SÉANCE DU 24 VENDÉMIAIRE AN III (15 OCTOBRE 1794) - N° 18 161 Représentais, nous vous faisons passer les deux pièces métalliques et nous attendons vos ordres quant au sabre souvent rougi du sang de nos ennemis. Le comité de correspondance, Dousson, Huce, Pugnaire l’aîné. 18 Les sections de Bonne-Nouvelle a et des Piques bf en masse, les membres du tribunal du deuxième arrondissement de Paris c, les autorités constituées de la section du Bonnet-Rouge d, les membres du comité révolutionnaire du cinquième arrondissement du département de Paris e, et les administrateurs du district de Versailles [Seine-et-Oise] f, les officiers publics et employés à l’état civil des citoyens de Paris g, viennent successivement à la barre protester devant la Convention nationale de leur adhésion aux principes qu’elle a manifestés dans son Adresse aux Français, et jurer de ne connoître d’autre point de ralliement qu’elle seule (30). a La section de Bonne-Nouvelle se présente en masse. L’orateur (31) : Citoyens Représentants, La section de Bonne-Nouvelle vient en masse vous féliciter sur l’adresse que vous avez faite au Peuple français. Les principes qu’elle contient vivifient tous les coeurs, raniment le courage des patriotes de bonne foi, et vous donnent un nouveau droit à leur reconnaissance. Comme il serait possible, citoyens représentants, que certains propos tenus dans la société des Jacobins par un membre de notre ancien comité révolutionnaire, et imprimés dans quelques journaux, eussent pu donner à la Convention une idée peu favorable des citoyens qui composent la section de Bonne-Nouvelle, et que la Convention, donnant quelque créance à ces mêmes propos, eût douté un instant de nos sentiments pour elle, nous venons encore démentir une calomnie déshonorante pour son auteur, désabuser la Convention et lui peindre avec autant de franchise que de vérité l’esprit qui anime et dirige la grande majorité de notre section. Il a été avancé aux Jacobins qu’à l’assemblée générale de la section de Bonne-Nouvelle, les aristocrates et les modérés s’étaient opposés à la lecture de l’adresse de la Convention nationale. (30) P.-V., XLVII, 177-178. F. de la Républ., n" 25; Gazette Fr., n° 1018; J. Perlet, n’ 752; Mess. Soir, n" 788; Rép., n° 25. (31) C 322, pl. 1354, p. 13. Moniteur, XXII, 247; Débats, n” 753, 361-363; Bull., 24 vend. Avant de démentir cette allégation, il faut vous dire, citoyens représentants, que ceux-là, qu’une poignée d’individus traitent parmi nous d’aristocrates et de modérés, sont précisément ceux qui ont tout fait pour la révolution; qui de tout tems ont cohopéré avec la Convention au renversement de la tyrannie, et qui emploient le plus d’énergie pour l’empêcher de renaître : ceux qui dans la nuit du 9 au 10 thermidor ont, les armes à la main, fait un rempart de leurs corps à la Convention, ou éclairé leurs concitoyens sur la nécessité d’abandonner à leur sort mérité une portion d’individus immoraux, pour ne s’attacher qu’à la représentation nationale, collectivement prise ; ceux qui depuis comme avant cette époque n’ont tenu d’autre langage que celui que les principes autorisent ; ceux qui ont demandé et obtenu l’ordre du jour sur l’adresse de Dijon, comme la considérant contraire aux sentiments que la Convention manifestait; ceux qui veulent le triomphe de la justice et la disparution de l’intrigue; ceux enfin qui veulent la liberté tout entière, mais qui préfèrent lui élever un autel plutôt sous un berceau de fleurs arrosé d’une onde pure que sous un berceau de cyprès baigné du sang de leurs concitoyens. Il faut vous dire encore que nos calomniateurs, et le nombre en est petit, sont précisément ceux qui, par de faux fuyants ou des motions vagues ont retardé à notre dernière assemblée générale, la lecture de votre adresse au Peuple, réclamée dès l’ouverture de la séance par tous les citoyens que vous voyez dans votre sein; que ce sont ceux qui ont fait adhérer à l’adresse de Dijon après avoir fait rapporter à une heure fort avancée d’une séance, l’arrêté contraire qui avait été pris sur cette même adresse dans une séance précédente; que ce sont ceux qui pendant le règne de la terreur, enfanté par l’ambition et soutenu par le crime, servaient d’instrument au despotisme outré qu’ils partageaient avec plaisir et exerçaient avec autant d’indécence que de brutalité; que ce sont ceux qui pour se mettre à couvert des reproches dus à leur conduite inconséquente, se sont réfugiés depuis le dépouillement de leur autorité, dans le sein d’une société généralement respectable, soit pour y trouver protection, en cas qu’ils n’y soient pas démasqués, soit pour y faire corps avec d’autres eux-mêmes, et recouvrer s’il était possible une autorité dont la dépossession récente leur a paru un acte contre-révolutionnaire ; que ce sont ceux enfin qui, grands meneurs des assemblées générales et des sociétés sectionnâmes défuntes, regardaient toujours un crime comme une erreur ou une erreur comme un crime, suivant que leur intérêt personnel, leur passion et leur égoïsme y trouvaient mieux leur compte. Tel est, citoyens représentants, le tableau fidèle que nous devions vous faire des citoyens calomniés et calomniateurs de la section de Bonne-Nouvelle. Gardez-vous de croire aux discours mensongers qui pourraient distraire vos bonnes intentions. Punissez les ennemis de la révolution sous telle forme qu’ils se montrent! Il est tems, et 162 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE votre adresse au Peuple français s’explique assez cathégoriquement à ce sujet; il est teins, dis-je, que l’honnête homme respire, et trouve un encouragement à servir son pays, quand surtout il n’est mû que par l’amour seul de le servir. Il est tems que les fonctions publiques ne soient remplies que par des hommes purs, et dont la conduite régulière datera d’assez loin pour équivaloir à un cautionnement. Il est tems que la Convention soit aussi respectée qu’elle est respectable, et qu’elle regarde comme tenant à la coalition de l’étranger ceux qui cesseraient d’être subordonnés aux lois qu’elle rend, qui les exécuteraient d’une manière abusive, et qui tenteraient de rivaliser d’autorité avec elle. Le seul mot d’ordre de la section de Bonne-Nouvelle dans toutes les circonstances possibles sera la Convention, toute la Convention, rien que la Convention, et elle peut compter sur nos bras comme sur nos coeurs. Vive la République. Suivent sept signatures. De vifs applaudissements ont interrompu la lecture de cette adresse; elle sera insérée au bulletin (32). Réponse du Président (33) : L’empressement de toutes les sections de Paris, à s’élancer au devant des vérités éternelles que la Convention nationale vient de proclamer, annonce que le zèle des habitans de cette grande cité, pour le maintien de l’ordre et l’observation des lois, ne s’est point affoibb. Ne vous écartez jamais des principes dont vous venez de nous offrir l’expression ; comptez sur l’attention de la Convention nationale à maintenir dans toute leur pureté ceux qu’elle professe, et qui sont les vôtres. Elle distinguera toujours l’erreur du crime, et elle n’attribuera jamais à aucune réunion des expressions hasardées qui auroient pu échapper à des hommes insensés ou coupables, dont l’opinion pubbque fera toujours raison. La Convention nationale vous admet à sa séance. - On applaudit. L’Assemblée ordonne l’insertion en entier au bulletin de l’adresse de la section de Bonne-Nouvelle, et de la réponse du président. b [La section des Piques en masse à la barre de la Convention nationale, le 24 vendémiaire an III] (34) (32) Moniteur, XXII, 248. Mention dans Ann. Patr. , n° 653 ; Ann. R.F., n° 24; C. Eg., n° 787; J. Fr., n° 750; J. Mont., n° 4; M.U., XLIV, 380. (33) Bull., 24 vend.; Débats, n" 753, 363. (34) C 322, pl. 1354, p. 14. Bull., 24 vend. ; Débats, n° 754, 369-370; Ann. Patr., n“ 653; Ann. R.F., n° 24; C. Eg., n' 787; F. de la Républ., n 25; Gazette Fr., n" 1018; J. Fr., n° 750; J. Mont., n° 4; J. Perlet, n” 752 ; J. Univ., n° 1785; Mess. Soir, n” 788; M.U., XLIV, 380. Législateurs, Vous avés parlé... Le peuple a senti... La section des Piques vient au milieu de vous jurer que vos sentimens sont les siens. Votre adresse aux français est un appel à la raison et à la vertu ; le peuple y a retrouvé ses principes, ses mandataires et son propre ouvrage. Non le peuple n’a d’autre centre commun que le respect et l’amour des lois, que la Convention nationale. Non Législateurs, aucune voix téméraire n’étouffera la vôtre, aucune caste intermédiaire n’interviendra entre vous et le peuple. Le droit de s’éclairer et d’avertir sera maintenu et sacré mais la souveraineté du peuple, mais la représentation qu’il s’est choisi ne seront méconnus, ny usurpés par aucun attentat. Oui, vous prendrés contre les intrigans, contre ceux qui peuvent encore regretter la royauté l’attitude la plus imposante; mais la suspicion ne sera point une source de calamités; mais comme vous l’avés dit ailleurs, il ne sera plus suspect, celui-là qui peut être utile. Que comme vous le dites tous les actes du gouvernement portent le caractère d’une justice impassible, immuable. Oui nous fuirons ces extrêmes, ces patriotes exclusifs, enrichis par la révolution. Oui nous serons inexorables pour l’immoralité, oui, nous la repousserons comme un élément dangereux, incompatible avec une République. Oui nous formerons nos enfans aux moeurs, aux vertus domestiques qui forment le citoyen. Oui nous estimerons, nous rechercherons ces hommes laborieux et modestes, ces êtres bons et purs qui fuient les places, et qui pratiquent sans ostentation les vertus républicaines. Mais Législateurs, ce n’est pas seulement le langage de votre adresse qui plaît aux âmes sensibles. Votre décret en faveur des gens de lettres va féconder les sources du génie; le littérateur, le sage qui du fond de sa chaumière embrasse l’univers dans ses pensées philosophiques sera donc honoré dans sa douce retraite ; le vrai talent ne sera donc plus abandonné à lui-même; il ne sera plus à la merci des caprices, il ne sera donc plus errant ni comprimé dans les cachots, il aura pour azile la liberté française, la magnanimité d’un grand peuple ami des arts, comme des vertus. L’abrutissement, ce fatal soutient, ce vil instrument de la tirannie, n’aura que l’horreur qu’il inspire et l’odieux vandalisme, proscrit du sol français, ira loin de nos bords traîner sa honte, ses victimes et son désespoir. Un autre décret non moins salutaire, non moins attendu de votre justice, est celui qui frappe le banqueroutier frauduleux; d’un mot vous avés épuré les emplois publics, d’un mot vous avés élevé une barrière entre l’honnête homme et le fripon. Qu’il est consolant d’être pur, quand les vertus sont séparées du crime! Législateurs, la section des Piques, qui méprise les dominateurs comme elle chérit le patriote brûlant et moral, qui n’idolâtre pas plus les hommes, qu’elle n’épouse les partis, qui n’est