200 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES j ™ décembre 1793 succèdent; le soleil de la vérité perce de toutes parts et le département du Rhône, l’un des plus fanatisés, compte déjà un grand nombre de prêtres qui ont fait abjuration de leur hypo¬ crisie, de leur charlatanisme. « Les soins que nous ne cesserons d’y porter accéléreront sans doute la destruction entière de toutes les jongleries de nos prêtres, et le peuple, une fois instruit, voyant ses ennemis, leur fera sentir toute l’énergie de ses forces. « Nous vous envoyons en conséquence un arrêté de notre administration servant d’ins¬ truction aux campagnes. Nous espérons que vous voudrez bien les agréer et en faire l’envoi aux départements pour leur servir de modèle à suivre. « Salut et fraternité. » (Suivent 8 signatures.) Arrêté du directoire du département du Rhône (1). Dans la� séance publique du 11 frimaire, l’an II de la République, une et indivisible, où étaient les citoyens Pelletier, président ; Guil-lermet, Dufour, Berger, Michel, Barthélémy, Macabéo cadet, Fillion, administrateurs; Achard, procureur général syndic et Marguery, secrétaire général. Un membre a dit : « La raison fonde son empire sur les débris de tous les préjugés ; il n’est plus qu’un pas à faire pour jouir des bienfaits de la Révolution, mais il faut le faire majestueux et imposant, mais il faut le faire en masse, mais il faut le faire en hommes libres; il faut enfin, pour le faire ferme et solide, que le bandeau, que le voile de la superstition tombe et se déchire. « Pour parvenir à ce but désiré et inévitable, il est urgent de porter chez nos bons frères de la campagne le flambeau étincelant de cette philo¬ sophie simple et naturelle, à la portée de tous les sans-culottes, et née de la morale du cœur et de l’instinct de la liberté. Qu’à cette lueur douce et fidèle, ils découvrent la nudité hideuse de ces hypocrites ministres de l’erreur, qui torturaient les consciences pour égarer la raison, et qui n’égaraient la raison que pour perpétuer le fana¬ tisme et égorger la liberté; la liberté, cette colonne menaçante contre laquelle les prêtres comprenaient bien que devaient se briser les chaînes de l’absurde théologie et les colifichets de l’idolâtrie. « Disons-leur, à ces frères préparés par le génie révolutionnaire à recevoir enfin toutes les vérités, que le dernier moyen de terminer la Révolution est de faire justice du sacerdoce, en professant exclusivement la religion du cœur humain, qui n’admettra jamais dans ses inspi¬ rations d’intermédiaire entre l’homme et la di¬ vinité. La nature, voilà la religion de l’homme moral; le patriotisme, voilà son culte; les vertus sociales et domestiques, voilà l’encens qui plaît à la divinité; les sacrifices pour la splendeur de son pays, voilà les moyens d’expiation des fai¬ blesses humaines, l’asile heureux et paisible d’une famille, voilà le temple consacré par la nature à l’Etre suprême; le sein fécond et chaste (1) Archives nationales, carton C 284, dossier 824" d’une épouse aimante et vertueuse, voilà l’autel de l’homme de bien, du sans-culotte. « Disons-leur, à ces amis ardents de la liberté et de l’égalité, que le prêtre qui les subjuguait sans les instruire, qui les épouvantait sans les rendre meilleurs, insultait à la fois à la divinité, à la nature, à la liberté et à l’égalité. « Il insultait à la divinité, en s’arrogeant le prétendu pouvoir de disposer de Dieu même, en matérialisant l’Être suprême, en le sous-divi-sant en trois, en le faisant digérer par ses dévots. Un dieu soumis à l’élaboration d’un estomac, un dieu qui peut devenir la proie des souris; quelle exécrable imposture! quel hon¬ teux dérèglement de la raison humaine ! « Il insultait à la nature, en la dégradant dans ses combinaisons, en la stérilisant par le scan¬ daleux célibat, en la heurtant par des sacrifices ou des exceptions. « Il insultait à la liberté, en resserrant les limites de la pensée et de l’opinion, en retenant l’imagination pénétrante dans l’asservissement des mystères et du prestige des miracles. « Il insultait, enfin, à l’égalité, en se faisant vénérer lui-même comme l’homme privilégié, ayant pour tous des conceptions surnaturelles, se disant l’organe de la divinité, et le chef d’un troupeau qu’il tenait courbé sous la baguette de la superstition et l’empire ridicule des signes et des pantomimes du culte. « A l’aide de ces pratiques et du tarif qu’il y mettait, le scélérat apôtre de l’erreur s’en¬ graissait de la substance du pauvre et de la crédulité du faible : avec l’un, il échangeait contre de l’or le paradis; à l’autre il promettait la pluie, ou le flattait de détourner les orages et de préserver les champs des fléaux des éléments. « Hypocrisie, fanatisme, superstition se com¬ binaient pour former un prêtre : mais la lumière a brillé, l’espèce humaine est régénérée, et le prêtre n’est plus. » C’est pour consacrer ces grandes vérités et pour détruire à jamais, avec la monstruosité sacerdotale, tous les abus qu’entraînait cette monstruosité méprisable, que le directoire, après avoir ouï le procureur général syndic, arrête ce qui suit : Art. 1er. « Tous les signes du fanatisme et de la supers¬ tition, tant extérieurs qu’intérieurs, seront sans délai anéantis ; les municipalités y substitueront tous les emblèmes de la raison et de la liberté, seules divinités des peuples libres. Art. 2. « A chaque décade, les municipalités convo¬ queront les habitants de leur commune, dans le lieu ordinaire de leurs séances, pour leur lire les décrets de la Convention nationale, les arrêtés des autorités publiques, et en général tous les journaux républicains et autres ouvrages ca¬ pables d’élever l’âme au républicanisme. Art. 3. « Les citoyennes qui ont des joyaux ou bijoux en forme de croix, sont invitées à ne les point por¬ ter, ou à les changer en médailles républicaines. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « décembre *1793 201 Art. 4. « Les conseils généraux des communes dont le nom est celui d’un saint, ou dont les rues ont le même rapport, s’assembleront sans délai pour changer ces noms en d’autres qui seront con¬ formes à la Révolution. Ils seront tenus d’en dresser des procès-verbaux, qu’ils feront parve¬ nir au département par la voie des districts. Art. 5. « Tous les cuivres, fers et plombs seront arra¬ chés des églises, et transportés dans le chef -lieu du district, pour de là être transformés en armes destructives des ennemis de la République. Tous les objets en or ou en argent des dites églises y seront de même envoyés, pour de là passer au creuset du bon sens, et faire de nou¬ veaux miracles à la Trésorerie nationale. Art. 6. « Enjoint aux conseils généraux des communes de mettre à exécution le présent arrêté; aux conseils de districts à y tenir la main ; autorise et invite tous les comités révolutionnaires, les Socié¬ tés populaires et bons citoyens, d’en surveiller l’exécution, et de dénoncer tous les abus et négli¬ gences qui y seraient apportés. » Fait à Ville -Affranchie, les mêmes jour et an que dessus. Signé : Pelletier, 'président; Marguerv, secrétaire général. La Commission militaire révolutionnaire, séant à Tours, a envoyé le jugement rendu contre Alexandre Chartier, convaincu d’avoir tenu des propos contre-révolutionnaires. Insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre d'envoi du jugement (2). La Commission militaire révolutionnaire, séant à Tours, à la Convention nationale. « Tours, 14 frimaire, l’an II de la République française, indépendante, une et indi¬ visible. « Représentants, « Nous vous adressons le jugement rendu contre Alexandre Chartier, convaincu d’avoir tenu des propos contre-révolutionnaires et attentatoires à la souveraineté du peuple fran¬ çais, un jour de foire, dans un cabaret de la commune de Preuilly. Puissent, ainsi, tous les ennemis intérieurs de la République, expier leurs forfaits, sous le glaive de la loi. « Salut et fraternité. « Bassereatt, président. « Par la commission militaire révolutionnaire, « Picheray, secrétaire adjoint. » Jugement de la Commission militaire révolu¬ tionnaire établie par les départements d'Indre-et-Loire et Loir-et-Cher, séant provisoirement à Tours (1), Qui condamne à mort Alexandre Chartier. farinier, domicilié de la commune d’Anglès, district de Montmorïllon, département de la Vienne, atteint et convaincu d'avoir tenu des propos contre-révolutionnaires et attentatoires à la souveraineté du peuple français, un jour de foire, dans un cabaret de la commune de Preuilly. Du 11 frimaire, l’an II de la République. Le tribunal extraordinaire du département d’Indre-et-Loire a adressé à la Commission les pièces du procès contre Alexandre Chartier, prévenu de propos contre-révolutionnaires et attentatoires à la souveraineté du peuple fran¬ çais; lesdites pièces consistant : 1° dans une dénonciation faite devant le maire de la muni¬ cipalité de Preuilly, le 18 octobre dernier (vieux style); 2° Un procès-verbal fait devant le juge de paix du canton de Preuilly, du 19 dudit mois d’octobre, contenant information du délit contre-révolutionnaire dont il s’agit; 3° Un mandat d’amener, décerné contre Char¬ tier, prévenu et déjà mis en état d’arrestation nar le procès-verbal du maire de la commune de Preuilly ; 4° L’interrogatoire dudit Chartier, fait de¬ vant ledit juge de paix, le même jour 19 octobre ; 5° Le mandat d’arrêt décerné contre ledit prévenu ; 6° Le nouvel interrogatoire subi par le pré¬ venu devant le directeur du juré d’accusation du tribunal du district de Preuilly; 7° Un acte d’attestation délivré seulement par quatre officiers municipaux de la com¬ mune d’ Angles, le 22 octobre; 8° Le renvoi en forme de jugement, par le tribunal du district de Preuilly, du 5 brumaire, au tribunal criminel extraordinaire du dépar¬ tement d’Indre-et-Loire, des pièces et du pré¬ venu, comme chargé de connaître des délits contre-révolutionnaires ; 9° Du renvoi par ledit tribunal criminel extraordinaire du département d’Indre-et-Loire, du 6 frimaire, à la Commission, pour se confor¬ mer à la section troisième de l’article 2 de l’arrêté du représentant du peuple Guimber-teau, du 25 brumaire dernier. Après que ledit Alexandre Chartier a été de nouveau interrogé par la Commission; après que lecture a été faite de toutes les pièces du procès ; après que le défenseur officieux a eu proposé les défenses dudit Chartier, La Commission s’étant retirée pour délibérer, revenue, les opinions données individuelle¬ ment et publiquement : Considérant que François Petit et Antoine Nivet ont déposé devant le juge de paix du canton de Preuilly qui les a appelés le 19 octobre dernier (vieux style), que la veille, jour de foire à Preuilly, ils se sont trouvés entre 2 et 3 heures du soir, chez le citoyen Jolivet, cabaretier à (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 77. (2) Archives nationales, carton Dm 115, dossier 1. (1) Archives nationales, carton Dm 115, dossier 1.