SENECHAUSSEE DE MONTPELLIER CAHIER Des doléances de l’ordre du clergé de la sénéchaussée de Montpellier (1). Art. 1er. Adresser au Roi l’hommage de sa respectueuse reconnaissance pour avoir rétabli la nation dans le plus précieux de ses droits, celui de ne pouvoir être assujettie à aucun impôt qui n’ait été librement consenti par ladite nation assemblée ; le supplier très-humblement de vouloir bien réitérer dans l’assemblée nationale une déclaration si digne de son cœur paternel et de lui donner par là~un.e sanction qui assure à jamais la liberté de son peuple. Art. 2. Assurer Sa Majesté que le clergé, ne voyant dans ses immunités que l’exercice de cet ancien droit si longtemps oublié et devenu par sa bonté-le droit commun, renonce avec empressement à ses anciennes exemptions pécunaires et se soumet avec zèle à contribuer avec toutes les autres classes des citoyens et dans la même proportion à toutes les impositions tant royales que provinciales et locales, sous la réserve qu’on lui tiendra compte des sommes considérables •qu’il paye pour l’acquittement de ses dettes contractées uniquement pour le service de l’Etat. Art. 3. Le vœu du clergé est encore que l’assemblée des Etats généraux, après avoir contracté et consolidé la dette nationale, choisisse, entre tous les moyens pour y faire face, ceux qui ménageront le plus la classe la moins aisée, et qu’on épuise auparavant tous ceux de réduction dont les différents départements sont susceptibles, en conciliant les intérêts pécuniaires de la nation avec la gloire et la splendeur du trône et la sûreté de ses possessions. Art. 4. Qu’il ne soit consenti aux subsides jugés nécessaires que pour un temps déterminé, comme de quatre ou de cinq années, époque à laquelle les Etats généraux seront de nouveau rassemblés pour vérifier l’emploi des fonds et aviser aux moyens ultérieurs. Art. 5. Qu’il soit assigné sur le produit d’un impôt déterminé un fonds également déterminé pour être employé chaque année, au moins en temps de paix, au remboursement des capitaux des rentes perpétuelles. Art. 6. Qu il soit dressé tous les ans un état de la situation des finances du royaume; que cet état soit rendu public ainsi que “Sa Majesté a bien voulu l’annoncer et le promettre à scs peuples. Art. 7. Que le Roi soit supplié d’accorder à sa province de Languedoc une constitution d’Etats représentative des trois ordres de la province, notamment des pasteurs qui, comme le Roi le reconnaît lui-mêine, s’occupent de près et journellement de l’indigence et de l’assistance des peuples. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. Art. 8. Que le Gode civil et criminel soit réformé; que l’entière connaissance des droits domaniaux soit attribuée aux cours souveraines ; que le Roi soit supplié de prendre dans sa sagesse les moyens les plus propres à assurer la liberté personnelle des citoyens contre l’abus des lettres de cachet. Art. 9. Que les douanes soient reculées aux frontières du royaume, la gabelle supprimée, et les péages rachetés. Art. 10. Supplier le Roi de supprimer le droit de nouvel acquêt, à raison des reconstructions, réparations et améliorations qui seront faites par les ecclésiastiques séculiers et réguliers sur des fonds valablement amortis. Art. 11. Que l’agriculture soit spécialement favorisée et qu’elle reçoive tous les encouragements qu’elle mérite. Art. 12. Que le Roi soit supplié de prendre en considération l’état de la religion dans son royaume, où les progrès rapides de l’incrédulité pourraient amener une révolution également dangereuse pour le trône et pour l’autel. Art. 13. Qu'on implore la protection de Sa Majesté pour l’exécution des anciennes et nouvelles ordonnances concernant la sanctification des dimanches et des fêtes, aujourd’hui méconnues dans tous les lieux tant des villes que des campagnes. Art. 14. Que le Roi soit supplié d’avoir égard aux. remontrances de la dernière assemblée du clergé sur l’édit des non catholiques, remontrances aussi conformes aux règles de sa prudence, qu’à l’esprit de charité dont le clergé sera toujours animé pour ses frères séparés. Art. 15. Que Sa Majesté soit pareillement suppliée de permettre la tenue des conciles provinciaux, comme le moyen le plus efficace de rétablir la discipline ecclésiastique qui s’affaiblit tous les jours. Art. 16. Que, pour la conservation des ordres religieux, si utiles, si nécessaires même au bien de la religion et au service de l’Eglise, et en prévenir l’extinction totale qui ne paraît que trop prochaine, Sa Majesté daigne retirer l’édit qui a fixé les vœux religieux à vingt et un ans. Art. 17. Que les anciennes ordonnances pour prévenir et réprimer la corruption des mœurs et les scandales publics soient renouvelées. Art. 18. Que la liberté de la presse soit prohibée pour tout ce qui est contraire à la religion, aux bonnes mœurs et à la tranquillité publique. Art. 19. Que l’enseignement public soit régénéré, surtout dans les collèges et les universités, et qu’il soit pourvu à l’amélioration du sort des personnes à qui il est confié. Art. 20. Que Sa Majesté soit suppliée de continuer à prendre sous sa protection les hôpitaux et autres œuvres pies de son royaume, et surtout i d’aviser aux moyens d’assurer la conservation et l’éducation des enfants nés d’un commerce illégitime. 1 Art. 21. Que dans les assemblées générales du 45 [États gén. 1789. Cahiers.] clergé tous les membres des deux ordres qui le composent y soient suffisamment représentés par leurs pairs, notamment MM. les curés, dont les députés aux chambres diocésaines (desquelles chambres la réformation générale est demandée) y seront par eux librement élus. Art. 22. Qu’il sera réclamé en faveur du droit dont ont joui de temps immémorial les agents généraux du clergé d’être membres de la chambre ecclésiastique des Etats généraux, et qu’en conséquence ils y soient admis. Art. 23. Que le Roi soit supplié de corriger les abus de l’administration actuelle des économats et d’avoir égard aux vues qui lui ont été proposées dans les dernières assemblées du clergé. Art. 24. Que le Roi soit supplié d’aplanir les difficultés qui ont arrêté jusqu’ici l’union de différents bénéfices proposés depuis longtemps pour l’amélioration du sort des curés et autres établissements utiles dans les diocèses, tels que des pensions de retraite aux prêtres infirmes et hors d’état de service, et qu’il daigne même faire le sacrifice de sa nomination à quelques-uns de ces bénéfices dans les diocèses qui ne fourniraient pas par eux-mêmes des ressources suffisantes pour des objets si utiles, et depuis si longtemps désirés. Art. 25. Qu’il soit pourvu à l’amélioration du sort des curés indistinctement, même de ceux de l’ordre de Malte, par une augmentation de la portion congrue, et qu’il soit avisé aux moyens convenables pour assurer ladite portion aux curés décimateurs dont la dîme est insuffisante pour cet objet, comme aussi pour dédommager ceux des décimateurs dont la susdite augmentation nécessiterait la destruction, tels que les chanoines des églises collégiales de Saint-Sauveur, de Sainte-Anne et les chapelains du Palais de la ville de Montpellier, si mieux n’aime Sa Majesté opérer la suppression desdites églises collégiales avec pension suffisante pour chacun des membres qui les composent, suppression que les chapitres Saint-Sauveur, Sainte-Anne et les chapelains du Palais ont expressément demandée à cause de l’excessive modicité de leurs revenus, dans le cas où le dédommagement demandé serait impossible. Art. 26. Que le vœu unanime de MM. les curés de la sénéchaussée est de témoigner au Roi leur respectueuse reconnaissance pour les témoignages de confiance particulière qu’il a daigné leur donner, et de demander l’abolition du casuel forcé dans les campagnes, et qu’alors l’insuffisance de leur portion congrue augmentant encore, ils s’en rapportent à la "bonté de Sa Majesté et aux lumières de l’assemblée nationale pour en fixer l’augmentation et celle de leurs vicaires ; ils désirent aussi que, conformément au vœu de l’une des dernières assemblées générales du clergé, la collation des bénéfices-cures qui sont de patronage ecclésiastique appartiennent désormais à leurs seigneurs évêques. Art. 27. Que l’aumône fixe donnée annuellement par les décimateurs soit augmentée, et que cette aumône fixe soit établie dans les lieux où elle n’est pas fixée. Art. 28. Le clergé de la sénéchaussée demande qu’attendu qu’il n’a rien été statué ni fixé pour la réplétion des grades depuis la dernière augmentation des congrues qui a été portée à 700 livres, il soit décidé, pour prévenir toute contestation qui pourrait en naître à l’avenir, si le revenu pour la réplétion des grades ne doit pas être fixé et désigné supérieur à celui des portions congrues. [Sén. de Montpellier.) Art. 29. Les chanoines du chapitre de la Trinité ont l’honaeur de représenter au Roi que leurs canonicats étant de patronage mi-ecclésiastique, mi-laïque, ils ne sauraient être supprimés sans attenter au droit sacré de la propriété ; que ces canonicats étant actuellement d’un très-modique revenu tant par rapport à l’augmentation qui a été faite des congrues qu’au payement des impôts royaux et locaux auxquels ils vont être soumis, si on. les grevait de quelque nouvelle charge, ceux qui en jouissent seraient d’autant plus à plaindre, qu’ils ont-tous servi de vicaire de paroisse pendant longtemps; que la plupart sont fort avancés en âge, et que les ayant obtenus à titre de récompense de leurs travaux apostoliques, ils se verraient privés des secours absolument nécessaires à la vie, dans le temps même où ils s’adonnent encore aux fonctions du ministère autant que leur âge le leur permet. Art. 30. Les corps ecclésiastiques de la sénéchaussée réclament, pour l’avenir, contre la disposition du règlement pour la convocation actuelle des Etats généraux, par laquelle le droit de suffrage, pour la députation auxdits Etats, n’est accordée qu’à un petit nombre de leurs membres, quoique titulaires de bénéfices vraiment distincts, tandis que les titulaires des bénéfices isolés, souvent beacuoup moins considérables par rapport aux fonctions qui y sont attachées et aux obligations qu’elles imposent ou pour les revenus qui en dépendent, sont tous indidividuellement appelés à jouir de ce droit, et encore contre la différence établie quant au même objet, entre les ecclésiastiques qui habitent les campagnes et ceux qui résident dans les villes. Signé f Joseph-François, évêque de Montpellier, président ; Delmas de Villevieille, commissaire ; Loys, grand archidiacre de Montpellier ; Ranal-, prieur, chanoine de Sainte-Anne ; Royer, curé de Lunel. Frère Du Lys, provincial desAugustins;Fédières, prêtre, prieur de Guzargues. CAHIER De doléances de l'ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier (1), Sire, La noblesse de la sénéchaussée de Montpellier, assemblée par les ordres de Votre Majesté, pour concourir au grand ouvrage de la régénération de l’Etat, vient déposer aux pieds du trône l’hommage de sa respectueuse reconnaissance et l’expression de l’intérêt général. Il vous était réservé, Sire, de renouveler ces assemblées nationales dont les monuments historiques nous ont transmis le souvenir et dont la cessation a préparé la ruine des libertés françaises. Puisse le retour de ces assemblées devenir l’époque salutaire de la félicité publique, et puissions-nous, en répondantà la confiance d’un grand Roi, jeter les fondements d’une constitution qui établisse un ordre invariable dans toutes les parties du gouvernement ! Ces objets, Sire, ne sont pas les seuls sur lesquels la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier ait à vous présenter ses justes doléances. Accablée des malheurs de l’Etat, elle a encore à gémir sur la situation particulière de la province. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 45 [États gén. 1789. Cahiers.] clergé tous les membres des deux ordres qui le composent y soient suffisamment représentés par leurs pairs, notamment MM. les curés, dont les députés aux chambres diocésaines (desquelles chambres la réformation générale est demandée) y seront par eux librement élus. Art. 22. Qu’il sera réclamé en faveur du droit dont ont joui de temps immémorial les agents généraux du clergé d’être membres de la chambre ecclésiastique des Etats généraux, et qu’en conséquence ils y soient admis. Art. 23. Que le Roi soit supplié de corriger les abus de l’administration actuelle des économats et d’avoir égard aux vues qui lui ont été proposées dans les dernières assemblées du clergé. Art. 24. Que le Roi soit supplié d’aplanir les difficultés qui ont arrêté jusqu’ici l’union de différents bénéfices proposés depuis longtemps pour l’amélioration du sort des curés et autres établissements utiles dans les diocèses, tels que des pensions de retraite aux prêtres infirmes et hors d’état de service, et qu’il daigne même faire le sacrifice de sa nomination à quelques-uns de ces bénéfices dans les diocèses qui ne fourniraient pas par eux-mêmes des ressources suffisantes pour des objets si utiles, et depuis si longtemps désirés. Art. 25. Qu’il soit pourvu à l’amélioration du sort des curés indistinctement, même de ceux de l’ordre de Malte, par une augmentation de la portion congrue, et qu’il soit avisé aux moyens convenables pour assurer ladite portion aux curés décimateurs dont la dîme est insuffisante pour cet objet, comme aussi pour dédommager ceux des décimateurs dont la susdite augmentation nécessiterait la destruction, tels que les chanoines des églises collégiales de Saint-Sauveur, de Sainte-Anne et les chapelains du Palais de la ville de Montpellier, si mieux n’aime Sa Majesté opérer la suppression desdites églises collégiales avec pension suffisante pour chacun des membres qui les composent, suppression que les chapitres Saint-Sauveur, Sainte-Anne et les chapelains du Palais ont expressément demandée à cause de l’excessive modicité de leurs revenus, dans le cas où le dédommagement demandé serait impossible. Art. 26. Que le vœu unanime de MM. les curés de la sénéchaussée est de témoigner au Roi leur respectueuse reconnaissance pour les témoignages de confiance particulière qu’il a daigné leur donner, et de demander l’abolition du casuel forcé dans les campagnes, et qu’alors l’insuffisance de leur portion congrue augmentant encore, ils s’en rapportent à la "bonté de Sa Majesté et aux lumières de l’assemblée nationale pour en fixer l’augmentation et celle de leurs vicaires ; ils désirent aussi que, conformément au vœu de l’une des dernières assemblées générales du clergé, la collation des bénéfices-cures qui sont de patronage ecclésiastique appartiennent désormais à leurs seigneurs évêques. Art. 27. Que l’aumône fixe donnée annuellement par les décimateurs soit augmentée, et que cette aumône fixe soit établie dans les lieux où elle n’est pas fixée. Art. 28. Le clergé de la sénéchaussée demande qu’attendu qu’il n’a rien été statué ni fixé pour la réplétion des grades depuis la dernière augmentation des congrues qui a été portée à 700 livres, il soit décidé, pour prévenir toute contestation qui pourrait en naître à l’avenir, si le revenu pour la réplétion des grades ne doit pas être fixé et désigné supérieur à celui des portions congrues. [Sén. de Montpellier.) Art. 29. Les chanoines du chapitre de la Trinité ont l’honaeur de représenter au Roi que leurs canonicats étant de patronage mi-ecclésiastique, mi-laïque, ils ne sauraient être supprimés sans attenter au droit sacré de la propriété ; que ces canonicats étant actuellement d’un très-modique revenu tant par rapport à l’augmentation qui a été faite des congrues qu’au payement des impôts royaux et locaux auxquels ils vont être soumis, si on. les grevait de quelque nouvelle charge, ceux qui en jouissent seraient d’autant plus à plaindre, qu’ils ont-tous servi de vicaire de paroisse pendant longtemps; que la plupart sont fort avancés en âge, et que les ayant obtenus à titre de récompense de leurs travaux apostoliques, ils se verraient privés des secours absolument nécessaires à la vie, dans le temps même où ils s’adonnent encore aux fonctions du ministère autant que leur âge le leur permet. Art. 30. Les corps ecclésiastiques de la sénéchaussée réclament, pour l’avenir, contre la disposition du règlement pour la convocation actuelle des Etats généraux, par laquelle le droit de suffrage, pour la députation auxdits Etats, n’est accordée qu’à un petit nombre de leurs membres, quoique titulaires de bénéfices vraiment distincts, tandis que les titulaires des bénéfices isolés, souvent beacuoup moins considérables par rapport aux fonctions qui y sont attachées et aux obligations qu’elles imposent ou pour les revenus qui en dépendent, sont tous indidividuellement appelés à jouir de ce droit, et encore contre la différence établie quant au même objet, entre les ecclésiastiques qui habitent les campagnes et ceux qui résident dans les villes. Signé f Joseph-François, évêque de Montpellier, président ; Delmas de Villevieille, commissaire ; Loys, grand archidiacre de Montpellier ; Ranal-, prieur, chanoine de Sainte-Anne ; Royer, curé de Lunel. Frère Du Lys, provincial desAugustins;Fédières, prêtre, prieur de Guzargues. CAHIER De doléances de l'ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier (1), Sire, La noblesse de la sénéchaussée de Montpellier, assemblée par les ordres de Votre Majesté, pour concourir au grand ouvrage de la régénération de l’Etat, vient déposer aux pieds du trône l’hommage de sa respectueuse reconnaissance et l’expression de l’intérêt général. Il vous était réservé, Sire, de renouveler ces assemblées nationales dont les monuments historiques nous ont transmis le souvenir et dont la cessation a préparé la ruine des libertés françaises. Puisse le retour de ces assemblées devenir l’époque salutaire de la félicité publique, et puissions-nous, en répondantà la confiance d’un grand Roi, jeter les fondements d’une constitution qui établisse un ordre invariable dans toutes les parties du gouvernement ! Ces objets, Sire, ne sont pas les seuls sur lesquels la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier ait à vous présenter ses justes doléances. Accablée des malheurs de l’Etat, elle a encore à gémir sur la situation particulière de la province. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 46 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier.] Une administration vicieuse dans sa constitution, abusive dans son régime, pèse depuis longtemps sur nos têtes ; le moment est venu* Sire, d’arracher au crédit des droits dont nous ne revendiquons l’usage que pour donner à Votre Majesté de nouveaux témoignages d’amour et de fidélité, LIBERTÉ PUBLIQUE ET INDIVIDUELLE. Art. 1er. La liberté, Sire, est le premier des biens; c’est un droit que l’homme tient de la nature et dont les conventions sociales ne lui ont pas ravi l’usage ; cette liberté ne peut se concilier avec les exils, les emprisonnements, les autres actes du pouvoir arbitraire exécutés au nom de Votre Majesté en vertu de lettres closes ou de cachet. Ces lettres, Sire, réservées d’abord pour les affaires d’Etat, employées ensuite pour sauver l’honneur des familles, ont été multipliées à l’excès dans ces derniers temps, tantôt pour contraindre les opinions, tantôt pour servir les gens accrédités. ' La conservation de la liberté publique et individuelle exige, Sire, l’abolition de ces lettres, une promesse solennelle de Votre Majesté de n’en plus tolérer l’usage, et une injonction précise aux dépositaires de votre puissance de remettre en liberté, dans les vingt-quatre heures, ceux dont ils auront cru devoir s’assurer pour le maintien de la tranquillité publique et qui n’étant prévenus d’aucun délit ne peuvent être exposés à des poursuites juridiques, Art. 2. Les mêmes motifs, Sire, nous déterminent à supplier Votre Majesté de prendre de3 précautions promptes et assurées pour faire respecter aux bureaux des postes le sceau des lettres missives et pour punir les commis et employés convaincus de l’avoir violé, ou d’avoir participé à une telle infidélité. Art. 3. La liberté de la presse tient essentiellement à la liberté de penser : elle est nécessaire au progrès des lumières, mais il est sage d’en prévenir les excès. Votre Majesté est suppliée d’anéantir le régime actuel delà librairie, de permettre la publication et impression de tous ouvrages, à condition néanmoins qu’ils seront revêtus des noms de l’auteur et de l’imprimeur et sans préjudice des poursuites qui pourraient être faites contre eux à la requête du ministère public ou des parties intéressées, lorsque les écrits contiendront des assertions contraires à la foi ou aux mœurs, attentatoires au gouvernement ou injurieuses à des particuliers. SÛRETÉ PUBLIQUE. Art. 4. Vos sujets, Sire, ne doivent éprouver aucun troüble dans la possession de leurs biens, dans la jouissance de leurs prérogatives, dans l’exercice de leurs actions, autant que le bien public ou l’intérêt général n’y apportent aucun Obstacle. Pour les maintenir dans ces avantages, Votre Majesté est très-humblement suppliée de fixer sOil attention sur l’administration de la justice. Art. 5. La loi de l’inamovibilité des officiers doit être maintenue, Sire, dans toutes ses dispo-sitioüS et même renouvelée en tant que de besoin ; les magistrats ne peuvent être dépouillés de leurs offices que par mort, forfaiture ou démission libre et volontaire. Votre Majesté est suppliée de rejeter tout projet de réduction ou suppression d’offices qui tendrait à priver aujourd’hui de leur état ceux qui en sont pourvus, et à rendre ainsi sans effet la célèbre ordonnance de Louis XI. Art. 6. La nécessité, Sire, de simplifier les formes en matière civile et d’adoucir lés lois criminelles est universellement reconnue : mais cet ouvrage appartient aux lumières et à la réflexion. Votre Majesté est très-huihblemettt suppliée de former une commission composée de magistrats choisis dans toutes les cours souveraines. Cette commission sera chargée de procéder à la révision des Codes civil et criminel et de rédiger un plan de législation uniforme qui sera soumis à l’assemblée de la nation, la loi devant être tôU“ jours l’expression de la volonté générale. Cette même commission doit encore s’occuper, Sire, des moyens les plus propres à rapprocher les justiciables des tribunaux de première instance, à former un partage égal de matières entre les cours souveraines et à fixer les limites de leurs pouvoirs de manière à prévenir des conflits de juridiction, contraires au bien public et toujours ruineux pour les sujets de Votre Majesté. Art. 7. En attendant, Sire, le moment heureux où notre législation sera plus parfaite, il est un abus dans l’ordre judiciaire dont Votre Majesté doit ordonner promptement la réformation. Aqus entendons parler, Sire, de ces cessations illégales, de ces évocations multipliées, de ces commissions extraordinaires inventées par l’esprit de désordre ou d’intrigue, ët dont l’innocence est presque toujours la victime. Vous devez, Sire, la justice à vos sujets; les magistrats acquittent pouf vous cette dette sacrée, mais leur ministère deviendrait imparfait, si, à la faveur de quelques exceptions dangereuses , certains individus pouvaient se soustraire à l’autorité de la loi. Ges considérations, Sire, nous déterminent à supplier Votre Majesté de faire cesser les évocations, dé supprimer les commissions extraordinaires, particulièrement celles qui connaissent des délits pour fait de contrebande. OBSERVATION DU DROIT DE PROPRIÉTÉ Art. 8. La contribution aux charges publiques est une des obligations du contrat social. Tous vos sujets, Sire, ayant Un droit égal à la protection de l’Etat, aucun d’eux ne peut se dispenser de fournir à la dépense que cette protection exige; ainsi les impôts, de quelque nature qu’ils soient, doivent être à l’avenir également répartis sur les citoyens de tous les ordres dans la seule proportion de leurs facultés. La noblesse de la sénéchaussée de Montpellier a déjà renoncé à ses anciens privilèges; elle réitère aujourd’hui cette renonciation en présence de Votre Majesté, et elle offre de contribuer à toute imposition, sans distinction de biens ni de personnes. Ce consentement, Sire, ne peut avoir son effet que lorsqu’il aura été sanctionné dans l’assemblée des Etats généraux. Art. 9. Le droit de propriété nous assure la libre disposition de nos biens ainsi que la faculté de les transmettre ; .ce droit serait illusoire, si ce gouvernement avait l’avantage de disposer à volonté du produit de ces mêmes biens. La puissance publique doit sans doute avoir des revenus fixes, et le besoin des circonstances peut en déterminer l’accroissement; mais cet ac-croissement.ne doit jamais avoir lieu qhe du consentement des peuples ; en cette matière, Sire, leur prérogative tient au droit de propriété. Votfe Majesté a déjà reconnu que nul impôt ne pouvait être établi sans qu’il eût été délibéré et consenti [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier.] 47 par la nation assemblée en Etats généraux ; cette maxime doit être consacrée dans une loi qui devienne la base de notre constitution, et dont les dispositions seront appliquées aux emprunts et à l’extension des droits. Art. 10. L’intérêt public exige, Sire, que les subsides ne soient jamais établis que pour un temps fixe, que leur prorogation ne puisse être ordonnée que dans une assemblée de ta nation en convenant néanmoins qu’ils seront perçus pendant une année en sus du temps déterminé, afin que le service de l’Etat ne soit jamais interrompu. Art. 11. Pour donner aux assemblées nationales Je caractère de la plus parfaite représentation, Votre Majesté est très-humblement suppliée de régler qu’à l’avenir les Etats généraux seront toujours formés par des députés des trois ordres librement élus dans les assemblées des bailliages et sénéchaussées. Ces députés doivent être sous la protection de la loi et de la nation. Art. 12. L’opinion par ordre et l’opinion par tête ayant l’une et l’autre des avantages et des inconvénients, aucune de ces deux manières de voter ne doit obtenir la préférence; dans tous les cas, il serait sage d’ordonner plutôt que l’opinion par tête n’aura lieu qu’en matière de contribution, et que l’ancien usage de l’opinion par ordre sera conservé, lorsqu’il s’agira de statuer sur des objets de législation ou d’administration. Art. 13. Le retour périodique des Etats généraux a été demandé, Sire, dans plusieurs assemblées nationales, comme pouvant seul assurer à la monarchie les avantages d’une constitution permanente ; la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier renouvelle cette demande, et supplie Votre Majesté de vouloir bien fixer ce retour périodique à un terme peu éloigné, tel que celui de quatre ou cinq ans. Art. 14. Les représentants de la nation devant concourir, Sire, suivant l’intention de Votre Majesté, au rétablissement de l’ordredansles finances, il est d’une nécessité indispensable de leur faire remettre tous les états de recette et de dépense pour qu’ils puissent prendre connaissance du déficit actuel, aviser aux moyens de le combler, consolider la dette nationale et établir une caisse d’amortissement afin de parvenir à l’extinction de cette dette. Art. 15. Quant aux différents plans qui pourront être proposés pour le rétablissement des finances, Votre Majesté ne peut exiger de la nation assemblée qu’elle donne son consentement à aucun emprunt sans être préalablement assurée de l’existence des fonds destinés à servir annuellement au remboursement, ni qu’elle permette l’établissement d’aucune banque réputée nationale, à moins que la direction n’en soit exclusivement confiée à des commissaires nommés par les Etats généraux. Art. 16. La considération du plus grand intérêt national nous autorise, Sire, à demander à Votre Majesté : Que les nouvelles impositions portent sur les fonds, sur les personnes, sur l’industrie, et principalement sur les objets de luxe ; Que le nom de taille soit aboli, et que chaque communauté ait la liberté de payer en argent ou en nature l’impôt qui en tiendra lieu, auquel on pourra donner le nom de subvention ‘patriotique ; Que le payement des services soit fait dans les provinces respectives, et que l’état des finances de chaque généralité en contienne les charges qui doivent être acquittées par Votre Majesté; Que les dépenses de chaque département soient invariablement fixées à l’avenir et arrêtées dans l’assemblée des Etats généraux, en laissant à la libre disposition de Votre Majesté une somme annuelle telle qu’il lui plaira de l’arbitrer pour subvenir aux dépenses imprévues, ou à celles qui doivent rester sous le secret de l’admihistra-tion; • Que les ministres soient responsables de leur gestion, et qu’en cas de prévarication de leur part, ou de surprise faite à la religion de Votre Majesté, la nation puisse les faire juger par les tribunaux ; Que les douanes soient supprimées dans l’intérieur du royaume; Que les gabelles soient assujetties à un règlement fixe et uniforme en attendant que des circonstances plus heureuses puissent permettre de les supprimer entièrement; Que les droits de contrôle soient modérés et réglés par un nouveau tarif qui écarte tout l’arbitraire, et délivre vos sujets des vexations sans nombre que les régisseurs de cette partie de vos domaines leur font éprouver ; que la connaissance des contestations auxquelles la perception du contrôle donne lieu, soit attribuée exclusivement à des tribunaux qui jugeront en première et dernière instance, sommairement et sans frais ; Que la perception et la quotité de la dîme soient fixées par un règlement uniforme qui admettra les communautés à traiter par la voie de l’abonnement avec les décimateurs. RÉFORMATION DES MOEURS. Art. 17. La régénération de l’Etat ne pouvant, Sire, s’effectuer sans la réformation des mœurs, Votre Majesté est suppliée de vouloir bien donner une attention particulière à un objet aussi important; la religion, dont l’influence sur les mœurs soit nationales, soit privées, ne saurait être méconnue, sera, par la protection de Votre Majesté, le principe de fa félicité publique. ADMINISTRATION DE LA PROVINCE. Art. 18. Une constitution, Sire, contraire aux véritables intérêts des peuples, vicieuse dans son régime, a excité les justes réclamations de tous les ordres de la province de Languedoc ; l’illégalité dans la réunion de leurs plaintes a été le seul reproche qu’on ait osé leur opposer. Aujourd’hui, Sire, Votre Majesté permettant à tous ses sujets l’accès du trône, la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier doit vous présenter un vœu, dont' on ne contestera' pas la légitimité. Elle ne peut voir plus longtemps, Sire, Ses droits violés ; prête à tous les sacrifices que la gloire et la prospérité de l’Etat pourront exiger, elle a droit d’attendre le succès d’une demande fondée sur l’équité. Si le droit de voter l’impôt et de le répartir, dont jouissent les habitants de cette province, se perd dans les fastes de la monarchie; si nos rois l’ont constamment reconnu et consacré, l’exercice de ce droit précieux n’a pu être confié qu’à l’assemblée des trois ordres; mais le temps qui détruit, l’intérêt particulier qui corrompt, l’intrigue qui veille et s’agite sans cesse, ont fait disparaître de si beaux jours; vingt-trois prélats, autant de seigneurs titrés, quelques membres de l’ordre du tiers, choisis ou subjugués, se sont investis des droits sacrés de dix-huit cent mille âmes. [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier. ] La noblesse, Sire, cet ordre si nombreux en Languedoc, voué au service de nos rois et de la patrie, se voit éloignée d’une assemblée d’admi-nistrateufs par un titre particulier acquis à prix d’argent; un avantage commun est devenu la propriété de quelques-uns ; mais si les' droits d’une nation sont imprescriptibles, ceux des ordres qui la composent ont les mêmes caractères ; l’élection libre constitue essentiellement la représentation; toute possession contraire, quelle que soit son ancienneté, est usurpée et doit cesser. Quelle ne doit pas être, Sire, la confiance de la noblesse! L’émission, de son vœu suffit pour la lui inspirer ; ce vœu, Sire, est l’expression de votre volonté; les Etats provinciaux doivent être l’image de l’assemblée auguste de la nation; Votre Majesté a voulu qu’elle fût formée par l’élection la plus libre. G’est donc, Sire, avec un titre victorieux que la noblesse de cette sénéchaussée vous présente ses justes doléances sur la violation de ses droits dans la composition actuelle des Etats ; qu’il réclame de votre bonté paternelle la suppression totale de ces Etats, et leur remplacement, par une constitution libre, représentative, appropriée à notre localité, et conforme aux privilèges de la province : alors des abus invétérés disparaîtront, des dépenses immodérées cesseront , tous les ordres réunis par un intérêt général concourront à l’envi au soutien de l’Etat , à en relever la splendeur et à procurer le soulagement à cette portion des sujets de Votre Majesté, si chère à son cœur et si précieuse à l’ordre de la noblesse en particulier. DEMANDES PARTICULIÈRES POUR LA NOBLESSE. Art. 19. Les preuves de zèle et de fidélité que les gentilshommes de votre royaume n’ont cessé, Sire, de donner à Votre Majesté, les sacrifices qu’ils viennent de faire de leurs exemptions pécuniaires, nous donnent lieu d’espérer que Votre Majesté maintiendra la noblesse dans des privilèges qui ne peuvent plus être considérés comme une primauté d’honneur et qui sont d’ailleurs singulièrement appropriés au gouvernement monarchique. La noblesse, Sire, vous supplie encore.de rejeter toute demande qui tendrait à détruire ou à modifier sa propriété relativement aux droits féodaux ou seigneuriaux, tant utiles qu’honorifiques, auxquels elle n’entend point renoncer. Art. 20. Les mêmes considérations, Sire, nous déterminent à supplier Votre Majesté de fonder en Languedoc trois chapitres nobles, où seront admises les filles de gentilshommes de la province. L’établissement proposé ne serait point une charge pour l’Etat, si Votre Majesté jugeait à propos de doter ces chapitres des biens appartenant à différentes abbayes qui sont presque entièrement dénuées de religieux; il serait néanmoins juste d’ordonner que ces biens continueront à être assujettis aux charges générales de l’ordre dont ils faisaient partie. Tous vos sujets, Sire, ont des droits à la protection de Votre Majesté, mais cet avantage appartient plus particulièrement au corps de la noblesse. Ce corps, distingué par son zèle pour votre service, destiné à conserver et à transmettre l’ancien esprit national, est ordinairement peu favorisé de la fortune. Après avoir consommé ses biens à la défense de l’Etat , ne doit-il pas en recevoir des secours? Art. 21. Pour conserver la noblesse dans toute sa pureté, les rois vos prédécesseurs ont ordonné à différentes époques la recherche de ceux qui avaient pris indûment la qualité de noble, d’écuyer ou de chevalier. La nécessité de réprimer le même abus nous engage, Sire, à demander à Votre Majesté l’établissement d’une commission composée de gentilshommes et de magistrats, chargés de faire une nouvelle recherche de nobles, d’en rédiger le catalogue et de n’y admettre que ceux qui feront la preuve portée par les règlements. Art. 22. La multitude des braconniers dévastant les campagnes et augmentant journellement le nombre des malfaiteurs, enlève à la terre les bras destinés à la culture; Votre Majesté mettra fin à ce désordre en faisant exactement observer les ordonnances concernant le port 'd’armes, et chargeant plus expressément de leur exécution les dépositaires de son autorité. Art. 23. Les discussions provenant de l’exercice de la police, les préséances et droits honorifiques entre les officiers des seigneurs et les officiers municipaux, donnant lieu à une multitude d’inconvénients, Votre Majesté est suppliée de les faire cesser par un règlement clair et précis dans toutes ses dispositions, et dont l’exécution sera confiée aux juges naturels. Art. 24. La prospérité d’un empire ne peut être durable, si en même temps qu’il est tranquille au-dedans il n’est en état de se faire redouter au dehors; il est donc nécessaire, Sire, que les forces militaires de la France soient toujours sur un pied respectable; vos troupes de terre doivent être nombreuses et bien disciplinées, on doit les exercer aux différentes manœuvres, réformer même ce que l’ancienne tactique peut avoir de défectueux, mais sans jamais perdre de vue ce que nos plus grands généraux ont toujours reconnu : qu’une nation doit se battre suivant son génie et son caractère, et que la valeur impétueuse du Français, si elle est retenue dans de justes bornes, peut seule le rendre invincible. Le soldat français se conduit d’ailleurs par des sentiments d’honneur, il veut être excité par des motifs dignes de lui, sans qu’on prétende le ramener à son devoir par des châtiments qui l’aviliraient aux yeux de la nation. La noblesse de la sénéchaussée de Montpellier ne donnera pas plus d’étendue à ces réflexions , mais elle pense, Sire, qu’une commission d’officiers de tous les grades, pris dans le sein des Etats généraux, pourrait communiquer à ce sujet des observations importantes. Une pareille commission d’officiers de marine ne serait pas moins utile. La réputation si justement acquise par vos armées navales dans la dernière guerre doit être soutenue; en vain votre marine aurait-elle été rétablie avec une promptitude qui semble tenir de la création, si Je peu desoin’de l’entretenir la laissait malheureusement tomber dans son premier état. Votre Majesté est suppliée de maintenir la noblesse dans le droit exclusif de donner des officiers aux armées de terre et de mer; les seuls officiers de fortune à qui la valeur a tenu lieu de naissance doivent être exceptés. Il est essentiel que la croix de Saint-Louis soit toujours le prix des services réels; il faut qu’elle honore ceux qui en seront décorés. Art. 25. La noblesse de la sénéchaussée de Montpellier aurait encore à présenter à Votre Majesté ses très-humbles doléances sur d’autres objets qui, tenant essentiellement à l’ordre public, méritent de fixer l’attention paternelle de Voire Majesté. 49 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier.] Elle aurait, Sire, à solliciter la destruction des assiettes ou administrations diocésaines, dont le sort semble lié à l’administration particulière des communautés, vicieuse sous différents rapports; des dépenses déterminées par ces communautés dans un conseil d’où l’on prend soin d’exclure ceux qui ont le plus d’intérêt à proscrire on à modifier ces dépenses; de la forme d’opiner dans les délibérations municipales; de la nécessité de conserver la liberté dans les élections consulaires, partout où les seigneurs ne sont pas fondés en titre; mais sur ces objets, Sire, et sur plusieurs autres, la noblesse croit devoir suspendre toute instance et ne s’occuper que des moyens d’obtenir pour la province entière une constitution libre et véritablement représentative ; alors, Sire, ces nouveaux administrateurs, choisis par leurs con-citovens, animés de l’esprit public, s’empresseront de faire cesser des abus secondaires, et Votre Majesté mettra le scéau à des réformes que le bien commun exige. En attendant, Sire, un changement si généralement désiré, nous supplions Votre Majesté, au cas qu’elle vînt à donner un nouveau régime à la municipalité de Montpellier, de maintenir la noblesse dans le droit exclusif dont elle jouit d’occuper la place de premier consul. Nous venons, Sire, de mettre sous les yeux de Votre Majesté les divers objets de nos représentations ; nous n’avons rien dissimulé, la vérité jouit de tous ses droits sous un monarque qui se plaît -a l’entendre. Votre Majesté, en appelant ses fidèles sujets auprès de sa personne sacrée, leur a prescrit elle-même cette franchise noble et respectueuse; elle exige qu’ils indiquent sans détour les maux et. les remèdes; elle veut, ce qu’on ne peut répéter sans attendrissement, leur conserver toujours le caractère le plus cher à son cœur, celui de conseil et d’ami. Quel succès ne promet point à la nation cette marque si précieuse d’une entière confiance! Toutvous annonce, Sire, une heureuse révolution : la félicité publique sera posée sur des fondements solides, les ressources de la France seront développées et mises sagement en œuvre, les nations voisines verront avec admiration tout ce qu’un souverain qui ne règne que par l’amour et par les lois, doit attendre des généreux efforts d’un peuple libre et soumis. Ce sont, Sire, les très-humbles et très-respectueuses doléances que présente à Votre Majesté la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier, assemblée par vos ordres, pour la députation aux Etats généraux. Signé le comte de Julien de Vinezac, président ; le marquis de Comeiras ; le chevalier de Giraud ; le marquis d’Entraigues ; Je comte de Gadolle ; d’Aigrefeuille ; Perdrix ; Tourtoulon la Salle ; de Sauve; Duchol ; de So-las; de Ratte ; Cambacérès; Maury delà Pey-rouze, secrétaire' de l’ordre. PROTESTATION DE L’ORDRE DE LA NOBLESSE. L’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier, réuni sous l’autorité du Roi, considérant que les protestations faites au nom des commissaires des trois ordres dudit diocèse, et signifiées le 23 janvier dernier aux syndic et greffier des Etats actuels de la province étaient l’expression unanime de tous les vœux de ses habitants, et que ces vœux sont invariables, ainsi que les motifs vraiment patriotiques qui les ont dictés ; considérant que l’ordre de la noblesse, toujours uniforme dans ses principes, toujours indivisible dans ses démarches, ne saurait avoir dans tous les temps qu’une même conduite ; considé-lre Série, T. IV. rant enfin qu’en adhérant aux protestations des trois ordres du diocèse, la noblesse consacre ses propres sentiments et consomme l’ouvrage qu'elle avait commencé, Déclare qu’il proteste de plus fort contre la constitution des Etats qui régissent cette province, comme contraire au droit public du Languedoc et à ses privilèges particuliers, suivant lesquels son administration intérieure ne peut être confiée qu’aux représentants des trois ordres librement élus, ne pouvant surtout reconnaître ce caractère dans la personne des évêques et des barons qui siègent auxdits Etats, sans aucun mandat ni pouvoir de leurs ordres, et qui, par là même, sont incapables de les représenter, et d’exercer les droits essentiels qui leur appartiennent comme forma‘nt une partie intégrante de la province ; principes constitutionnels dont la noblesse ne saurait se départir sans violer les droits de l’honneur et les droits de la propriété. Signé de Sauve, commissaire; d’Aigrefeuille, commissaire. L’an 1789 et le second jour du mois d’avril, j’ai, Laurent Giniés, huissier en la souveraine cour des comptes, aides et finances de Montpellier, y résidant, soussigné, signifié les protestations ci-dessus au nom de l’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier à M. de Puy-maurin, se qualifiant syndic général de la province de Languedoc, et à M. de Carrière, greffier, et afin qu’ils n’en ignorent, je leur ai en leur domicile, en parlant à la personne du sieur Dupré, secrétaire de mondit sieur de Puymaurin, et à la personne du sieur Viguier, chef de bureau de mondit sieur de Carrière, laissé copie desdites protestations et de mon présent exploit, signé. Contrôlé à Montpellier, le 2 avril 1789. Reçu 12 liv. 9 den. Signé Vigié. CAHIER Des vœux , doléances et supplications du tiers-état de la sénéchaussée de Montpellier (1). Le premier sentiment que l’assemblée s’empresse d’exprimer est celui de son amour* de sa soumission, de son inviolable fidélité pour la personne sacrée de Sa Majesté, et de sa vive reconnaissance pour le bienfait signalé qu’elle a accordé à son peuple en le rassemblant autour de son trône pour coopérer avec elle à la réforme générale du royaume et au rétablissement de la nation française dans tous les droits de l’homme et du citoyen. En conséquence, Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’ordonner sur la constitution du royaume : Art. 1er. Que les propriétés de chaque citoyen seront mises sous la sauvegarde spéciale de la loi, et que leur liberté individuelle sera assurée par l’abolition de toutes lettres closes , lettres d’exil et tout autre espèce d’ordres arbitraires émanés soit du gouvernement, soit de toute autre autorité subordonnée, civile ou militaire. Art. 2. Qu’il sera reconnu par un acteauthentique et permanent que la nation seule a droit de s’imposer, c’est-à-dire d’accorder ou de refuser les subsides, d’en régler l’étendue, l’assiette, la répartition, la durée, et d’en surveiller l’emploi, d’ouvrir des emprunts, de consentir à des créations (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 4 49 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier.] Elle aurait, Sire, à solliciter la destruction des assiettes ou administrations diocésaines, dont le sort semble lié à l’administration particulière des communautés, vicieuse sous différents rapports; des dépenses déterminées par ces communautés dans un conseil d’où l’on prend soin d’exclure ceux qui ont le plus d’intérêt à proscrire on à modifier ces dépenses; de la forme d’opiner dans les délibérations municipales; de la nécessité de conserver la liberté dans les élections consulaires, partout où les seigneurs ne sont pas fondés en titre; mais sur ces objets, Sire, et sur plusieurs autres, la noblesse croit devoir suspendre toute instance et ne s’occuper que des moyens d’obtenir pour la province entière une constitution libre et véritablement représentative ; alors, Sire, ces nouveaux administrateurs, choisis par leurs con-citovens, animés de l’esprit public, s’empresseront de faire cesser des abus secondaires, et Votre Majesté mettra le scéau à des réformes que le bien commun exige. En attendant, Sire, un changement si généralement désiré, nous supplions Votre Majesté, au cas qu’elle vînt à donner un nouveau régime à la municipalité de Montpellier, de maintenir la noblesse dans le droit exclusif dont elle jouit d’occuper la place de premier consul. Nous venons, Sire, de mettre sous les yeux de Votre Majesté les divers objets de nos représentations ; nous n’avons rien dissimulé, la vérité jouit de tous ses droits sous un monarque qui se plaît -a l’entendre. Votre Majesté, en appelant ses fidèles sujets auprès de sa personne sacrée, leur a prescrit elle-même cette franchise noble et respectueuse; elle exige qu’ils indiquent sans détour les maux et. les remèdes; elle veut, ce qu’on ne peut répéter sans attendrissement, leur conserver toujours le caractère le plus cher à son cœur, celui de conseil et d’ami. Quel succès ne promet point à la nation cette marque si précieuse d’une entière confiance! Toutvous annonce, Sire, une heureuse révolution : la félicité publique sera posée sur des fondements solides, les ressources de la France seront développées et mises sagement en œuvre, les nations voisines verront avec admiration tout ce qu’un souverain qui ne règne que par l’amour et par les lois, doit attendre des généreux efforts d’un peuple libre et soumis. Ce sont, Sire, les très-humbles et très-respectueuses doléances que présente à Votre Majesté la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier, assemblée par vos ordres, pour la députation aux Etats généraux. Signé le comte de Julien de Vinezac, président ; le marquis de Comeiras ; le chevalier de Giraud ; le marquis d’Entraigues ; Je comte de Gadolle ; d’Aigrefeuille ; Perdrix ; Tourtoulon la Salle ; de Sauve; Duchol ; de So-las; de Ratte ; Cambacérès; Maury delà Pey-rouze, secrétaire' de l’ordre. PROTESTATION DE L’ORDRE DE LA NOBLESSE. L’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier, réuni sous l’autorité du Roi, considérant que les protestations faites au nom des commissaires des trois ordres dudit diocèse, et signifiées le 23 janvier dernier aux syndic et greffier des Etats actuels de la province étaient l’expression unanime de tous les vœux de ses habitants, et que ces vœux sont invariables, ainsi que les motifs vraiment patriotiques qui les ont dictés ; considérant que l’ordre de la noblesse, toujours uniforme dans ses principes, toujours indivisible dans ses démarches, ne saurait avoir dans tous les temps qu’une même conduite ; considé-lre Série, T. IV. rant enfin qu’en adhérant aux protestations des trois ordres du diocèse, la noblesse consacre ses propres sentiments et consomme l’ouvrage qu'elle avait commencé, Déclare qu’il proteste de plus fort contre la constitution des Etats qui régissent cette province, comme contraire au droit public du Languedoc et à ses privilèges particuliers, suivant lesquels son administration intérieure ne peut être confiée qu’aux représentants des trois ordres librement élus, ne pouvant surtout reconnaître ce caractère dans la personne des évêques et des barons qui siègent auxdits Etats, sans aucun mandat ni pouvoir de leurs ordres, et qui, par là même, sont incapables de les représenter, et d’exercer les droits essentiels qui leur appartiennent comme forma‘nt une partie intégrante de la province ; principes constitutionnels dont la noblesse ne saurait se départir sans violer les droits de l’honneur et les droits de la propriété. Signé de Sauve, commissaire; d’Aigrefeuille, commissaire. L’an 1789 et le second jour du mois d’avril, j’ai, Laurent Giniés, huissier en la souveraine cour des comptes, aides et finances de Montpellier, y résidant, soussigné, signifié les protestations ci-dessus au nom de l’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier à M. de Puy-maurin, se qualifiant syndic général de la province de Languedoc, et à M. de Carrière, greffier, et afin qu’ils n’en ignorent, je leur ai en leur domicile, en parlant à la personne du sieur Dupré, secrétaire de mondit sieur de Puymaurin, et à la personne du sieur Viguier, chef de bureau de mondit sieur de Carrière, laissé copie desdites protestations et de mon présent exploit, signé. Contrôlé à Montpellier, le 2 avril 1789. Reçu 12 liv. 9 den. Signé Vigié. CAHIER Des vœux , doléances et supplications du tiers-état de la sénéchaussée de Montpellier (1). Le premier sentiment que l’assemblée s’empresse d’exprimer est celui de son amour* de sa soumission, de son inviolable fidélité pour la personne sacrée de Sa Majesté, et de sa vive reconnaissance pour le bienfait signalé qu’elle a accordé à son peuple en le rassemblant autour de son trône pour coopérer avec elle à la réforme générale du royaume et au rétablissement de la nation française dans tous les droits de l’homme et du citoyen. En conséquence, Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’ordonner sur la constitution du royaume : Art. 1er. Que les propriétés de chaque citoyen seront mises sous la sauvegarde spéciale de la loi, et que leur liberté individuelle sera assurée par l’abolition de toutes lettres closes , lettres d’exil et tout autre espèce d’ordres arbitraires émanés soit du gouvernement, soit de toute autre autorité subordonnée, civile ou militaire. Art. 2. Qu’il sera reconnu par un acteauthentique et permanent que la nation seule a droit de s’imposer, c’est-à-dire d’accorder ou de refuser les subsides, d’en régler l’étendue, l’assiette, la répartition, la durée, et d’en surveiller l’emploi, d’ouvrir des emprunts, de consentir à des créations (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 4 50 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier, j d’offices, etc., et que toute autre manière directe ou indirecte d’imposer ou d’emprunter est illégale et inconstitutionnelle. Art. 3. Qu’il sera statué que non-seulement aucune loi bursale, mais encore aucune loi générale et constitutive ne sera établie à l’avenir qu’au sein des Etats généraux et par le concours mutuel de l’autorité du Roi et du consentement de la nation ; que ces lois portant dans leur préambule ces mots : de l’avis et consentement des gens des trois Etats du royaume, seront, pendant la tenue même de l’assemblée nationale, envoyées aux cours, pour y être inscrites sur leurs registres sans retard ni modification. Art. 4. Qu’il sera arrêté que les lois autres que les lois générales et permanentes ou bursales, c’est-à-dire les simples lois d’administration et de police, seront, pendant t’absence des Etats généraux, provisoirement adressées à l’enregistrement libre et à la vérification des cours. Art. 3. Que lesdites cours ne pourront néanmoins procéder audit enregistrement qu’après avoir ordonné que lesdites lois seront communiquées aux -procureurs et syndics généraux des Etats provinciaux de leur ressort, lesquels pourront requérir l’enregistrement , y consentir et même s’y opposer lorsqu’elles leur paraîtront contraires aux lois, privilèges, capitulations ou contrats de leurs provinces respectives, et lesdites lois, après avoir été dûment vérifiées et enregistrées, n’auront de force que jusqu’à la tenue de l’assemblée nationale, où elles auront besoin de ratification pour continuer à être obligatoires. Art. 6. Que les Etats généraux seront organisés de manière que les élections soient parfaitement libres, et les députations vraiment représentatives. Art. 7. Qu’attendu que le Languedoc est divisé en districts dénommés diocèses, qui supportent chacun un contingent fixe et certain de l’imposition générale, et que les ressorts de bailliages et sénéchaussées n’ont rien d’analogue à cette division contributive , que les élections seront faites dorénavant non plus par convocation des bailliages et sénéchaussées, mais par convocation de diocèses. Art. 8. Que, le nombre des députés de chaque diocèse sera réglé en proportion combinée de sa contribution et de sa population. Art. 9. Que, dans les assemblées préparatoires, tout contribuable, quelle que soit sa contribution, sera électeur, et toute personne même nou contribuable ni domiciliée dans le lieu, sera éligible pour les Etats généraux, pourvu qu’elle soit prise de l’ordre qui la commettra. Art. 10. Que les juges des seigneurs ne pourront présider les assemblées graduelles ; ils ne pourront, non plus que les agents et autres personnes dans la dépendance des seigneurs, les subdélégués des intendants, leurs commis ou secrétaires, être électeurs ni éligibles, sauf que les juges des seigneurs pourront être électeurs hors l’étendue de leur justice dans les villes et lieux où ils seront domiciliés ou contribuables-Art. 11. Que la personne des députés aux Etats généraux sera déclarée inviolable, et qu’il sera sursis au jugement et à l’instruction de leur procès pendant la tenue de l’assemblée nationale, laquelle surséance aura lieu pendant le mois qui précédera l’ouverture, et le mois qui suivra la clôture de ladite assemblée. Art. 12. Que dans ladite assemblée, les opinions seront recueillies par tête et non par ordre. Art. 13. Que les droits respectifs des trois ordres seront fixés et consacrés; que la distinction humiliante qu’éprouvèrent les communes dans les précédents Etats généraux, sera effacée et supprimée, et que le Roi sera supplié d’accorder au tiers-état une proportion plus juste entre sa représentation et celle des deux premiers ordres. Art. 14. Que le retour périodique des Etats généraux soit irrévocablement fixé au terme de cinq années au plus tard, pour prendre en considération l’état des finances, l’emploi des subsides accordés pendant la tenue précédente, et proposer la réforme et les améliorations qui leur paraîtront convenables dans toutes les branches de l’économie politique. Que cependant leur tenue sera plus rapprochée jusqu’à ce que la constitution soit fixée, et la réforme générale de l’Etat opérée. Art. 15. Que dans le cas où l’assemblée nationale n’aurait pas lieu à l’époque fixée pour sa prochaine convocation, toute levée de subsides accordés cessera, et les Etats provinciaux ne pourront en faire la répartition. Art. 16. Que les lois qui auront été accordées à la nation, ou auxquelles elle aura consenti, seront promulguées avant la séparation de Rassemblée nationale, et dans le cas où ladite assemblée viendrait à être dissoute par autorité, avant ladite promulgation, les consentements qui auraient été donnés aux impôts ou emprunts, seront comme non avenus. Art. 17. Que les ministres du Roi seront déclarés responsables de toutes les déprédations dans les finances, abus de pouvoir et d’autorité, et de toutes atteintes portées par le gouvernement aux droits tant nationaux que particuliers, et que les auteurs de ces infractions seront poursuivis sur la dénonciation de la nation. Art. 18. Que dans les bureaux des postes, le sceau des lettres soit sacré et inviolable; que le secret de la confiance publique entre citoyens ne soit pas livré à une inquisition révoltante ; que toute atteinte donnée à cette liberté soit regardée comme une infraction du droit public et du droit national. CHAPITRE II. Sur la constitution et administration générale de la province. Art. 1er. Les députés de la sénéchaussée ratifieront aux Etats généraux le vœu général des trois ordres de la province, exprimé dans la requête présentée à Sa Majesté, par les députés des différents diocèses réunis à Paris, et renouvelleront les protestations contre la constitution actuelle de la province consignées dans les différents procès-verbaux des assemblées de diocèse, et dans celles qui ont été faites au greffe des Etats lors de leur dernière assembles. Art. 2. Ils demanderont qu’attendu que les Etats provinciaux et les administrations diocésaines de Languedoc, sont en leur forme actuelle des assemblées inconstitutionnelles et contraires à l’essence de tout corps représentatif, iis soient absolument et entièrement supprimés et qu’ils soient reconstitués en une forme libre, élective et vraiment représentative des trois ordres. Art. 3. Que la province de Languedoc soit incessamment autorisée à s’assembler par députés librement élus et pris dans les trois ordres de chaque diocèse, dans la proportion combinée de sa population et de sa contribution aux impositions, devant tel commissaire qu’il plaira au Roi de nommer, pour concerter et représenter à Sa 51 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier.] Majesté ua plan d’Etats provinciaux approprié à ses droits, usages, privilèges et localités. Art. 4. Que dans le cas où il serait proposé aux Etats généraux un plan de constitution d’Etats, par toutes les provinces du royaume, les députés ne pourront consentir qu’il soit rendu commun au Languedoc qu’autant qu’il portera sur les bases suivantes : 1° L’élection libre de tous les députés dans chaque diocèse, dans la proportion combinée de la contribution aux impôts avec la population; 2° La fixation du nombre des députés du tiers-état dans une juste proportion avec celui des deux ordres réunis ; 3° La délibération par tête et non par ordre, et que la voix de chaque député du tiers-état sera effective et ne pourra être rendue caduque dans aucun cas ni sous aucun prétexte ; 4° L’éligibilité et l’amovibilité de la présidence, de toutes les places et de tous les offices. Art. 5. Les députés solliciteront encore : 1° Le retour annuel de l’assemblée générale des Etats, l’établissement et le retour annuel d’une assemblée des trois ordres de chaque diocèse, soit pour faire l’assiette de l’impôt, soit pour vaquer à l’administration diocésaine, soit pour le renouvellement successif des députés à rassemblée des Etats; 2° Que, tant dans les assemblées des Etats de la province, que dans les assemblées diocésaines, chaque ordre ne pourra être représenté que par ses pairs ; 3° Que les juges, officiers, agents et autres personnes dans la dépendance des seigneurs particuliers, les subdélégués, commis et secrétaires des commandements, des commissaires départis, ceux qui exercent quelque emploi ou commission dans les finances de Sa Majesté, les inspecteurs, contrôleurs et entrepreneurs des ouvrages publics, de même que leurs cautions et participes ne puissent être ni électeurs ni éligibles, soit pour l’assemblée générale des Etats, soit pour les assemblées graduelles. CHAPITRE III. Sur les municipalités. , Art. 1er. Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’ordonner : Que la liberté la plus entière régnera dans l’élection des officiers municipaux, et qu’en conséquence les seigneurs ni les officiers de leur justice ne pourront assister en aucune qualité aux assemblées d’élection qui seront présidées exclusivement par les officiers municipaux. Art. 2. Que le prétendu droit que certains seigneurs ecclésiastiques ou laïques, gouverneurs, commandants et tous autres se sont arrogé de nommer ou choisir les consuls, sera aboli, sauf l’indemnité de ceux qui auraient acquis ce droit à titre onéreux. Art. 3. Que les conseils politiques seront formés dans les villes principales des députés des différentes corporations. Art. 4. Que l’élection des officiers municipaux sera faite par la voie du scrutin et à la pluralité des suffrages. Art. 5. Que dans les autres villes et lieux, l’élection des conseillers politiques et des officiers municipaux sera faite dans une assemblée générale où seront appelés tous les contribuables domiciliés âgés de vingt-cinq ans. Art. 6. Que les consuls ne pourront être nommés que pour deux années, qu’ils pourront être continués pour deux autres, sans qu’il soit besoin d’aucune confirmation ni autorisation, et les mêmes sujets ne pourront être nommés de nouveau qu’après un interstice de deux années au moins,. Art. 7. Que la police particulière des villes et lieux sera exclusivement exercée par les officiers municipaux, assistés d’un certain nombre de bourgeois ou prud’hommes élus à cet effet toutes les années en une assemblée générale des communautés, et de députés des différentes corporations dans les villes considérables, lesquels jugeront sans frais et en dernier ressort jusqu’à 10 livres dans les petits lieux, 20 livres dans les villes et 30 livres dans les villes principales, pourvu néanmoins que 'les jugements soient rendus au nombre de trois, cinq et sept juges, suivant la différence des lieux. Art. 8. Que les amendes prononcées en fait de police seront applicables aux hôpitaux et bureaux de charité des villes et lieux où elles auront été prononcées, sauf l'indemnité en faveur des seigneurs, s’il y a fieu, et que Sa Majesté sera très-humblement suppliée de vouloir bien appliquer aux mêmes œuvres celles qui lui appartiennent. CHAPITRE IV. Police du royaume. Art. 1er. Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’ordonner que le tiers-état sera admis aux charges civiles et militaires, en abrogeant les nouvelles ordonnances et usages qui l’en excluent et le privent de la liberté de servir le Roi et la patrie. Art. 2. Que la liberté de la presse soit accordée avec des modifications si sages, qu’elle ne. puisse devenir illusoire ni funeste. Art. 3. Qu’il soit pris des mesures efficaces pour faire cesser la mendicité. Art. 4. Qu’il soit formé dans les villes principales des établissements destinés à recevoir gratuitement les enfants trouvés. Art. 5. Que les associations des compagnons d’artisans, connus sous les noms de gavots , dévorants et autres soient sévèrement prohibées par une loi générale qui sera promulguée au même instant dans toutes les villes et lieux du royaume. Art. 6. Que ces compagnons soient tenus, lorsqu’ils voudront se procurer du travail , de s’adresser aux consuls du corps de leur art et métier, ou aux officiers municipaux dans les lieux où il n’y a pas de maîtrise, et dans le cas d’attroupement ou délit des compagnons réfractaires, qu’ils soient jugés présidialement. Art. 7. Que les lois qui défendent de stipuler l’intérêt des prêts à jour soient abrogées ; qu’en conséquence les stipulations d’intérêt au taux légal soient déclarées valables tant par acte sous seing privé, que par acte public. Art. 8. Qu’il ne sera porté aucune atteinte à la loi du concours établi par les ordonnances et déclaralions du Roi dans le cas de la vacance d’une chaire de professeur ou docteur régent dans les universités et collèges du royaume. Art. 9. Que la profession de notaire royal exigeant une connaissance parfaite du droit et des ordonnances, et une probité reconnue, il ne sera plus accordé des provisions de notaire qu’après une enquête rigoureuse sur la probité, la capacité, la postulation portée par les ordonnances, et qu’en exceptant les villes principales où la confiance ne peut être forcée à cause du concours [États gén. 178S. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier.] m des différents notaires, dans les petites villes et communautés, il sera permis à tout notaire d’y contracter concurremment avec ceux des lieux, sans pouvoir être recherché sous aucun prétexte. CHAPITRE V. Domaines de la couronne. Art. 1er. Sa Majesté sera suppliée d’ordonner que toutes les aliénations du domaine , même celles à titre d’échange qui n’auraient pas été consommées par des lettres de ratification dûment enregistrées seront révoquées, et que si la nation jugeait plus avantageux d’aliéner l’entier domaine corporel, les communautés soient préférées à tout acquéreur qui n’aurait pas encore obtenu de lettres de ratification. Art. 2. Que les forts et citadelles dans l’intérieur du royaume, qui ne sont plus d’aucune utilité, seront démolis et vendus, et que les gouverneurs , commandants, lieutenants du Roi et états-majors qui y sont attachés seront supprimés. CHAPITRE VI. Impôts et dettes nationales. Le vœu de Sa Majesté étant qu’il ne soit établi aucun impôt sans le consentement de la nation, et que tous les subsides soient dorénavant répartis sur tous les sujets et sur toutes les valeurs de son royaume, sans exception ni distinction, les députés de la sénéchaussée ne pourront voter aucun impôt qu’après qu’il aura été érigé en maxime nationale, que tous les sujets et toutes les valeurs, sans distinction des biens ni des personnes, doivent contribuer à toutes sortes d’impositions ; qu’en conséquence, Sa Majesté sera suppliée de rendre, les Etats généraux tenant, une loi précise par laquelle toutes exemptions et privilèges en matière d’impôt seront abolies à perpétuité, et tous les biens et sujets du royaume, tenus de contribuer à tout impôt et subsides, en la même forme et dans un seul et même rôle. Art. 2. Que le Languedoc soit maintenu dans le droit inhérent à sa constitution, de ne pouvoir être assujetti à aucun impôt ni subside, que préalablement lesdits impôts et subsides aient été librement et volontairement consentis et octroyés dans l’assemblée des trois Etats de la province, ou dans une assemblée des trois Etats du royaume, à laquelle les députés de la province auront été dûment et légitimement appelés , et qu’il ne puisse être établi ni autorisé aucune imposition, subvention, ni autres subsides dans les sénéchaussées, diocèses, villes-et lieux de la province, qu’après qu’elles auront été pareillement consenties dans ladite assemblée des trois Etats de la province. Art. 3. Que les impôts ne pourront être accordés que pour le temps qui devra s’écouler d’une assemblée nationale à l’autre, en accordant néanmoins une année au delà de l’époque fixée pour la prochaine assemblée, afin que le service de l’Etat ne soit pas interrompu pendant sa tenue. Art. 4. Ces trois maximes ainsi sanctionnées, les députés solliciteront que la dette de l’Etat soit vérifiée et constatée, et que, pour l’honneur du trône et de la nation, elle soit déclarée dette nationale et reconnue comme telle sans aucune diminution ni réduction, leur recommandant plus particulièrement les emprunts faits parla province de Languedoc pour le compte du Roi. Art. 5. Que, pour assurer la libération de l’Etat, la dette nationale, d’où qu’elle provienne, sera constituée pour être remboursée à des époques fixes et invariables. Art. 6. Que, pour en opérer le remboursement total aux époques indiquées, sans trop grever la génération présente, on pourrait prendre pour modèle le dernier emprunt de 6 millions fourni par les notaires de Paris. Art. 7. Qu’il sera procédé à la révision de toutes les pensions accordées depuis 1780 pour arrêter définitivement celles qui doivent être conservées, Sa Majesté étant très-humblement priée de consulter plutôt dans cette détermination les besoins actuels de l’Etat, que sa générosité naturelle. Art. 8. Que les dépenses des divers départements soient fixées et arrêtées par Sa Majesté, la nation se livrant avec confiance au vœu de Sa Majesté pour les économies. Art. 9. Que la dette nationale étant ainsi constituée, et les besoins de l’Etat vérifiés, il y soit pourvu par des impôts établis après le plus mûr examen, répartis avec la plus juste égalité, et levés avec la plus grande économie ; qu’en conséquence il sera fait la révision de tous les impôts subsistant pour sanctionner ceux qui, par leur nature, sont les moins onéreux, et dont la perception paraîtra la plus facile et la plus assurée. Art. 10. Que la taille prendra le nom d’impôt territorial ou tout autre, afin qu’il ne reste aucun vestige d’impôt distinctif par un ordre particulier et d’aucune exemption réelle ou personnelle dans cette matière. Art, 11. Qu’on sollicitera la suppression des impôts ci-après dénommés comme étant fort coûteux par leur levée, injustes dans leurs répartitions, attentatoires à la liberté individuelle par les vexations qu’ils occasionnent, et préjudiciables à l’agriculture et au commerce par le grand nombre de bras qu’ils leur enlèvent : 1° La gabelle, impôt désastreux, que Sa Majesté et la nation ont déjà condamné, et à l’extinction duquel tient le bonheur de l’agriculture et du commerce, par l’augmentation des troupeaux et l’amélioration des laines ; 2° Les droits d’aides dans le royaume, et de l’équivalent en Languedoc!, qui pèsent principalement sur le cultivateur, rendant plus difficile le débouché de ses vins de Languedoc ; le bas prix de ces vins exige une suppression déjà accordée à ceux du Roussillon et de la Guyenne. 3° Les droits d’entrée dans le royaume sur les denrées de première nécessité, comme grevant plus particulièrement le peuple ; 4° Les droits de traite intérieure, les droits de ville connus sous le nom d’octroi, subvention, etc., les droits de péages, landes et coupes royales, droits qui gênent la circulation des denrées et marchandises dans le royaume et rendent les provinces étrangères les unes aux autres ; 5° Les droits sur les cuirs, sur la marque de l’or et de l’argent, sur les poudres et amidons, sur les papiers et cartons, ou que du moins ces droits ne soient perçus que par abonnement avec les fabricants et marchands qui demandent depuis longtemps à se racheter par une somme en argent, bien supérieure aux produits actuels de la régie, de la gène et des vexations journalières qu’ils éprouvent; il est d’ailleurs de la justice de Sa Majesté de rendre commun à tout le royaume l’abonnement qu’elle a déjà accordé à quelques villes et provinces. Art. 12. Que les droits de traite à l’entrée et sortie du royaume soieut conservés; mais qu’il soit fait un tarif classé avec tant de clarté et de [Sén. de Montpellier.] o3 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. précision, qu’il prévienne tout arbitraire dans la perception. Art. 13. Que les droits de contrôle des actes étant devenus excessifs et arbitraires par les extensions onéreuses et successives qu’ont produit la multitude des décisions du conseil souvent contradictoires, Sa Majesté sera suppliée d’annuler toutes ces décisions, de modérer les droits de contrôle et les régler d'une manière juste et simple par un tarif clair qui en rende la perception facile et mette le contribuable en état de connaître son obligation. Art. 14. Que le droit de centième denier relatif aux mutations soit modéré, et que toutes recherches à raison des fausses évaluations soient défendues six mois ou un an au plus après le payement du droit. Art. 15. Que les impôts supprimés ou réduits seront remplacés à proportion du besoin réel et constaté de l’Etat, par des impôts, dans le moindre nombre possible et de nature à atteindre tous les genres de facultés ; qu’en conséquence ils seront rejetés : 1° Sur toutes les propriétés immobilières et en proportion de leur revenu; 2° Sur tous les effets mobiliers (les cabaux et effets aratoires exceptés), dans lesquels on comprendra les rentes constituées, les gages et pensions de l’Etat ; 3° Sur les personnes, à l’effet de faire contribuer ceux qui auraient échappéaux autres impositions, en observant de ne pas comprendre ceux qui les auraient déjà subies, ou de déduire de leur taxe ersonnelle les propriétés mobilières ou immo-ilières qu’ils auraient déjà payées ; 4° Sur l’industrie, excepté celle qui ne fournit à l’industrieux que son nécessaire; 5° Sur les domestiques mâles attachés au service personnel, sur les carrosses et sur les chevaux de luxe, en observant d’augmenter cet impôt proportionnellement et progressivement au nombre. Art. 16. Que ces impôts ou tous autres mieux choisis et établis seront divisés et rejetés sur chaque province. Art. 17. Que, pour faire ce rejet avec justice, il sera procédé à un cadastre ou tarif général du royaume qui déterminera la valeur actuellement relative des provinces entre elles et la portion de l’impôt général que chacune d’elles doit supporter. Art. 18. Qu’en procédant à l’évaluation de la province de Languedoc dans ce cadastre ou tarif général du royaume, on. fera entrer en grande considération la dette énorme dont elle est grevée, soit pour divers droits et autres impôts rachetés, diverses créations d’offices remboursés, soit pour la faction ou entretien des canaux, ponts et chaussées dont la province de Languedoc a fait la dépense en son particulier, tandis qu’elle contribuait pour son contingent dans les impositions générales à la dépense des canaux, ponts et chaussées des pays d’élection. Art. 19. Que, pour connaître le montant de cette dette particulière, Sa Majesté voudra bien ordonner que les administrateurs de la province, ceux des diocèses et ceux des villes ou communautés, seront tenus d’envoyer dans le délai de quinzaine, au commissaire départi de cette province, un état de toutes leurs dettes, duquel il sera dressé un tableau général qui sera incontinent envoyé aux ministres de Sa Majesté et aux députés des sénéchaussées de la province aux Etats généraux. Art. 20. Que les Etats provinciaux auront seuls le droit de répartir tous les impôts qui seront établis. Art. 21. Que le moyen le plus assuré et peut-être le seul pour atteindre à l’économie si désirée, et éviter les frais énormes de perception de comptabilité et de transport des impôts des provinces à la capitale, et de la capitale aux provinces, serait de supprimer et rembourser tous les officiers de finance chargés de la recette et du payement des deniers publics. Art. 22. Que, pour opérer la suppression totale de cette multitude de caisses, surtout dans la capitale, il serait aussi juste que simple de rejeter sur chaque province, d’après le cadastre ou tarif du royaume, la portion de la dette nationale, et de charger les Etats provinciaux du payement annuel des intérêts des rentes viagères, pensions et remboursements qui leur seraient affectés. Art. 23. Que, pour faire la levée des impôts et les divers payements affectés à chaque province, les Etats provinciaux seraient autorisés à choisir et nommer dans leur district un caissier ou trésorier général de la province, qui serait tenu d’avoir un commis dans la ville principale de chaque diocèse ou district, pour recevoir des collecteurs de chaque communauté, et ferait payer dans le même chef-lieu tous les intérêts, pensions et remboursements affectés à la province, lequel trésorier serait à appointements fixes proportionnés aux risques et difficultés de la recette ; qu’il en serait responsable et compterait annuellement devant les Etats provinciaux. Art. 24. Que, pour fournir à la dépense des divers départements, le produit des baux à ferme, régie, domaines et autres, conservés, seront versés dans le trésor de l’Etat et le trésorier de chaque province y fera passer, à des époques fixes, la portion des" deniers provinciaux nécessaires pour remplir et pour faire la dépense qui aurait été réglée par Sa Majesté, pour tous les divers départements. Art. 25. Que, pour s’assurer de la nécessité des impôts levés et de leur emploi, le compte général de l’Etat, celui de chaque province, de chaque diocèse ou district, sera rendu public par la voie de l’impression. Art. 26. Qu’on rendra public, par la même voie, l’état des pensions avec le nom des pensionnés et les motifs qui les auront fait accorder. Art. 27. Qu’on publiera de la même manière et qu’on affichera annuellement dans chaque communauté le rôle des impositions personnelles et industrielles par colonnes pour chaque quotité, afin de mettre chaque contribuable en état de vérifier, par comparaison, la justesse des taxes. Art. 28. Que, pour faciliter le payement des impôts, la perception en sera fixée quinze jours ou un mois après les récoltes majeures, et l’époque en sera déterminée par les assemblées de diocèse ou de district. Art. 29. Que l’action des collecteurs contre les-contribuables, à raison de leurs cotes, sera prescrite par le laps de trois années à compter du jour de l’expiration de l’année de leur collecte. Art. 30. Que, pour rétablir l’égalité de la répartition des impôts dans la province de Languedoc, Sa Majesté sera suppliée d’ordonner qu’il sera procédé sans retard à la réfaction du cadastre général de ladite province • celui dont on se sert aujourd’hui (existant depuis l’an 1530) n’établit que des valeurs entièrement échangées par les événements survenus dans le cours de plus de deux siècles et demi; l’assujettissement à l’impôt réel des biens nobles qui n’étaient pas entrés en estimation dans cet ancien cadastre, en rend d’ailleurs la réfaction aussi urgente qu’indispensable. 54 [Etats gén. 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier.] - Art. 31. Qu’il sera procédé aussi sur les mêmes bases à la réfaction du cadastre de chaque diocèse. Art. 32. Que si l’on ne se décidait pas à supprimer la taille par la difficulté de la remplacer dans le moment par un impôt plus général et plus modéré, il soit ordonné que le contingent des biens nobles qui avaient été exempts de la taille jusqu’à ce jour tournera de suite, par l’effet d’un moins imposé général du montant de ladite contribution des biens nobles, au soulagement des taillables actuels en Languedoc pour diminuer l’imposition accablante que les biens roturiers supportent dans cette province ; toutes les impositions tant royales que provinciales et municipales n’y sont presque levées que sur les propriétés roturières, ce qui produit une surcharge énorme, qui, quoique reconnue par toutes les assemblées diocésaines, et môme par la dernière assemblée des Etats, n’en continue pas moins de peser sur les taillables et ne peut être par eux plus longtemps tolérée. chapitre vu. Administration de la justice. Art. 1er. Sa Majesté est suppliée de considérer : 1° Que la plupart des tribunaux d’exception sont des démembrements des tribunaux ordinaires qui jettent les justiciables dans des incertitudes dangereuses sur le pouvoir des juges, devant lesquels ils traduisent ou sont traduits, qui entraînent des conflits de juridiction aussi fréquents que dispendieux et longs à terminer. 2° Que la multiplicité des degrésde juridiction est aussi une des causes principales de la durée des procès et des dépenses ruineuses qu’il faut faire pour les soutenir. 3° Que l’existence des justices seigneuriales est la source d’un nombre infini d’abus. Art. 2. Qu’en conséquence elle daigne compter parmi les moyens les plus efficaces d’opérer le bonheur de ses sujets, d’ordonner que désormais la justice sera rendue en son nom dans toute l’étendue du royaume par des officiers ayant provision d’elle, ët admis seulement après un examen rigoureux de leur capacité, une enquête de leur vie, mœurs et fortune suffisante pour les maintenir dans un honnête désintéressement. Art. 3. Qu’en matière civile et criminelle il n’y aura plus que deux degrés de juridiction. Art. 4. Que tous les tribunaux inférieurs d’exception, toute commission extraordinaire, tout privilège, committimus et autres lettres de cette nature seront et demeureront pour jamais supprimés. Art. 5. Que la justice soit rapprochée des justiciables, et qu’à cet effet il soit établi, dans les villes où il n’y en a pas déjà, des sièges royaux, ayant pour ressort ou arrondissement une quantité suffisante de paroisses ou hameaux, qui puissent connaître en première instance de toutes sortes de matières, et entre toutes sortes de personnes, en conservant néanmoins aux seigneurs justiciers tous les autres droits utiles et honorifiques. Art, 6. Que la compétence des présidiaux sera augmentée. Art. 7. Que les offices de greffier aux encans et de jurés-priseurs de cette sénéchaussée seront supprimés. Art. 8. Que les syndics ou procureurs généraux des Etats pourront se pourvoir contre tous les arrêts de règlement rendus par les cours qui porteront atteinte aux lois générales du royaume ou aux privilèges particuliers du pays. Art. 9. Que les épices de juges, tant souverains qu’inférieurs, seront modérées et fixées, et que les frais ou droits de vérification et sabatines seront supprimés. Art. 10. Qu’il sera accordé une ampliation de pouvoir aux juridictions consulaires, à l’instar des présidiaux, mais que dans ce cas les prieurs et consuls ne puissent juger qu’en nombre de cinq au moins, et que nul juge ne puisse l’être s’il n’a vingt-cinq ans révolus. Art. 11. Que, conformément aux ordonnances, les juridictions consulaires soient tenues de se renfermer dans les bornes de leur compétence, soit pour les choses, soit pour les personnes. Art. 12. Que la connaissance des faillites et banqueroutes, et leurs suites, leur soit exclusivement rendue, sauf l’instruction criminelle et le décret des biens immeubles. Art. 13. Que l’avocat-syndic de la bourse commune des marchands sera rendu annuel et ne pourra être renouvelé qu’après interstice de trois années. Art. 14. Qu’il sera très-humblement représenté à Sa Majesté que ses fidèles sujets attendent avec impatience de sa bonté et de sa justice un règlement général pour la procédure civile, qui en abrège les délais actuels, en simplifie les formes, qui exclue toute préférence lorsque les causes et procès seront en état de recevoir jugement, et qui fixe la subordination des juges inférieurs à l’égard de leurs supérieurs sans blesser la liberté individuelle des juges subalternes, le droit d’exercer juridiction jusqu’au jugement définitif inclusivement et de le faire exécuter par provision, nonobstant tout appel et sans y déférer dans les cas exprimés. Art. 15. Qu’ils attendent encore de la justice et de la clémence de Sa Majesté un règlement général pour la procédure criminelle, qui la restreigne au cas de vrais délits, qui laisse moins de doute sur la conviction, moins de dangers sur le sort de l’innocence, qui proportionne la peine à la nature du crime, qui laisse la liberté individuelle à l’accusé lorsqu’il ne s’agira point d’un cas méritant peine afflictive, qui fasse marcher l’accusation et la justification d’un pas égal, qui rende toute la procédure publique et admette à toutes les parties de son instruction des pairs jurés qui ordonnent qu’en tous jugements préparatoires et définitifs les opinions des juges seront prononcées à voix haute; que jusqu’après la condamnation enfin l’accusé ne soit exposé à aucune humiliation, qu’il soit traité avec ménagement et douceur de la part des juges et de ses gardiens. Art. 16. Que la peine de mort n’ait lieu qu’au-tant que la perte de l’honneur, de la liberté et des biens ne serait pas un moyen suffisant pour contenir le vice par l’exemple du châtiment. Art. 17. Que les condamnés aux galères soient appliqués à des travaux plus utiles au public, et que leur sort soit adouci par un traitemeut humain et charitable de la part de ceux qui les commandent dans leurs travaux et les soignent dans leurs maladies. Art. 18. Que, pour les crimes que les juges souverains trouveraient graciables par leurs circonstances ou leurs causes, ils puissent ordonner le sursis à l’exécution, jusqu’à ce que Sa Majesté l’ait permise sur le vu de la procédure qui sera envoyée aux frais du domaine. Art. 19. Que dans le cas où il aurait été ou serait admis au conseil des requêtes en cassation, des arrêts des cours souveraines, et qu’en jugeant il serait trouvé que les moyens employés ne four- 55 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier.] nissent que des ouvertures de requête civile, il sera expédié aux demandeurs qui, par l’effet de l'admission de leurs requêtes en cassation, et des contestations qui s’en seraient ensuivies, seraient hors des délais prescrits par les ordonnances, des lettres de relief du laps de temps pour se pourvoir par requête civile contre lesdits arrêts, sans qu’elles puissent leur être déniées sous aucun rétexte, ainsi qu’il arrive à la communauté de ourmonterrat envers son seigneur. Art. 20. Que dans le cas où, contre toute attente, les seigneurs justiciers seraient maintenus à instituer les officiers de justice, et à la faire rendre en leur nom, dans les seigneuries, Sa Majesté sera suppliée d’ordonner : 1° Qu’en exécution des ordonnances royales et arrêts de règlement des cours, ils ne pourront en instituer qu’au nombre , et de la qualité portés par des titres de concession dûment vérifiés ; 2° Qu’ils ne pourront surtout forcer la confiance des justiciables en donnant des lettres de postulation à qui que ce soit; les déclarer d’ores et déjà de nul effet et valeur; 3° Que ces officiers subiront un examen public et rigoureux devant le tribunal royal supérieur, qu’ils y feront devant lui preuve de bonnes vie et mœurs ; 4° Que les incompatibilités déclarées pour les juges royaux auront lieu pour eux ; 5° Qu’ils rendront la justice dans des auditoires décents, hors des châteaux des seigneurs à jours et heures fixes ; 6° Que devant être salariés par les seigneurs, ils ne pourront rien prendre ni recevoir des parties sous le titre d’épices ou autrement; 7° Qu’en cas de non-résidence de leur part dans les chefs-lieux de leur juridiction les justiciables pourront, tant en demandant qu’en défendant , la décliner en s’adressant au siège royal le plus prochain. 8° Qu’en cas même de résidence les sièges royaux qui ont eu jusqu’à présent la prévention sur certaines justices seigneuriales, ou. l’appel des jugements y rendus, auront le droit de retenir les procès introduits devant eux en première instance par les habitants dans l’étendue de ces justices et d’attirer ceux où le défendeur déclarerait dans ses premières défenses qu’il veut procéder devant les sièges royaux. CHAPITRE VIII. Eglise. Art. 1er. Que sa Majesté sera suppliée de prendre enconsidération les sommes énormes qui sortent du royaume, pour les bulles, annates, dispenses et autres droits de la cour de Rome, et qu’en conséquence elle veuille bien ordonner que l’article 2 de l’ordonnance d’Orléans sera rendu définitif. Art. 2. Que le droit de conférer les bénéfices sera librement exercé par les collateurs ordinaires et les patrons ecclésiastiques et laïques, dans les termes prescrits par les lois de l’Eglise et de l’Etat, et qu’ils ne pourront être prévenus pendant les termes, auquel effet le droit de prévention dont le pape jouit sera et demeurera aboli. Art. 3. Que le recours à Rome pour aucune sorte de dispense de mariage sera défendu à peine de nullité de la dispense ; que ces dispenses, sans exception, seront données par les évêques chacun dans son diocèse, en connaissance de cause et gratuitement, conformément aux lois et à l’esprit de l’Eglise. Art. 4. Que les lois de l’Eglise touchant la résidence des bénéficiers et la pluralité des bénéfices seront scrupuleusement observées. Art. 5. Que l’ordre du clergé sera sollicité de renvoyer au dimanche le plus grand nombre des fêtes établies, sauf aux ecclésiastiques à le célébrer encore un autre jour, si bon leur semble, mais sans aucune obligation pour le reste des fidèles. Art. 6. Que le Roi sera remercié de l’édit de 1787, en faveur des non catholiques, comme étant un monument de sagesse, et qu’il sera très-humblement supplié de lui donner le complément que la nation attend des vues supérieures de sa justice et de sa bienfaisance. Art. 7. Que tous les biens mis en régie seront rendus aux particuliers auxquels ils furent saisis, s’ils sont actuellement dans le royaume, ou à leurs héritiers légitimes, s’ils sont décédés en pays étrangers. Art. 8. Qu’en cas qu’il plaise au Roi de supprimer entièrement la dîme et do pourvoir d’une autre manière à la subsistance des prêtres qui servent utilement l’Eglise, toutes les paroisses seront autorisées à abonner la dîme en argent avec les décimateurs. Art. 9. Que ledit abonnement sera réglé sur les baux à ferme des dix dernières années et en formant de tous les baux une année commune. Art. 10. Que le montant de cet abonnement sera comparé à une valeur en denrées, pour être augmenté ou diminué, de dix en dix ans, d’après les variations que les denrées comparatives auront pu éprouver. Art.. 11. Et attendu que sur le taux, et en la manière que la dîme est perçue, elle est devenue le plus grand fléau de l’agriculture, il est de la justice d’accorder aux propriétaires fonciers un soulagement devenu indispensable en soumettant à la contribution, ou payement de l’abonnement, tous les citoyens sans distinction, puisqu’ils participent tous également aux prières de l’Eglise et à l’administration des sacrements. Sa Majesté sera, en conséquence, très-humblement suppliée d’ordonner par une ioi générale que le montant de l’abonnement de la dîme sera imposé annuellement sur chaque diocèse et par lui divisé et réparti sur tous les contribuables, à toute nature d’impositions tant réelles que personnelles ou industrielles et proportionnellement au montant de chacune d’elles. Art. 12. Que le tiers du montant de l’abonnement sera prélevé au profit de chaque paroisse pour être employé à la subsistance des pauvres, conformément aux anciennes lois de l’Eglise confirmées par les ordonnances de nos rois. Art. 13. Que la portion congrue des curés sera augmentée, et que tout casuel sera supprimé. Art. 14. Que la déclaration de Charles IX du 7 septembre 1568 sera abrogée, et en conséquence qu’il sera ordonné que toutes fermes de bénéfices non excédant neuf années seront continuées par le successeur au bénéfice, à quelque titre et par quelque genre de vacance que le bénéfice lui soit parvenu. CHAPITRE IX. Agriculture. L’agriculture étant la source des premières ri- 56 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier.] chesses de l’Etat, et la diversité du sol dans un vaste royaume tel que la France, permettant d’espérer que toutes les espèces de productions pourraient y être obtenues, si cet article était perfectionné, on ne doit rien négliger de tout ce qui pourra le faire valoir. En conséquence, les députés solliciteront : Art. 1er. Qu’il sera accordé des grâces et des faveurs aux agriculteurs habiles qui parviendront, soit à rendre productifs des terrains réputés stériles jusqu’à eux, soit à introduire quelques nouvelles productions, fourrages ou graines, soit à perfectionner les troupeaux, en relevant les races et améliorant les laines, soit en inventant de nouveaux instruments de labour, ou autres machines réellement utiles pour les travaux de la campagne ; ils pourront citer en preuve de l’utilité de ces faveurs les grands avantages qu’on a retirés, dans la généralité de Paris, des comices agricoles établis depuis quelques années par ordre du gouvernement. Art. 2. Que, pour la plus juste répartition des indemnités que le Roi accorde annuellement pour les cas fortuits, et pour qu’elles ne soient pas le prix de la faveur ou de la sollicitation, le département en soit sollicité aux assemblées de province, de diocèse et de communauté. Art. 3. Que, pour éviter les suites fâcheuses des procès entre agriculteurs que leur inexpérience leur fait si inconsidérément entreprendre, il sera établi dans chaque communauté ou dans un certain arrondissement un bureau de conciliation formé par un nombre déterminé de cultivateurs honnêtes et prudents, élus à la pluralité des voix, assermentés sans frais, devant les officiers municipaux. Art. 4. Que les cultivateurs s’assembleront au moins un dimanche de chaque mois à l’issue des offices, dans le lieu ordinaire des assemblées de la communauté pour entendre et régler sommairement et sans frais ceux qui n’auront pu terminer leurs discussions à l’amiable. Art. 5. Que nul juge ne pourra recevoir les laintes des agriculteurs, ni même celles des Imitants des villes qui auraient des contestations. avec eux qu’après s’être assuré par un certificat que les plaignants auront comparu devant ledit bureau. Art. 6. Que ce bureau connaîtra encore des différends survenus entre les maîtres et les valets des campagnes, des contestations en raison des dommages causés par les bestiaux, et que leur compétence définitive pour ces objets s’étendra jusqu’à la somme de 30 livres. Art. 7. Que tous les experts nommés d’office ar les juges pour les vérifications des terres et ommages seront pris parmi les membres de ce bureau, et ils pourront être payés, lorsqu’ils rempliront les fonctions d’experts. Art. 8. Qu’on s’occupera des moyens de multi ¬ plier les haras des bt es de somme et de celles à cornes, qui manquent dans la sénéchaussée de Montpellier. Et par ce même motif on demandera que pendant dix ans leur sortie dans l’étranger soit prohibée, ou du moins composée de gros droits. Art. 9. Que la sortie des bêtes à laine soit prohibée, sauf les 30,000 moutons que la France a accordés à l’Espagne, suivant le traité, ou que du moins cette sortie soit assujettie à de gros droits. Art. 10. On sollicitera l’exécution des lois qui favorisent la dépaiâsance des troupeaux, en faisant observer, cependant, les règlements et statuts municipaux qui préservent les possessions des communautés et des sujets, des dégâts que pourrait occasionner une dépaissance non surveillée. Art. 11. Que les garde-terres dans les communautés seront rétablis, et que leurs gages seront imposés dans le rôle de chaque communauté. Art. 12. Que vu la rareté du bois dans cette sénéchaussée, la plantation des forêts, la découverte et exploitation des mines de charbon de terre soient encouragées et récompensées. Art. 13. Que les communautés soient autorisées à remplacer les miliciens et les canonniers auxiliaires qu’elles sont tenues de fournir pour leur contingent, par d’autres hommes de bonne volonté; que le montant de cet impôt soit réparti sur toutes les impositions; Et que, dans les communautés de la sénéchaussée auxquelles la navigation est absolument étrangère, les matelots ou canonniers auxiliaires de la "marine soient supprimés. Art. 14. Que les agriculteurs, ménagers, laboureurs, ne puissent, pour le payement d’une lettre de change, être exécutés tout à la fois par l’emprisonnement de leur personne et par saisie réelle de leurs biens ; que le créancier ne puisse user concurremment que de la contrainte personnelle et de la saisie sur les fruits et denrées, et que dans le cas où il voudrait passer à la saisie réelle des biens de son débiteur, il soit obligé de lui laisser la liberté. Art. 15. Que, pour relever l’agriculture et donner à ceux qui s’v appliquent la considération qui est due à l’importance de cet art, le premier de tous par son utilité, les gros propriétaires fonciers qui exploitent ou font exploiter eux-mêmes leurs possessions seront compris dans la classe des notables bourgeois et seront placés par concours avec eux dans les conseils politiques et renforcés des villes et communautés. CHAPITRE X. Commerce. La plus grande partie des richesses de la nation portant sur des valeurs fictives, et l’impôt ne pouvant être acquitté qu’à l’aide du commerce, il est important de l’encourager, de lui accorder une liberté entière, et de le dégager de toutes les entraves qui peuvent lui nuire ou gêner sa marche. En conséquence, Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’ordonner : Art. 1er. Que tout privilège exclusif qui tendrait à concentrer l’industrie entre les mains de quelques individus sera supprimé, l’expérience ayant montré que ces sortes de concessions sont désavantageuses au commerce et à l’Etat, autant que contraires à l’équité. Art. 2. Que le commerce du Levant sera permis par le port de Cette, tant pour les expéditions que pour les retours, le privilège de Marseille à cet égard, dont le Languedoc n’a cessé de réclamer l’abolition, étant d’autant plus odieux que tous les draps pour le Levant se fabriquent en Languedoc, et que les retours que l’on tire des Echelles forment l’aliment nécessaire des fabriques de cette province. Art. 3. Que la liberté de transit ou entrepôt sera accordée au port de Cette afin de favoriser l’extension de ses relations avec l’étranger et la navigation nationale. Art. 4. Que les droits de traites perçus d’une province à l’autre seront supprimés, et qu’en conséquence toutes, les douanes soient renvoyées aux extrémités du royaume ; que la circulation ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén. 1789. Cahiers.] sera parfaitement libre dans l’intérieur, que la visite sera faite et les droits perçus avec la plus grande exactitude dans les quatre lieues frontières, afin de conserver à nos manufactures un avantage constant sur celles de l’étranger. Art. 5. Que les droits de fret perçus sur les navires génois qui viennent enlever nos vins seront supprimés comme nuisibles à l’exportation de cette denrée. Art. 6. Que les droits d’amirauté et ceux de sauvetage seront modérés et réduits. Art. 7. Que le traité de commerce récemment conclu avec l’Angleterre sera pris en considération par une commission que Sa Majesté est suppliée de nommer. Art. 8. Que les messageries dans tout le royaume seront supprimées comme gênant la liberté du public et du commerce, et dans le cas où cette suppression ne serait pas accordée, les députés solliciteront l’exemption particulière pour la province de Languedoc, qui a acquis à titre onéreux la liberté des transports dans tout le royaume. Art. 9. Que les poids et les mesures seront rendus uniformes dans toute l’étendue de la France. Art. 10. Que le commerce de Languedoc sera représenté dans le conseil du commerce par un député choisi parmi les négociants les plus expérimentés et nommé alternativement pour six années par les chambres de commerce de Toulouse et de Montpellier. Art. 11. Que la sortie des sels du royaume, et particulièrement de ceux de Pénact, sera entièrement permise, afin que nos navigateurs ne soient plus obligés de les prendre chez l’étranger et d’y porter un numéraire considérable qu’il serait utile et facile de conserver pour nous. Art, 12. Qu’il sera nommé des experts jurés pour vérifier les futailles et faire le veltage des eaux-de-vie, en enjoignant aux acheteurs de les recevoir sur leurs certificats, dès l’instant qu’elles leur seront remises, sauf à les faire vérifier le lendemain, selon l’usage, pour la force, la couleur et le goût. Art. 13. Que le privilège exclusif accordé à certains particuliers ou à des compagnies pour différents canaux qui existent en Languedoc sera supprimé, et qu’il sera permis aux communautés et à toutes personnes d’en construire dans les •lieux qui seront jugés convenables, sauf à indemniser, s’il y a lieu, les propriétaires des canaux actuellement existant relativement au produit et à la valeur de leur propriété. Art. 14. Que les diocèses et communautés seront reçus à rentrer dans la propriété des canaux qui y sont situés en indemnisant aussi les particuliers qui les possèdent actuellement. CHAPITRE XI. Manufactures. Art. 1er. Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’ordonner que la main-d’œuvre nationale sera protégée, que les nouveaux établissements et les fabriques naissantes seront encouragés. Art. 2. Que, pour assurer la préférence dans la consommation aux produits des fabriques nationales, les marchandises étrangères seront sujettes à des droits suffisants, et que le commerce de l’Inde, le plus préjudiciable à notre industrie, sera restreint dans de justes bornes. Art. 3. Qu’il sera défendu d’exporter à l’étranger les matières premières nécessaires à l’aliment de nos fabriques, ou du moins que ces ma-[Sén. de Montpellier.] 57 tières seront assujetties à de gros droits de sortie; que les peaux non tannées et non mégissées ne pourront plus sortir du royaume. Art. 4. Que l’importation des matières premières qui nous manquent sera affranchie de tous droits d’entrée, afin de favoriser nos fabriques et nos exploitations Art. 5. Que les lièges non ouvrés seront exempts de tous droits à l’entrée du royaume. Art. 6. Que les matières à demi ouvrées qui nous viendront de l’étranger seront imposées à un droit convenable pour maintenir notre main-d’œuvre ; que ce droit sera de 15 p. 0/0 sur les toiles de coton blanches ou écrues venant de l’Inde, et que l’entrée de celles venant de l’étranger sera prohibée.' Art. 7. Que les marchandises totalement ouvrées venant de l’étranger seront assujetties à des droits considérables, si nos fabriques n’en fournissent point assez pour nos besoins ou notre luxe ; qu’elles seront sévèrement prohibées lorsque nos fabriques seront reconnues nous suffire. Art. 8. 8a Majesté sera plus particulièrement suppliée d’ordonner la prohibition totale des toiles et mouchoirs peints ou teints venant de l’Inde ou de l’étranger, afin de favoriser nos filatures, teintures et fabriques en coton presque anéanties par cette concurrence et qui seraient suffisantes pour fournir aux besoins du royaume et forment un objet intéressant et majeur pour cette sénéchaussée. Art. 9. Que les inspecteurs, les plombs, marques et autres’droits dérivés du système réglementaire seront supprimés comme inutiles, vexa-toires et ne tendant qu’à gêner sans aucun fruit la liberté des fabriques. Art. 10. Que la liberté la plus absolue sera accordée aux fabriques , nationales, en obligeant chaque fabricant de mettre son nom et le lieu de son domicile aux deux bouts des pièces qu’il fabrique, afin d’établir sa responsabilité. Art. 11. Que Sa Majesté sera très-humblement suppliée de charger ses ambassadeurs près des cours de Portugal, d’Espagne et de Russie de solliciter une modération sur les droits actuellement perçus sur les bas de soie de Languedoc ; qu’ils soient réduits au môme droit de ceux fabriqués en Angleterre, afin de favoriser l’exportation de cet article intéressant pour toute la province et nous mettre en état de lutter contre l’industrie anglaise plus favorisée. CHAPITRE XII. Droits seigneuriaux. Art. 1er. Sa Majesté sera encore très-humblement suppliée d’ordonner que tous les péages, coupes, landes , minages et autres droits seigneuriaux de cette nature perçus sur les marchandises , blés , farines et autres denrées de première nécessité seront éteints et supprimés sauf le remboursement on l’indemnité aux seigneurs qui en justifieront la propriété par titres avec les intérêts du jour de la suppression ou à la charge par les communautés de remplir les engagements sous l’obligation desquels les droits avaient été originairement établis. Art. 2. Que toutes les banalités seront supprimées, sauf l’indemnité s’il y a lieu. Art. 3. Que lors de la rénovation des terriers des seigneurs, le censitaire 11e sera assujetti à aucun droit ; qu’il lui suffira de payer l’acte contenant sa reconnaissance, sans qu’il puisse en être exigé plus d’un pour tout ce que le recon- 58 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Montpellier.] naissant tiendra d’un même seigneur ; que les frais de cet acte seront modérés et invariables, et que le seigneur ne pourra exiger de nouvelle reconnaissance que tous les vingt ans, ou tous les dix ans, en cas de mutation. Art. 4. Qu’en cas de vente des seigneurs, les censitaires seront autorisés à exercer par droit de préférence le rachat de leurs censives et autres droits seigneuriaux les concernant relativement au prix de leur vente. Art. 5. Que les arrérages des droits seigneuriaux seront prescrits par cinq années. Art. 6. Qu’en révoquant ou interprétant la déclaration de 1709 et de l’édit de 1713 les seigneurs seront indemnisés de la privation des droits casuels en la forme de droit, indépendamment de l’indemnité accordée à raison de l’extinction de la censive. Art. 7. Que tous les droits établis par les seigneurs sur leurs vassaux ou censitaires dans des temps de guerre ou de trouble et pour des causes qui n’existent plus, seront supprimés. Art. 8. Qu’il plaise à Sa Majesté de régler d’une manière précise les honneurs qui pourront être dus aux seigneurs par les officiers municipaux, et de faire cesser, par un règlement fixe et invariable, les contestations de rang, de préséance, et des droits honorifiques entre les officiers de justice royaux e1t seigneuriaux, dans le cas où ceux-ci seront conservés, et les maires et consuls des villes et lieux, lesquels règlements seront enregistrés sans modification et exécutés selon leur forme et teneur, à peine de nullité des jugements donnés au contraire. CHAPITRE XIII. Demandes locales et particulières . Attendu le grand nombre des demandes locales contenues dans plusieurs cahiers des communautés, la plupart contradictoires entre elles, la sénéchaussée, dans l’impossibilité d’en juger le mérite, a cru ne pouvoir mieux faire que de recommander les demandes particulières au zèle et i à la sagacité de ses députés aux Etats généraux, j qui seront chargés de tous les cahiers des do-) léances, et auxquels les communautés pourront i remettre et adresser les mémoires et instructions l qu’elles jugeront convenable, leur recommandant ' expressément de supplier Sa Majesté de prendre , en considération le dépeuplement total des communautés de cette sénéchaussée riveraines des étangs et de vouloir bien affecter un fonds annuel pour le dessèchement des marais ou autres ouvrages nécessaires pour la salubrité de l’air. Signé : Vimont, Ribot, Coste, Ricome, Recouly. Claparède , Bourgoing, Hérand, Servières , Deshons, Granier, Rerives, Bourbonnaux, Crouzet, Dalgue, Baumelle, Albisson, Vaquier, Desvantes, de Bous-sages, Rouch, Granier, Roussel, Campel, J. Co-: trat, J. Carquet, Jac, Cambon fils aîné; Rousse-\ lier , Raffindu , Crouzet , Bédaride , Aguiel , \ P. Soulier, Clavière, Ànglas, Gras, Thomas, Grand, ) Lainé, Attut fils aîné, Buguière, Vermy, Gautier | et Redier, tous commissaires rédacteurs. \ Collationné : | Signé VlDAL, greffier .