ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 avril 1791.) 202 (Assemblée nationale.) MM. de Cazalès et llalonet insistent, dans le tumulte, pour avoir la parole. M. de Castellane. Je demande qu’il soit permis au préopinant d’exprimer sa pensée. (Bruit.) Voix à gauche : Non! nou 1 Voix à droite : Si ! si ! M. le Président. Voici les noms des membres de la députation. (Il donne lecture de ces noms.) Plusieurs membres : Levez la séance ! M. le Président. On demande que la séance soit levée. M. de Montlosier. Non! non! Plusieurs membres parlent dans le tumulte. M. de Cazalès. Je demande... Plusieurs membres : Vous n’avez pas la parole. M. Roederer. Je demande que la parole ne soit accordée au préopinant qu’autant qu’il voudra bien se charger de nous expliquer pourquoi, dans son côté, lui et ces Messieurs qui se disent si souvent les amis du roi et de la royauté n’ont pas donné un seul applaudissement au roi et n’ont pas mêlé leurs acclamations à celles d’une très grande partie de cette Assemblée. ( Vifs applaudissements à gauche ; murmures à droite.) (Un officier de la garde nationale, placé à l’entrée de la salle sur un des bancs réservés aux députés applaudit vivement aux paroles de M. Roederer; un membre du côté droit, le remarquant, l’interpelle et lui fait observer qu’il est à une place qu’il ne doit pas occuper; plusieurs membres du côté droit se joignent à leur collègue et font sortir de la salle cet officier.) M. de Cazalès. Cette interpellation déplacée que vient de faire M. Roederer... M. de llontlosier. Nous ne pouvions pas applaudir à la réponse de M. le Président. ( Bruyantes interruptions à gauche .) M. Bouche. Je demande que la séance soit levée. M. Prieur. Non! l’ordre du jour! M. de Cazalès parle dans le tumulte. Plusieurs membres à gauche font signe au Président de lever la séance. M. le Président. Je mets aux voix l’ordre du jour. (L’Assemblée décrète l’ordre du jour.) M. le Président. La séance est levée. (La séance est levée à trois heures.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MARDI 19 AVRIL 1791, AU MATIN. Opinion de M. Malouet, commencée et interrompue dans la séance du 19 avril 1791, sur la violence faite au roi dans la journéé du 18 avril 1791. Messieurs, ce n’est point au milieu de la consternation générale qu’il est possible d’attacher votre attention à l’organisation de la marine. Lorsque les lois fondamentales de l’Empire sont violées ; lorsque la Constitution est attaquée dans la personne du monarque... (Ici l’ordre du jour , les cris et les murmures ne m'ont pas permis d’achever.) Mais puisqu’il m’esi impossible de parler à l’Assemblée, je continue et je parle à la nation. AhI citoyens, ne vous aveuglez pas; un danger commun nous presse et nous menace tous. Il ne s'agit plus de savoir quel est celui de nous qui se rendra le plus odieux à la faction dominante, il s’agit du salut de l’Etat et du vôtre. Le roi, arrêté dans sa voiture, dans son palais, par une partie de la garde préposée à sa sûreté ; les lois sans autorité; les magistrats impuissants et méconnus; les chefs de la milice repoussés, désobéis ; des hommes armés délibérant, prescrivant des conditions au monarque, interprétant, au gré de leur fureur, les lois nouvelles ; les administrateurs du département sans service, sans moyens, remettant aux sections l’exercice de leurs pouvoirs ; et l’Assemblée refusant de délibérer sur un tel ordre de choses, répondant à la plainte douloureuse du monarque par des battements de mains, lui accordant son approbation pour tout secours (1) : telle est notre position. Elle est horrible. La nation veut une Constitution libre, où est-elle? Est-ce le roi qui est libre, lorsque, outragé, violenté dan3 son palais, il ne peut en sortir sans exciter une sédition ; lorsque les outrages et les séditions dirigés contre lui sont impunis? — Sommes -nous libres, nous, les représentants du peuple, lorsque nous ne pouvons, sans péril, parler d’autre langage que celui des factieux, lorsqu’on étouffe notre voix, si nous voulons braver le danger qui nous menace ? Sont-ce les magistrats, les administrateurs qui sont libres, lors-ue leurs ordres sont méprisés, lorsque, au lieu 'ordonner et de punir, ils se croieat réduits à la honteuse nécessité de dissimuler et d’obéir aux mouvements populaires ? La voilà donc accomplie, cette prophétie de Mirabeau expirant. Son convoi funèbre serait, disait-il, celui de la monarchie 11 a vu, il asignalé les crimes et les dangers. Votre orateur, votre héros vous a répété de son lit de mort ce que sa voix tonnante vous avait annoncé dans la tribune, que tout périrait par l’anarchie ; et vous voulez l’anarchie ! Vous proclamez la liberté, la Constitution, et vous entrez en fureur quand on vous parle des moyens de maintenir l’une et l’autre! O vous I hommes faibles qui n’êtes point corrompus, vous n’en êtes pas moins coupables ; les malheurs de la France vous seront imputés. Les scélérats sont conséquents, ils marchent rapi-(1) M. Rœderer s’est permis à cette occasion une remarque qui ne me laisserait pas un instant de repos le reste de ma vie si j’en étais l’auteur. 203 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 avril 1791.] tfement à leur but. Mais vous, quel est le vôtre? Ils se disent, comme vous, les amis de la Constitution, de la Révolution et vous avez la lâcheté de dire, comme eux, que tous nos maux sont dû aux ennemis de la Révolution ! — Vousjusti-titiez la persécution par l'horreur qu’elle inspire ; comme eux, vous laissez croire que les victimes des désordres en sont les auteurs ; et au lieu d’attaquer la sédition, la révolte, les dénonciateurs, les fureurs, les motions sanguinaires, vous calomniez la douleur etj’effroi qu’elles répandent ! Hommes faibles, vous avez tout perdu et vous n’échapperez point à la fureur que vous caressez! Les tigres, après avoir égorgé le troupeau, épargnent-ils les chiens timides qui n’ont suie défendre? Que signifie maintenant cet amour dont vous vous vantez pour la liberté, et votre respect pour les lois? Eh bien, si vous êtes des hommes libres, si vous respectez les lois, montrez-nous le tribunal et le supplice qui attendent ceux qui les violent ! Si vous êtes des hommes libres, pourquoi courbez-vous bassement la tête sous le ’ougdes factieux ? Pourquoi ces cris féroces, dans es rues de la capitale, ne sont-ils pas réprimés ? Pourquoi les clubs et les sections osent-ils délibérer sur les plus grands intérêts de l’Etat en présence du Corps législatif oui se tait? Pourquoi laissez-vous étouffer la voix aun honnête homme qui ose parler? Que signifient nos longues séances, nos discussions oiseuses, pendaut que tout périt sans que l’on daigne s’en occuper? L’arrêté d’un club, celui d’une section, l’orateur du peuple, voilà les décrets auxquels on obéit, et nous le souffrirons, nous, lesgardiens, les dépositaires desdroits et des pouvoirs de la nation! Eh bien, quand je serais seul à le dire, qu’elle apprenne par ma voix que le roi, les lois, la liberté et ses représentants sont méconnus 1 Que si, sans égard aux dissentiments misérables qui nous divisent, tous les bons citoyens ne concourent au maintien de l’ordre public, l’Etat est dissout! Que si les factieux ne sontpromptement réprimés, le roi et l’Assembiée ne sont plus en sûreté. Signé : MALOUET. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHABROUD. Séance du mardi 19 avril 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes : Adresse de la Société des amis de la Constitution , séant à Brignolles, par laquelle ils demandent qu’il soit annuellement appliqué des fonds au rachat des Français esclaves chez les nations bar-baresques. (Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.) Procès-verbal de l'assemblée électorale du district de Charolles, contenant la nomination des curés qui remplacent ceux qui ont refusé de prêter le serment civique. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. Adresses du directoire du département de l’Yonne, du directoire du district de Tonnerre, des officiers municipaux d' Alençon, de la communauté de Fon-tenay-en-Gatinais , de la garde nationale de Dar-netal-lès-Rouen, et des habitants du bourg de Po-ligny, département du Jura, qui expriment les plus vifs regrets sur la perte de M. de Mirabeau. Ils ont arrêté de porter le deuil et de faire célébrer un service solennel pour honorer sa mémoire. Adresse de l'assemblée électorale du département delà Lozère, qui annonce que, malgré les obstacles qu’elle a éprouvés de la part de plusieurs de ses membres, elle est parvenue à choisir pour nouvel évêque M. Nogaret, curé de la Canourge, aussi recommandable par ses talents que par ses vertus. Elle envoie le procès-verbal de cette nomination. Elle demande si les élecieurs fonctionnaires publics, qui ont refusé de concourir à l’élection du nouvel évêque, ne doivent pas être déchus de leurs fonctions. (Cette adresse est renvoyée au comité des rapports.) Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des citoyens actifs de la ville de Seillans, département du Yar ; ils demandent la conservation de leur curé. Adresse de la Société des amis de la Constitution séant à Montaubao, qui demande que tous Ie3 prêtres confesseurs, et tous les instituteurs del’un et l'autre sexe, soient tenus de prêter le serment civique. Adresse des officiers municipaux de Clichy-la - Garenne, contenant le procès-verbal de la prise de possession de M. Lemaignen, nouvellement élu curé de cette paroisse. Adresse des administrateurs composant le directoire du département de la Dordogne, qui expriment leur surprise extrême sur l’inculpation qui leur a été faite, dans le sein de l’Assemblée nationale, d’avoir rétabli l’usage de la corvée; ils protestent de leur entier dévouement pour l’exécution des décrets. Adresse du directoire du département du Gard , qui annonce qu’il a arrêté de porter le deuil pendant 3 jours pour la mort de Mirabeau. Adresse des amis de la Constitution de Caen , qui protestent de leur soumission aux lois. Adresse des amis de la Constitution de Guéret , qui protestent de leur attachement aux lois : ils annoncent qu’ils redoublent d’effort pour maintenir l’ordre public. Adresse de la Société des amis de la Constitution séant à Aix , qui témoigne sa douleur sur la mort de Mirabeau, et qui réclame le cœur de ce grand homme. Pétition de Claude Saintomer , citoyen de Paris, qui propose d’abolir la manière de procéder, au civil, à la procédure par comparaison d’écritures; elle contient un projet de loi sur la meilleure forme pour administrer cette procédure. (Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.) M. le Président. M. Lucas, sculpteur, ami de Mirabeau, et qui a sculpté son buste de son vivant, en fait hommage à l’Assemblée nationale. Il se flatte qu’elle verra avec plaisir l’empressement des artistes multiplier les images d’un des plus ardents défenseurs de la liberté, mis, par les représentants de la nation, au rang des grands hommes. M. l’abbé Major, professeur au collège royal de Bar-le-Duc, fait hommage à l’Assemblée natio-