S68 [Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (20 mars 1790. J ANNEXE A la séance de l'Assemblée nationale du 20 mars 1790 (1). PROJETS DE DÉCRETS Sur les milices auxiliaires et les travaux publics , avec des observations sur la police générale du royaume, sur un plan d’impôt territorial , la capitation, le timbre et une banque de secours nationale, précédés d'une adresse à l’Assemblée nationale, par M. le comte de Pawlet. (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Ubi nultus ordo, ibi sempiternus borror inhabitat. AVERTISSEMENT. Ces projets de décrets présentent un plan d’administration publique, qui aurait pour objet de donner aux milices une constitution, en les rendant plus utiles, sans êire aucunement à charge aux peuples, réunirait plusieurs vues d’utilité publique, parmi lesquelles se trouveraient les moyens de faire faire les travaux publics, sans corVées, avec le moins de frais et le plus d’avantages possibles; de donner à la police générale du royaume, une base aussi simple que bien organisée, et propre à prévenir le vagabondage et les crimes, afin de n’avoir pas à les punir; d’asseoir l’impôt territorial et la capitation, sous le mode le plus juste de la répartition, le plus propre à écarter l’arbitraire, et jusqu’aux moindres abus; à supprimer tous frais de répartition et de recette, et, par conséquent, à soulager les peuples ; de former une banque de secours nationale, qui vivifierait toutes les branches d’agriculture, de commerce et d’industrie. Nota. On ne pourra juger du mérite du plan général, contenu dans cet ouvrage, qu’après en avoir lu l’ensemble, et médité sur les avantages qui résulteront de la liaison qui se trouve entre toutes les parties. ADRESSE A L’ASSEMBLÉE NATIONALE. Messieurs, c’est parce qu’on avait trop multiplié, trop compliqué toutes les branches de l’administration publique, qu’on a vu naître des maux qui ont successivement miné ce vasie empire, et l’ont plongé dans l’anarchie qui va achever la destruction de cette immense famille, si le souverain qui, comme vous, est animé du plus violent désir de faire le bonheur de son peuple; si ce prince qui ne vous a appelés que pour vous engager à y concourir avec lui ; si ce prince, qui a tout sacrifié à ce but, ne rétablit, par une mâle fermeté, cette heureuse harmonie, sans laquelle tout le désir du bien ne saurait l’opérer. Déjà la misère la plus affreuse, enfantée parle désordre, «téso'e nos provinces et la capitale : les manufactures, le commerce, l’agriculture sont tombés dans l’anéantissement ; l’étranger profite de nos malheurs pour élever sa fortune publique (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. sur la nôtre : il semble acheter à prix d'argent le délire qui nous agite. Plusieurs autres, avant moi, ont déploré nos maux. M. le comte de Mirabeau disait que nous dormons tranquilles, comme les habitants du mont Vésuve, entourés de précipices; il a prédit la dépopulation de cette vaste cité, qui serabienlôt suivie de celle du royaume. Les haines qui naîtront de la défiance et de la jalousie, si on ne les prévient, armeront les sujets contre les sujets, les voisins contre les voisins, les frères contre leurs propres frères Pour vous convaincre de cette vérité, jetez les yeux sur cette capitale où les lumières étant plus réunies, les moyens de conciliation plus rapprochés, devraient aussi plus facilement établir, entre les districts et la commune, cette heureuse harmonie, sans laquelle on ne saurait donner de baseàl’ordre et fonder la prospérité publique : voyez la défiance qui règne entre eux? A peine les districts eurent-ils nommé les députés à la commune, qu’ils auraient voulu, ou les rappeler, ou réduire à rien les pouvoirsqu’ils leur avaient donnés. Persuadés sans doute, que les forces municipales seraient sans frein, ils cherchèrent à prendre des mesures contre elles; au lieu d’exiger des comptes publics de la gestion, ils voulurent il’enchaîner plutôt que de suivre avec elle un plan complet de direction administrative, sous les ordres du pouvoir exécutif suprême, et d’après les lois sanctionnées ; ils voulurent régir d’après leur fantaisie, ils formèrent une espèce de coalition, une autre association de députés dont le rendez-vous est à l’ar-chevêché, contre ceux dont leur confiance avait formé la commune. Cet esprit de discorde qui régne entre les membres mêmes des différents districts, ainsi rapprochés, vous annonce les maux affreux qu’il enfantera dans toutes les provinces, dont les points sont plus éloignés, et vous annonce les principes de fermentation qui naîtront des entreprises arbitraires que formeront les différentes parties contre d’autres, et les forceront à se détruire réciproquement, si un pouvoir supérieur ne ramène tout au point central ; s’il ne règle, avec énergie, les impulsions que doit doq-ner ou recevoir chaque partie ; s’il ne calme, en fixant à chacun la tâche qu’il doit remplir, les mouvements tumultueux qui naîtront des fausses idées qu’on aura de la véritable liberté, de l’intérêt propre ; s’il n’établit promptement cette organisation harmonieuse qui doit lier, subordonner impérieusement, pour le bien général, toutes les parties administratives au pouvoir de l’administrateur suprême, dont elles ne doivent être que les agents circonscrits, bornés à proposer le bien et à exécuter les ordres qu’elles en recevront, toujours d'après les lois sanctionnées. J’ose le dire, Messieurs, avec la confiance que je serai applaudi par tous les bons citoyens, comme vous ; les municipalités de cantons, de districts et de départements ne doivent, lorsqu’il ne s’agira pas d’élection, comme je le proposai, en 1775, dans le plan que j’ai eu l’honneur de mettre sous vos yeux, que représenler les intendants et les subdélégués, avec la différence que ces derniers pouvaient quelquefois cacher le mal au souverain, ou se tromper dans le bien qu’ils proposaient; tandis que les municipalités, plus instruites sur tout ce qui peut nuire ou concourir au bonheur de leur localité, le diront, le proposeront a\ec cette noble et harmonieuse franchise que les enfants doivent à leur père. Préservons-nous donc, Messieurs, !e plus promptement possible, des maux dont l’anarchie peut [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 mars 1790.] 269 nçus accabler. Telles les abeilles, ces insectes que Dieu a donné à l’homme comme l’exemple le plus frappant du pouvoir, de l’ordre et de l’économie, lorsque leurs ruches sont renversées par quelque orage impétueux, s’enfuient d’abord en tremblant, et bientôt devenues furieuses par la tempête qui les agite, emportées dans les airs, elles se jettent sur tout ce qui les environne; elles trouvent partout la mort, par les blessures qu’elles font à ceux mêmes qui sont les plus touchés de leurs maux ; elles périssent en cherchant à se venger de ceux qui ont le plus d’intérêt à les sauver. Tels aussi les peuples, lors-qu’égarés par de faux principes, emportés par les fureurs qui naîtront de la misère où les auront réduits l’anarchie et le désordre, ils s’acharneront les uns contre les autres; après s’être entre’ égorgés, après avoir tout dévasté, après avoir ôté à leurs bienfaiteurs jusqu’au dernier des moyens de les secourir, accablés de tous les maux, ils imploreront eux-mêmes la puissance publique; ils demanderont à grands cris au monarque de les soustraire à leur propre rage : alors, s’il n’«st pas trop tard, semblable à l’astre radieux qui, par l’influence de ses rayons, chasse tes nuages, échauffe la nature, rassemble les abeilles et leur roi, les troupeaux et leur berger, distribue à chacune des parties de ce vaste univers, la tâche qu’elle doit remplir, et lui donne sans cesse une nouvelle vie ; de même aussi la force du pouvoir souverain, entre les mains du plus juste des monarques, ramènera l’ordre, rétablira et entretiendra, en consultant souvent ceux dont il exigera cependant l’obéissance nécessaire pour le bonheur commun, le calme qui seul peut opérer le bien de toutes les nations. J’ai vu croître le mal, j’ai longtemps médité' sur les moyens d’y remédier: pressé par un désir invincible de me rendre utile à ma patrie, il me semblait que j’étais plus heureux lorsque je cherchais les moyens qui pourraient concourir au bonheur de mes concitoyens. Quoique très jeune encore, je m’étais déjà rangé dans la classe de ceux dont le nom est une espèce d’injure, de ces hommes à projet dont tous les instants sont employés à rêver sur les biens ou sur les maux publics, lorsque notre auguste monarque succéda au trône de ses ancêtres. Pénétré de reconnaissance pour les bontés dont son auguste père avait honoré mes premières années* je lis des vœux pour la prospérité de son règne ; le désir de le voir rendre, les peuples heureux, me lit épier ses actions. Sa première démarche parut du plus heureux augure; elle fut celle d’un bon prince qui désire faire présider la sagesse à ses conseils. Le rappel qu’il fit d’un vieillard, d’un ancien ministre qu’il crut avoir été sacrifié à une intrigue de Cour, et pour avoir voulu faire son devoir, me donna la plus haute idée d’un jeune prince, qui croyait hélas! mettre à la tête de la France un Nestor dont il voulait être le pupille; mais combien de circonstances vinrent traverser ses vues bienfaisantes: l'état de délabrement où était notre marine , et qui nous asser-vissait à l’Angleterre, le désir si naturel de nous soustraire à l’esclavage où nous tenait cette nation qui nous forçait de payer à Dunkerque un commissaire dont l’objet était de s'opposer à nos propres travaux, nous occasionnèrent des frais immenses. Laguerre d’Amériqueaccrut àeile seule, de deux milliards, la masse de nos dépenses, et prépaia l’excès de nos malheurs par la forme que nous fûmes forcés d’adopter pour nos emprunts. Disposé àme plaindre du poids de l’impôt, comme tous les autres sujets envisageant avec effroi la dette accablante de l’État; tremblant à l’aspect d’un délicit qui pouvait compromettre ses créanciers légitimes, ou exiger de notre part de nouveaux sacrifices ; gémissant sur le sort d une foule d’infortunés que la cherté des denrées de première nécessité plongeait dans b' marasme, jecruscepen-dant, avant de mêler ma voix à celle de tant d autres qui criaient contre les abus, devoir m'assurer jusqu’à quel point ils existaient, en calculer la force et les progrès dans le calme, afin de voir comment on pourrait y remédier, et de hasarder mes réflexions. Nous avons une nation voisine, notre rivale ; une nation dont nous louons la constitution ; une nation dont nous sommes les enthousiates aveugles, et dont nous admirons jusqu’aux excès ; une nation qui s’administre elle-même, et dont les opérations ont toujours forcé les nôtres; je cherchai à en faire un modèle de comparaison qui pût me mettre à portée de juger sainement de la boune ou mauvaise administration de ceux que nous blâmons. Je pensai que si cette nation avait moins d’impôts, plus .d’objets de dépenses et moins de dettes, ce serait déjà un grand préjugé contre notre administration : mais que si, au contraire, les impôts y étaient plus multipliés, avec moins d’objets de dépenses, ramené par d-s principes de justice, il fallait moins s’occuper de blâmer, que des moyens de remédier au mal passé, de perfectionner pour l’avenir les opérations, de manière à avoir l’avantage sur les autres nations. Le résultat de mes recherches, comme vous allez le voir, fut entièrement à notre avantage. L’impôt en France en 108 années ne s’est accru que de 264 millions,! aridisque, dans ce même espace de temps, celui d’Angleterre a été augmenté de 319 millions, dont 229 ont été ajoutés dans le court espace de 37 années. La dette nationale, eu Angleterre, s’est accrue de deux milliards deux cent quatre-vingt douze millions, tandis que celle de Fi ance, dans le même espace de temps, n’a été augmentée que d’un peu moins d’un millardcinq cents millions ; il est cependant prouvé que la France n’a de libre à dépenser que 50 millions de plus que l’Angleterre, quoique la différence de sa position exige des sommes bieu plus considérables. L’Angleterre en effet est une île la France est un pays ouvert : une barrière naturelle ib fend celle-là des invasions; des vaisseaux suffisent à sa sûreté. La Fi ance au contraire est obligéed’avoir une marine pour protéger ses côtes, eu même temps que des armées et des villes de guerre pour défendre ses frontières, ce qui fait que les tonds destinés en France à la guerre surpassent de plus de 50 millions ceux consacrés eu Angleterre à leur service de terre. Un territoire plus étendu, d’ailleurs, exige plus de frais d’administration ; ceux de justice et des routes qui, payés par l’Etat, sont très chers eu France, ne sont pas eu Anglererre à la charge du gouvernement. Assuré par ces recherches et comparaisons qui portent sur plus de cinquante ans, que nos maux étaient pluiôt encore le résultat des circonstances générales qui avaient enchaîné toutes les nations, et que le législateur colleciif des Anglais avait été même moins modéré lorsqu’il s’était agi des dépenses nationales, et moins économe que notre législateur, lors individuel, je devins plus circonspect. Ramené à des sentiments moins tumultueux que ceux qui portant à tour fronder, sans connais- 270 [Assemblée nationale.] ARCHIVES HAÏ sance de cause, ne font qü’échâüffef les esprits et accroître les maux publics, je crus qu’il Serait beaucoup mieux de chercher d’oû Venait le mal et comment on pouvait y remédier. Je vis alors que si les Anglais n’oüt point de déficit, c’est qu’ils mettent des impôts, en raison des emprunts qu’ils font, pour en payer l’intérêt, ce qui leur donnant un avantage important sur nous, pour emprunter à meilleure composition, prouve encore que notre gouvernement à été plus économe, puisque notre dette n’est pas aussi considérable, tandis qu’elle aurait du surpasser celle de nos voisins, nos emprunts surtout, depuis quelques années, ayant été faits à un taux très considérable, comme seul propre à déterminer les capitalistes en raison de ce qu’on leur donnait moins de sûreté, Réfléchissant ensuite que si les Anglais, après s’être assurés par l'apurement des comptes de la guerre d’Amérique, qu’ils avaient un déficit considérable, s’étaient empressés d’offrir les sommes propres à le combler, une grande nation comme la nôtre pourrait, à plus forte raison, par un nouvel ordre de choses dont le but serait de simplifier toutes les branches de l'administration, au point d’en écarter les abus, de répartir l’impôt d’une manière plus égale, moins susceptible dé frais, de variations, d’arbitraire, et surtout moins à charge à la partie la moins fortunée, trouver non seulement les moyens de balancer les avantages que le crédit national anglais lui donne sur nous, mais encore nous mettre à portée de couvrir nôtre déficit, de ramener bientôt le bonheur public, et de fonder, d’une manière plus solide même que ne peut faire le crédit anglais et celui de toute autre nation, la puissance et la prospérité nationale française, Telles furent, Messieurs, les réflexions qui me dictèrent les combinaisons qui ont formé ie plan que j’ai eu l’honneur de vous offrir. La constitution des milices nationales auxiliaires, combinée aveG celle des travaux publics, telle que je la conçus, me parut devoir servir de base au plan qui embrasse, comme vous l’avez vu, l’ensemble des branches les plus importantes de l’administration publique. Depuis longtemps je voyais, avec infiniment de peine, que les milices, par les exemptions arbitraires, et par une foule de vexations dont elles servaient de prétexte, étaient le fléau de la nation dont elles auraient dû être le bouclier invincible. J’étais surtout affligé de ce qu elles éloignaient de leurs foyers une foute de sujets qui, pour s’y soustraire, s’enfuyaient dans les villes qui étaient exemptes du tirage, où ils finissaient par accroître lé Dombre des infortunés, souvent même celui des vagabonds, faute de trouver les ressources sur lesquelles ils avaient compté. Persuadé cependant qu’elles sont essentiellement nécessaires, je cherchai par quelles combinaisons on pourrait leur donner une base constitutionelle, qui pût non seulemênt les rendre plus généralement utiles, sans être à charge aux peuples, mais encore les faire concourir à leur bonheur, en donnant l’essor à plusieurs autres vues d’utilité publique. Longtemps j’avais gémi sur le sort du villageois, du laboureur flétri sous le poids des corvées, lorsque je désirai qu’ou trouvât les moyens de les remplacer à si peu de frais, et avec tant d’autres avantages pour la nation, qu’on fût porté à s’y déterminer. : .Vous aurez eu, Messieurs, une idée de l’économie qu’on trouverait dans ie plan que j’ai eu ÆMENTàIRËS. [20 mars lŸOO.j l’honneur de mettre sous vos yeux, lorsque vous aurez vu que quoique M. Turgot, administrateur aussi patriotique qu’éclairé, eût prouvé que la dépense relative au rachat des corvées ne pouvait être au-deSsous de douze à treize millions, auxquels elles sont portées, ce qui, avec les frais des ponts et chaussées, va à dix-huit ou vingt millions pour les seuls bays non d’Etat; cependant on pourrait, avec 8,760,000 livres, non seulement procurer à la France entière un résultat de travaux beaucoup plus considérable que celui que donneraient toutes les corvées du royaume, mais encore fournir gratis à l’Etat les mains-d’œuvre pour les grands ponts et autres constructions publiques, faciliter la suppression de tous les frais des prisons, des déserteurs et autres vagabonds, d’établir une police si douce et si bien organisée, qu’elle détruirait toute espèce de vagabondage en forçant ceux qui seraient tentés de s’y livrer à rentrer dans la -classe des citoyens utiles, sans les renfermer ni lés rendre malheureux, et sans cependant qu’ils puissent s’en défendre, de prévenir presque tous les crimes afin de n’avoir pas à les punir, de détacher des travaux publics, à la première guerre, sans cesser l’entretien des grandes routes, et de veiller à leür sûreté, un corps de seize mille hommes tous payés, 1600 chevaux pour l’artillerie, un grand nombre dé bœufs pour fournir à la subsistance des troupes réunies. L’arbitraire dans la répartition des contributions qui seraient payées par chaque communauté, serait tellement banni, et l’ordre établi, qu’une communauté qui paye aujourd’hui 5 à 600 livres pouf le rachat de ses corvées, n’en payerait pas 100 poür concoUrrirâ tous les objets que je Viens d’avoir l’honneur de vous indiquer, quoique tous les travailleurs fussent payés de manière à chérir leür sort. J’avais placé à la suite de cet ensemble, sous le nom de réflexions diverses, l’extrait de ce que j’avais proposé sur l’impôt, sur les moyens d’assurer là subsistance nationale, d’une manière également propre à encourager l’agriculture et toutes les autres branches de la société ; Sur le parti qu’on aurait pu tirer des biens du clergé ; • Sur une banque nationale qui me paraissait devoir vivifier le commerce, l’agriculture et toutes les autres parties de ce vaste empire. Vous ne vous êtes pas contentés, Messieurs, d’accueillir favorablement l’ouvrage où j’ai traité ces objets, vous avez encore daigné ordonner que les projets dé décrets qui en présentent Ten-semble, fussent imprimés aux dépens dé. la chose publique. Heureux 1 si mes vues pouvaient être de quelque utilité à ma patrie. Si, après les avoir examinés avec l’attention quê méritent des sujets aussi importants, vous ne les croyez pas susceptibles d’execution, elles auront du moins à Vos yeux lé mérite de m’avoir été dictées par le Zèle le plus pur, l’attachement le plus sincère, lé plus inviolable et le plus respectueux pour ma patrie, et pour notre auguste monarque. PROJET DE DÉCRET Concernant les milices nationalés. L’àssemblëe nationale considérant qu’il importe essentiellement, pour la nation, d’avoir toujours un fbnd de milices auxiliairés, prêt à se [Assemblée nationale.) ARCïîIVÉS PÂRLMËfttÂiRËS. [10 mars 1700.] réunir, eu cas de guerre inévitable, aux troupes de ligne, afin de n’être pas obligée de forcer arbitrairement tous les citoyens à courir aux armes, ôu de ruiner la fortune publique, en frais d’enrô-lement, de manière à ne pouvoir résister aux effbrts ennemis, elle a cherché quelle serait la constitution de milices auxiliaires qui, sans gêner la liberté des citoyens, procurera néanmoins Constamment une quantité de soldats suffisante à opposer aux ennemis, ét réunira. en même temps les moyens d’encourager toutes les classes, de remplir te plus de vues d’utilité publique, le plus d’ordre et d’ensemble, elle a décrété et dé-crête * Art. lw. Le bien public exige qu’il y ait toujours tin fond de 1U0,8Ü0 miliciens, y compris ceux connus sous le nom de gardes-côtéè qui seront fournis par les municipalités des communautés, pour accroître, en cas de guerre inévitable, les troupes de ligue. Art. 2. Il sera accordé, pour prix d'encouragement, à tout citoyen qui, pâr sa taillé, sa constitution physique, ét surtout par ëoù honnêteté et soü patriotisme, sera admis a s’enrôler pour milicien d’üüe communauté, une solde de deux sois par jour, ou trente-six livres par an, sur lesquelles il en sera retenu six, pour lui former Une masse d’habillemeüt. Art. 3. Le nombre de ceux qui seront classés en même temps, étant borné, s’il s’éü présentait au delà de Celui nécessaire, on donnera toujours la {(référence à ceux qui se seroot faits enregistrer es premiers; et s’il s’en trouvait plusieurs qui se présentassent en même temps, le choix sera fait ar la voie du sort; il en sera de même si le nom-re dé ceux qui se présenteront à l’enrôlement volontaire, ne suffisait pas pour former le complet de 100,800 hommes. Art. 4. Les miliciens et gardes-côtes actuellement classés, continueront à l’être jusqu’à l’expiration de leur temps. Ils jouiront de la solde sus accordée, à compter du mois de janvier prochain. Art. 5. S’il arrivait que, faute de trouver un nombre suffisant de gens de bonne volonté pour compléter le total des troupes auxiliaires, on fût obligé de faire tirer au sort, tous les garçons, ou veufs sans enfants, compris dans les âges de seize à quarante ans, seront dans le cas d’y tirer, à moins qu’ils ne se fussent abonnés, dans le mois de janvier précédent, pour le prix de 50 livrés par an, ce qui seul les exempterait du tirage. Art. 6. Celui qui, ne S’étant point abonné, à l’époque susdite, serait désigné milicien par le sort, aurait encore là liberté de se faire représenter par un avoué, en traitant de gré à gré avec quelqu’un d’admissible, à la charge par lui de répondre de son représentant et de prendre Isa place dans le cas où il viendrait à mourir ou à déserter, sauf à se faire représenter par un âütré qui aurait les qualités admissibles. Art. 7. Les 100,800 soldats auxiliaires seront classés ainsi i 63 seront sous l’inspection d’un ancien officier, ayant obtenu la retraite militaire, qui veillera sur leur complet. Ils seront censés former une compagnie auxiliaire, qui portera le nom du point central de l’arrondissement des Communautés qui les fourniront: 10 des compagnies seront sous l’inspection d un autre officier Vétéran et supérieur en grade : elles seront désignées sous le nom de bataillon auxiliaire national, qui portera celui du point central de l’ar-fondiBSêmeüt des communautés qui en fourniront les soldats. Deux de ces bataillons seront connus sous le nom de section du point central, dont le plus ancien des deux inspecteurs sera le Chef. Chaque section sera lâ huitième partie de 100,800 soldats auxiliaires : elle sera par là censée diviser la population du roÿabîüe eu 80 parties; deux sections seront sôus l’inspection d’uü officier, supérieur à ceux des bataillons. Elles seront .alors désignées SoUs le nom de divisions dü point central, et quatre de ces divisions connues soüs le nom de légion de l'arrondissement de toutes les communautés qüi en auront fourni les sujets, seront sous l'inspection d’un officier, supérieur en grade à tous les autres. Art. 8. Tous les officiers de chaque légion seront subordonnés de grade eu grade, et tous ensemble à l’inspecteur de la légion; ils seront à la nommination de Roi. Art. 9. Les 63 hommes de Chaque compagnie auxiliaire formeront 6 escouades dé 10 hommes Ghacüuè, à la tête desquelles Seront des soldats qui obtiendront ceS places, comme des récompenses, après 32 ans de service. Art. 10. La durée de l’eurôlemëüt de tout soldat auxiliaire sera de 8 ans, peüdant lesquels il sera libre dê se marier, si bon lui semblé. Art; 11. Quiconque aura servi 8 ans, soit comme volontairement enrôlé, soit comme obligé par le sort, sera dès lôrs exempt de service, Il en sera de même de ceux qui auraient traité de gré à gré pour së faire représenter après avoir tiré au sort, tandis que céüX qüi auraient servi pour d’autres, ne seraient pas Censés avoir acquitté leur service: ceux qui se serout abonnés ne seront présumés l’avoir acquitté qu’après 12 ansd’abonnément, ou 600 livres üüe fois payées. Art. 12. Indépendamment des 63 Soldats de chaque compagnie de milices, il y aura encore 6 volontaires soüs le nom de Volontaires Français. Tous cés volontaires formeront un total de 9,600 hommes. Art. 13. Pour être reçu volontaire français, il faudra 6é faire présenter par ceux de la compagnie, âü capitaine qui fera la présentation, par écrit, âü chef de bataillon, de là à celui de division, qüi fera demander par le chef de légion l’agrément âu roi. On exigera de celui qui voudra être reçd volontaire français, qu’il souscrive pour servir âü moins 20 ans. S’il sé destine à l’infanterie, il se fournira d’habillement complet, d’un fusil, et il concourra àüx premiers frais d’acquisition, pour le dixième du prix d’üne tente et marmite; s’il se destine à la cavalerie, il se fournira un cheval. Art. 14. Celui qui, après avoir été admis comme volontaire, voudra se retirer, avant les 20 ans de service, sera obligé de payer 6 années d’aboûne-ment, sur le pied dé 50 livres. Art. 15. 11 sera attaché, à chaque COmpâgniè, trois officiers, pris dans le nombre des volontaires, sous lé nom d’officiers d’école. Art. 16. Pour être admis, parmi les volontaires d’une compagnie de milice, il ne sera pas nécessaire d’être né dans son arrondissement, il suffira d'être agréé par les volontaires et par les officiers vétérans des compagnies, bataillons, sections, où l’on voudra être admis, et par les municipalités. Art. 17. Tous les officiers dès trôtipes de France seront tirés des volontaires et dés officiers d’écdle; il n’y aura d’ex et dont le bénéfice appartiendrait à; la nation, pour être employé à secourir ceux qui auraient été dévastés par des grêles, des épizooties et d’autres fléaux, ou pour encourager divers objets utiles; ne serait pas moins importante pour vivifier toutes les parties de la monarchie, et rendre la nation la plus heureuse et la plus florissante de l’univers. Je suppose un premier fonds de trois à quatre cents millions en argent, qui serait partagé en quarante-une caisses, dont la principale serait placée à Paris, et chacune des autres dans lespoints centraux de chaque division, sous la direction de directeurs-banquiers, et la surveillance des municipaux. Chaque caisse de division arroserait les différentes parties de son arrondissement par des correspondances qu’elle aurait dans les points centraux des bataillons et des compagnies. Les affaires en papiers aux porteurs et à ternies que ces différents caissiers feraient par la correspondance qui serait établie entre eux, pourraient tripler, comme cela est d’usage chez tous les banquiers qui n’ont jamais au delà du tiers d’argent de leurs fonds dans les affaires qu’ils font ; de sorte qu’eu supposant qu’ils ne fissent annuellement que pour neuf cents millions ou un milliard d’affaires, à 2 0/0 de produit net pour la nation, la banque lui offrirait les moyens de distribuer en secours donnés, dix-huit à vingt millions : avantage qui, réuni à ceux qu’elle présenterait par les secours en prêts à légers intérêts, multiplierait les encouragements en tous genres. Tantôt en faisant à un agriculteur, pour payer son impôt ou ses fermages, des avances qu’il rembourserait successivement à mesure qu’il vendrait ses récoltes; elle le soustrairait à la nécessité de donner à vii prix ses denrées, ou au malheur d’être accablé par des frais de poursuites; tantôt en achetant le blé de quelque agriculteur pour faire des exportations d:autant mieux entendues, qu’elles seraient combinées d’après la connaissance générale des ressources et. des besoins, elle ferait fleurir l’agriculture ; tantôt elle assurerait le succès des manufactures par des dons ou part des prêts. Quelqu’un voudrait-il en introduire quelque nouvelle dans la nation, elle pourrait, après s’être assurée du succès par des essais qu’elle ferait faire, en sacrifiant quelque portion de son bénéfice, avancer ensuite des fonds sur les objets manufacturés, et multiplier môme les débouchés par ses correspondances, tant en France que dans l ’ Etranger , qu’elle chargerait de surveiller ceux à qui on en confierait la vente. Une communauté voudrait-elle faire quelques essais pour l’amélioration des bêtes à laines, des chevaux et autres animaux vétérinaires, la banque pourrait se charger d’en faire venir de l’étranger, en en faisant les avances, dont elle retirerait un bénéfice en cas de succès, et dont elle ferait supporter la perte par celui de la banque, en cas de non succès. Les fonds de la banque seraient faits par des emprunts, et il serait d’une bonne politique de ne donner les places de directeurs des caisses, qu’à ceux qui auraient les plus grosses mises. On fixerait même la somme qu’on devrait avoir dans la banque pour être un des agents-caissiers; ils auraient pour leurs fonds un accroissement d’intérêts proportionné au bénéfice de la banque; ce qui les attacherait à son succès. Ces caissiers étant placés dons les divers lieux où seraient les caisses de l’Etat, pourraient être chargés d’enregistrer les impôts gratis, et du soin d’en faire passer successivement le montant de caisse erp caisse,1 comme a été dit, jusqu’àu Trésor* public;. sans frais. Tôutes les opérations des caissiers seraient surveillées par les différentes municipalités où elles se trouveraient. Lorsqu’en 1775, je conçus le plan général que-je viens d’exposer, je supposais que, pour donner une hypothèque première aux intérêts des fonds; qu’on emprunterait pour former la banque, on aurait pu exiger du clergé, qu’indépendamment de ce que ses biens seraient compris dans les impôts généraux, il serait obligé de former a Paris une caisse, dans laquelle il déposerait annuellement une somme de trente à quarante millions. On aurait assigné sur cette somme le paiement de quinze à vingt millions pour servir l’intérêt de l’emprunt des fonds qui auraient été employés dans la banque; et le surplus aurait été assigné pour celui des intérêts des remboursements qu’on aurait fait, en contrats, d’objets les plus à charge à la nation (1). Le clergé aurait, en outre, été chargé du soin de ses pauvres, de payer sa dette, et d’assurer 1,200 livres à des curés à qui cette somme aurait été nécessaire ; car je suis éloigné de croire qu’elle doive être indistinctement portée là pour tous. Les religieux auraient été obligés de multiplier les élèves en moutons, en bœufs, en chevaux à leur profit, et ils en auraient dû aider l’Etat à la pre� mière guerre; ils auraient été chargés de faire différents autres essais, qui auraient excité l’êmu-lation, en raison des succès qu’ils auraient eu; et par-là ils auraient fait fleurir l’agriculture. On les aurait obligés de s’occuper plus sérieusement de l’instruction publique. Je croyais que ce plan pouvait offrir à la nation des secours plus prompts et plus puissants que tous autres. On n’en aurait pas moins vendu les fonds des communautés qui, faute dé sujets, auraient été supprimées. RÉSUMÉ. Je crois avoir suffisamment prouvé que l’ensemble du plan des milices nationales que je propose, peut s’adapter à toutes espèces de division du royaume, sans en contrarier aucune; qu’il peut servir de base propre à simplifier les branches les plus importantes de l’administration publique, et à amener les plus grandes économies. En effet, les états particuliers de population des différentes communautés de chaque arrondissement de compagnie, et ceux de leurs récoltes, que ma méthode de répartir l’impôt procurerait avec la plus grande exactitude, ne mettraient pas seulement les assemblées de département à portée de fixer, sans difficultés et en peu de temps, avec la plus scrupuleuse équité, le contingent que (1) On aurait commencé à donner celte hypothèque à ceux qui auraient prêté les fonds dont on aurait formé la banque, afin d’en trouver plus facilement ; mais Ton aurait ensuite prélevé, sur le bénéfice des banques, une somme égale pour la faire entrer dans une caisse d’ar mortissernent. Nota. Aux trois à quatre cents millions qui, trouvés par la voie de l’impression, auraient circulé dans la banque, on aurait pu ajouter les dépôts judiciaires et autres que chacun aurait regardé comme beaucoup plus en sûreté que partout ailleurs, par les précautions qu’on aurait prises à ce sujet. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] [20 mars -1790.J cjgg chacune de leurs communautés devrait fournir pour les milices, les travaux publics, ou l’impôt; mais ces états particuliers devant en former des généraux, non moins exacts, en passant des arrondissements de compagnies successivement par ceux ries bataillons, divisions et légions, jusqu’au roi, chef suprême de la nation, offrirait, d’ici à la seconde ou troisième législature au plus, les tableaux les plus précis de la population générale et des productions du royaume, par conséquent les plus propres à mettre le gouvernement en état de garder les plus justes mesures dans la répartition de la somme totale qui serait décrétée entre tous les départements, ou, pour mieux dire, entre toutes les parties du royaume, et d’alléger, de la manière la plus sûre, les charges publiques. Parmi les avantages que présenteraient les états de population et de récoltes, formé par la division particulière aux milices, se trouverait celui infiniment intéressant, de prévenir la crainte que les communautés pourraient avoir que les chefs-lieux de canton, de districts et de département, ne voulussent prendre des avantages sur elles. Ces états faits par la voie plus générale des divisions militaires, qui n’auraient aucune influence dans l’administration, ôteraient même jusqu’au moindre prétexte aux esprits brouillons qui sont sans ces.se occupés à semer la discorde, la défiance et la jalousie, comme l’exemple de Paris et d’une foule d’autres endroits, en fournissent déjà l’exemple. De là naîtrait le calme et la plus heureuse harmonie entre toutes les parties de ce vaste empire, qui deviendraient toutes sœurs, aucune d’elles n’ayant de domination sur l’autre. J’ai dit ci-devant que le .revenu public, en France, avait eu une progression moins rapide que celui de la nation anglaise; pour mettre cette vérité en évidence, je vais présenter un précis de l’accroissement du revenu de ces deux nations. TABLEAU de V accroissement du revenu public , dans les royaumes d’ Angleterre et de France. En 1600, l’avant-dernière année du règne de la reine Elisabeth, le revenu ordinaire d’Angleterre était à peu près de 14 millions de France. Pendant les quarante-cinq années que cette souveraine fit le bonheur et la gloire de la nation anglaise, elle ne reçut, en subsides ordinaires, que 65 millions tournois, ce qui fait environ 1,444,444 livres par an. En 1633, huitième année du règne de Charles Ier, son revenu ne passait pas 18,540,000 livres tournois d’aujourd’hui. En 1660, sous Charles 11, il allait à 28 millions tournois. En 1688, à 48 millions. Dès 1701, le revenu était déjà parvenu à 87 millions; et, en 1751, il passait 138 millions. Depuis cette époque, elle a soutenu deux guerres terribles. Celle de 1755 où elle nous força d’entrer, et celle occasionnée par la révolte de ses colonies. La première lui a coûté 850 millions, par delà la dépense de son revenu ; c’est-à-dire qu’elle a contracté des engagements pour le montant de cette somme en capital; et le désir de satisfaire ponctuellement à ses paiements, lui a fait élever, dans l’espace de quatorze ans, son revenu de 138 à 239 millions: c’est à quoi il se montait en 1765; à cette époque, des taxes nouvelles furent imposées par la Chambre des communes’ pour mettre la recette au niveau de la dépense, quoique l’impôt fût déjà exorbitant, comparé à la population, à Détendue du territoire et à la quantité du numéraire de celte nation; il resta là jusqu’à 1775, époque où le sang commença à couler en Amérique. Depuis cette époque,” son accroissement est devenu énorme; dix à douze mois après la paix dernière, la désolation devint générale à Londres, par la connaissance de la dette immense que l’Etat avait contractée, il fallut accroître l’impôt pour faire face aux intérêts, et d’après la répartition sur les différents objets qui furent taxés: le revenu fut porté à 367 millions de France; de sorte que, depuis 1775, jusqu’à 1786, il a éprouvé une élévation de 128 millions. Résumé ou tableau de progression de l'impôt en Angleterre. En 1600, de... En 1633, de. . . En 1660, de... En 1680, de... En 1701 , de. . . En 1751, de... En 1765, de... En 1786, de. . . 14,000,000 tournois. 18,540,000 28,000,000 48,000,000 87,000,000 138,000,000 239 000,000 367,000,000 En France, il est plus difficile de connaître l’histoire suivie de la progression de l’impôt, vu que ce n’est qu’en 1781, qu’on a commencé à vouloir rendre des comptes publics; cependant on sait que, sous François Ier, l’Etat n’avait de revenu qu’environ 16 millions, qui, à 26 livres le marc, faisaient à peu près 31 millions d’aujourd’hui, plus du double du revenu anglais alors. Sous Louis XIII, le revenu provenant de l’impôt ou des domaines montait à 45 millions qui, aussi à 26 livres le marc, faisaient 86 millions d’aujourd’hui. Louis XIV, sous l’administration de Colbert, jouissait d’uu revenu de 117 millions qui, à 28 livres le marc, faisaient à peu près 208 milliona. La progression du produit des contributionsfran-çaises a toujours été lente et uniforme -, ce qui fait penser que, si le choix des impositions avait été aussi sage, et leur répartition aussi juste et aussi uniforme en France qu’en Angleterre, non seulement les peuples y auraient été moins foulés, mais à peine se seraient-ils aperçus de l’impôt: les Français n’ont point vu des sauts énormes et rapides comme dans la Grande-Bretagne, où, de 1688 à 1701, il fut de 39 millions; "de 1751 à 1765, de 101 millions; enfin, de 1775 à 1786, de 128 millions. Un mémoire de M. de Boulogne prouve qu’en 1758, le revenu français allait à environ 308 millions. Suivant un état sommaire des revenus publics* pour 1776, dressé par M. Turgot, ils se montaient alors à 377,549,027 livres. Le résultat du compte rendu au roi, en 1781, porje la recette à 427,530,561 livres. Enfin, d’après le compte du gouvernement* publié au mois de mars 1789, par les ordres de Sa Majesté , la recette ordinaire monte à 472,415,549 livres. On a pu, à l’aide de ee qui précède, former le tableau ci-après des revenus successifs de la. France, analogue à celui qui a été dressé pour l’Angleterre ; mais on est forcé d’avouer que, vu. 284 1 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 mars 1790.] l’ancienne conduite mystérieuse des administrateurs français, ce second tableau, à ses deux ou trois derniers articles près, qui nous intéressent le plus, n’aura pas le même degré de précision et de certitude que le premier. Le revenu de la France était clone: En 1550, de ............... 31,000,000 liv. Eu 1640, de ............... 87,000,000 En 1680, de ............... 208,000,000 En 1758, de ............... 308,000,000 En 1776, de .............. 377,000.000 En 1781, de ............... 427,530,561 En 1788, de ............... 472,415,549 On voit donc que, de 1680 à 1788, en 108 années, le revenu delà France a crû de 264 millions, et celui de l’Angleterre de 319 millions. En Angleterre, de 1751 jusqu’à ce moment, c’est-à-dire en 37 années, il a crû de 229 millions. Dans l’espace d’un siècle, l’impôt britannique s’est donc élevé de 48 à 267, c’est-à-dire dans le rapport de 1 à 7 trois quarts ; dans le même siècle, les contributions françaises se sont élevées de 208 à 472 millions, ou dans le rapport de 1 à 2 un quart; le revenu est donc devenu, en Angleterre, huit fois plus grand, tandis qu’il a seulement un peu plus que doublé en France. En établissant une échelle de graduation moyenne, dans la marche de l’impôt, on peut dire que, de 1776 à 1788, son accroissement annuel moyen a été, en France, d’environ 5,480,000 livres; en Angleterre, de 10,660,000 livres. Un auteur, qui a écrit sur ces objets et dont l’ouvrage infiniment estimable, qui se vend chez Briand, m’a offert de grandes ressources, observe qu’il peut se faire que cette différence remarquable entre les deux lois, suivant lesquelles se sont élevés les revenus publics dans les deux royaumes, tienne beaucoup à la différence des constitutions. En Angleterre, la nation, représentée dans la Chambre des communes, s’impose elle-même. Quand elle a un grand objet en vue, quand elle veut la guerre ou quand elle a arrêté la dépense de ses armées ou de ses flottes, elle se livre, sans crainte ultérieure, à lavicacité de la passion qui l’anime; elle fixe les sacrifices qu’elle juge convenables pour la satisfaire. La Chambre descom-niunes, par cela même qu’elle tient la place de toute la nation, est certaine que ses lois Fiscales, une fois faites, seront exécutées sans remontrance, sans opposition, sans trouble. En France, un souverain individuel décide de laguerre et de ses dépenses. Il est plus circonspect, parce qu’il commande des sacrifices qui ne sont pas les siens, mais ceux de son peuple, qui, disposé à croire qu’il paie suffisamment pour Jes dépenses, se plaindra facilement: aussi a-t-on vu qu’en France, les dépenses ont toujours été le résultat des impulsions étrangères, notamment des attaques des Anglais, ou du désir de nous soustraire, comme dans la dernière guerre, à la dureté des conditions qu’ils nous avaient imposées, en nous forçant même à entretenir, à nos dépens, un de leurs commissaires chez nous, pour s’opposer aux travaux que nous désirions faire pour notre propre sûreté à Dunkerque. J’ai fait voir que notre département de la guerre doit, à cause de notre position, dépenser beaucoup plus que celui des Anglais; j’ai démontré que toutes nos autres dépenses, à cause de l’étendue du royaume, devaient s’élever bien au-dessus de la proportion qui se trouve entre notre revenu public et celui des Anglais. On trouvera les j�reuves les plus détaillées de cette vérité, dans l’ouvrage indiqué chez Briand, libraire: on y verra la marche delà dette anglaise, comparée avec la nôtre qui se trouve, comme je l’ai dit ci-devant, infiniment à notre avantage ; la dette de cette nation s’étant accrue, dans le même espace, bien au delà de la nôtre, quoique la guerre d’Amérique ait augmenté la nôtre de 86 raillions de rentes à payer, ce qui a dû nécessairement nous donner un déficit de 41,115,012 livres, notre revenu ne s’étant accru, depuis 1781 jusqu’en 1788, que de 44,884,987 livres, tandis qu’iï aurait dû être porté à 513,530,561 livres, au lieu de 472,415,549 livres, pour égaler la recette à ladépense. Ge déficit a dû prodigieusement augmenter par la nature des emprunts et de toutes les opérations d’anticipations qu’on a été obligé de faire. Il est donc vrai que, sans la guerre d’Amérique, nos charges annuelles seraient moindres de 86 millions, et que loin d’avoir de déficit, nous serions dans le cas de diminuer l’impôt; il est donc vrai que nous avons été plus économes que les Anglais, puisque, avec plus de charges réelles, nous avons moins dépensé, moins accru notre impôt que cette nation qui l’a augmenté de 319 millions, dans le même espace de temps où le nôtre ne s’est accru que de 264 millions, que cette nation qui, en trente-sept années, pour couvrir ses déficits, l’a augmenté de 229 millions. II est donc vrai que notre déficit est plutôt le résultat des circonstances qui ont enchaîné forcément nos affaires avec celles de l’Angleterre, que celui des abus des administrateurs. TABLEAU de la balance du commerce de la nation anglaise par M. CHALMER. L’Angleterre perd, depuis nombre d’années, sur la balance de son commerce, comme on va le voir : Elle avait à son avanfage, En 1761, 1762, 1763... 134,993,007 1. tournois. En 1764, 1765, 1766... 100,863.809 En 1767, 1768, 1769... 56,893,620 En 1770, 1771, 1772... 81,765,930 En 1773. 1774, 1775. . . 70,963,445 En 1776, 1777, 1778... 47,532,211 Eu 1779, 1780, 1781... 45,683,046 En 1782, 1783, 1784... 35,620,612 M. Chalmer, dans son ouvrage, sur la Grande-Bretagne, et plusieurs autres observateurs anglais avec lui, ont remarqué que les avantages de la balance de leur commerce étaient baissés, en raison de ce que le prix des denrées de première nécessité était augmenté. Il ne faut que le plus simple raisonnement pour faire sentir que l’exhaussement du prix du blé doit non seulement opérercetiriconvénient, mais qu’il doit encore nécessiter l’augmentation de l’impôt, et ruiner la nation. Les ouvriers étant obligés, pour fournir à leur subsistance, d’exiger davantage pour prix de leurs journées, les manufacturiers, les négociants, sont également forcés, pour reprendre leurs avances, d’élever celui de leurs marchandises, parce qu’il est naturel que celui qui paie plus, retire plus aussi en proportion, ce qui leur fait perdre l’avan-* tage de la concurrence chez l’Etranger. — C’est par cette réaction que tout prend un accroissement progressif, d’après les denrées de pre- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 mars 1790.) 285 mière nécessité. — Ce calcul naturel ne manque jamais de se faire dans tous les coins de l’empire; il mènerait, à la longue, tout homme qui vend son temps ou sa denrée, à trouver, par sa recette, le juste supplément qui balancerait l’augmentation de sa dépense; de sorte qu’enfintout reprendrait le même niveau, sans que personne fût plus riche ou plus pauvre qu’avant ce mouvement, si une multitude de lésions momentanées ne s’opéraient, et si l’industrie de certaines classes, les plus nombreuses, surtout celles de peine et de travail qui perdent plus que d’autres, n’en souffraient, comme étant les dernières à obtenir leur dédommagement. Les dépenses du gouvernement devant se cumuler, en raison de ce qu’il a plus de monde à entretenir, il est forcé d’accroître l’impôt, ou de manquer à ses engagements; le trouble iuterne devient alors extrême: d’une multitude de répétitions, d’avances faites au revenu public, naît un conflit général d’intérêts, où chacun cherche à puer un rôle; le désordre est d’autant plus grand, que le tarif de toutes ces répétitions est interminable. Le débit des marchandises diminue à cause de leur renchérissement, les commandes baissent dans les manufactures, et la misère publique croît avec l’impôt. Si la cherté vient d’une exportation outrée, le numéraire qu’elle rapporte forme, il est vrai, une espèce de compensation, mais celte compensation ne saurait jamais rétablir l’équilibre, si van té par les apologistes modernes, de la liberté illimitée et de la nécessité du haut prix des grains, parce que les sommes rapportées enéchangedesblësen nature n’égalent jamais celtes que ramènerait le produit desmains-d’œuvre, et d’un commerce plus étendu, combiné avec une exportation bien réglée, qui, loin de laisser tomber les grains dans un avilissement ruineux pour l’agriculteur, les soutiendrait dans la proportion utile à toutes les classes. — Il y a plus, c’est que quand cette exportation produirait à elle seule autant que le résultat des mains-d’œuvre et du commerce qu’elle ferait perdre, elle n’en serait pas plus à désirer, vu qu’indépendamment de ce que le prix de tous les autres objets de consommation et de nécessité devant, ainsi que l’impôt, croîîre en proportion, personne n’en serait plus à son aise, et que rien d’ailleurs, ne saurait dédommager la nation de l’inactivité où, faute de travail, elle tiendrait un grand nombre d’ouvriers, du goût qu’elle leur ferait contracter pour l’oisiveté, et des dépenses qu’elle nécessiterait pour secourir ceux qui ne pourraient atteindre au prix des subsistances. — Si la cherté provient, au contraire, comme je l’ai déjà observé, des ruses enfantées par la cupidité des monopoleurs, qui, cherchant à mettre à profit l’incertitude et la liberté, font faire aux blés et aux farines des mouvements de circulation dans l’intérieur et autour du royaume, pour les rapporter souvent en mauvais état et rançonner le public; alors le mal est à son comble. Il est d’autant plus cruel qu’à la cherté se réunit la la privation ; et si à la disette, déjà engendrée par ces manœuvres, vient encore se joindre une diminution de récolte, la misère redouble sa marche rapide, le gouvernement, contraint de plus en plus de multiplier les impôts, sans pouvoir même suffire aux nouvelles charges qui s’aggravent par tant de circonstances réunies, forcé de peser de plus en plus sur la multitude ( qui voyant en même temps tarir ses ressources, serait plutôt dans le cas de solliciter des secours que de lui en donner), se trouve obligé de chercher de nouveaux moyens danfc les anticipations de ses revenus, dans des emprunts ruineux par les intérêts, surtout par ceux qui, payés aux étrangers, reportent bientôt chez eux au delà des capitaux dont la nation ne reste pas moins débitrice. Les moyens d’agiotage s’accumulent, hâtent encore la ruine générale, en détournant les secours de l’agriculture et du commerce pour les porter au jeu des actions qui engraissent quelques sangsues, de la substance publique, tout en jetant le reste dans le marasme. Le peuple, accablé de tous côtés par les besoins et par l’impôt, est encore ameuté contre le gouvernement, par ceux-là mêmes qui ont opéré sa ruine. Tous les maux se rassemblant par la réunion monstrueuse des richesses sur quelques têtes qui, par la nature même de leur fortune, ne concourent point aux charges de l’Etat, ils achèvent d’écraser la nation, et la jettent dans la plus déplorable situation; ils enflamment les esprits pour les porter au délire: de là, le désordre général qui anéantit toutes les ressources. Déjà si souvent les économistes, qui depuis longtemps tyrannisent le gouvernement, avaient dû être instruits que leurs principes étaient aussi faux que dangereux. Les insurrectionsqui s’étaient manifestées, en commençant toujours par les pays où sont plus multipliées les manufactures, toutes les fois que, sous le prétexte de liberté, ils portaient la famine et le désespoir parmi les peuples, les auraient rendus circonspects, s’ils n’eussent plutôt été dirigés par le désir de ruiner la nation, que par la mauvaise logique qui a en lin réduit la France à l’espèce de famine qui a coûté la vie à tant d’infortunés, et l’a menée à tous les maux qui l’anéantissent. — Heureuse la France encore, si, malgré tous les malheurs qui l’accablent dans ce moment, l’exemple affreux du passé peut déterminer ceux qui ont toute influence sur la nouvelle organisation, à éloigner pour jamais un système aussi destructeur, pour lui en substituer un plus salutaire, plus fuit pour le bonheur des peuples, plus propre à concilier les véritables intérêts de l’agriculteur avec ceux de toutes les autres classes ; heureuse surtout, si par le choix d’un plan général, qui, en enchaînant toutes les branches de l’administration publique, aura, pour objet, de les lier entre elles, afin que les avantages se multipliant, en raison de ce qu’ils naîtront les uns des autres, ils trouvent l’art de faire concourir lous les peuples à leur organisation, de manière à établir entre tous les sujets et le souverain l’harmonie et le concert les plus unanimes; de combiner les tâches que toutes les localités devront remplir, avec une telle sagesse qu’aucune d’elles ne puisse former, ou même être soupçonnée de vouloir former d’entreprise contre l’autre; de bannir enfin jusqu'au moindre sujet de division : alors, toutes les parties agissant de concert sans se heurter, chacun en particulier, et tous les citoyens en général, animés de cet esprit de patriotisme qui fait tout entreprendre, tout sacrifier au bien commun; de cet espritde justicesurtoutqui fait si bien respecter toutes les propriétés, établi-rontenlreeux celte confiance, sans laquelle on ne saurait rien faire de bien. — L’arbitraire sera banni de toutes parts pour faire place à l’impartialité la plus scrupuleuse. Les répartitions de toutes les charges publiques seront faites d’une manière si proportionnée aux moyens respectifs, qu’elles ne pèseront sur qui que ce soit. La connaissance exacte qu’on acquerra des récoltes et des dépenses, offrira enfin les moyens de concilier les demandes du gouvernement avec les vé- [Assemblée nationale.] AI4CHI VES PARLEMENTAIRES. [20 mars 1700.J me ritables besoins de l’Etat, comme avec la possibilité d’y satisfaire. Rien ne s’opposera plus au rétablissement du calme, et tout concourra au bonheur public. Tels sont les avantages qui me sembleraient devoir naître du plan que j’ai exposé dans cet ouvrage. La partie, qui a trait au système de milice, me semble réunir tout ce qui peut remplir les vœux de la nation. Ce système est aussi encourageant pour les peuples que l’ancien était désastreux, aussi propre à les attacher à leurs foyers respectifs que l’ancien les disposait à fuir. La base, sur laquelle ce système est fondé, offre tous les moyens possibles pour répartir, avec la plus exacte impartialité, le contingent des milices ; elle aura encore la même influence, comme on l’a vu, pour toutes les autres charges publiques, non seulement entre les habitants des mêmes communautés, entre toutes les communautés des mêmes départements et leurs chefs-lieux, d’après telle division qu’on voudra faire du royaume ; mais encore entre tou tesles parties de ce vasteem-pire, parce qu’il offrira, en très peu de temps, la connaissance la plus certaine de sa population, de ses richesses et de ses vrais besoins. L’activité, la considération dont on ferait jouir une partie des vétérans militaires, en les tirant de l’oubli où ils ont été condamnés jusqu’ici dans leur retraite, pour les mettre à la tête des différentes escouades, et autres parties des milices, en les rendant plus heureux, les rendraient aussi plus utiles à la patrie. Ledésird’obtenirde cesplacesaui-merait, dans les troupes de ligne, l’esprit de patriotisme qui les attacherait de plus en plus à leurs drapeaux ; ellesne deviendraient par là plus citoyennes, que pour rendre les milices plus militaires. Ges vétérans recevant leurs pensions immédiatement des localités qu’ils habiteraient, au lieu d’être payés par des sommes qui, sorties de ces localités pour aller au Trésor public, et en être rapportées pour remplir ce but, ils seraient plus attachés à leurs arrondissements respectifs, sans pour cela être détournés de leur ancien amour pour le souverain, sous les drapeaux duquel ils auraient marché à la gloire qui leur aurait mérité celte retraite. En proposant les moyens de favoriser les enrôlements libres, parles traitements, qu’on ferait à ceux qui en contracteraient dans les milices, ce système présente des tableaux si précis des dépenses, qu’il serait impossible qu’il s’y glissât jamais aucun abus : chaque communauté connaîtrait en détail la somme pour laquelle elle devrait concourir aux frais des milices ; deux sols par jour seraient payés par celle qui serait assez considérable pour être cotée à l’entretien d’un homme, à l’eifet de faire le traitement journalier de son milicien; elle ajouterait neuf deniers pour concourir aux secours donnés, dans l’étendue du royaume, à vingt mille pauvres garçons destinés à favoriser de plus en plus les enrôlements libres, en encourageant d’ailleurs la population par ces secours : avec neuf autres deniers, elle concourrait aux frais d’une pépinière de 4,800 officiers surnuméraires (1). Chacun des avantages qui naî-(1) On a vu que la dépense de neuf deniers pour cette pépinière d’officiers, se réduirait réellement à quatre deniers et demi, à eause des compensations qu’on ferait sur les payes de la partie des volontaires qui n’en recevraient point, quand ils seraient en congé traient de ce système, loin d’occasionner un accroissement de dépenses, offrirait des moyens de compensation qui les atténueraient, comme on l’a vu pour les pensions des vétérans ; enfin, chaque communauté cotée à un homme aux milices, saurait que si on voulait mettre sur pied, en guerre, les 100,000, leurs dépenses, avec tous les frais accessoires, ne lui �occasionneraient qu’une surcharge de 273 livres 1 5 sols par an, jusqu’à la paix. En consacrant moins de deux deniers par jour, elle concourrait à rentretien de 3,200 chevaux, prêts à marcher à la première guerre, ce qui économiserait une partie des dépenses ruineuses que nécessitent ces moments fâcheux, en acquisition de chevaux et autres. Le choix des belles juments poulinières, qui feraient nombre de cette propriété nationale, deviendrait un véhicule aussi puissant qu’intéressant, pour répandre dans le royaume le goût d’améliorer, de multiplier les espèces, ce qui épargnerait à la France une grande partie des sommes qu’elle envoie chez l’Etranger, pour en tirer de chez eux, en même temps qu’elle multiplierait les moyens d’enrichir l’agriculture. Les avantages résultant de l’ordre de faire marcher ees troupes à la guerre, plutôt par détachement de tant d’hommes, que par compagnié, bataillon, section, etc., sont trop frappants, pour qu’il soit nécessaire de les rappeller ici : cet ordre aurait, commedoutes les autres vues, réuni, dans ce plan, pour but essentiel, le désir de soulager les peuples, de ne les charger qu’aux dernières extrémités, et surtout de maintenir toujours la répartition la plus impartiale de toutes les charges publiques. Si, malgré tous les avantages offerts, tous les moyens d’encouragements proposés à ceux qui s’enrôleraient librement dans les milices (1), il arrivait, par impossible, qu’il ne se présentât pas un nombre suffisant de sujets pour en compléter la totalité ; alors, quoiqu’on fût obligé de prendre la voie du sort pour ne point déranger l’ordre public, la liberté individuelle serait encore conservée par la facilité que chacun aurait de s’abonner pour se soustraire au tirage. Travaux publics. Le plan, pour les travaux publics, ne présente pas seulement une économie immense sur les frais de remplacement des corvées (2), mais il réunit plusieurs avantages des plus intéressants, soit en. offrant l’occasion d’occuper un grand quoique censés présents aux régiments de ligne où ils seront attachés. Jusqu’ici beaucoup de bons sujets, souvent même les meilleurs gentilshommes, qui étaient sans intrigue et sans protection pour se faire connaître, restaient chez eux sans emploi, oubliés, et même dans la misère : par la formation des escouades, tous ceux qui, par leurs qualités morales, auront droit de prétendre au service, auront l’espoir d’y arriver et de voir leurs noms passer sous les yeux de leur souverain. ■ (1) Il a été proposé de donner de préférence les places d’éièves aux fils des miliciens, ce qui ajouterait à leur traitement. (2) On a vu que le remplacement des corvées, dans les pays, non d’Etats seuls, est porté à 13 millions, et les frais des ponts et chaussées, à 6 millions, tandis que, suivant ce plan, il n’en coûterait que 8,760,000 livres, et qu'on aurait en sus 6,400 prisonniers entretenus, occupés aux travaux, par conséquent une économie sur la dépense du vagabondage. [Assemblée nationale.] A R Cü I VE S PAR L EME N TA 1RES. [20 mars 1790. J �87 nombre de soldats miliciens et des autres troupes ; mais encore pour le perfectionnement d’une police .qui, par son exactitude , préviendrait presque tous les crimes, ramènerait à des principes honnêtes, sans les rendre malheureux et sans les enfermer, une foule de victimes de la perversité, •en les forçant de rentrer dans la classe des citoyens utiles, sous les auspices des braves soldats citoyens qui consacreraient leur loisir durant la paix à des travaux utiles. Impôt territorial. La méthode proposée pour remplacer les impôts, jusqu’ici si désastreux sur les biens territoriaux, ne présenterait pas seulement les moyens de répartir les taxes de la manière la plus proportionnée aux facultés respectives, entre les habitants de chaque communauté, et entre les communautés et leurs départements, puisque chacun ne payerait exactement, qu'en raison de ce qu’il récolterait ou de ses autres jouissances ; mais comme avant très peu d’années on pourrait connaître, ainsi qu’on l’a vu, de la manière la plus rapprochée, non seulement les récoltes en grains, mais même toutes les richesses territoriales que Ja surface du royaume pourrait rendre, année commune, on serait à même de régler les importations et les exportations de la manière la plus intéressante pour toutes les classes de la nation; mais encore dlestimer ce que les peuples pourraient payer sans se gêner, et de concerter par là le bonheur général de tous les citoyens. L’agriculteur ne craignant plus de voir croître l’impôt arbitrairement, oserait améliorer ses basses-cours, multiplier ses bœufs, ses chevaux, ses moutons. L’agriculture deviendrait successivement d’autant plus florissante, que chacun serait intéressé à surveiller, à aider même son voisin dans sa culture, parce qu’il saurait qu’il /devrait porter de la charge commune, en raison de ce qu’il récolterait. De là naîtraient l’émulation et la concorde les plus unanimes, parce que 'Chacun trouverait «on intérêt propre dans l’intérêt général. Capitation. Asseoir la capitation sans base, comme cela s’est pratiqué jusqu’à ce jour, c’était donner naissance à toutes les vexations résultant de l’arbitraire, c’était multiplier les frais pour recommencer sans cesse la même opération à toutes les mutations de logement : l’évaluer d’après le prix des loyers, semblerait devoir soustraire au partage de celte taxe ceux qui occuperaient leur propre maison, ou donner lieu à des estimations ou à des arrangements frauduleux entre les locataires et les propriétaires, contraires à l’intérêt public, tandis que l’estimation, d’après les jouissances apparentes, c’est-à-dire à tant pour pied de fenêtre, préviendrait non seulement toutes les fraudes, écarterait toute espèce d’arbitraire, mais elle favoriserait encore toujours la classe la moins aisée, comme occupant les maisons les moins ornées. Il me semble même, qu’en estimant au contraire le revenu d’après le même plan indiqué pour la capitation, on simplifierait infiniment toutes les opérations, parce que cette taxe étant nne fois assise, pour le revenu comme pour la capitation, chacun serait à l’abri de l’arbitraire. Celui qui n’aurait pas loué sa maison, et ne l’occuperait pas, on serait quitte pour demander d’être déchargé, en en faisant la preuve tous les six mois. Partout l’exactitude et la justice marcheraient de concert, pour assurer la rentrée de l’impôt, ou pour ne léser qui que ce soit. L’Etat serait-il forcé par quelque événement public de demander un accroissement d’impôt? On en évaluerait sur le champ la répartition la plus générale en disant : si l’impôt sur les fenêtres, à tant le pied, rend tant, an accroissement de tant par pied rendra tant. L’arbitraire étant banni de partout, les habitants des campagnes comme ceux des villes ne craignant point de voir croître leurs taxes particulières, eu raison du plus ou moins d’aisanee qu’ils se procureraient pour leurs habits et autres • commodités personnelles, les denrées de première nécessité ôtant d’ailleurs à un prix raisonnable, il en résulterait une augmentation