360 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 janvier 1791.] pas bien doux.) On vient vous parler de despotisme, de tyrannie, parce qu’on a ordonné l’exé-cunon provisoire d une sentence; il est des cas où, suivant les ordonnances, les sentences doivent s'exécuter par provision, nonobstant et sans préjudice de l’appel ..... Une voix : Et sans caution? M. Martineau. Quel est le pouvoir de l’Assemblée nationale? De faire des lois. Non, Messieurs, vous n’avez pas le droit de juger. Ayez la bonté de m’entendre, parce que plus on murmurera, plus je serai longtemps. Ceci, Messieurs, est hors de votre pouvoir. M. Thibault, curé de Souppes. Monsieur le Président, je vous prie de rappeler M. Martineau à l’ordre; il n’est pas dans la question. M. d’Estourmel. Je demande que M. le curé de Souppes prouve que M. Martineau n’est pas dans la question. M. Martineau. Je suis dans la question et je vais le prouver; si vous voulez rappeler à l'ordre M. le rapporteur, je consens à y être rappelé, car si M. le rapporteur s’était présenté an nom du comité de Constitution pour vous proposer de décréter qu’aucune sentence qui n’est pas rendue en dernier ressort ne pourrait s’exécuter, même provisoirement, qu’à la charge de donner caution, je n’aurais rien dit... Une voix : Eh bien, taisez-vous donc! M. Martineau. M. le rapporteur s’est permis de plaiuer une cause particulière, d’inculper un tribunal expirant, au moins dans ses derniers moments; vous devez avoir quelques égards et quelque indulgence. Votre comité de Constitution vient, avec une loi générale, anéantir un jugement particulier. Voilà ce qui est contre l’esprit du législateur ; et je vais plus loin, Messieurs, une loi faite aujourd’hui, sanctionnée demain, publiée après-demain ne peut pas empêcher l’exécution provisoire du jugement du Châtelet : car voire loi ne peut pas avoir un effet rétroactif; ainsi vous voyez que la loi qu’on vous propose devient inutile pour l’affaire pour laquelle on veut la rendre ; et je dis plus, je dis que le comité de Constitution est dans le cas d'être rappelé à l’ordre, pour s’être livré à des déclamations injurieuses contre un tribunal, sous prétexte qu’il a rendu uu mauvais jugement. S’il a mal jugé, il faut faire réformer son jugement, je demande que M. le rapporteur soit rappelé à l’ordre, et la question préalable sur le projet de décret. M. Fréteau de $aint-Just. Je ne connais ni le défenseur ni l’appelant, mais ce que je connais, c’est la justice. Je vous présente deux observations bien simples : la première, c’est que le décret qui vous est proposé renverse toutes les lois; je ne dis pas seulement les ordonnances, mais les lois de la justice. Il y a une foule de matières où les sentences s’exécutent provisoirement sans donner caution; ce sont les sentences de provision punr le commerce, les sentences de provision pour la liberté, les sentences de provision pour les matières civiles. (Murmures.) Une voix : Il a raison. M. Fréteau de Saint-Just. Ainsi, le décret qui défend de faire exécuter les sentences indéfiniment, sans donner caution, est un décret qui ne peut émaner de vous, car il est injuste. En second lien, j’observe sur l’affaire que quelque pressant qu’il soit de s’opposer à toute usurpation de pouvoir de la part du Châtelet, cependant il est encore plus instant de ne condamner personne, et surtoutdes tribunaux, sans les entendre. Je demande donc que le décret soit ajourné à demain, afin qu’on puisse voir les pièces. M. Rabaud-Saint-Etienne, rapporteur. Je demande la parole. (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour.) M. Te Couteulx de Canteleu, au nom du comité des finances. Messe urs, vous avez décrété, en dernier lmu, sur le rapport du comité des recherches, que les sieurs Dubost, Mury, Girie, Chanut, Laupret, Servait, Plate! frèr> s, Borie et La Montagne, détenus dans les prisons de l’Abbaye, seraient mis en liberté. Votre comité des finances a pensé que, sur la requête présentée par dix d’entre eux, ii y avait lieu de vous proposer une disposition additionnelle à ce décret digne de votre justice et de votre humanité, qui ordonne qu’ils soient défrayés par le Trésor public de la dépense qu’ils ne peuvent se dispenser de faire pour se rendre respectivement à leur domicile, éloigné de plus de 100 lieues de la capitale : quelque modique que soit cette dépense, il est convenable que vous l’autorisiez ; elle entre dans la classe des indemnité-; et si, d’un côté, il est contre tout principe que vos comités soient continuellement consultés sur la faculté, le mode, l’emploi et l’administration des fonds accordés par vous aux divers dépanements ; ce qui, contre votre volonté et celle de tous les vrais amis de la Constitution, affaiblit la respom-abilité, et donne à vos comités une faculié administrative et anticonstitutionnelle; si, dis-je, les ministres doivent, sauf leur responsabilité, être entièrement libres dans l’adminisi ration des fonds accordés a leurs dépanements, ils doivent soumettre à votre décision toute espèce de dépense extraordinaire, particulièrement celles qui entrent dans la classe des indemnités, à l’exception seulement de celles qui seraient prononcées en dernier ressort par un tribunal, parce que, dans les affaires où la nation sera partie intéres.-ée, elle sera aussi soumise à l’autorité de la justice, que devaient l’ètre nos rois, lorsqu’ils exerçaient exclusivement la souveraineté. Aucun tribunal n’est encore légalement institué pour faire droit sur la requête des prisonniers détenus aux prisons de l’Abbaye que vous avez mis en liberté. Je vous propose donc d’y suppléer par le décret suivant ; « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Le directeur général du Trésor public est autorisé à faire compter aux sieurs Platel frères, Mury, Girie, Dubost, Ghanut, Servan, Laupret, borie et La Montagne, une somme suffisante pour les déhayer de leurs dépenses dans le voyage qu’ils ont à faire pour se rendre à leurs domiciles. » Plusieurs membres : 11 faut déterminer la somme. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angely). L’Assemblée ne peut déterminer la somme qu’avec [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 janvier 1791.) un livre de poste sous les yeux et en sachant quel est le lieu de la résidence. M. Le Couteulx de Cantelen, rapporteur. Vous voyez, Messieurs, les principes qui nous déterminent à vous faire celte demande : c’est que l’ordonnateur du Trésor public ne croje point devoir faire aucune dépense extraordinaire sans en prévenir l’Assemblée et sans y être autorisé. (Le projet de décret est adopté.) L’ordre du jour est la discussion d'un projet de décret du comité de liquidation sur la direction générale de la liquidation. Un membre fait observer que ce projet, n’ayant été distribué que dans la matinée, n’a pu être suffisamment médité et approfondi. (L’ajournement de la discussion est décrété.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les jurés (1). M. Duport, rapporteur , fait lecture de l’a?’- ticle 1er du titre III, relatifs aux fonctions particulières du président. Cet article est décrété comme suit : Art. 1er. « Le président, outre les fonctions de juge qui lui sont communes avec les autres membres du tribunal criminel, est de plus personnellement chargé d’entendre l’accusé au moment de son arrivée, de faire tirer au sort les jrnés, de les convoquer, de les diriger dans l’exercice des fouctims qui leur sont assignées par la loi, de leur exposer l’affaire, même de leur rappeler leur devoir : il présidera à toute l’instruction. » M. Duport, rapporteur , donne ensuite lecture de l’article 2, qui est ainsi conçu : Art. 2. « Le président du tribunal criminel peut prendre sur lui de faire ce qu’il croira utile pour découvrir la vérité; et la loi charge son honneur et sa conscience d’employer tous ses efforts pour en favoriser la manifestation. » M. de Robespierre. Cet article me paraît conçu en des termes trop vagues et donner un pouvoir trop il limi é aux juges. L’intérêt de découvrir la vérité est un motif très légitime; c’est le but de toute procédure et le vœu de tout juge ; mais il ne s’ensuit pas que la loi doive donner au juge le pouvoir indéfini de prendre sur lui de faire tout ce qu’il jugera à propos pour atteindre ce but. La loi, au contraire, doit limiter autant qu’il est possible l’autorité du juge et ne doit jamais substituer ni la volonté ni l’intention du juge aux règles qu’elle peut établir. Le comité m’opposera peut-être qu’en Angleterre le directeur du juré a un pouvoir semblable; il n’est pas vrai cependant qu’en Angleterre la loi, encoie moins l’usage, dorment au directeur du juré le pouvoir illimité qui résulterait di s termes vagues de cet article. En Angleterre, ce pouvoir n’appartient an président que pour l’iniérêt seul de l’accusé; il ne lui est point accordé indéfiniment pour le résultat de toute la procédure et, en général, pour (1) Cette discussion n’est que mentionnée au Moniteur. 361 la manifestation de ce qu’on appelle la vérité judiciaire. Je proposerai donc, suivant l’esprit de la jurisprudence, de rédiger l’article de la maniéré suivante : « Le président du tribunal criminel pourra, sur la demande et pour l’intérêt de l’accusé, permettre ou ordonner ce qui sera nécessaire pour la manifestation de son innocence, encore que cela soit hors des formes ordinaires et décrétées par la loi. » M. Regnand (de Saint-Jean-d’ Angely). J’insiste pour que l’article soit conservé et je crois fermement que, -ans cet article, l’institution du juré aurait absolument manqué son objet dans une de ses parties les plus es-entie les. Il ne faut pas, Messieurs, comparer notre ancienne forme de la justice criminelle avec la nouvelle. Dans l’ancien système, tout se passait dans le mystère et l’obscurité. La destinée des accusés était remise absolument entre les mains du juge et de son greffier. Il était nécessaire conséquemment que le magistrat fût entouré de formes, qo’il en fût enveloppé, si je puis m’expri ner ainm, afin qu’il ne pût jamais rien faire de contraire à l’intérêt de l’accusé. Dans votre nouvelle procédure, au contraire, le directeur du juré procède sous les yeux du public, devant un juré nombreux, devant les conseils de l’accusé, qui tous peuvent réclamer a l’instant contre l’injustice ou même contre l’inutilité d’une de ses mesures. Car je suppose que le directeur du juré fasse une interpellation à un individu, qu’il prenne une mesure quelconque qu’il croit propre à développer la vérité à l’instant, l’accusé, même ses conseils, même les témoins, ont le droit de lui faire des observations sur ce qu’il propose, de le rappeler à des mesures plus opportunes à découvrir la vérité. Si vous lui ôtez cetie faculté, sans cesse un homme d'j mauvaise foi, un accusé, un accusé vraiment coupable, un témoin qui aura menti à sa conscience et à la justice, arrêtera le directeur et lui dira : Ce que vous proposez n’est pas déni ndé par la loi; l’interpellation que vous me faites, vous n’êtes pas autorisé à me la faire et je peux me dispenser d’y répondre. — Il peut aussi survenir des circonstances que l’imagiua-tion ne présente pas en ce moment. Plusieurs membres : Aux voixl (L’article du comité est mis aux voix et décrété.) M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angelg). Vous avez décrété hier qu’il y aurait des juges nommés qui formeront un tribunal particulier dans le département; vous avez vu que le decret qui exclut les membr' s des corps administratifs de la faculté d’illégibilité aux places de judicature a souffert beaucoup de difficultés. Les motifs qui vous ont forcés à le rendre n’existent plus en ce moment et je crois que lorsqu’il s’agira de choisir un accusateur public, de choisir un directeur du juré, c’est-à-dire d’instituer les plus sûrs gardiens de la liberté, d’attribuer les fonctions les plus importantes de l’ordre social, je crois qu’il n’est pas possible de laisser une trop grande latitude au choix du peuple. Je demande donc que le décri t que vous avez rendu, qui déclare les membres des directoires des départements inéligibles a ix places de judicature, ne soit pas applicable à l’élection qui