux comités des finances et d’aliénation de vous présenter l’ensemble des dispositions qui devaient préparer l’exécution de votre décret. Les commissaires de vos comités se sont réunis pour remplir leur mission. C’est leur travail que j’ai l’honneur de vous présenter. Vous avez borné à 800 millions l’émission simultanée des assignats, destinés à acquitter successivement une dette de 1,900 millions. Vous vous proposez, sans doute, d’employer ces 800 millions aux premiers remboursements qu’il sera possible d’effectuer, afin de faire cesser une partie des intérêts que la nation paye; vous chercherez ensuite, dans l’accélération des ventes, les moyens de retirer des assignats pour vous mettre en état d’exécuter de nouveaux remboursements; vous espérez ainsi parvenir à rendre une justice égaie à tous vos créanciers. Une difficulté se présente à nous dès notre premier pas. On vous a rendu compte de la situation du Trésor public. Des retards considérables dans plusieurs perceptions y laissent un vide que vous ne pouvez vous dispenser de remplir. Déjà vous avez pris sur les fonds de la caisse de l'extraordinaire, la somme nécessaire au service de ce mois. Les mêmes causes vous détermineront vraisemblablement au même parti pour les deux autres mois de cette année, et les dépenses publiques absorberont une portion considérable des sommes que vous aviez destinées à l’extinction de la dette. La nécessité est impérieuse; il faut y céder sans doute, mais nous avons lieu d’espérer que la sagesse et la célérité de vos dispositions pour l’établissement de l’impôt, et surtout pour son exact payement, rétabliront l’ordre dans les recettes, et fermeront le gouffre dans lequel va s’engloutir la principale ressource de l’Etat. Cet objet est digne de toute la sollicitude de l’Assemblée nationale. Sans revenus publics, . il ne peut y avoir ni empire ni liberté. Le succès de la Révolution est intimement lié à la régularité des perceptions, et c’est par la fidélité avec laquelle on acquittera les charges publiques, que se feront reconnaître désormais les bons citoyens, les vrais amis de la Constitution. Nous devons cependant vous observer que les fonds demandés par le Trésor public à la caisse de l’extraordinaire ne sont que le remplacement des revenus dont la perception éprouve, il est vrai, des retards, mais n’est pas abandonnée. La caisse de l’extraordinaire, en y suppléant, doit avoir sa reprise sur ces mêmes revenus, dont la rentrée éventuelle se fera tôt ou tard. Vous ordonnerez, sans doute, qu’en échange de ces fonds le Trésor public lui délaisse tous ses droits sur (1) Le Moniteur s’est borné à insérer le projet de décret. 107 les diverses recettes arriérées. Cette disposition rentre dans les principes d’ordre que vous avez. constamment suivis. Elle est nécessaire pour rassurer les créanciers de l’Etat qui ont été l’objet de votre décret du 29 septembre dernier, et à qui toute disposition contraire enlèverait le gage que vous leur avez destiné. Vous achèverez de les satisfaire, et vous remplirez toute justice, en ordonnant qu’au moyen des avances que vous faites au Trésor public, le payement des rentes de l’année entière 1790 soit ouvert dès le mois de janvier 1791, et terminé dans les six premiers mois, pour être ensuite continué à jour. G’estalors que l’on sentira la différence des principes d’une administration nationale, et de ceux qui ont dirigé le Trésor public dans ce temps où le moindre embarras était un prétexte suffisant pour éluder les engagements les plus sacrés. Au moyen du revirement de partie que nous vous proposons, vous vous écarterez peu, dans l’exécution, des calculs qui vous ont déterminés dans le principe; alors nous serons moins effrayés des 132 millions qui vous sont demandés pour cette année. Nous vous proposerons même d’étendre vos vues de prudence jusqu’à une réserve de 200 millions, tant pour la tin de 1790 que pour le commencement de 1791, mais avec la condition expresse du remplacement. Suivant cette disposition, vous ne pourrez plus compter que sur un emploi prochain de 600 millions en remboursements, et c’est de cette base que nous allons partir. Nous avons déjà mis sous vos yeux l’état détaillé de tous les objets dont vous avez décrété le remboursement successif. Il nous reste à vous faire connaître ceux auxquels vous pouvez appliquer le premier effet de vos dispositions. 11 s’agit moins de savoir ce qui serait préférable, que ce qui sera possible; car votre intention ne peut être de continuer des payements d’intérêts, tandis que vous laisseriez sans emploi les fonds destinés à vous libérer. Atténuer promptement le poids des charges publiques, distribuer promptement d’abondants moyens d’acquérir, voilà les deux principaux objets que vous ne perdrez jamais de vue. Nos fonctions se bornent donc aujourd’hui à vous indiquer : 1° Les dettes échues et exigibles; 2° La mesure probable des sommes nécessaires pour acquitter les objets dont la liquidation est indispensable et peut être terminée d’ici à quelques mois; 3° Les dettes non échues que vous pouvez rembourser au défaut des autres, et que l’intérêt public vous sollicite d’éteindre ; 4° Les dispositions que vous pouvez appliquer à tout ce qui ne sera pas compris dans votre prochain remboursement. C’est sur ce dernier objet que nous allons fixer vos premiers regards. Vous allez, sans doute, statuer sur l’ordre et sur l’activité qu’il importe de donner à toutes les liquidations. En chargerez-vous le pouvoir exécutif, sous l’inspection de vos différents comités, ou vos comités seuls en seront-ils spécialement chargés? dans ce dernier cas, ferez-vous entre eux la distribution du travail, suivant la division des objets qui leur seront confiés? L’Assemblée aura à prononcer sur ce point, et il est pressant qu’elle se détermine. Mais quelle que soit sa décision, l’opération des liquidateurs ne peut être que successive, et son résultat doit ramener tous ceux qui aurontèté liquidés, à l’état uniforme de créanciers reconnus, ayant droit à un remboursement et à un payement d’intérêts, jusqu’à ce que ce rembour-