340 [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 octobre 1789.J dons de troupes sur les frontières, et empêcher l’exportation des grains hors du royaume. M. le Président a indiqué la prochaine séance pour lundi à neuf heures et demie du matin. La séance du soir est levée. ANNEXE à la séance de l' Assemblée nationale du tobre 1789. 3 oc-Projet de décret pour procurer dans les provinces des secours aux pauvres malades , présenté à l'Assemblée nationale par M. Fromont, maître en chirurgie (1). C’est au moment où tous les ordres de la nation se réunissent pour travailler en commun au plus grand bien de la société, c’est lorsque tous les citoyens , animés du seul désir de régénérer pour ainsi dire la patrie, proposent chacun des idées que leur inspire leur amour pour elle; c’est alors qu’il est permis, ou pour mieux dire, que l'humanité ordonne d’élever la voix en faveur de la classe la plus pauvre des citoyens, et surtout de celle qui habite les campagnes. Exposer les maux sans nombre auxquels sont sujets ceux qui, par leur travail, nous nourrissent et subviennent à tous nos besoins, c’est déjà intervenir en leur faveur; mais n’est-ce pas leur être bien plus utile encore de donner les moyens de diminuer l’excès de leurs maux et de remédier à ceux qui sont inévitables? C’est ce que nous avons entrepris dans cette légère esquisse, dont la sensibilité et l’humanité ont seules fait les frais. Il y a un proverbe plus trivial que vrai, c’est que toute vérité n'est pas bonne à dire ; si jamais son application fut sensible, c’est surtout à l’égard de ceux qui professent l'art de guérir ; aussi ne craindrons-nous pas de dire, d’attester même, que de tous ceux qui, par état, traitent, surtout à la campagne, les maladies, le plus grand nombre les traite au hasard ; et que c’est souvent un grand bonheur pour les malades lorsque la nature triomphe de leur art. Si cela est rigoureusement vrai dans les villes, que sera-ce dans les villages, où les secours étant plus tardifs, les remèdes sont appliqués avec encore moins de discernement ? Il faut être de bonne foi, il y a beaucoup de guérisseurs de nom, mais très-peu d’effet. Les chirurgiens des campagnes sont peu instruits , n’agissent que par routine et réussissent plus par hasard que par un traitement méthodique et raisonné. Comment cela peut-il être autrement ? La plupart allient à une profession noble , telle que celle de l’art de guérir, une profession vile et abjecte, qui les empêche d’acquérir les connaissances nécessaires pour traiter comme il faut les maladies. Que je m’estimerais heureux, si, par les moyens que je vais proposer dans les articles suivants, je viens à bout de procurer aux habitants des campagnes des chirurgiens éclairés, et en état de les diriger dans toutes leurs maladies, tant médicinales que chirurgicales; je dis médicinal es, parce qu’elles sont les plus communes, et que le nombre des médecins n’étant pas proportionné à la multipli-(1) Le projet de M. Fromont n’a pas été inséré au Moniteur. cité des maladies, les chirurgiens seront toujours obligés de les traiter, à moins qu’on adopte le projet que vient de proposer un médecin de la capitale, celui d’établir dans toute la France la médecine gratuite; projet dont l’idée seule semble emporter avec elle sa réfutation. Article 1er. Gomme il y a tout lieu d’espérer que, suivant le vœu des différentes provinces du royaume, qui en reconnaissent la nécessité, il sera établi dans chacune d’elles des assemblées provinciales; la nomination des chirurgiens se fera par elles, après les examens subis dans la forme que j’indiquerai plus bas. Art. 2. 11 sera formé pour chaque chirurgien un arrondissement, dont les limites seront fixées par les assemblées provinciales. Art. 3. Le chirurgien qui désirera s’établir dans un de ces arrondissements, se présentera dans un collège de chirurgie, ou dans un corps de chirurgie d’une des principales villes de la province, où il y ait archevêché ou évêché : il sera muni de son extrait baptistaire, d’un certificat en bonne forme de vie et mœurs, et d’attestations qui prouveront qu’il a suivi pendant quatre années, au moins, des cours de chirurgie publics et particuliers; il rapportera, en outre, des témoignages authentiques des maîtres sous lesquels il aura travaillé, comme aussi des chefs des hôpitaux dont il aura suivi les pansements. Art. 4. Ces conditions bien strictement remplies, le collège ou corps de chirurgie lui fera subir les examens suivants , d’après lesquels il pourra être admis, s’il en est jugé capable. Art. 5. Les réceptions se feront en six examens, et ces examens rouleront sur six points principaux : Le premier, sur les principes de chirurgie en général ; Le deuxième, sur l’ostéologie, les maladies des os et l’application des bandages ; Le troisième, sur toutes les parties de l’anatomie ; Le quatrième, sur toutes les opérations de chirurgie, les pansements et la manière de les faire ; Le cinquième, sur les médicaments chirurgicaux, tant simples que composés, leurs usages et leurs applications ; Le sixième, enfin, sur la théorie et la pratique de l’art des accouchements. Art. 6. Les examinateurs seront au moins au nombre de six pour chaque examen. Art. 7. S’il se présentait plusieurs candidats, les examens se feront ensemble et par concours; les examinateurs seront, par là, plus à portée de juger de la capacité respective des candidats; mais on observera toujours la marche indiquée plus haut. Art. 8. Les concurrents se conformeront d’ailleurs, tant pour les examens que pour les concours, aux statuts et règlements des collèges ou corps de chirurgie, où ils subiront leurs examens. Art. 9. Les frais d’examen et autres seront à la charge du concurrent ; cependant il y a tout lieu de croire et d’espérer que si un candidat, sans moyen pécuniaire, avait un mérite distingué, et reconnu tel d’après de bons certificats et l’opinion publique, on lui fera remise du prix de sa réception : nous nous plaisons à croire que, dans ce cas, ses examinateurs feront avec plaisir le sacrifice de leurs intérêts, pour coopérer à donner à la province un sujet capable de répondre aux vues du gouvernement.