[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 juillet 1791.] gg< M. d’Elbhecq. L’impression de l’adresse ! Plusieurs membres : On a passé à l’ordre du jour I M. le Président. M. Gossin a la parole. M. Gossin. Messieurs, les citoyens du département delà Meuse et le directoire de ce département m’ont chargé de faire part à l’Assemblée de l’effet pénible produit sur eux par une expression qui s’est glissée dans la rédaction du procès-verbal de la séance permanente du 23 juin. Permet-tez-moi, Messieurs, de vous donner lecture de l’arrêté pris par le directoire à ce sujet le 15 juillet dernier. « L’Assemblée étant formée, le procureur général syndic a dit : « Messieurs, « Le procès-verbal de la séance permanente de l’Assemblée nationale, sorti des presses de son imprimerie, renferme un passage qui ne peut pas être indifférent. On le lit dans le cahier intitulé 5e suite, page 11, à l’article du 23 juin, à 5 heures du soir : voici comme il est conçu : « Un membre a dit que les ennemis publics comptaient que le roi, en se retirant dans un département que l'on a peint comme contre-révolutionnaire , se verrait bientôt entouré d’une armée de mécontents. « C’est notre département seul, Messieurs, que l’auteur de cette observation a eu en vue, puisque l’arrestation du roi était connue, et qu’on savait ce qu’il dit alors, et ce qu’il a répété depuis, qu’il voulait se relirer à Montmédy, place forte de ce département, située à l’extrémité de la frontière. « G]est donc le département de la Meuse qui, d’après le texte du procès-verbal, était peint comme contre-révolutionnaire, et passait pour tel dans l’opinion publique. « Yous vous devez à vous-mêmes, Messieurs, vous devez aux administrés de ce département, de réclamer contre une assertion qui pourrait faire suspecter leur patriotisme et le vôtre. « Nous osons le croire et le dire : il serait difficile, et peut-être impossible, d’articuler un seul fait qui puisse justifier que le département de la Meuse a été peint comme contre-révolutionnaire ; mais il vous est facile à vous, Messieurs, de prouver qu’il n’a jamais mérité de passer pour tel. A votre égard, sans parler ici des témoignages de satisfaction et des éloges que l’Assemblée nationale a donnés dans différentes occasions à votre conduite, il doit vous suffire de rappeler le vœu qu’à la première nouvelle de l'évasion du roi, vous vous empressâtes de manifester à vos administrés. Il est consigné,’ ce vœu, dans l’arrêté que vous prîtes le 22 juin dernier, à neuf heures du matin, à l’arrivée du courrier, porteur du premier décret, qui annonçait cette funeste nouvelle, qui fut publiée sur-le-cbamp. Le voici : « Le directoire exhorte les corps administratifs, municipalités et gardes nationales, ainsi que tous les bons citoyens, à se rallier plus que jamais autour de la Constitution, et à redoubler d’efforts et de zèle pour déconcerter et rendre vains les projets de ses ennemis ; les avertit que dans ce moment critique, le salut de la chose publique dépend de l’union la plus intime entre les bons citoyens, et de l'attachement le plus inébranlable aux décrets de l’Assemblée nationale. « Et, sur le bruit qui se répandit ici vers les 10 heures du matin 22 juin, que la famile royale avait pris la route de Yarennes, vous envoyâtes sans délai un de vous dans le Clermontois pour prendre tous le3 renseignements à ce sujet, avec commission expresse, en cas d’arrestation de la personne du roi, de faire reconduire Sa Majesté à Paris, sous bonne et sûre garde ; et cette arrestation s’étant confirmée, vous envoyâtes 2 autres commissaires sur la frontière pour prendre connaissance de son état de défense et en rendre compte à l’Assemblée nationale. « Quant à vos administrés, Messieurs, le souvenir de ce qui s’est passé à Varennes, la fermeté, la prudence, le courage que tous les citoyens de cette ville ont déployés dans la circonstance la plus difticile, l’empressement des gardes nationales de tous les points du département à accourir à son secours, leur prompt rassemblement qui en a imposé aux ennemis publics, qui a déjoué leur combinaison perfide, sauvé la patrie : c’en est plus qu’il n’en faut, sans doute, pour dissiper tous les nuages, s’il était vrai qu’on eût jamais tenté d’en élever sur leur patriotisme. « C’est à l'appui de ces motifs que nous vous proposons, Messieurs, d'adresser à l’Assemblée nationale vos représentations sur le contenu au procès-verbal de sa séance permanente, en la suppliant de prendre, dans sa sagesse, les moyens qu’elle croira convenables pour dissiper le doute que les expressions de ce procès-verbal, ci-devant rapportées, pourraient élever sur le patriotisme et les principes constitutionnelsdu département de la Meuse. « La matière mise en délibération ; « Yu le passage du procès-verbal de la séance permanente de l’Assemblée nationale, cité dans l’exposé du procureur général syndic; « Le directoire remarque avec une douloureuse surprise que le département de la Meuse a été présenté à l’Assemblée nationale comme chargé par J’opinion publique du soupçon d’être contre-révolutionnaire, au moment même où les citoyens qui le composent venaient de donner la preuve la plus éclatante et la moins équivoque de leur dévouement à la Constitution. « Sensiblement affecté d’une imputation aussi peu méritée, et jaloux de conserver pour lui-même et pour les administrés de ce département, l’estime et la confiance de l’Assemblée nationale, et de tous les vrais amis de la Constitution et de la patrie, le directoire prie l’Assemblée nationale d’accueillir ses justes plaintes, et d’ordonner que la rédaction du procès-verbal de sa séance permanente à l’articledu23 juin, 5 heures du soir, sera rectifiée de manière à détruire les soupçons que cette rédaction a pu faire naître sur la réputation du civisme du département de la Meuse. « Arrêté qu’à cet effet expédition des présentes sera adressée à MM. les députés de ce département à l’Assemblée nationale, avec prière d’appuyer auprès d’elle la juste réclamation du directoire. « Fait et arrêté à Bar-le-Duc, en directoire, ledit jour 15 juillet 1791. » Comme il s’agit, Messieurs, d’un monument qui doit transmettre à la postérité uu événement si important à la liberté nationale, il est bien naturel que les habitants du département de la Meuse, qui y ont figuré avec tant d’honneur, ne paraissent pas dans le procès-verbal qui se transmettra, d’une manière qui puisse faire suspecter leur amour pour la Constitution, qu’ils ont signalé dans toutes les circonstances, et tout ré- 082 [Assemblée nationale.) cemment encore, par une adhésion éclatante au décret sur lequel reposera la tranquillité publique. (L’Assemblée applaudit à la délicatesse des citoyens et des membres du directoire du département de la Meuse, et ordonne l’insertion de son arrêté au procès-verbal.) M. "Varin, au nom du comité des rapports. Le 5 juillet dernier, vous rendîtes un décret d’arrestation contre M. Possel, commissaire-ordonnateur de la marine à Toulon : le soir vous en suspendîtes l’exécution, en chargeant votre comité des rapports de l’examen des faits qui devaient fixer définitivement votre opinion. C’est le résultat de cet examen que je suis chargé de vous présenter. Le motif du décret prononcé contre le sieur Possel, est une lettre du directoire du département du Var, par laquelle on vous expose que, le 26 juin, époque à laquelle le départ du roi parvînt à Toulon, M. Possel avait redoublé les inquiétudes en annonçant qu’il ne se trouvait dans la caisse de la marine qu’une somme de 3,000 livres en numéraire ; que, cependant, vérification faite de la caisse du sieur Panetty, trésorier, il s’y était trouvé 13,690 livres en numéraire, indépendamment de 4,486 livres en rescriptions, et enfin pour 599,712 livres en assignats. Les administrateurs ajoutent qu’ils ne se permettront pas de réflexions sur la conduite du sieur Possel ; que les faits qu’ils exposent engageront sans doute l’Assemblée nationale à s’en faire rendre compte. L’Assemblée soupçonna qu’une erreur si étonnante avait eu des motifs secrets. Voilà, sans doute, quelle fut la cause du décret d’arrestation. Le soir vous en suspendîtes l’exécution dès qu’une voix se fut élevée en faveur du sieur Possel. H est effectivement vrai qu’au moment où le déclara le sieur Possel, il n’y avait en caisse que 3,000 livres de numéraire et que le lendemain il s’y trouva 13,690 livres; et en cela il n’y avait rien de surprenant, puisque ce versement, de l’aveu du trésorier, provenait des versements qui s’étaient faits depuis la première vérification. Et remarquez, Messieurs, que le commissaire-ordonnateur peut facilement errer d’un moment à l’autre sur l’état au vrai de sa caisse, puisqu’il n’en a pas la disposition. Le jeu de cette caisse est le fait personnel du trésorier. Aussi le trésorier donne-t-il un cautionnement, tandis que le commissaire-ordonnateur n’en donne pas. Enfin, ceci justifiera complètement M. Possel, c’est que l’instant où il faisait part de ses inquiétudes, était celui où il recevait l’ordre de fournir à l’équipement de deux frégates, et il fallait des fonds pour cet [26 juillet 1791. J objet. 11 était donc naturel qu’il fit part de l’embarras où il croyait être alors. Veuillez vous rappeler, Messieurs, qu’en suspendant votre décret, vous y fûtes en quelque sorte forcés par les témoignages qu’un de vos collègues rendît à ses vertus. Tous les membres qui composent la députation du département l’ont présenté à votre comité comme un citoyen ayant fourni une carrière de 50 années de vertu. Vous ne douterez point non plus de son civisme lorsque vous saurez que, sans en être requis, et peut-être sans y être obligé, il a prêté le dernier serment que vous avez ordonné ; et enfin, s’il avait encore besoin d’être justifié, je vous citerais sa correspondance avec le ministre, pour juger combien étaient grandes ses sollicitudes sur les moyens d’avoir du numéraire, dont il sentait à chaque instant le besoin. Voici notre projet de décret : « L’Assemblée nationale, après s’être fait rendre compte, par son comité des rapports, des faits concernant le sieur Possel, commissaire-ordonnateur de la marine à Toulon, décrète qu’il n’y a lieu à aucune inculpation contre lui; ordonne, en conséquence, que le décret du 5 de ce mois, portant que ledit sieur Possel sera mis en état d’arrestation, sera considéré comme non-avenu. » (Ce décret est adopté.) M. Fricot, au nom du comité des domaines > termine la lecture de son rapport sur l'échange de Sancerre, commencé dans la séance du samedi 23 juillet au soir (1). M. le Président. L’Assemblée a renvoyé après le rapport du comité, la lecture d’une lettre de M. d’Espagnac ; la voici : « Monsieur le Président, « Un père de famille, dont toute la fortune est compromise en ce moment, vous supplie de représenter à l’Assemblée que la justice exige qu'il lui soit permis de se défendre et de demander la parole. « Je suis, etc. « Signé : D’ESPAGNAC. » M. Fricot, rapporteur. Cette demande avait été faite au comité qui l’a examinée; et le comité, pénétré de la justice de cette demande, m’a chargé de l’appuyer. (L’Assemblée décrète que M. d’Espagnac sera entendu à la barre, et qu’à cet effet il y aura, demain soir, une séance extraordinaire.) M. le Président lève la séance à neuf heures et demie. (1) Voyez ci-dessus ce document, séance du 23 juillet 1791, page 351. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.