MARCHES COMMUNES DE POITOU ET DE BRETAGNE CAHIER Des doléances des trois ordres des Marches communes de Poitou et de Bretagne (1). Ce 2 avril 1789, les gens des trois-états des Marches communes franches de Poitou et de Bretagne, rassemblés en cette ville de Montaigu en vertu des lettres du Roi du 19 février dernier, qui les a convoqués à l’effet de nommer leurs représentants aux Etats généraux qui doivent s’assembler à Versailles le 27 de ce mois, pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat et la prospérité du royaume, ont donné à leurs députés aux Etats généraux leurs instructions et leurs pouvoirs, ainsi qu’il suit : 1° Ils voteront pour qu’il soit présenté au Roi une adresse respectueuse pour lui exprimer leur amour et le désir sincère dont ils sont animés pour concourir à la gloire de sa personne, à l’éclat de sa couronne et, suivant les vues paternelles de Sa Majesté, au bonheur de ses peuples. 2° Que la religion catholique apostolique et romaine soit la seule dominante dans le royaume et la seule dont le culte soit public, conformément aux dernières remontrances de l’assemblée générale du clergé de France. 3° Us n’entreront point dans la totalité des détails des demandes et des doléances qui leur sont communes avec toutes les autres provinces du royaume, s’en rapportant absolument à ce que la justice du Roi et la sagesse des Etats généraux régleront pour la sûreté et la liberté de chaque individu ; Pour la paisible et inaltérable possession de ses propriétés ; Pour l’ordre à rétablir dans les finances; Pour les mesuras à prendre afin que les impôts soient immuablement employés à leur destination ; Pour qu’il ne puisse plus à l’avenir être fait aucun emprunt par le gouvernement, qui retombe à la charge des peuples ; Pour le retour périodique des Etats généraux ; Pour l’ordre à rétablir dans la justice qui se rend d’une manière si lente et si coûteuse, que les parties épuisées ne peuvent voir la fin de leurs discussions : Pour que le prix des actes des notaires royaux, apostoliques et seigneuriaux, soit soumis à un tarif, attendu les abus qui résultent des prix arbitraires qu’ils demandent ; Pour la suppression des impôts qui sont vexa-toires par leur nature ou par leur perception ; Tels que les contrôles, dont il convient que les tarifs soient fixés d’une manière si clairé, si précise, que les droits de chaque acte soient connus des particuliers qui sont obligés de les payer, en attendant qu’on puisse les réduire à un droit simple et modéré ; (1) Nous publions ce cahier d’après l’ouvrage intitulé: Archives de fOuest, par M. Antonin Proust. Tels que le centième denier, relativement auquel il se commet beaucoup d’abus et entre autres celui de revenir sous prétexte de fausse déclaration, longtemps après, contre les particuliers qui ont acquitté ce droit à l’ouverture des successions collatérales, ce qui devient une véritable vexation, parce que les biens, outre qu’ils s’améliorent, s’afferment souvent et s’achètent par affection ou par convenance au delà de leur valeur réelle ; Tels que les francs-fiefs relativement auxquels il arrive des circonstances qui font qu’un héritier paye quelquefois quatre années et demie de son revenu sans en retirer un denier, avec l’obligation encore d’en payer les impositions royales ; Pour la suppression , autant que faire se pourra, de tous les droits qui mettent des entraves à la circulation libre des denrées et des marchandises dans l’intérieur du royaume, et pour l’uniformité des poids et des mesures. 4° Ils voteront pour que les portions congrues pour les curés soient augmentées suffisamment ainsi que celles des vicaires, que le boisselage soit supprimé et que toutes les dotations soient tirées d'une meilleure répartition des biens ecclésiastiques ; Que les anciens ecclésiastiques, tant les curés que les autres, qui se trouveront infirmes et non pourvus d’une subsistance honnête, soient pris en considération pour y pourvoir à la charge du clergé ; Que les foires, marchés et autres assemblées, soient défendus les jours de fêtes et dimanches, conformément à ce qui est déjà réglé par les lois du royaume qui seront confirmées de nouveau ; Quant aux érections des nouvelles paroisses aux unions des curés, ou autres pieuses dispositions, qu’il soit obvié aux frais que les formalités actuelles occasionnent, et qu’il soit examiné par les Etats généraux, s’il est possible de laisser aux supérieurs ecclésiastiques et à leurs officiaux la liberté d’y donner eux-mêmes la forme légale ; Qu’il soit libre aux bénéficiers d’affermer les domaines de leurs titres sans faire de publications de ce qu’ils retiennent par leurs mains pour en jouir; Qu’il soit établi dans les paroisses, s’il est possible, et avec le consentement des communautés, des bureaux de charité dont l’inspection soit soumise aux lumières des trois ordres. 5° Les trois ordres chargent spécialement leurs députés de conserver et de maintenir la constitution et les droits du pays des Marches. * Ils ont arrêté que les impositions, de quelques espèces qu’elles soient, seront également supportées parles trois ordres et conformément à la manière qui sera réglée par les Etats généraux, et dans le cas où ils auraient arrêté une forme particulière pour les ecclésiastiques à cause des décimes ou autrement, on se conformera à ce qui sera décidé par les Etats généraux. 6° Enfin, les trois Etats du pays des Marches communes et franches de Poitou et de Bretagne autorisent leurs députés aux Etats généraux à con- 688 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Marchés de Poitou et Bretagne.� sentir la consolidation de la dette qui aura été reconnue pour être nationale, et à consentir les impôts qui seront déterminés en conséquence, proportionnellement aux facultés desdites Marches, et ainsi qu’il sera réglé par les Etats généraux. ARTICLES PARTICULIERS. Art. lep. Le clergé demande la révocation de l’édit de 1768, quant à l’abolition des novales (1), sans prétendre qu’il soit rien changé aux édits et déclarations rendus en faveur des défrichements et dessèchements. Cette demande est fondée sur le préjudice que la disposition de l’article de l’édit de 1768 a causé à tous les curés, non-seulement à l’égard des anciennes novales et dîmes, parce que les terres étant laissées longtemps sans culture, les font devenir grandes dîmes, sans qu’il soit possible de prouver qu’elles sont novales, ce qui a diminué la portion des curés qui se trouve fondée souvent dans une mince portion des dîmes, et qui n’avaient de ressources que dans les novales. La noblesse et le tiers regardent l’édit de 1768 comme une loi positive et très-sage qui a mis fin à une infinité de contestations et qui ne manque-aient pas de renaître si on en changeait les dispositions. Art. 2. L’ordre de la noblesse a arrêté que jamais son député ne consentirait à voter autrement que par ordre, et que s’il se trouvait quelques circonstances où le corps de la noblesse assemblée aux Etats généraux pût croire nécessaire d’opiner par tête, il ne se retirerait point, mais qu’il n’y donnerait jamais son consentement, et que, dans aucun cas, il ne consentirait jamais à ce que l’avis des deux ordres puisse lier le troisième. Sur cet arrêté de la noblesse, le clergé a délibéré de s’en rapporter entièrement à ce que décideraient les Etats généraux. L’ordre du tiers a arrêté, au contraire, que ses députés ne consentiraient point à voter autrement que par tête, qu’il croirait contrarier le vœu de Sa Majesté qui a bien voulu lui accorder le nombre de voix égal à celui du clergé et de la noblesse réunis. Art. 3. La noblesse et le tiers observent que les ecclésiastiques et les mainmortes jouissent de rentes et de redevances foncières sur une infinité de domaines, ce qui leur est très à charge, ne pouvant jamais se libérer; ils chargent leurs députés aux Etats généraux de les engager à examiner si les propriétaires ne pourraient être autorisés à en faire le remboursement. Sur cet arrêté des deux Etats, le clergé a délibéré que cet aperçu attaque directement les propriétés, qu’il serait très-funeste à un très-grand nombre d’ecclésiastiques et même des curés dont le revenu ne consiste que dans ces sortes de rentes, que les hôpitaux en souffriraient, que les fabriques même perdraient la plupart de leurs dotations. Art. 4. Le tiers charge ses députés de demander qu’il soit permis aux cultivateurs riverains des bois et forêts de tuer les bêtes noires ou fauves trouvées à gâter leurs récoltes. La noblesse observe, pour et au nom des propriétaires des fiefs de tous les ordres, que les droits de chasse et de conservation du gibier leur appar-(1) Novales. — Terres nouvellement mises en culture, après avoir été défrichées. L’édit de 1768 les avait supprimées. tiennent de toute ancienneté, que c’est une propriété à laquelle on porterait atteinte, que leurs terres qu’ils possèdent soit par succession, soit par acquisition, ont été évaluées en conséquence de ces droits, qu’il y a des ordonnances des eaux et forêts qui sont suffisantes pour en arrêter les abus et qu’ils ne peuvent se prêter à cette demande. Art. 5. L’ordre du tiers charge en dernier lieu ses députés de supplier Sa Majesté de permettre qu’il soit pris sur les bénéfices qui se trouvent dans chaque paroisse les fonds qu’elle jugera con venables pour l’établissement d’un maître et d’une maîtresse d’école. Sur cet arrêté, l’ordre du clergé et les patrons laïques observent que c’est toucher aux propriétés ; que cet article, loin d’être utile, nuit à l’intention des .fondateurs, diminuerait les titres des pauvres ecclésiastiques qui entrent dans les ordres sacrés, même à tous autres ecclésiastiques, et qu’il est aisé de prendre d’autres moyens pour cet objet. Fait et arrêté ledit jour 2 avril 1789, par nous, commissaires nommés pour la rédaction du présent cahier par délibération de ce matin. Ont signé sur l'original : Richard, recteur de la Trinité de Glisson; François Garaud, recteur delà Brussière; de Buor, prieur-curé de, Saint-Etienne-de-Gorcoué ; Le Clerc, marquis de Juigné, syndic général des Marches; Marie-Glaude de Mouty de la Rivière; Charles-Alexis de PEspinay du Glouzeau, Francheteau de la Glaustière; Richard père, docteur-médecin; Auvynet. Et consenti par les membres des trois états cedit jour et heure. Ont signé sur l'expédition : Richard, recteur de la Trinité de Glisson ; Gautret, recteur de Boussay; F. Jaraud, recteur de la Brussière; Guilbaud, recteur de Paulx; Le Bastard, recteur de Gugand, Payo, recteur de Bois-de-Céné; J.-J. Le Marié, recteur de Gétigné; P. Mongis, chanoine de Glisson; P.-J. Lotel, curé de Montaigu ; Marion, chanoine, curé de Saint-Jacques; Poulain, curé de Saint-Nicolas; Gaboriau, prêtre, semi-prébendé de la collégiale de Glisson; Sauvaget, chanoine sous-chantre du chapitre de Montaigu; F. Bonnet de Buor, curé de Boufferé ; de Buor, prieur, curé de Saint-Etienne-de-Corcoué; Bonnin, chanoine de Montaigu ; Le Clerc, marquis de Juigné, syndic général des Marches ; de Rorthay de la Poupliriière; Robineau de la Ghauvinière;- de Mauclerc; de Ke-mar ; Degranges de Surgères ; Le Clerc de Juigné ; de Goullard; Gharbonneau; Hallouen de la Pénis-sière; de Lechasserie, ancien che vau-léger et commissaire des Marches; de l’Espinay du Glouseaux; Dubois, chevalier; Lechevalier-Dubois, chevalier; Richard delà Routière; Marie-Glaude de Mouty de la Rivière; Francheteau de la Glaustière; Richard père, docteur-médecin; F. Tardiveau; Auvynet; de Bourneuil; Couane; R.-F. Rousseau; Pierre Baudry; Jean Forget; Pierre Durand; RenéRasse-geau; Gourand de la Lachezière; Jean Richard; Pierre Beziau; Etienne Juillon; Pierre Monnier; Jean Bonauchaud; René Gris; Jean Yrignaud; René Martineau; Levaulle de la Goulinière; Her-vouet de la Jaufrés; Mourain de Monbail; J. Cou-driau; J. Jouvard; Dubois de laPatelière; M. Fié-rabras ; Pierre Garnier ; Etienne Du Soiron ; L. -François Richard de la Vergne fils, docteur-médecin; M.-Jean Poirier; Jean Perray; René Chasseloup; Guerry, avocat; René Blouain; Etienne Blanceil; Baudry; Bareteau ; Thibaudière, avocat; Martin ; Gibotteau; Rousseau; Jouheneau; Bouvier de la Viollière; Mathurin Peaudeau; Pierre Raud; Vrignaud notaire, procureur et syndic; Samson, Jean Passet, Pierre Bresson. (États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Marches de Poitou et Bretagne.] Louis Rousseau a déclaré ne savoir signer. André Violleau, député de la paroisse de Legé, et René Vrignaud, député de la paroisse de Bois-de-Céné, n’ont point comparu et sont compris dans le défaut uonné à la séance de l’après-midi du premier de ce mois. Signé Le Clerc, marquis de Juigné, Fa-veron secrétaire. NOMS DES DÉPOTÉS ELUS PAR LES TROIS ORDRES DES MARCHES COMMUNES DE POITOU ET DE BRETAGNE. Pour le clergé. M. l'abbé Richard, recteur de Clisson. Pour la noblesse. M. le marquis de Juigné. Pour le tiers-état. M. Francheteau de la Glaustière. M. Richard, trésorier des Marches. lre Série. T. TU. 4i