364 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 septembre 1791. Art. 4. « Dans l’exercice de leurs fonctions, les gardes champêtres pourront porter toute sorte d'armes qui leur seront jugées nécessaires par les directoires de département. Ils auront sur le bras une plaque de métal ou d’étoffe, où seront inscrits ces mots : la Loi, le nom delà municipalité et celui du garde. » (Adopté). M-Heurtault-Iiamerville, rapporteur , donne lecture de l’article 5 du projet, ainsi conçu : « Les gardes champêtres seront âgés au moins de 21 ans; ils seront reconnus pour gens de bonnes mœurs, et ils seront reçus par le juge de paix ; il leur fera prêter le serment de veiller à la conservation de toutes les propriétés qui sont sous la foi publique, et de toutes celles dont la garde leur aura été confiée par l’acte de leur nomination. » Après quelque discussion, l’âge minimum pour être admis aux fonctions de garde champêtre est fixé à 25 ans, au lieu de 21 , et l’article est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 5. « Les gardes champêtres seront âgés au moins de 25 ans*, ils seront reconnus pour gens de bonnes mœurs, et ils seront reçus par le juge de paix ; il leur fera prêter le serment de veiller à la conservation de toutes les propriétés qui sont sous la foi publique, et de toutes celles dont la garde leur aura été confiée par l’acte de leur nomination. » (Adopté.) M. Heurtault-Lamerville, rapporteur , donne lecture de l’article 6 du projet, ainsi conçu : « Ils feront, affirmeront et déposeront leurs rapports devant le juge de paix de leur canton ou l’un de ses assesseurs. Leurs rapports feront foi en justice pour tous les délits mentionnés dans la police rurale, sauf la preuve contraire. » Après quelques observations, l’article modifié est mis aux voix, comme suit : Art. 6. « Ils feront, affirmeront et déposeront leurs rapports devant le juge de paix de leur canton, ou l’un de ses assesseurs, ou feront devant l’un ou l’autre leurs déclarations. Leurs rapports, ainsi que leurs déclarations, lorsqu’ils ne donneront lieu qu’à des réclamations pécuniaires, feront foi en justice pour tous les délits mentionnés dans la police rurale, sauf la preuve contraire. » (Adopté.) M. Heurtault-Lamerville, rapporteur , donne lecture de l’article 7 du projet, ainsi conçu : « Ils seront responsables des dommages dans le cas oùils négligeront défaire dans les 24 heures le rapport des délits dont il sera prouvé qu’ils ont eu connaissance. » Après quelques observations, l’article modifié est mis aux voix, comme suit : Art. 7. « Ils seront responsables des dommages dans le cas où ils négligeront de faire, dans les 24 heures, le rapport des délits. » (Adopté.) M. Heiirtault-liamerville, rapporteur, donne lecture de l’article 8 du projet, ainsi conçu : « Les particuliers pourront avoir des gardes champêtres, tant pour leurs bois que pour leurs autres propriétés, en se conformant aux dispositions des articles 4, 5 et 6 ci-dessus. En cas d’abus de leurs fonctions, ces gardes pourront en être suspendus ou être destitués par le tribunal de district, sur la plainte, soit des parties lésées, soit du procureur de la commune. » Plusieurs membres présentent des observations relativement à la foi que l’on doit ajouter aux rapports de gardes qui ne sont que les agents ou commis de particuliers par rapport à leurs propriétés individuelles. (L’Assemblée prononce l’ajournement de cet article et renvoie la suite de la discussion à la séance de demain soir.) M. le Président lève la séance à dix heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance dumardiTl septembre 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Bouche. Messieurs, l’Assemblée nationale a décrété hier soir que les députés d'Avignon et du C omt ai-Venais sin seraient entendus aujourd’hui à midi à la barre. J’ai eu occasion de voir ces messieurs et je les ai fait convenir qu’il suffisait qu’ils fussent entendus aux comités. Je vous prie, en conséquence, d’ordonner le renvoi de cette affaire aux comités diplomatique et d’Avignon qui prendront connaissance de l’objet de la demande des députés et vous en feront le rapport ce soir; car cela est urgent. (Cette motion est adoptée.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du lundi 26 septembre au matin, qui est adopté. M. Guillaume présente une disposition additionnelle à l’article 3 du décret rendu hier (2) relativement au pourvoi en cassation; il propose de rédiger cet article comme suit: Art. 3. « Le condamné aura 3 jours pour déclarer qu’il entend se pourvoir en cassation ; du jour de cette déclaration, il aura quinzaine pour présenter sa requête et y faire statuer. Le temps sera augmenté d’un jour pour 10 lieues, tant pour l’aller que pour le retour, en faveur des condamnés détenus ou domiciliés hors du lieu où siégera le tribunal de cassation. Pendant ces différents délais, il sera sursis à l'exécution. » (Adopté.) M. d’André. Messieurs, lorsque M. Vernier vous présenta hier un projet de décret (3) que vous avez adopté sur la destitution des commissaires (1) Celte séance est incomplète au Moniteur. (2) Voir ci-dessus, séance du 26 septembre 1791, au matin, page 342. (3) Voir ci-dessus, séance du 26 septembre 1791, au matin, page 346. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 septembre 1791.] de la trésorerie , je déclare que j’étais absent de l’Assemblée ; si ce décret est tel que le rapportent les journaux, je crois que l’Assemblée doit revenir sur ce décret, parce qu’il est mauvais, parce qu’il est essentiellement contraire à la Constitution. Vous avez décrété, en effet, que les commissaires de la trésorerie, qui sont nommés par le roi, ne pourraient être destitués que de l’aveu du Corps légistatif; or, je dis qu’une com: mission ne peut être révoquée que par celui qui la donne, ou encore par l’effet d’un jugement, mais que le Corps législatif ne doit jamais intervenir. Je vais plus loin, Messieurs, et je soutiens que si vous adoptez le principe émis dans votre décret d’hier, vous devez l’étendre aux ministres eux-mêmes : parce que les ministres sont des agents qui ont une administration beaucoup plus étendue que les commissaires de la trésorerie; parce que l’administration des ministres est plus intéressante pour la liberté, pour la tranquillité, pour la sûreté et pour la propriété des citoyens; parce que l’administration des ministres est plus importante même pour les finances, puisque le ministre des contributions publiques ayant dans son département tout ce qui concerne les contributions publiques, c’est lui qui peut tarir dans leurs sources les richesses de l’Etat en ne faisant pas le recouvrement de tous les impôts ; parce que le ministre de l’intérieur ayant dans son département l’objet des subsistances, par exemple, il peut, par une mauvaise administration des subsistances, exposer le royaume à mourir de faim; parce que le ministre de la guerre ayant en sa disposition toute l’armée qui fait notre défense au dehois, et notre sûreté en grande partie au dedans, peut, en établissant un mauvais régime, en ne faisant pas exécuter vos lois, peut vous causer une anarchie et causer un désordre dangereux; parce que tous les ministres dans leur ressort ont des objets tout aussi importants que les commissaires de la trésorerie. Si vous établissez un pareil mode de destitution, vous détruisez essentiellement la division des pouvoirs, parce qu’il en résulterait qu’il n’y aurait plus de responsabilité ; parce que, lorsque le Corps législatif aura connu les motifs, et que l’agent de la trésorerie aura eu des moyens, ou de se couvrir de ses fautes, ou de se faire soutenir dans le Corps législatif, il sera impossible de le poursuivre, il y aura peu de personnes qui seront contre lui, parce que le Corps législatif le soutiendra. Au contraire, la fonction du Corps législatif doit être de surveiller les agents du pouvoir exécutif; il faut que l’on examine leur conduite, et que quand elle est reprochable, on les poursuive devant les tribunaux. C’est l’unique fonction du Corps législatif; toute autre fonction lui est étrangère, toute autre fonction détruirait évidemment la Constitution, qu’aucun de vous ne veut changer. D’après ces principes, je demande que ce décret d’hier soit rapporté. M. Defermon. J’observerai à l’Assemblée que dimanche, lorsque M. Vernier a présenté le projet de décret, l’Assemblée nationale l’ajourna, parce qu’elle n’était pas complète, et qu’hier quand l’Assemblée nationale a décrété ce projet, ses membres se trouvaient en nombre suffisant. Il paraîtrait fort étonnant qu’après un ajournement, parce que l’Assemblée n’était pas nombreuse, on fît rapporter dans un moment semblable, un décret rendu légalement. Je ne fus pas 365 d’avis du décret tel qu’il a été; mais je crois que lorsque l’Assemblée a demandé des commissaires pour la trésorerie nationale, elle les a demandés pour en surveiller les opérations. Si elle les met dans la disposition des ministres, c’est comme si elle n’avait pas de surveillants. Je ne crois pas qu’ils doivent être destitués ou suspendus provisoirement; mais qu’ils doivent être jugés pour les causes de leur destitution. Ce n’est pas l’Assemblée qui doit les juger ; toutes les fois qu’un homme a prévariqué, il y a des juges de prévarications ; cela est le droit. On demande le rapport du décret, et que faut-il mettre à sa place? Une disposition qui autorise le ministre à suspendre, toutes les fois qu’il croira nécessaire, les commissaires à la trésorerie, et à les dénoncer pour qu’ils soient jugés. Voilà ce qu’il faut faire. M. Bu/.ot. Je demande à rétablir un fait que M. d’André n’a point rapporté avec exactitude. Il est bien vrai que, lors de la révision des articles constitutionnels, le comité des contributions proposa au comité de Constitution de décréter constitutionnellement que les commissaires de la trésorerie ne puissent être révoqués que du consentement du Corps législatif, et que celte proposition n’y fut point accueillie ; mais les trois comités de Constitution, de révision etdesconlri-butioos réunis convinrent aussi de ne placer dans la Constitution aucun article relatif à la trésorerie; ainsi la Constitution ne porte pas non plus que les commissaires de la trésorerie seront nommés par le roi : tout ce qui la concerne est donc purement législatif. Maintenant je réponds au fond, que l’article que vous avez décrété hier, l'Assemblée étant beaucoup plus nombreuse qu’elle ne l’est en ce moment, est parfaitement conforme à vos principes, et qu’il est nécessaire pour la bonne administration de la trésorerie. Lorsqu’on discuta la question de savoir par qui les commissaires de la trésorerie seraient nommés, du Corps législatif ou du roi, l’Assemblée fut longtemps indécise, et cela devait être; car il doit paraître fort étrange, dans la rigueur du principe, que les surveillants soient nommés par celui qu’ils doivent surveiller. L’Assemblée ne se décida à donner leur nomination au roi, après un assez long discours deM. d’André, que par la seule raison qu’il était impossible, suivant M. d’André, que le Corps législatif, transformé en corps d’électeurs, pût faire bien cette nomination. J’en atteste l’Assemblée, ce fut le seul motif qui la détermina. Or, l’inconvénient qu’elle pourrait craindre à ce sujet se retrouve t-ii dans le décret d'hier? Non, assurément. 11 donne à l’Assemblée nationale ce qui lui appartient et ce qu’elle peut faire. Pourquoi donc révoquerait-on ce décret? Messieurs, on nous parle beaucoup de reponsa-bilité : cette idée peut bien amuser les enfants qui se payent aisément de grands mots. Mais aux yeux des gens éclairés, qu’est-ce que cette responsabilité ? Elle peut tracasser quelquefois les petits fripons maladroits : j’ai grand’peur qu elle ne soit bonne à rien autre. Messieurs, la vraie responsabilité est dans la moralité, dans la fidélité et le patriotisme des hommes responsables. Or, si le pouvoir exécutif peut, sans motif, uniquement par caprice, ou parce qu’on s,jra trop honnête homme à son gré, on même qu’on aura, sur toute autre matière, une opinion contraire à celle qui le flatte, révoquer un commissaire de la trésorerie, homme instruit d’ailleurs, probe et 366 [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 septembre 1791.] estimé duCorps législatif, que devez-vous attendre d’une pareille trésorerie, quel avantage tirerez-vous de cet établissement salutaire? Il ne suffira pas d’être un bon commissaire, il faudra avant tout être uu homme complaisant, et vous placez enfin votre caisse publique et les surveillants entre les mains du pouvoir exécutif, et les contrôleurs du ministre sous leur dépendance. En résumé, Messieurs, la nomination des commissaires de la trésorerie appartient spécialement à la nation; l’Assemblée l’aurait gardée, elle aurait nommé, si, sur les observations faites alors par M. d’André, on n’eût vu qu’il était impossible qu’elle fît cette nomination. Elle l’a donc donnée, ne pouvant la faire; mais certes ce n’est pas une raison pour qu’on ne donne point au Corps législatif une surveillance qu’il doit avoir, afin que des honnêtes gens ne soient pas déplacés mal à propos. Je demande, Messieurs, que vous passiez à l’ordre du jour. M. l