424 [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Il donne encore en preuve le payement de tous les impôts directs et indirects de la dîme et des droits féodaux, qui n’a jamais souffert en cette ville le moindre refus ni retard, malgré les misères du temps; enfin les sentiments que tous les citoyens ont manifesté dans la journée à jamais mémorable du 14 du courant. Le conseil général, après avoir prouvé le patriotisme, le zèle et l’attachement des habitants pour la Constitution, doit encore justifier leur conduite à raison des griefs que M. Bouche leur impute, en disant : « qu’ils ont entendu les cris des malheureux et n’onl. pas volé à leur secours. » En conséquence, il déclare et affirme qu’aux premiers coups de fusil que l’on entendit de cette ville, le colonel et deux capitaines de la garde nationale s'empressèrent de passera Avignon pour en connaître les motifs; mais plusieurs patrons ui se trouvaient sur le port du Rhône, du côté el’îlede La Rarthalasse, vis-à-vis d’Avignon, leur ayant assuré qu’ils seraient insultés, s’ils y allaient, ils restèrent sur le port d’où ils envoyèrent des bateaux pour traverser et secourir une foule d’Avignonnais de tout âge, de tout sexe et profession qui s’expatriaient, fondant en larmes, et poussant les cris du plus affreux désespoir; que, dans le même moment, le corps municipal et plusieurs membres de la garde nationale s’occupaient dans la ville à procurer à ces malheureux infortunés (1) tous les secours et besoins que leur situation exigeait (2). Affirme encore que dans l’intervalle où l’on secourait ainsi tous ceux qui réclamaient asile et assistance, arrive sur le rocher d’Avignon qui domine le port, un piquet de douze à quinze hommes armés de fusils, qui, couchant en joue les patrons de Villeneuve, leur ordonnèrent de se retirer au plus vite avec leurs bateaux, leur firent défense de passer aucun Avignonnais, avec menace de faire feu sur le premier qui n’exécuterait pas cet ordre. Affirme qu’il fut tiré un coup de fusil à un citoyen de cette ville, résidant depuis quelque temps à Avignon, se trouvant sur le port du Rhône, qui le laissa sur le carreau. Il affirme de plus que le détachement des gardes nationales de France, qui se sont rendues à Avignon, n’y sont allées que d’après la réquisition de la municipalité d’Avignon, et qu’elle n’a requis ni la municipalité ni la garde nationale de cette ville de lui prêter secours, quoique plus à portée qu’aucune autre (3). Il affirme enfin que les menaces d’incursion en cette ville, que le peuple d’Avignon faisait journellement, mit la municipalité dans le cas de demander des troupes de ligne, attendu le défaut d’armes de la garde nationale, qui lui furent accordées; mais ces menaces ayant été vaines elle ne les a point requises de venir. Et considérant que l’assertion d’un homme revêtu d’un caractère aussi respectable que celui de représentant de la nation, donnée en présence du sénat le plus auguste et dans un temple où la vérité devrait seule percer, doit nécessairement (1) Parmi leur nombre considérable, il ne s’y trouvait pa* un seul gentilhomme. (2) Ce sentiment est tellement inné dans le cœur des habitants de Villeneuve, que M. Peyre, officier municipal d’Avignon, et M. Audiffret, frère d’un autre officier municipal et beau-frère de M. Bouche, étant venus se réfugier en cette ville, dans un temps de proscription pour eux, ils y furent bien reçus. (3) Ce fait est consigné dans une letre écrite par la municipalité d’Avignon à celle de Villeneuve, le 15 juin. [29 juillet 1790.] faire l’impression la plus défavorable contre les citoyens de cette ville. Le conseil général a unanimement délibéré et arrêté de dénoncer à l’Assemblée nationale, M. Bouche, député d’Àix en Provence; comme calomniateur, jusqu’à ce qu’il ait prouvé ce qu’il a eu la témérité d’avancer et de lui en demander la juste réparation. Charge à cet effet le corps municipal de présentera l’Assemblée nationale toute adresse et pétition nécessaires, portant l’expression de la vive douleur où les imputations de M. Bouche ont jeté les habitants, et l’assurance des sentiments les plus sincères et les plus respectueux à son égard ; rotestant que, malgré tout ce qu’a pu dire M. ouche, ils sont et seront toujours les plus fidèles observateurs des lois qu’elle jugera à propos de donner, et qu’ils resteront toujours inviolable-ment attachés à la Constitution et au roi. Arrête enfin que la présente délibération sera imprimée et qu’extrait d’icelle sera envoyé, avec l'adresse et pétition ci-dessus, à l’Assemblée nationale, au miniftre de département, en l’assurant de la fidélité et de l’amour inaltérable et respectueux des habitants pour la personne sacrée du roi, aux directoires du département et et du district, et à toutes les municipalités du royaume. Que pareil extrait sera aussi envoyé à M. de Clermont-Lodève, avec prière de l’agréer comme un faible hommage que la commune rend à son xèle, pour l’intérêt qu’il a bien voulu prendre à son égard, l’assurant de la sensibilité et de la reconnaissance de tous les citoyens. Et ont les délibérants, sachant écrire, signé : Chabrel, maire, — Roubin; — Lhermite; — Va-lay; — Barracan; — Bonel; — Anestay; — Gar-guet; officiers municipaux ; Seigneuret; — Lyon; — Aubert; — Aubert Linsolas; — Rouvierre; — Ferrand; — Laugier; — Bouyer; — Tardieu; — * Bremond; — Gonet, notables; — Pallejay, procureur de la commune; — Gleise, secrétaire-greffier, — Collationné: GLEISE, secrétaire greffier . ADRESSE à l'Assemblée nationale de France. Tandis que toute la nation livrée encore à cette allégresse générale de la liberté régénérée à la suite de ce jour mémorable dans les fastes des nations ; tandis que cette ivresse patriotique était si vivement partagée par une cité toujours fidèle, toujours soumise, toujours religieuse observatrice d’un serment si souvent répété et renouvelé pompeusement dans ce jour soleanel: faut-il, Messieurs, qu’un membre du Corps législatif, respectant assez peu un caractère sacré, soit devenu l’organe de l’imposture, dans l’enceinte et en présence du sénat auguste, qui donne des lois au plus florissant empire de l’univers? Justement indignés, profondément affectés des imputations les plus criminelles, les citoyens de Yilleneuve-lès-Avignon s’honoreront sans doute de déposer leur vive sensibilité et l’amertume de leur douleur dans le sein des pères de la patrie. La délibération du conseil général de la commune justifie toute l’étendue de leur patriotisme, de leur dévouement à la chose publique, de leur soumission sans bornes à vos décrets et dont l’exécution s’est maintenue au milieu de l’ordre, de la paix jamais altérée par le plus léger murmure, et à l’abri des orages qui ont agité la France et les contrées voisines. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 juillet 1790.] 425 Les malheurs d’Avignon, ces malheurs multipliés par des proscriptions sanguinaires vous sont connus... l’esprit répugne à les retracer. En vain, M. Bouche (car il faut le nommer) chercherait-il à atténuer, par des calomnies dépourvues de toutes preuves et de toute vraisemblance, le mérite d’une secourable hospitalité, accordée, par des voisins, aux citoyens fugitifs de cette ville infortunée, échappant aux peines, aux excès d’une populace effrénée, ivre de sang et de fureur (1) et qui peut-être encore n’en est pas rassasiée ? Cette vertu compatissante, la première que prescrivent les lois de la nature et de 1a société, serait donc devenu un crime au mépris des droits de l’homme que vous avez consacrés par vos préceptes? Eh bien l Messieurs, ce secours hospitalier exercé envers des voisins, des amis, des parents de tout état, de toute profession, n’a pu être publiquement reproché aux citoyens de Villeneuve; il a fallu des prétextes sans doute pour s'en venger, et, par une prévarication vraiment criminelle, on n’a pas craint d’y substituer des délits imposteurs dont une bouche impure a osé souiller le sanctuaire de la vérité, en y donnant une publicité légale, qui a propagé dans toutes les parties du royaume. M. Bouche accuse les citoyens de Villeneuve, « qui ont seuls entendu les cris des malheureux, de n’avoir pas volé à leur secours : » et quel secours ! plus efficace que de les soustraire à la mort qui les poursuivait, aux affreux supplices dont ils avaient été les témoins et qui peut-être leur étaient préparés ? Les citoyens de Villeneuve n’ont pas volé à leur secours et quand un premier mouvement des officiers principaux des gardes nationaux les a portés de se rapprocher des murs ensanglantés d’Avignon, qu’ont-ils rencontré sur leur bord ? le cadavre d’un de leurs anciens citoyens immolé à une fureur vengeresse. Qu’ont-ils éprouvé pour prix de leur empressement ? Des obstacles, des menaces dont ils eussent été les victimes, s’ils avaient tenté de les surmonter. Et ce secours si voisin, et qui pouvait être si prompt, a-t-il été demandé par le corps municipal d’Avignon qui les réclamait au loin?... Il a reconnu le tort qu’il a fait à l’empressement de ses généreux voisins (comme il conte par la lettre qu’il écrivit de mouvement à la municipalité de Villeneuve), et par laquelle il attribue le défaut d’une invitation si naturelle « à un oubli plutôt qu’à un sentiment d’indifférence si contraire au patriotisme et aux liaisons d’amitié qui ont toujours existé entre les deux villes. » (2) Non content d’une inculpation si authentiquement démentie, M. Bouche se permet encore d’avancer outrageusement « que dix-huit mille cartouches ont été fabriquées, à ce qu’on assure, à Villeneuve, où l'on ourdit de noirs et perfides complots. » Cette accusation devient d’autant plus grave qu’elle semble tenir à la cause des troubles qu’il attribue aux provinces méridionales, dont il se déclare l’organe, que cet accusateur si dangereux par la place qu’il occupe prouve de pareils forfaits: et les citoyens de Villeneuve se dévouent tous aux justes punitions que la rigueur des lois leur inflige, ou qu'il nomme les dénonciateurs. (1) Expression de la lettre de la municipalité d’Orange, à MM. leurs députés, du 12 juillet 1790. (2) Cette lettre est jointe à la présente adresse. Mais si une accusation aussi téméraire est faussement hasardée, quelle doit être la peine du calomniateur et d’une prévarication d’autant plus criminelle, qu’elle prostitue le ministère le plus saint, le temple sacré de la loi? Ce n’est point ici un simple particulier compromis par une fausse inculpation, c’est une cité entière, c’est un corps estimable de citoyens exposés à la flétrissure de toute la nation, pour avoir préparé des complots ténébreux et les moyens de les exécuter. Serait-ce à l’instigation ou par les pratiques de fugitifs Avignonnais renfermés dans leur enceinte que ces infâmes projets auraient été tramés? Hélas! les infortunés, paisibles dans leur asile, encore tremblants parle souvenir des plus cruels spectacles et des dangers qu’ils ont couru, leur esprit accablé ne laisse à des cœurs déchirés que le sentiment d’une gratitude pour des hôtes attendris. Quoi ! c’est l’élan, c’est l’expression cent fois répétée de leur reconnaissance qui agite, qui irrite des ennemis cruels? ce tourment du crime multiplie des jactances et des menaces qui eussent exigé des nrécautions, si la barrière qui sépare les deux villes n’avait rassuré les citoyens de Villeneuve sur des entreprises redoutées encore par ceux d’Orange, dont l’entremise et les secours dirigés par un magistrat aussi vertueux que patriote ont arrêté des (lotsdesang et arraché à la mort de malheureux proscrits, qui gémissent encore dans les fers. Qu’il soit permis de le dire ; ces généreux citoyens doivent être auprès de vous les oracles de la vérité comme ils ont été les anges tutélaires de la malheureuse ville d’Avignon. C’est dans leurs sentiments secourables que les citoyens de Villeneuve trouveront l’apologie de ceux qui les ont animés. Quelle que puisse donc être la cause suggérée ou intéressée, connue ou secrète des téméraires inculpations de M. Bouche, les citoyens de Ville-neuve, fiers du sentiment de leur conscience, rassurés par celui de leur patriotisme, peuvent donc avancer avec une hardie confiance, que si la calomnie est un crime dans l’ordre civil, le crime augmente dans l’ordre politique quand il émane de l’abus du plus saint des devoirs, et bien plus encore quand un des représentants de la nation l’accrédite par le poids de son affection au mépris d’une probité, qui, épurée par vos principes, devait être à l’abri d’un pareil genre de prévarication ; la sagesse, la justice du pouvoir suprême que vous exercez, vous font un devoir de la proscrire, de faire punir, comme une forfaiture, l’abus d’un üiiuistère sacré, et comme un attentat national qui porte atteinte à l’honneur d’une cité sage, fidèle et soumise, honneur qui intéresse toutes celles du royaume exposées à la même diffamation. Mais si la nation entière doit attendre cette justice de l’auguste Assemblée nationale, les citoyens de Villeneuve la réclament avec une confiance égale à leur soumission et à leur respect. Copie de la lettre écrite par la municipalité d'Avignon, à celle de Villeneuve-lés-Avignon , le 15 juin 1790. Messieurs, au moment où se fit dans notre ville l’explosion qui l’a mise à deux doigts de sa perte, la plupart de nous, se trouvant dispersés, écrivirent aux gardes nationales françaises, nos alliées,