SÉNÉCHAUSSÉE DU BOULONNAIS. CAHIER Des remontrances , plaintes et doléances que le clergé de la sénéchaussée du Boulonnais fait à Sa Majesté, , et qui sera présenté par son député aux Etats généraux qui. doivent se tenir à Versailles le 27 avril 1789 (1). Sire, L’ordre du clergé de la sénéchaussée du Boulonnais, s’empressant de donner à Votre Majesté une preuve de son très-respectueux dévouement à sa personne sacrée et du désir sincère qu’il a de contribuer à la liquidation des dettes de l’Etat, comme au soulagement du peuple a, unanimement délibéré, dès sa première séance, d’envoyer des députés aux deux autres ordres pour leur manifester son consentement à ce que ses biens soient imposés dans la même proportion que ceux des deux autres ordres, tant que les Etats généraux estimeront que devront durer les subsides par eux consentis, pour parvenir à l’extinction de la dette actuelle de l’Etat. Il a eu la satisfaction de voir qu’en conséquence de sa députation l’ordre de la noblesse a fait une délibération entièrement semblable à la sienne. Luxe. Vivement affligé de la cause du déficit énorme que l’assemblée des notables a reconnu dans les finances de l’Etat, nous croyons devoir mettre à la tête des objets de nos doléances le luxe, qu’on peut nommer à juste titre le vice dominant de notre siècle, qui ose s’en glorifier et le vanter comme une belle vertu, quoiqu’il soit, ainsi que s’exprime l’illustre archevêque de Cambrai, M. de Fénelon, la perte des mœurs et l’opprobre de notre nation. Il en bannit la solide gloire d’une vie honnête, frugale, occupée d’objets utiles à la religion, à la société, à la patrie ; il y substitue la sotte estime des frivolités méprisables, des superfluités dangereuses, des excès funestes ; il y met en honneur l’amour honteux des raffinements de commodités, de sensualité, de volupté, qui affaiblissent, énervent, rendent mous, lâches, efféminés, les corps, les esprits, les cœurs. Il y détruit la véritable noblesse de sentiments, la vraie grandeur d’âm'e qui consiste à se vaincre soi-même par la force qu’on a de se soumettre, malgré les répugnances de la nature, le respect humain à la loi divine, et l’odieuse tyrannie des folies passions à l'aimable empire de la saine raison ; il y fait méconnaître le sage et utile milieu que gardent la libéralité et la magnificence, aux-uelles il subroge la prodigalité et la somptuosité ont les folles et ruineuses profusions n’ont pour but que la montre et l’ostentation. Quel mal y fait-il encore, ou plutôt quel mal n’y fait-il pas? Il est le germe, l’amorce et l’aliment d’une infinité de désordres ; il est cause que chacun \ou-lant briller et s’élever au-dessus de sa condition et ne pouvant y réussir par des moyens légitimes, (1) Nous publions ce cahier d’après ua manuscrit des Archives de l’Empire. tant de personnes ont recours à des voies criminelles, à des usures, à des rapines, à des concussions, à toutes sortes d’injustiœs ; que tant de femmes mondaines, oubliant que la pudeur et la modestiesont leplusbel ornement de leur sexe, mettent leur gloire dans levain étalage de leur parure, dont l’affectation superbe montre la petitesse de leur esprit, qui se repaît follement d’un éclat étranger à leur âme, à leur corps, et tiré en grande partie des dépouilles de vils animaux.; que tant de familles opulentes ou aisées s'appauvrissent par des dépenses fort supérieures à leurs revenus ; que tant de ménages indigents se désolent dans l’accablement de leur misère qui n’est pas soulagée ; que tant de campagnes sont dépeuplées de cultivateurs nécessaires et tant de villes remplies de bouches inutiles, et de ventres ennemis du travail ; que tant de professions oùl’on voit naître l’ambition et la cupidité, semblent avoir pour mère cette sangsue symbolique, dont, suivant le texte sacré, les deux filles disent toujours : Apporte, apporte, et sont aussi frauduleuses et injustes qu’avides et insatiables. Nous supplions donc Votre Majesté, et la conjurons de remédier à de si grands maux pat les moyens les plus propres à en tarir la funeste source et le damnable cours : parle retranchement ou du moins par la diminution notable des objets qui ne servent qu’à nourrir et entretenir le luxe et l’im-fâme luxure, dont il est le père maudit de Dieu et de toutes les âmes honnêtes. C’est donc sur ces sortes d’objets qu’il est fort important de faire tomber une partie considérable des subsides, DES SCANDALES PUBLICS. De la sanctification des dimanches et fêtes. Le clergé du Boulonnais remontre à Sa Majesté que ce n’est point seulement dans la capitale, mais dans toutes les villes du royaume qu’on a la douleur de voir publiquement les jours de dimanches et de fêtes profanés par les travaux des ouvriers. Un de ses ministres (M. Necker� a témoigné hautement dans un ouvrage public combien il était surpris et scandalisé de voir travailler le dimanche à un nouveau pont qui se construisait sur la Seine, comme si un ouvrage de simple commodité était tellement pressé que toutes les lois dussent être dédaignées pour en hâter l'exécution. Ce sont ses expressions. Le clergé de Boulogne a peut-être plus que tous autres à gémir des travaux continuels qui se font sur le port de cette ville dans les saints jours, et de la nécessité où sont quantité d’ouvriers de manquer presque jusqu’à la messe, pour servir les bateaux anglais qui viennent chercher de l’eau-de-vie dans le port. Rien ne paraît devoir excuser la multitude et la perpétuité de semblables contraventions, surtout depuis la suppression d’un bon nombre de fêtes.’ Le clergé du Boulonnais ne demande point à cet égard de nouvelles lois; il ne s’agirait que de tenir la main à l’exécution de celles qui existent 416 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boutonnais. J et d’exciter le zèle et la vigilance des officiers de police sur cet important objet. Il supplie donc Sa Majesté de faire donner les ordres les plus formels, afin que la loi de la sanctification des dimanches et fêtes soit inviolablement observée et singulièrement en ce qui concerne la cessation de tout travail, même public et pour le gouvernement, hors le cas d’une nécessité urgente et indispensable, attendu que les ouvriers ne s’autorisent que trop souvent des exemples des travaux publics pour vaquer à leurs travaux particuliers. Des concubinages. Remontre que rien n’est plus contraire à l’esprit de la religion et au bien de la société que les adultères et concubinages publics. On ose pourtant avancer qu’ils ne sont malheureusement que trop fréquents. Des pasteurs sont réduits à gémir en secret sur l’inutilité de leurs démarches et de leurs exhortations pour arrêter ces sortes de scandales. Il est surprenant que les gens du Roi, avertis de ces unions illégitimes et criminelles, ne prennent point,de mesures pour les faire cesser; il serait fort a désirer qu’il fût rendu une ordonnance et qu’on tînt rigoureusement la main à son exécution pour proscrire ces sortes de scandales intolérables, quelles que soient les personnes qui les donnent, mais tout autrement frappants quand il s’agit de parents et parentes dans les degrés prohibés, ce qui n’est malheureusement que trop commun . De la liberté de la presse. Remontre que, quel que soit le motif qui, dans ces jours d’agitation et de trouble, fait réclamer la liberté de la presse, il est de toute évidence que le gouvernement, loin de l’autoriser indéfiniment, devrait y mettre les plus grandes entraves. La quantité de mauvais livres contre la religion et les mœurs dont la France est inondée demande qu’il y soit incessamment pourvu. L’autorité du Roi n’y est pas moins intéressée que celle de l’Eglise et de la religion, puisqu’on n’a pas craint d’annoncer au peuple le dogme aussi faux que destructeur de l’indépendance de toute puissance. L’essai qu’on fait dans le moment actuel de cette malheureuse liberté de la presse montre les horreurs qu’elle est capable de produire, et confirme de plus en plus l’absolue nécessité d’en réprimer les excès. Il est donc de la sagesse de Sa Majesté de renouveler les ordonnances et édits de 1547 et 1551, déjà rendus sur cette matière, et surtout de tenir la main à leur exécution, ou au moins d’ordonner que les ouvrages imprimés soient souscrits du nom de l’auteur et toujours, au moins, du nom de l’imprimeur, qui, pour lors, deviendra responsable de ce qui pourrait être inséré contre la religion, les mœurs et le gouvernement. Jugements ecclésiastiques. Remontre que, quoiqu’il soit de là dernière importance d’écarter de la discipline ecclésiastique tout ce qui peut sentir le despotisme et l’arbitraire, il n’est pas moins d’une conséquence infinie de ne mettre point d’entraves à son exercice lorsque la gloire de Dieu, le salut des âmes, l’édification publique, la cessation des scandales, exigent que les sentences des juges d’Eglise soient promptement exécutées. * Le cas qui donne lieu à cette observation, pour n’être pas commun, est néanmoins dans l’ordre des choses possibles. Ainsi, pour en citer un exemple, s’il arrivait qu’un bénéficier, et ce qui serait bien pis, qu’un pasteur donnât fréquemment des preuves publiques d’ivresse ou s’oubliât au point de se livrer au libertinage, ne serait-il pas évident qu’il ne pourrait continuer ses fonctions sans un scandale affreux et sans un péril évident et perversion des âmes confiées à ses soins? Il serait donc à désirer qu’il intervînt une loi qui autorisât, en pareil cas, les juges d’Eglise, après information juridique suivant l’ordonnance, à prononcer sans difficulté la destitution du coupable. Le clergé du Boulonnais, en formant ce vœu, demande que l’official soit tenu de se faire assister, pour le jugement du procès, par six curés. Si le coupable était bénéficier à charge d’âmes, six assesseurs auraient voix délibérative et ne seraient tenus d’être gradués. L’appel au supérieur ecclésiastique ne pourrait être que dévolutif et non suspensif. Des appels comme d'abus. Remontre que les appels comme d’abus sont devenus trop fréquents au préjudice de la juridiction ecclésiastique et du bon ordre; que s’ils n’avaient lieu que lorsque les juges d’Eglise prononceraient en leurs jugements directement contre les ordonnances, qui est le seul cas où Charles IX et Henri III veulent, par l’article 59 de l’ordonnance de Blois, qu’ils soient admis, ils seraient plus rares, et que personne n’aurait lieu de s’en plaindre, pourvu que les cours souveraines s’astreignissent à certaines règles : 1° Que les appels comme d’abus ne fussent admis qu’au cas d’une entreprise manifeste sur la juridiction royale, et d’une évidente contravention aux ordonnances du Roi ; 2° Que tout appel interjeté en matière de discipline, quand il s’agit de délit ou crime (qui n’est point cas privilégié), ne peut être que dévolutif au supérieur ecclésiastique, non suspensif, sans quoi il en résulterait, ainsi qu’il arrive ordinairement, l’impunité des crimes jet la propagation des scandales ; 3° Que l’abus dont on se plaint soit toujours spécifié dans le relief d’appel et dans l’arrêt .à intervenir, de sorte que, sans renvoi à un autre juge, celui dont est appel puisse réparer sa contravention ou son omission, ce qui ne devrait pas souffrir de difficulté, quand il ne s’agit que a’abus peu importants. On ajoute que si ce juge ecclésiastique était consulté sur ce motif de la sentence, les cours souveraines lui rendraient vraisemblablement justice, et n’accueilleraient point si souvent les appels comme d’abus, ce qui donne toujours un air de triomphe au coupable et diminue les égards qui sont dus au juge. Monitoires. Remontre que les assemblées du clergé, notamment celle de 1775, ont fait des remontrances à Sa Majesté sur les grands inconvénients de la jurisprudence qu’on suit en France pour l’obtention des monitoires, sans que les promesses qu’elle leur a faites aient eu aucun effet ; c’est cependant un objet de la plus grande importance, c’est une maxime constante qu’il n’appartient qu’aux dépositaires de la puissance spirituelle de décerner des monitoires et de fulminer les censures. Les rois prédécesseurs de Sa Majesté, en autorisant les juges et les magistrats à permettre aux parties de se retirer devant les supérieurs ecclésiastiques pour les obtenir, n’ont point eu intention qu’ils accordassent ces permissions pour des délits légers et de peu de conséquence ; aux termes de l’ordonnance d’Orléans, une semblable permis- [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéehaussée du Boulonnais.] 417 sion ne peut être accordée que pour des crimes graves et scandales publics ; cependant il arrive tous les jours que les juges inférieurs et subalternes autorisent la voie extraordinaire des mo-nitoires pour chose de nulle importance, et ce ui est pis encore, ils prétendent que le ministère u juge d’église devient alors forcé et nécessaire, comme si le glaive de l’excommunication ne reposait dans la main des premiers pasteurs que pour frapper arbitrairement, en exécution de la sentence d’un juge de village. C’est un abus contre lequel le clergé du Boulonnais croit devoir réclamer la justice et la religion du Roi, et le supplier de donner une loi qui restreigne l’usage au cas de crimes d’Etat, ou autres cas vraiment graves au plus, mais en laissant toujours à l’official la liberté de la refuser sans qu’il puisse être pris à partie. Remontre que l’importance des fonctions pastorales, et la considération due au ministère saint et utile des curés, demandent que Sa Majesté s’occupe des moyens les plus prompts et les plus efficaces d’améliorer leur sort. Les efforts des dernières assemblées du clergé pour l’augmentation de la portion congrue sont devenus insuffisants à raison de la cherté des denrées et du prix excessif des objets de première nécessité ; parmi ceux-mêmes qui jouissent de toute la dîme de leurs paroisses, il en est dont le revenu est encore inférieur à la portion congrue actuelle, et la plupart des curés de ville n’ont pour subsister qu’un casuel précaire, qu’ils se reprocheraient de tirer des familles pauvres et que l’économie des familles aisées réduit et diminue chaque jour ; il est donc de la justice et de la bonté du Roi de pourvoir aux besoins des uns et des autres. La voie la moins onéreuse pour les décimateurs et quantité d’établissements utiles qu’une nouvelle augmentation ne peut que surcharger et appauvrir, comme aussi la plus avantageuse pour fournir aux curés des secours plus efficaces et plus abondants, serait sans doute celle des réductions, suppressions et unions de bénéfices et d’établissements moins utiles. Mais ces opérations, toujours lentes et embarrassées, n’offriraient aux pasteurs chargés du poids du ministère que des secours tardifs et éloignés. Sa Majesté est donc suppliée, d’une part, afin de faciliter aux évêques l’exécution de ces suppressions et unions de bénéfices, de simplifier les formalités prescrites et d’en diminuer les frais conformément aux vœux de l’assemblée du clergé de 1780, et de l’autre de prendre les mesures les plus promptes pour fournir, dès à présent, à ces bons et utiles pasteurs une subsistance honnête, d’ordonner en conséquence qu’il soit pourvu d’une manière convenable et sans retard à la dotation des cures de ville et de celles qui, ayant toutes les dîmes de leurs paroisses, n’auraient pas la portion congrue, et que si les moyens qu’on choisira ne peuvent avoir leur exécution que par succession de temps, on en prenne pour leur fournir par intérim une subsistance honnête ; qu’à l’égard des curés de la campagne les portions congrues soient augmentées, et que cette augmentation soit fournie par les décimateurs jusqu’à ce qu’elle soit fournie par les unions demandées et auxquelles il serait procédé de suite ; cette surcharge, n’étant ainsi que momentanée pour les décimateurs, leur paraîtrait moins lourde à supporter. Ces unions auraient encore l’avantage de procurer des fonds pour subvenir aux besoins des prêtres et des pasteurs âgés ou infirmes qui, après avoir consacré leurs travaux et leur vie à l’église, ont bien droit ire Sérié, T. II. d’attendre de la charité des secours devenus nécessaires dans leur vieillesse et leurs infirmités. 11 serait à souhaiter aussi qu’on trouve le moyen d’assurer aux curés le même sort dans tous ' les temps et que leur portion congrue fût de nature à être suceptible d’un accroissement progressif, proportionné à l’augmentation du prix des denrées, afin de prévenir toutes demandes nouvelles aussi désagréables et mortifiantes pour ceux qui sont obligés de les faire, qu’importunes et inquiétantes pour ceux à qui elles s’adressent. Le moyen qui paraîtrait le plus simple et que Sa Majesté est suppliée de peser dans la sagesse de ses conseils, serait d’assigner pour portion congrue, soit une certaine quantité de gerbes, soit un canton fixe de dîmes proportionné à l’évaluation do», la portion congrue. Ce moyen serait praticable dans nombre de paroisses de la province ; dans ce cas les paroissiens devraient être tenus de fournir aux curés des granges et écuries pour leur donner la facilité de faire valoir leurs dîmes par eux-mêmes et plus encore d’avoir un cheval dont plusieurs d’entre eux auraient soin à raison de l’obligation qu’ils ont de pourvoir à la desserte de deux églises attachées à leur cure. Remontre qu’une partie des raisons qui militent en faveur des curés sollicitent aussi en faveur des vicaires, leurs coopérateurs. Qu’il convient donc aussi d’augmenter le sort de ceux dont l’établissement aura été ou sera jugé nécessaire par les évêques des lieux, sans toutefois le porter à la moitié de la portion congrue qui serait fixée pour les curés comme n’ayant point à beaucoup près les mêmes charges ; qu’il conviendrait également que cette pension des vicaires fût payée par tous les décimateurs au prorata du revenu de leurs dîmes, soit anciennes, soit nouvelles, à l’exception néanmoins des curés à portion congrue qui n’entreraient pour rien dans le payement de leurs vicaires. Des réguliers. Remontre qu’il croit devoir réclamer : « la pro-« tection de Sa Majesté pour ceux de ses sujets « qui, animés du désir sincère de la perfection, « se consacrent à Dieu par des voeux solennels « de religion et qui, en renonçant ainsi aux em-« plois de la société civile, ne cessent pas de lui « rendre les services les plus importants par a l’exemple de leurs vertus, la ferveur de leurs « prières et les travaux du ministère auquel l’E-« glise les a associés. » ( Préambule de l’édit de 1768). Le feu Roi, auguste aïeul de Sa Majesté, a, par son édit de mars 1768, fixé l’âge où on pourrait s’engager. pour la profession religieuse à vingt et un ans; il ne l’a fait que par forme d’épreuve, dans le désir de fournir des religieux fervents aux monastères, en prévenant les dangers d’un engagement prématuré, se réservant, après le terme de dix années, d’expliquer de nouveau ses intentions là-dessus. Le clergé du Boulonnais demande que Sa Majesté remette la profession religieuse à l’âge réglé par le saint concile de Trente, et il se flatte avec d’autant plus de fondement cie l’obtenir, qu’une épreuve de vingt années montre que la fixation actuelle n’a point augmenté la ferveur des cloîtres en a même diminué la régularité en diminuant le nombre des religieux, et tend à les dépeupler entièrement; il demande encore la réforme canonique pour ceux des ordres religieux auxquels elle serait nécessaire comme le moyeq efficace de rendre aux monastères leur première ferveur. 27 418 [Etats gén. 1789. Cahiers.]' ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais] • Le clergé du Boulonnais supplie Sa Majesté de se faire représenter les remontrances que les assemblées du clergé lui ont adressées à cet égard. ' Conseil de conscience. Remontre que rien n’intéresse plus la religion que la distribution des dignités ecclésiastiques et surtout le choix des premiers pasteurs de l’Eglise. Ces objets sont liés étroitement au bonheur des peuples, non-seulement par le rapport intime qu’ils ont avec le salut des âmes, mais encore parce que, comme le disait un: des augustes aïeux de Sa Majesté, « un roi de France soulagerait moins la classe malheureuse de ses sujets par la plus grande diminution possible des impôts publics que par son attention à mettre à la tête des biens ecclésiastiques des hommes vertueux et respectables » [Vie du duc de Bourgogne). Si le clergé du Boulonnais ne craignait de passer les bornes d’une liberté respectueuse, il proposerait 'à Sa Majesté : 1° d’établir un conseil composé d’ecclésiastiques d’une probité reconuue, et particulièrement de quelques-uns des supérieurs des principaux séminaires de Paris, qui aideraient le digne prélat qu’elle a honoré de sa confiance dans les fonctions délicates qu’elle lui a contiées et dont les recherches et les lumières réunies lui épargneraient les surprises que l’ambition et la cupidité ont peut-être faites à la religion. La vertueuse reine, Anne d’Autriche, en donna un exemple sous la minorité de Louis XIV, en établissant un conseil de conscience à la tête duquel était le célèbre saint Vincent de Paul. L’établissement des conseils de la guerre et de la marine semble donner un préjugé favorable des dispositions de Sa Majesté pour un projet plus digne encore d’occuper sa sagesse. 2° De ne mettre à la tête des diocèses que des hommes distingués par leurs vertus et leurs talents, et qui aient appris dans les fonctions du saint ministère à gouverner et à devenir les modèles de leurs troupeaux. 3° De prendre en considération, dans la distribution des grâces ecclésiastiques, les fidèles ministres qui, occupés du soin de leurs troupeaux, sont d’autant plus dignes de la bienfaisance de Sa Majesté qu’ils sont moins dans le cas de la solliciter. Une part dans ces bienfaits serait une récompense de leurs services, un encouragement pour leur zèle et un moyen de contribuer au soulagement des pauvres. Ecclésiastiques attachés à la cour . Remontre que le nombre des ecclésiastiques attachés à la cour et les privilèges dont ils jouissent, à cause dejeurs places, demandent que Sa Majesté daigne "s’occuper des réformes qu’il y aurait à faire dans ces places. Il en est qui ne paraissent pas fort utiles, quelques-unes môme, qui à peine peut-être ont un objet. La multiplicité de ces places ne sert qu’à tirer des titulaires de leur prébendes, et à appauvrir d’une manière sensible des chapitres peu nombreux. Cette considération est d’autant plus forte, qu’il y a déjà bien d’autres privilégiés. Le service de Sa Majesté dans les cours souveraines, les études, Renseignement de la théologie sont des titres légitimes de non-résidence. Sa Majesté ne pourrait-elle pas trouver dans les saintes chapelles et dans les chapitres royaux, de quoi desservir sa chapelle et celle de son auguste famille, en simplifiant le service et en appelant, par quartier ou par semestre, le nombre d’ecclésiastiques qui lui serait nécessaire sans nuire à l’office divin dans les églises? Le trésor royal y 'gagnerait, et les chapitres ne verraient pas leurs prébendes au fond sans titulaires, n’auraient pas des membres qui leur sont inconnus, et qui, en rendant souvent très-peu de services à la cour, sont dispensés d’en rendre aucuns , dans les églises dont ils partagent les revenus. Aumôniers des régiments. Remontre qu’on ne peut qu’être vivement touché des ravages que l’ignorance de la religion, la corruption des mœurs, la fureur des duels font dans les régiments et dans les garnisons qu’ils habitent ; que le clergé ne cherche point à se dissimuler qu’une partie de ces désordres peut être l’effet de l’inconduite et de l’insouciance de quelques-uns de ses ministres, et que s’il est parmi les aumôniers des régiments des hommes respectables par leur zèle et la piété qu’ils conservent au milieu des armes, il peut s’y trouver des mercenaires qui ne prennent aucun soin de leur troupeau et même dont les discours et les exemples entretiennent la corruption dans ceux qui sont confiés à leurs soins. Le clergé doit devoir supplier Sa Majesté de prendre en considération un objet qui intéresse si directement les mœurs publiques, la discipline militaire, la conservation des soldats et le salut de ces braves guerriers, dont plusieurs serviraient Dieu avec autant de courage et de fidélité qu’ils servent leur prince s’ils étaient bien conduits; et pour cela de tenir la main à ce qu’on ne prenne pour aumôniers des régiments que des hommes sages, vertueux, capables de vaincre les obstacles que la licence des armes oppose au zèle le plus actif, le plus grand et le plus vigilant, et qu’ils fussent formés à ce genre de ministère avant d’y entrer. Gradués. , Remontre que sans vouloir porter aucune atteinte aux privilèges des universités, il croit devoir demander qu’on ne prodigue pas si facilement les titres et les privilèges des gradués ; que ce titre soit la preuve du mérite et des talents, et qu’on ne le donne qu’à ceux qui, outre le degré de maître ès-arts ; auront subi, à la fin de chaque année de leur cours de théologie, un examen véritablement rigoureux, par-devant l’un des professeurs dont ils auront reçu les leçons et dont ils rapporteront attestation de leur assiduité aux leçons, et de leur capacité reconnue dans lesdits examens. La même précaution est également nécessaire relativement aux étudiants en droit et en médecine. Maîtres d’école. Remontre que l’état actuel des maîtres d’école faisant la fonction de clercs dans les paroisses offre des inconvénients très-graves. Le premier est que la modicité de leur place empêche le choix des sujets. Ces places ont été fixées à 150 livres par les déclarations de 1698 et de 1724, mais on sent que cette somme n’est plus actuellement ce qu’elle était à ces époques. Le deuxième est que, contre le bien des mœurs et la teneur de plusieurs règlements, il n’y a souvent qu’une même école pour les enfants des deux sexes. Il faut ajouter que plusieurs personnes s’ingèrent dans l’éducation de la jeunesse sans avoir préalablement obtenu aucune approbation, ce qui, dans un temps où les bons principes sont généralement mis en oubli, ne peut être que très-préjudiciable [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 419 aux mœurs publiques. Pour remédier à ces inconvénients,, le clergé du Boulonnais ose supplier Sa Majesté avec toute l'énergie du zèle le plus pur pour l’instruction des enfants, pour le bon ordre et la tranquillité des paroisses, le bien de la religion et des mœurs, qu’elle ordonne : 1° Qu’au moins dans les grandes paroisses, les honoraires des maîtres d’école seront portés à 300 livres et ceux des maîtresses à 200 livres; 2° Qu’il sera établi des écoles distinctes pour les enfants des deux sexes ; 3° Que nul ne pourra, sans avoir obtenu approbation, tenir l’école ou pension, pour l’éducation de la jeunesse ; 4° Que les sommes nécessaires pour le payement des maîtres et maîtresses seront imposées sur tous les habitants, aux termes de la déclaration de 1698; les heureux effets d’une bonne éducation rendront le sacrifice bien léger. Conciles provinciaux. Pour prévoir tous les cas possibles, s’il arrivait que l’ordre ecclésiastique assemblé aux Etats généraux renonçât pour toujours à l’immunité de ses biens, comme il serait à craindre que les assemblées du clergé de France ne devinssent plus rares, le clergé du Boulonnais supplie Sa Majesté de permettre la tenue périodique des conciles provinciaux dont la cessation est sans contredit une des plaies les plus profondes faites à la discipline de l’Eglise gallicane. La conduite de tous les hommes d’cglise, l’administration des premiers pasteurs, leur personne même étant soumise aux jugements de ces saintes assemblées, leur tenue régulière ne pourrait que faire revivre. les temps apostoliques. L’union si désirable entre les deux ordres du clergé s’affermirait, l’exécution des canons touchant la résidence, l’emploi des biens de l’Eglise et autres chefs importants de police ecclésiastique seraient maintenus. Le Roi venant en vue du bien de certaines provinces, de permettre leurs formations en pays d’Etats, daignera sans doute accueillir favorablement la demande du clergé du Boulonnais pour le rétablissement des conciles provinciaux, qui produiront un bien d’une toute autre importance que celui qu’on attend de la nouvelle constitution de ces provinces. N’est-ce pas une vraie justice de se plaindre qu’il n’y a pas autant de régularité qu’il serait à désirer dans le clergé, tandis qu’on lui refuse, malgré ses instances continuellemenlréité-rées, la tenue des conciles provinciaux, quoique ce soit le meilleur moyen de la rétablir ? Redressement des griefs. Remontre avec la plus respectueuse soumission, et avec une juste confiance en la bonté d’un prince qui veut bien que ses sujets lui ouvrent leur cœur et portent aux pieds du trône toutes leurs doléances, que le clergé a dans différents temps formé des plaintes sur des objets qui concernaient le bien de la religion, la juridiction ecclésiastique et les intérêts du clergé ; que quel-quesfois ces plaintes n’ont point eu de réponse, d’autres fois, après avoir eu de Sa Majesté une réponse favorable, ces plaintes n’en sont pas moins restées sans effet. Que notamment la dernière assemblée a fait sans aucun fruit, sur l’édit des non catholiques, des observations qui intéressaient de la manière la plus directe la religion et ses ministres ; qu’il est de l’équité et de la justice de Sa Majesté de faire droit aux demandes et aux griefs du clergé, comme aussi à ceux des deux autres ordres, avant la séparation des Etats généraux et de ne pas permettre qu’on affaiblisse la confiance due à sa parole royale en laissant ses promesses sans exécution. Le clergé de la province adhère aux remontrances de ladite assemblée de 1788 sur l’édit, des non catholiques et il demande, en outre, que tous les non catholiques qui voudront jouir de la tolérance civile soient tenus de se faire inscrire, sous le délai d’un an, au greffe du bailliage où ils résideront. Cette précaution est nécessaire pour empêcher que des catholiques, aveuglés par la possession, n’abandonnent la religion dans laquelle ils ont eu le bonheur de naître, et elle doit entrer dans les vues d’une saine politique, puisqu’elle fournit au gouvernement un moyen de prévenir et de réprimer plus aisément les excès dont l’épreuve du passé montre la possibilité pour l’avenir. Droits de patronage attachés aux fiefs des non catholiques. Remontre que dans l’édit des non catholiques il n’a été rien statué sur l’exercice du droit de patronage attaché aux fiefs qu’ils peuvent posséder; que le Parlement a prié le Roi de s’expliquer là-dessus et que la dernière assemblée du clergé en a fait un objet de remontrances. 11 est nécessaire que Sa Majesté fasse une loi qui remette entre les mains de l’ordinaire la nomination de ces bénéfices, jusqu’à ce que le patronage puisse être exercé par un catholique. Ce serait blesser la religion d’une manière sensible que de laisser le choix de ses ministres à des hommes qui ne la suivent pas, qui ignorent ou qui ne peuvent pas apprécier les obligations du saint ministère, et qui au moins sont indifférents à ce qui l’intéresse le plus. Le droit de patronage n’a pu être attaché à des fiefs que parce qu’on a supposé dans ceux qui les posséderaient rattachement à la religion catholique et le désir sincère de pourvoir les églises cle bons ministres. La demande du clergé doit paraître d’autant plus juste que, avant la révocation de l’édit de Nantes, la jurisprudence des tribunaux y était conforme. Constructions. Remontre que le clergé ne peut faire de constructions et reconstructions sans payer le droit d’amortissement; que ce droit ne devrait pas être perçu dans ces cas et qu’il est sans fondement, puisque ces bâtisses ne tirent aucun bien du commerce de la société civile, et qu’elles sont déjà assez dispendieuses pour ceux qui les font faire, sans en exiger encore des droits onéreux ; qu’en outre le clergé est tenu, préalablement à toute construction et reconstruction, d’en envoyer les plans et devis à l'intendant et d’en passer les premiers baux à l’enchère par-devant les-subdélégués : que cet assujettissement est une entrave mise à la propriété, qu’il peut souvent tirer de leur destination des maisons appartenant aux chapitres, et principalement destinées à des chanoines, et que comme les droits d’amortissement se payent sur cette première location, des étrangers peuvent, en les poussant au delà de leur valeur, à cause du besoin qu’ils en ont, non-seulement les leur enlever, mais encore exposer les chapitres à payer un droit excessif. De la convocation des États généraux . Remontre sur la convocation des Etats généraux, qu’un juste sujet d’inquiétude pour tout homme attaché aux intérêts et à l’honneur de l’Eglise est la possibilité qu’en suivant cette forme de [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais. convocation il sé trouve très-peu d’évêques aux Etats généraux. 1° Par rapport aux Evêques. Les évêques sont les 'seuls juges de la foi, matière qu’on a quelquefois traitée dans les Etats généraux, les admimstrateurs-nés dans leurs diocèses, les principaux juges de leurs besoins, de ce qui peut leur être utile, des abus qui y régnent, des moyens d’y remédier. Eux seuls embrassent l’ensemble, et rien de ce qui peut concerner l’état de leurs diocèses, les titres, les biens, la discipline, ne leur�est étranger ; en eux résidé la juridiction ecclésiastique et rien ne peut se faire sans leur influence. Si le corps des évêques n’est pas suffisamment représenté aux Etats généraux, les évêques pourront se refuser à toutes les opérations qui demanderont le concours de leur autorité et dont le plan aura été arrêté sans eux. Les canons de l’Eglise permettraient-ils même, dans ce cas, au clergé qui se trouverait aux Etats généraux, de consentir à aucun don et à aucun sacrifice ; enfin il serait inouï et affligeant pour le clergé que cet ordre aux Etats généraux se trouvât dépourvu de ceux que Dieu lui-même a établis ses chefs et les premiers pasteurs de l’Eglise. Le clergé croit donc qu’il est de l’honneur dû au caractère épiscopal et du bien du clergé que les évêques paraissent en grand nombre aux Etats généraux, sans cependant ôter au clergé du second ordre une représentation suffisante, et sans en exclure même les religieux qui font un corps considérable dans l’Eglise et qui peuvent craindre avec fondement de ne point avoir de représentants à l’Assemblée nationale. 2° Par rapport aux dignitaires. Remontre que les dignitaires de l’église cathédrale n’ont pu se faire admettre en vertu de leurs dignités à l’assemblée des trois ordres de la province, que leur droit est cependant incontestable, 'chaque dignité étant un bénéfice distinct, pour le titre, les droits, les revenus, tant des prébendes que des autres dignités. On peut posséder une dignité sans prébende, comme cela se voit assez fréquemment; les dignitaires ne sont point alors appelés à la discussion des intérêts des chanoines, comme ceux-ci ne se mêlent point de la gestion des revenus attachés aux dignités. On peut se démettre de la dignité en conservant la prébende, et vice versa. Pour être chanoine et dignitaire en même temps il faut double provision et double prise de possession. Les dignités sont sujettes à l’impétration et à la résignation. En un mot, elles ont tous les caractères de vrais bénéfices séparés. La possession d’une prébende avec une dignité est accidentelle à celle-ci, elle n’en change point la nature, elle n’en altère point les droits, et un dignitaire qui est chanoine n’en a pas moins à l’assemblée des trois ordres qu’un abbé ou prieur qui le serait. Ce n’a donc pu être que par un défaut de connaissance sur la nature des dignités, u’on a refusé à ceux qui les possédaient un roit, dont d’ailleurs le règlement ne les privait pas, et ils ont lieu d’attendre de la justice de Sa Majesté qu’elle voudra bien manifester clairement ses intentions et qu’elle ne laissera pas exclure de l’assemblée des trois ordres de la province les premiers titulaires du diocèse. 3° Par rapport aux chapitres. Remontre que les chapitres ont lieu de se plaindre de ce que le règlement pour ladite convocation des Etats généraux, appelant tous les bénéficiers à l’assemblée des trois ordres de la province, leur permettant de constituer procureur en leurs noms, dormant droit à tout ecclésiastique dans les -ordres sacrés, domiciliés dans les campagnes, de se présenter à ladite assemblée, le même règlement restreint les chapitres à envoyer un député sur dix chanoines; chaque prébende est un bénéfice, un véritable -titre distinct et dont les-revenus même, dans plusieurs chapitres, sont pour la plus grande partie séparés de ceux des autres prébendes; chaque chanoine ne doit donc pas avoir moins de droit à l’assemblée des trois ordres ni moins d’influence sur les affaires qui y sont traitées que tout autre bénéficier, et à plus forte raison que de simples ecclésiastiques, qui peuvent n’avoir ni bénéfice ni patrimoine. La restriction mise par rapport aux chapitres est d’autant plus frappante que la contribution de chaque chanoine aux charges communes, et le rang que ceux des églises cathédrales tiennent dans les diocèses donnent plus d’intérêt aux Etats généraux, qu’à beaucoup d’autres bénéfices, et surtout qu’à un simple sous-diacre habitant de la campagne. Le règlement est fondé sans doute sur ce qu’un député sur dix est suffisant pour porter les doléances du corps; mais cette restriction prive chacun des membres du droit dont jouissent tous les autres bénéficiers de porter leurs doléances personnelles et de donner leurs suffrages soit à la rédaction du cahier, soit à la nomination des députés aux Etats généraux ; les ecclésiastiques des villes ont les mêmes réclamations à faire sur la distinction que le règlement met entre eux et les ecclésiastiques. des campagnes. Leurs titres pour paraître à l’assemblée des trois ordres sont parfaitement égaux, ils doivent donc y avoir les mêmes droits. Charges du clergé en Flandre Remontre que la situation d’une partie notable des biens de plusieurs de ses membres en Flandre lui donne de justes doléances à faire à Sa Majesté relativement aux charges qu’il supporte dans cette province. Le premier objet de plainte est que le clergé étant assujetti en Flandre aux vingtièmes comme les deux autres ordres, sa contribution est proportionnellement plus forte que celle de la noblesse et du tiers-état. Cette disproportion vient de ce que la contribution du clergé est fixée sur les locations annuelles, et par conséquent sur la valeur actuelle de ses biens, au lieu que celles des autres ordres est fixée sur d’anciennes évaluations, faites à des époques où le bien n’avait pas à beaucoup près la même valeur qu’il a actuellement. Le deuxième objet de doléances est que la fixation des portions congrues dans le& provinces étant laissée à l’arbitraire du Parlement de Flandre, les décimateurs se trouvent exposés à des demandes importunes, à des contestations toujours renaissantes, à des procédures frayeuses, pour parvenir à une fixation qui n’arrête que pour un instant les demandes et* les plaintes.il est de la sagesse de Sa Majesté et de son zèle, pour prévenir ce qui peut troubler la paix entre ses sujets, d’ordonner qu’il y ait une loi fixe sur les portions congrues en Flandre, comme dans le reste du royaume. Le troisième objet est l’abolition des placards qui réglaient la contribution des décimateurs aux réparations des églises et qui les obligent à donner pour cet objet la valeur de deux années sur six. Ces placards avaient été faits pour le sou- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 421 lagement des peuples, ils avaient augmenté la charge des décimateurs. Cependant en 1773 des lettres patentes surprises à la religion de l’auguste aïeul de Sa Majesté, ont aboli les placards ; elles ont accru le fardeau des décimateurs, et ont étendu leurs charges aux réparations des nefs et des presbytères, lorsque le revenu des fabriques n’y pouvait fournir, et ce, jusqu’à épuisement des dîmes, et l’usage de la Flandre ajoute encore à cette charge exorbitante, l’injustice criante de mettre l’administration de la fabrique entre les mains des habitants, qui ayant, au défaut des fabriques, leurs recours sur les décimateurs, n’ont aucun intérêt à la conservation des biens, ni au bon emploi des deniers, et qui en conséquence laissent perdre les fonds et dissipent l’argent en dépenses superflues. Le clergé attend de la justice de Sa Majesté qu’elle rappellera les choses aux vrais principes et qu’elle ne permettra pas que le clergé éprouve en Flandre des vexations, dont la protection des lois met les autres sujets de son royaume à couvert. Réparation des églises, etc. Remontre que les réparations et reconstructions des églises, presbytères et autres bâtiments concernant le service de Dieu, sont assujetties à des formalités dont la longueur augmente les réparations en laissant les édifices périr de plus en plus, dont les frais excèdent quelquefois le montant des réparations elles-mêmes, et dont l’abus peut arrêter jusqu’à celles qui sont le plus indispensables ; que la distinction mise entre les réparations à la charge des décimateurs, et celles qui sont à la charge des paroissiens devient une source de contestations, et laisse des prétextes à la négligence ; qu’il serait à désirer : 1° que les susdites réparations et reconstructions fussent faites sur l’ordonnance de l’évêque diocésain, en laissant simplement l’obligation de présenter requête à l’intendant pour rendre le rôle exécutoire, et si une partie des habitants s’opposait à l’exécution de l’ordonnance épiscopale, que tous les frais nécessaires pour faire constater la nécessité des réparations fussent à la charge des opposants, au cas qu’ils se trouvent mal fondés dans leurs oppositions; 2° que toutes les réparations et reconstructions sans aucune distinction devinssent communes à tous les propriétaires, soit de biens-fonds, soit de dîmes dans la paroisse, au prorata de leurs revenus; les propriétaires des biens-fonds partageant les charges des décimateurs, ceux-ci. partageraient celles des propriétaires, et il y aurait compensation. Les curés à portions congrues eux -mêmes, devenus décimateurs par la conversion de la portion congrue en dixième, seraient taxés au prorata de leurs dîmes ; cette charge doit entrer en considération lorsqu’il s’agira de fixer l’augmentation des portions congrues, et est une raison pour laquelle les pensions des vicaires ne doivent pas aller à la moitié des portions congrues des curés; 3° que les revenus des fabriques continuent toujours à être particulièrement affectés à l’entretien des livres, vases sacrés, ornements et autres choses nécessaires à l’office divin. Novales. Remontre que ce n’est que par une surprise faite à la religion de l’auguste aïeul de Sa Majesté qu’il a attribué en 1768 aux possesseurs des dîmes inféodées les novales qui auraient lieu après cette époque ; que ce prince a cru qu’il était de la justice de les appeler à la possession des novales parce que , les assujettissant aux memes charges que les décimateurs ecclésiastiques , il voulait les aider comme eux a supporter les nouvelles charges que P édit de 1768 leur imposait. Qu’il est vrai de dire que les décimateurs inféodés ne partagent pas les charges des décimateurs ecclésiastiques. Que l’édit ne les assujettit au payement des portions congrues qu’au défaut, et en cas d’insuffisance de toutes les dîmes ecclésiastiques, que d’ailleurs les novales ne sont entrées pour rien dans l’acquisition qui a pu être faite des dîmes inféodées ; qu’il est cle toute justice de rendre aux curés un bien qui n’appartient aux possesseurs des dîmes inféodées à aucun titre, ou d’ordonner que les dîmes inféodées contribueront à toutes les dîmes ecclésiastiques. Perception des dîmes. Remontre combien il serait à désirer qu’une loi nouvelle consacrât des principes uniformes dans le royaume, ou au moins dans chaque province, sur le fait des dîmes ; qu’elle tarirait la source de contestations toujours renaissantes sur la forme de leur perception, sur leur quotité, sur les fruits qui doivent y être assujettis, contestations que l’immense multitude d’usages locaux, la variation des principes, la contrariété des arrêts sur les mêmes objets augmente continuellement, qui sèment la division entre les pasteurs et leurs ouailles, qui oblige le clergé de paraître à chaque instant devant les tribunaux, et qui, en dépouillant tous les jours les églises de quelques-uns de leurs droits les plus antiques, leur laissent encore l’apparence odieuse de vouloir les étendre. Le vœu que le clergé de la province forme dans ce moment, lui est dicté pas son amour.pour la paix, et il le porte avec confiance aux pieds du trône, persuadé que si Sa Majesté trouvait dans les conseils de sa sagesse un moyen de prévenir toutes ces divisions entre le clergé et le peuple, sans nuire aux droits ni de l’un ni de l’autre, elle le saisirait avec empressement. Mendicité. Remontre que la suppression de la mendicité est une des opérations les plus utiles que le gouvernement puisse faire, qu’elle rendrait au travail une foule de gens valides dont les enfants contractent l’habitude de l’oisiveté et tous les vices qui en sont la suite. Le clergé boulonnais propose, pour opérer cet heureux effet, de former des arrondissements éom-posés d’un certain nombre de paroisses, afin que la richesse des unes supplée à l’indigence des autres, et y il aurait une caisse générale pour l’arrondissement. Des députés de toutes les paroisses choisiront les préposés de la caisse qui, étant tous du pays, pourraient reconnaître les besoins de chacune de ces paroisses et y envoyer des secours proportionnés ; il y aurait clans chaque paroisse un bureau de charité dont le premier soin serait de procurer du travail aux pauvres, en sorte que le public ne serait plus obligé de fournir la subsistance à ceux qui pourraient la gagner. Le clergé croit qu’on trouverait une grande ressource pour les pauvres dans le glanage , si les ordonnancés sur cet article étaient bien observées, si les vieillards, les infirmes et les enfants des pauvres étaient les seuls qui pussent glaner; ils y trouveraient une partie de leur subsistance pour l’année, les champs ne seraient plus au pillage, on rendrait aux travaux de la campagne des bras qui leur 422 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais. manquent, et on épargnerait aux cultivateurs bien des embarras et des désagréments. Union des fermes . Remontre qu’il serait de l’intérêt du gouvernement de s’opposer à la réunion des petites fermes en un seul corps ; que cette réunion peut être avantageuse aux propriétaires en leur épargnant la constrution et l’entretien d’un certain nombre de bâtiments ; mais qu’elle est nuisible à bien des familles, à qui elle enlève les moyens de subsister, et destructive de la population en ôtant ajix jeunes gens les facilités de s’établir. Tribunaux. Remontre que l’état où se trouve la juridiction du Boulonnais, ainsi que la plupart des juridictions du, royaume, mérite toute la considération de Sa Majesté, que la plus grande partie des offices est abandonnée et tombée aux parties casuelles, en sorte qu’il n’y a plus le nombre de juges compétents. Le clergé croit que pour remédier à un inconvénient aussi grave.il convient : 1° de supprimer la vénalité des charges qui n’a pu être introduite que par l’esprit fiscal qui peut livrer les fonctions les plus importantes pour la société à des hommes dont tout le mérite soit l’envie d’avoir une place et les moyens de l’acheter, ou l’ordre de la succession dans une famille, et en écarter des hommes que leurs talents et leurs vertus mettraient dans le cas de les remplir avec distinction ; 2° D’attacher à chacun de ces offices un honoraire qui serait pris sur les provinces; 3° De remettre le choix des officiers aux administrateurs et Etats provinciaux qui, vacance avenant d’un office , seraient tenus de présenter tous sujets dignes et capables à Sa Majesté. Il est naturel de penser que des corps respectables, animés du zèle du bien public , à portée de connaître ceux que leur mérite distingue dans une province ne jetteraient les yeux que sur des hommes dont l’équité, les lumières, l’assiduité, dédommageraient les provinces de la dépense que cette nouvelle constitution leur occasionnerait. Procédures. Remontre qu’il est du zèle de Sa Majesté pour le bien de ses sujets de travailler efficacement à simplifier les procédures, à en diminuer les frais, à en abréger les longueurs, à ôter autant qu’il est possible à la chicane et à la mauvaise foi les ressources sans nombre que l’esprit de cupidité leur a fournis, à réformer surtout ces procédures qui, souvent pour des misères, soit en matière civile, soit en matière criminelle, accumulent tellement les frais dès les premiers instants que lorsque les parties, revenues de leur humeur, cherchent à s’accommoder, ce n’est plus le fond delà chose, mais la quotité excessive des frais qui empêche l’accommodement. Le clergé ne peut que former des vœux et donner des idées générales sur ces objets. C’est à ceux qui sont à portée de voir le mal de plus près à en indiquer les remèdes à Sa Majesté ; peut-être même pourrait-on trouver des moyens de prévenir beaucoup de procès ou d’en étouffer un grand nombre dans leur naissance. Code domanial. Remontre que l’administration des domaines n’a que des principes variables, inconnus à ceux mêmes qui sont versés dans l’étude des lois, fondés surtout sur des arrêts du conseil qui, rendus dans des causes particulières, deviennent des lois pour tout le royaume; que cette administration est comme une espèce de mystère inquiétant pour ceux qui peuvent avoir à faire à elle, et qui, avec la meilleure foi, se trouvent exposés à des poursuites et à des condamnations. Qu’il est de l’équité du Roi d’ordonner qu’il sera fait un code domanial, lequel sera rendu public , que les lois qui fixeront les principes dans cette partie seront soumises aux mêmes formes que les autres lois du royaume, et que les contestations qui pourront survenir sur les droits domaniaux seront portées devant les cours souveraines. Remontre que, si les besoins pressants de l’Etat exigent de nouveaux efforts de la part des peuples, il est juste que Sa Majesté, avant d’établir de nouveaux impôts et demande le sacrifice des privilèges, tire de ses domaines, qui sont ses biens propres et les premiers revenus de la couronne , la valeur dont ils sont suceptibles. (Ces domaines, est-il dit dans le compte rendu en 1781, se sont successivement dissipés ou du moins ont été mis hors des mains du Roi, et par des libéralités, et par des concessions à vil prix, et par la formation des apanages et par des échanges ruineux et par des usurpations.) L’intérêt des peuples demande que Sa Majesté se fasse rendre compte des époques, des motifs, des conditions de ces aliénations , pour peser dans sa sagesse et dans son équité les égards que chacune d’elles mérite; qu’elle prenne des moyens efficaces pour mettre, soit en rentrant dans ces biens, soit en augmentant leur redevance annuelle, une proportion plus exacte entre leur valeur réelle et leur produit pour le trésor royal. Qu'elle ordonne qu’il ne sera fait à l’avenir aucune concession dans ce genre, ni aucun échange que sur l’avis des administrations provinciales et moyennant des redevances en grains pour les aliénations qui pourraient être faites. Qu’elle ordonne encore que, pour les biens déjà concédés que Sa Majesté croirait devoir laisser entre les mains des engagisles, en augmentant les redevances annuelles , les administrations provinciales donneront leur avis sur ces augmentations et que ces redevances seront mises en grains. Remontre qu’une des plus grandes consolations pour les peuples dans les charges qu’ils ont à supporter, est de savoir que s’ils donnent une partie de leurs sueurs, les vues d’équité, d’économie et d’utilité président à leur emploi. Le clergé a vu avec admiration, comme tousles autres sujets de Sa Majesté, les retranchements qu’elle a bien voulu faire dans sa maison et que son auguste épouse a acceptés. ✓ Il ose supplier Sa Majesté de jeter un coup d’œil sévère sur les dépenses qui y restent, et de voir s’il ne trouverait pas encore de nouvelles réformes à faire ; il ne craint pas de rappeler à son cœur bienfaisant qu’une des satisfactions les plus réelles pour un souverain est d’alléger le fardeau de ses peuples, que la véritable grandeur consiste dans leur amour, et que si des réformes sévères retranchent quelque chose à l'état de la majesté royale, il en trouve un ample dédommagement dans les sentiments de reconnaissance que les moindres privations de sa part inspirent à ceux qu’il gouverne. Remontre que, pour entrer dans ces vues d’économie, il semble qu’on pourrait supprimer bien des places et des dignités dans l’Etat et dans le militaire sans service et sans utilité réelles, et qui joignent cependant à l’honorifique des appointements considérables. 11 n’y a aucune de ces places qui ne coûte à [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 423 l’Etat, qui n’augmente ses charges, et souvent pour accroître la fortune de maisons déjà opulentes. Dans un temps où il faut que les peuples joignent de nouvelles contributions à des contributions déjà bien onéreuses, il semble que la suppression de tout ce qui n’est que pure grâce doit précéder les sacrifices. Remontre que Sa Majesté fera une chose très-avantageuse à ses sujets en n’établissant plus et en supprimant même autant qu’il est possible, et avec les dédommagements que l’équité demande, ces charges créées à prix d’argent, qui donnent des droits à lever sur les peuples; ces charges sont de véritables emprunts qui accroissent la dette de l’Etat sans le consentement de la nation, ce sont des ressources d’un moment et des moyens bien petits et bien faibles pour une grande administration ; ce genre d’imposition est d’autant plus sensible à la nation qu’il n’y a souvent aucune proportion entre la fmànce que Sa Majesté tire de l’érection de ces charges et les droits qui y sont attachés, et qu’elles ne servent qu’à donner à quelques particuliers le pouvoir de vexer le reste des sujets et de faire des fortunes scandaleuses. Impôts additionnels. Remontre que les mêmes principes d’équité qui ont porté Sa Majesté a assujettir l’augmentation des accessoires de la taille aux mêmes formalités que les autres impôts, l’engagent à étendre la même loi à tous les sous pour livres, et à tous droits additionnels quelconques, en sorte que ces augmentations obscures , qui n’ont d’autre sanction qu’un simple arrêt du conseil rendu souvent sans la participation du souverain (expression du compterendu en 1781), disparaissent pour toujours. Ces droits additionnels sont de véritables impôts d’autant plus inquiétants qu’on n’en voit pas le terme et qu’ils sont une ressource toujours prête pour un ministre qui a besoin d’argent. Sa Majesté ayant reconnu les droits de la nation de consentir lés impôts, celle-ci a le droit d’espérer que, sous un prince juste, elle en jouira dans toute leur étendue et qu’il ne lui imposera jamais aucune charge qui n’ait eu son consentement. Lettres de cachets. Le clergé du Boulonnais, instruit du grand abus qu’on a fait des lettres de cachet, et de ce qui est contenu dans le rapport du ministre des finances au conseil d’Etat relativement aux mesu-• res et aux précautions qui pourront être prises dans les Etats généraux afin d’y remédier, ne pense pas de pouvoir mieux faire que de s’en rapporter à ce qui y sera décidé sur cet objet aussi délicat qu’important. Adhésion a différents articles des cahiers de la noblesse et du tiers-état. Le clergé du Boulonnais, aussi jaloux que les deux autres ordres de la province de contribuer autant qu’il est en lui au bien du royaume en général et à celui de la province en particulier, adopte, outre les objets développés dans son cahier qui ont trait au bien général, les articles contenus dans ceux de la noblesse et du tiers-état sur les logements des gens de guerre, sur les vexations de préposés des domaines et des fermes, sur les diligences et messageries, sur la marque des cuirs, sur la mendicité, sur les charlatans, vagabonds, gens sans aveu, sur la chasse avant la récolte, sur les garennes, sur l’abus de . convertir l’amende eu peine des galères pour fait de contrebande, sur la fixation des droits de foi et hommage dans les bureaux des finances. Il demande que le cours de la justice ne soit point interrompu par des arrêts de répit et de surséance ; il demande que comme tous les monuments historiques attestent que le Boulonnais s’est assemblé dans tous les temps en Etat, il soit réintégré dans ce droit primitif, demandant au surplus que telle forme que son administration puisse subir, elle soit organisée de manière que la gestion de la chose publique soit authentique ; qu’il soit rendu public chaque année par la voie de la presse un état nominatif et circonstancié de la recette et de la dépense; qu’il soit formé un cadastre de toutes les propriétés foncières afin de les imposer en raison de leur valeur réelle et non future, et toujours relativement à l’importance de l’impôt ; qu’un abonnement semblable à celui qui existe actuellement soit sollicité avec instance; que non-seulement la durée accordée à l’octroi complète la révolution, mais qu’elle soit même illimitée ; que le produit dudit octroi ait toujours une destination authentique adaptée à des objets d’utilité générale, et sanctionnée par le vœu des trois ordres exprimés par leurs représentants. Il adhère à la réclamation sur le règlement pour la convocation des Etats généraux, en tant u’il comprend le Boulonnais dans les pays 'élection, aux articles sur la séparation de la régie des droits de consommation d’avec celle des aides, sur l’affranchissement de la marque des fers, la restitution du droit de mesurage à la ville de Boulogne, l’abolition du franc-fief en Boulonnais, le tabac, les offices municipaux et le droit sur les porcs, la suppression du marc d’or, sur l'octroi, l’abolition des droits d’échange, le cure-ment des rivières et le baissement des moulins, sur les communes, sur la plantation et la conservation des oyats, sur la suppression des huissiers priseurs-vendeurs, sur la demande d’une juridiction consulaire. H demande que la sénéchaussée du Boulonnais soit établie en présidial. Que la régie actuelle des haras soit supprimée et que cette régie soit confiée aux Etats de la province. Qu’il soit nommé des commissaires dans les trois ordres de la province, pour examiner les concessions et usurpations faites dans les forêts du Roi. Qu’on obvie à la dévastation des forêts, qu’elles soient repeuplées, qu’on fasse une distribution dans les coupes, qu’on fixe le prix des bois et que les frais de transport soient fixés suivant les vues détaillées dans le cahier du tiers-état. Qu’on fixe aussi le prix de la mouture en argent dans les moulins banaux de Boulogne. Il adhère encore aux demandes de la noblesse par rapport aux notaires, à l’établissement d’un conseil de pacification , aux justices seigneuriales et aux chirurgiens des campagnes. Le clergé du Boulonnais finit les remontrances qu’il prend la liberté de présenter à Sa Majesté par une doléance qu’il lui coûte de faire, mais que la défense de ses droits rend indispensable. Il n’a pu s’empêcher de voir avec surprise que les deux autres ordres de la province demandaient qu’il fût chargé, seul, de toutes les reconstructions et réparations des églises, presbytères, clôtures de cimetières. L’applaudissement avec lequel la noblesse avait reçu le témoignage des dispositions géiléreuses du clergé et les sentiments de reconnaissance que le sacrifice de ses exemptions pécuniaires 424 [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] avait inspirés au tiers-état, ne lui laissaientpaslieu de soupçonner qu’ils dussent former des demandes si onéreuses pour lui et si contraires à ses intérêts les plus légitimes ; le clergé ne croit pas devoir entrer ici dans le détail des motifs qui doivent écarter de pareilles demandes ; il se contentera de remarquer que c’est blesser la propriété d'une manière sensible que d’imposer à un corps des charges qu’il n’a jamais supportées. Il a vu avec le môme étonnement la noblesse ajouter à cette première demande celle de faire payer par les décimateurs les honoraires des maîtres et maîtresses d’école, comme si les biens du clergé étaient une mine inépuisable et un fonds sur lequel on puisse mettre toutes les charges qu’on voudra, et comme si d’ailleurs les pères n’avaient aucun intérêt à l’éducation de leurs enfants. L’intention du clergé n’est pas de mêler dans la doléance aucun sentiment d’amertume, il sera toujours jaloux de conserver l’union et la concorde ; c’est une plainte qu’il dépose dans le sein d’un père commun, persuadé que sa bienveillance pour le clergé et son amour pour la justice ne lui permettront pas de balancer un instant à rejeter les demandes des deux ordres et que, quelqu e sincères, quelque ardents que soient ses désirs de procurer le soulagement des peuples, il n’en cherchera jamais les moyens dans l’oppression du premier ordre de l’Etat. CAHIER Des demandes , plaintes et doléances de l'ordre de la noblesse du Boulonnais (1). Ce sont les très-respectueuses remontrances et doléances qu’ont l’honneur de présenter au Roi, leur très-gracieux souverain, les nobles du comté du Boulonnais, suppliant les Etats généraux du royaume de vouloir bien les adopter, ordonnant à leur député de s’y conformer dans tous les points et de les faire valoir avec tout le zèle dont il sera capable. Ils prient le Seigneur tout-puissant d’accorder de longs jours à notre monarque, afin qu’il puisse jouir du fruit de ses travaux et être témoin du bonheur et de la félicité de ses peuples. Ils ont tout lieu d’espérer que le ciel les exaucera et répandra ses bénédictions sur notre souverain et sur son auguste race qui doit occuper le trône aussi longtemps qu’il y aura des Bourbons; mais comme la Providence a des vues particulières qu’il n’est pas permis aux hommes de pénétrer, la noblesse croit de son devoir de préserver la France de malheurs semblables à ceux que* ce royaumne a éprouvés dans les circonstances désastreuses d’une minorité. Elle demande, [en conséquence, aux Etats généraux qu’il soit porté à jamais une loi dans le cas de vacance du trône et d’une minorité, ordonnant la convocation des Etats généraux du royaume, sans qu’il soit besoin d’une forme nouvelle pour les rassembler. Elle termine cet article en adressant ses vœux au ciel pour qu’il préserve le royaume d’un pareil malheur, qu’il prolonge les jours du Roi régnant jusqu’au plus long terme, et qu’il transmette aux descendants de Sa Majesté l’héritage de ses vertus. Ils forment. aussi les vœux les plus ardents pour que le ministre que le cri de la nation a placé auprès du trône soit maintenu dans sa place, et (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit dos Archives de l’Empire. qu’il continue l’ouvrage qu’il a commencé heureusement. PREMIÈRE SECTION. Religion. Les Boulonnais déclarent qu’ils veulent vivre et mourir dans la religion catholique, apostolique et romaine, qui sera maintenue dans toute l’étendue du royaume; mais comme plusieurs sujets du Roi n’ont pas le bonheur de vivre dans cette religion, ils donnent pouvoir à leurs députés de consentir à toute tolérance tant civile que religieuse, autant néanmoins qu’elle ne nuirait ni aux dogmes ni au culte que nous avons le bonheur de professer. Bénéfices. Quant aux biens ecclésiastiques, l’avantage de l’Etat et la loi de la religion se réunissent pour empêcher que les bénéfices ne puissent être accumulés sur la même tête. Qu’un et l’autre prescrivent aussi que ceux auxquels ils seront accordés aient fait preuve de capacité et de vertu.ou laissent aux Etats généraux le soin de proposer et accepter la loi nouvelle, qui fixera la manière et la forme de leur nomination. 11 est indispensable de demander que les bénéficiers, môme ceux qui n’ont pas charge d’âmes, résident dans la province, leur absence du pays éloignant la consommation et la reproduction. Ce malheur étant aujourd’hui celui de toutes les provinces du royaume, les Etats généraux seuls peuvent apporter du remède à ce mal, et le Boulonnais adoptera avec empressement celui qu’ils prescriront. Une autre réclamation qui sera générale est l’injustice des cures à portion congrue; elle prive les curés de pouvoir secourir leurs paroissiens indigents ou malades, fonctions essentielles à leur ministère. Ces curés ont à peine de quoi vivre en Boulonnais, et l’éloignement des succursales les oblige presque tous à avoir un cheval. Les Etats généraux sont seuls capables de prononcer sur un objet aussi intéressant. Religieux. Nous observerons quant aux religieux que leur consommation se fait dans la province, que leurs aumônes y sont abondantes et que ce serait un malheur pour le pays de les perdre ; mais les Etats généraux sont priés d’aviser aux moyens de les rendre utiles, et surtout à celui d’épargner aux peuples des campagnes les dons qu’ils font aux religieux mendiants. On ne croit pas devoir terminer cet article sans donner de justes éloges aux vertus et à la générosité de M. l’évêque de Boulogne. Ce prélat vient de fonder une institution patrio - tique pour faire élever gratuitement les enfants des gens de la campagne qui montrent des dispositions pour l’état ecclésiastique ; on croit qu’une pareille institution, encouragée par les Etats généraux du royaume, serait imitée dans les autres diocèses de France et remédierait au manque de prêtres dont ils se plaignent aujourd’hui. Dîme eeclésiastique. Nous laissons aux Etats généraux le soin de statuer sur la dîme ecclésiastique et de prononcer sur ceux qui doivent en jouir. Mais il serait à désirer que cette terrible imposition fût à l’avenir assujettie aux réparations de nef, de presbytères et à toutes dépenses qui concernent le culte ou ses ministres, ainsi qu’aux gages des maîtres et maî-