536 [Âssèmblée nationale.’ ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juin 1791.] cette circonstance, et que vous donneriez peut-être plus de consistance à cette démarche en chargeant des membres de cette Assemblée de cette mission importante. Nous avons cru enfin que cela était peut-être nécessaire à l’observation de la dignité réciproque des deux pouvoirs qui existent à côté l’un de l’autre, et qui doivent, tant qu’ils existent, être respectés. Voici le projet que nous vous proposons : « Art. 1er. 11 sera, par le tribunal de l’arrondissement des Tuileries, lequel, à cet effet, nommera dans son sein deux commissaires, informé partout où besoin sera, sur les événements de la nuit du 20 au 21 de ce mois, ainsi que sur les faits antérieurs et postérieurs qui y sont relatifs. « Art. 2. Il sera, par lesdits commissaires, procédé sans délai à l’interrogatoire de ceux qui sont en état d’arrestation, en vertu du décret du 25 de ce mois, ainsi qu’à l’audition des témoins. « Art. 3. L’Assemblée nationale nommera trois commissaires pris dans son sein, pour recevoir les déclarations du roi et de la reine relativement aux dits événements. « Art. 4. Le tout sera rapporté à l’Assemblée nationale pour être pris, par elle, les résolutions qu’elle jugera convenables. » Dans le premier article, nous avons mis qu’il sera informé partout où besoin sera; cela est nécessaire, parce que le tribunal d’arrondissement ne pouvant pas lu former hors de son arrondissement, et tes prévenus étant à l’Abbaye, on aurait pu élever des difficultés. M. Chabroud. Si la compétence qui nous a paru être le tribunal d’arrondissement, si le caractère du délit dont il s’agit de vérifier, de poursuivre les faits n’étaient pas évidents, je serais de l’avis de l’article, je croirais qu’il faut faire informer par le tribunal de district. Mais, comme il me semble que le caractère du délit est évident sur le fait dont il s’agit, je crois que, dès lors, la compétence est déterminée et que les juges chargés de la connaissance des crimes de lèse-nation sont les seuls qui peuvent prendre connaissance des faits dont il s’agit. On me dira peut-être qu’il y a de la difficulté de faire transporter à Paris le tribunal séant à Orléans. Or, il est évident qu’on ne peut pas dire que ce n’est pas un crime de lèse-nation. : je crois que cette difficulté ne doit pas arrêter l’Assemblée. Il s’agit d’une affaire très majeure, très importante et très grave dans laquelle l’Assemblée doit se conformer à ces principes. Je ferai encore une autre observation relativement au tribunal qui est en ce moment à Orléans, il parait qu’il ne s’est nullement occupé de sa mission; je n’en ai du moins aucune connaissance. J’ajoute que l’Assemblée n’avait établi ce tribunal que provisoirement et que, selon sa constitution, les juges, qui doivent prononcer en matière de crime de lèse-nation, sont les juges du tribunal de cassation. Je demande donc que l’article 1er proposé par le comité soit amendé en ce sens: que l’information sera faite par les juges chargés de la connaissance des crimes de lèse-nation, et qu’il soit ordonné que, par un extrait du tribunal de cassation, il sera procédé à l’instruction dont il s’agit. M. Duport, rapporteur. 11 me semble que le préopiuant s’est trompé même dans l’application des faits. En effet, Messieurs, il ne s’agit pas ici déjuger un crime de lèse-nation. N’oubliez pas que les procédures qui vont être prononcées dans l’application des principes seront rapportées à l’Assemblée nationale, qui seule pourra déterminer s’il y a lieu à cassation et à quel tribunal ils seront renvoyés. Il ne s’agit ici que d’une première procédure, il est nécessaire que cette première procédure soit attribuée à tous les juges. En effet, aussitôt qu’un délit est commis, la première chose dont il faut s’occuper est de saisir les prévenus et de recueillir les premiers éclaircissements. U est impossible d’appliquer cette opération aux juges qui doivent juger définitivement, parce que cela mettrait un très grand obstaele au recueillement des vérités. Ainsi, si même nous ne rendions point de décrets, il ne s’en suivrait pas moins que tout tribunal qui se trouverait saisi, soit des plaintes, soit de l’événement, serait autorisé par vos décrets à prendre les premières informations, et à vous les renvoyer ensuite pour leur donner leur dernière destination; comme il était possible qu’ici il y eût des informations à prendre dans plusieurs endroits, il était nécessaire de déterminer, d’une manière plus précise, quel serait le tribunal qui serait chargé de ces fonctions. D’abord il était possible qu’il y eût dans plus d’un endroit des informations à prendre relativement aux faits qui se sont passés; et il est indispensable de concentrer toute l'instruction sur un fait unique, dans un tribunal unique. D’après vos décrets, les juges auraient pu croire nécessaire d’informer et de lancer les décrets avant de procéder à des interrogatoires réguliers. Il fallait donc lever ces doutes. Gomme votre décret d’hier porte que ceux qui seront en état d’arrestation seront interrogés sans délai, il était utile de l’exprimer dans un article particulier atin que le tribunal voie que telle est l’intention de l’Assemblée nationale. J’observerai encore qu’il est important, dans la circonstance aciuelle, de montrer que l’Assemblée nationale s’occupe promptement de recueillir toutes les instructions relatives aux événements qui se sont passés : c’est en montrant que vous vous occupez de tous ces objets d’inquiétude que vous mériterez la confiance de la nation. Aussi il a paru nécessaire à votre comité de déterminer promptement ceux qui pourraient recueillir les informations, et il nous a paru nécessaire que ce fût le tribunal d’arrondissement. M. Chabroud propose que ce soit le tribunal de cassation; j’observerai à l’Assemblée que cela contredirait vos principes constitutionnels. En effet, tout juge est autorisé à prendre des informations; et dans aucun cas le tribunal de cassation n’est appelé ni par la Constitution, ni par la loi à remplir ces fonctions; aiusi c’est en conservant chaque institution dans sa place, c’est par l’observation de tous ces degrés de la justice, que vous montrerez que les événements n’ont pas changé votre morale; ainsi je demande que l’article soit mis aux voix, car il me paraît impossible de prononcer différemment. (L’Assemblée ferme la discussion et accorde la priorité à l’article du comité.) L’article est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Il sera, par le tribunal de l’arrondissement 537 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juin 1791.] des Tuileries, lequel, à cet effet, nommera dans son sein 2 commissaires, informé partout où besoin sera, sur les événements de la nuit du 20 au 21 de ce mois, ainsi que sur les faits antérieurs et postérieurs qui y sont relatifs. » (Cet article est adopté.) M. Duport, rapporteur, donne lecture de l’article 2, ainsi conçu : Art. 2. « Il sera, par lesdits commissaires, procédé sans délai à l’interrogatoire de ceux qui sont en état d’arrestation, en vertu du décret du 25 de ce mois, ainsi qu’à l’audition des témoins. » M. Buzot. Je demande qu’il soit ajouté à l’ar" ticle ces mots : * Sur la plainte de V accusateur public. » M. Duport, rapporteur. Nous avons dit que par le décret l’accusateur public n’était pas exclus des fonctions que la loi lui confie; ainsi il n’y a pas de doute que l’accusateur public puisse mettre en mouvement la procédure, pour joindre une activité à celle des autres tribunaux; mais ici la marche de la procédure ne s’est pas engagée de manière à ce que l’on puisse adopter l’objection du préopinant, et que l’on concentre dans l’accusateur public toute l’activité de cette affaire. Ce n’est que lorsque l’Assemblée nationale aura décidé qu’il y a lieu à accusation, qu’elle aura désigné le tribunal où les accusations doivent être portées, qu’alors il faudra nécessairement une partie publique pour poursuivre. Si vous prenez la forme que vous avez adoptée pour le juré, ce sera par des procurateurs généraux nommés par l’Assemblée nationale; c’est alors que la fonction d’accusateur public sera absolument nécessaire; mais ici c’est un ordre qui est donné directement par l’Assemblée nationale au tribunal de l’arrondissement, de procéder à l’audition des témoins; je ne crois pas que l’on puisse adopter la proposition de M. Buzot. M. Chabroud. Q d est-ce qui produira ces témoins ? Il faut bien quelqu’un pour les produire. M. Buzot. Les observations que l’on vous fait sont bonnes. Mais néanmoins qui est-ce qui est chargé d’informer? Comment qualifiez-vous les délits, les événements de la nuit du 21 juin? Ces expressions sont vagues : comment voulez-vous que des commissaires puissent aller en avant sur un pareil décret? Car, comme on dit fort bien, qui est-ce qui produira les témoins? On ne voit pas qu’en vertu de votre décret, un juge puisse même se charger d’une pareille procédure, puisque vous ne le dites pas dans l’état d’arrestation. M. Delavigne. J’observe que cette affaire-ci est comme une affaire ordinaire; n’allons pas chercher autre chose que ce qu’il y a. Quoique la chose soit de la plus haute importance, néanmoins ce n’est qu’un événement. Des particuliers prévenus d’un fait sont arrêtés sur la clameur publique. Il n’est question que de statuer sur une première circonstance qui a accompagné, précédé ou suivi le délit que la clameur publique a dénoncé. Ce n’est qu’après la réunion des indices qui peuvent se trouver sur ceux que la clameur publique a déclarés prévenus que le premier interrogatoire des prévenus peut avoir lieu, et que le corps de l’accusation peut être réuni, recueilli dans une information déterminée. D’après ces observations qui me paraissent être les vraies, et qui ne nous feront, pas perdre de vue le véritable caractère de l’affaire sur toutes les autres propositions qui tendraient à intervertir la marche naturelle, en introduisant actuellement un accusateur public qui n’a rien à faire, mais qui cependant peut agir d’office s’il le veut, je déclare que ce n’est pas à nous à l’introduire. Encore une fois, je le répète, l’arrestation sur la clameur publique, l’interrogatoire à faire prêter aux accusés, voilà tout ce qu’il faut. Je n’ajouterai qu’un mot. Il me paraît qu’il n’est pas question de faire des informations; il n’est pas question d’indiquer des témoins. Les prévenus sont arrêtés par le fait, par les circonstances, par leur arrestation même. Eh bien ! ce sont ces prévenus par les clameurs publiques dont on recevra les déclarations ; mais les juges commenceront la procédure, et ce ne sera qu’après le3 premiers interrogatoires qu’avoueront ou dénieront les entendus que l’on verra que les témoins peuvent être prévenus et que l’accusateur public agira : raison de plus pour ne pas admettre par un décret un accusateur public dans cette affaire. M. Chabroud. En soutenant l’avis du comité, le préopinant l’amende; car, dans son sens, les juges commis ne devraient pas entendre des témoins, et cependant par le projet de décret, il est dit qu’ils entendront des témoins. Or, je m’arrête à cette information, que je crois nécessaire. Je crois qu’il est indispensable d’entendre les témoins, et je dis que les juges ne peuvent pas de leur chef chercher les témoin-. Il faut quelqu’un pour produire les témoins. Il faut par conséquent un accusateur public. M. Duport, rapporteur. Messieurs, si vous voulez suivre les formes exactes de la procédure, il y a ici deux choses à distinguer : les juges peuvent, sans accusateur pub.ic, entendre les prévenus ; iis peuvent procéder aux éclaircissements qui seraient donnés par eux, et ensuite entendre aussi les témoins; mais les prévenus doivent être entendus tout de suite. Ensuite, s’il résulte de l’interrogatoire, s’il résulte des dépositions des témoins eux-mêmes d’autres témoins à entendre, il est sûr que ce n’est qu’à la requête de l’accusateur public que ces témoins peuvent être assignés. Mais cela est-il nécessaire à mettre dans le décret? Je ne le pense pas. Le tribunal agira d’abord sans l’intervention de l’accusateur public ; il procédera à l'interrogatoire et à l’audition des témoins, et ensuite, lorsque la procédure s’engagera ultérieurement, il donnera ordre à l’accusateur public de faire assigner les témoins, de les faire entendre devant les juges pour être jugés devant un tribunal. Voilà le mode qui a été déterminé. (L’article 2 est mis aux voix et adopté sans changements.) M. Duport, rapporteur , donne lecture de l’article 3, ainsi conçu : « L’Assemblée nationale nommera 3 commissaires pris dans son sein pour recevoir les déclarations du roi et de la reine relativement aux dits événements. » M. Robespierre. Le parti d’attribuer à des commissaires, pris dans le sein de l’Assemblée, le soin de recevoir les déclarations du roi et de la reine, ne me paraît ni le plus sage, ni le plus