[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j “J1 265 comparer avec la nouvelle rédaction que pré¬ sentera la Commission, et déterminer son choix. Thuriot demande en outre que le comité de législation puisse revoir son travail et le faire imprimer tel qu’il le croira le meilleur possible. La Convention se décidera ensuite entre les deux travaux. Bourdon (de VOise) demande l’ordre du jour. Il se fonde sur ce que l’on ne peut renvoyer au coupable à examiner son jugement. « Le comité de législation a fait tout ce qu’il a pu, dit-il, et cependant quelques erreurs, qui tiennent à des préjugés, se sont glissées dans le Code civil. On lui permettrait vainement de revoir son tra¬ vail, il ne pourrait le mieux faire. Thuriot insiste sur sa proposition. Il l’appuie par cette considération qu’il ne veut établir qu’un concours qui tournera sans doute à l’a¬ vantage de la République. La Convention allait voter sur la motion de Thuriot. Elle venait de rejeter l’ordre du jour. Cambacérès obtient la parole. Il pense que le concours, où. Thuriot voit des avantages, ne produirait qu’une lutte inutile, qui priverait trop longtemps la France du Code qu’elle attend. Il observe seulement que, s’il eût assisté hier à la séance, au moment où Levasseur proposait d’instituer une Commission de révision, il se fût opposé à ce que l’on exclût de l’ éligibilité les hommes de loi. « Cette exclusion, dit-ü, est con¬ traire aux principes de la Révolution. Elle établit des distinctions qui ne doivent exister que pour les talents et la vertu. » Levasseur annonce que cette distinction put lui échapper dans son discours, mais qu’en se résumant il ne mit aucun terme à l’éligibilité. La proposition de Thuriot est décrétée. On admet à la barre une députation de la partie de l’armée révolutionnaire, prête à partir pour Ville-Affranchie. Ces citoyens réclament le remboursement des avances de leur équipement : ils demandent qu’il soit mis à la disposition du commissaire ordonnateur la somme nécessaire pour cette indemnité et pour l’achat de souliers dont ils ont le plus pressant besoin. Les péti¬ tionnaires sont renvoyés au comité de Salut public, pour examiner sur-le-champ leur de¬ mande et y avoir égard (1). Compte rendu du Moniteur universel (2) : Une députation de V armée révolutionnaire est admise à la barre. L’orateur. Vous voyez devant vous une députation du premier détachement révolution¬ naire, partant pour Ville-Affranchie. Ces répu¬ blicains, vrais sans-culottes, ont cru ne pouvoir partir sans laisser à leurs femmes des moyens de subsistance. Nous demandons en conséquence le remboursement des avances que nous avons faites pour notre équipement, et nous vous (IJ Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 318. (2) Moniteur universel [n° 46 du 16 brumaire an II (mercredi 6 novembre 1793), p. 187, col. 2}. prions de mettre à cet effet des fonds à la dis¬ position du commissaire ordonnateur. Nous manquons aussi de souliers; l’on ne peut s’en procurer à Paris. Il y en a sans doute, mais il faut de grands moyens pour les trouver. Nous de¬ mandons que la Convention prenne ces moyens. Cette pétition est renvoyée au comité de Sa¬ lut public. Un membre [Legendre (1)], arrivant de Rouen, rend compte de quelques opérations qu’il y a faites avec son collègue. Il annonce que cette commune manque de blé; que les départements voisins ne veulent pas lui en fournir, parce qu’ils sont persuadés que Rouen a des magasins. Les riches doivent contribuer pour 6 millions à l’ap¬ provisionnement de cette commune : il demande qu’il soit fourni sur-le-champ du blé à Rouen. Sur sa proposition, la Convention rend le dé¬ cret suivant : « Sur la proposition d’un membre, la Conven¬ tion nationale décrète que la Commission des subsistances fournira, sans retard, 'à la ville de Rouen, les secours en grains dont elle a besoin, et que Coupé {de VOise) sera adjoint aux repré¬ sentants du peuple envoyés dans le département de la Seine-Inférieure et dans les départements voisins (2). » Compte rendu du Moniteur universel (3) : Legendre. Malgré les soins que se sont don¬ nés vos commissaires dans le département de la (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 277, dossier 723. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 318. (3) Moniteur universel [n° 46 du 16 brumaire an II (mercredi 6 novembre 1793), p. 187, col. 2]. D’autre part, le Journal de Perlel [n° 409 du 15 bru¬ maire an II (mardi 5 novembre 1793), p. 283] et n° 412, le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, p. 199) rendent compte de la motion de Le¬ gendre dans les termes suivants : IL Compte rendu du Journal de Perlel. Legendre. La ville de Rouen est réduite à pn quarteron de pain par individu. Coupé, notre col¬ lègue, dont j’honore les principes, a prétendu ici qu’il existait de grands magasins dans son sein. Nous avons fait toutes les recherches imaginables, pris les mesures les plus énergiques, et nous n’avons rien trouvé. Coupé persiste cependant à croire qu’il y en a. Je demande qu’il nous soit adjoint pour nous aider à les découvrir, et que le ministre de l’intérieur s’en¬ tende avec la Commission des Six pour venir, sans retard, au secours du peuple de Rouen qui, bien qu’il manque de pain, protège de tout son pouvoir l’arrivage des subsistances destinées pour Paris. Coupé. Je me suis plaint des réquisitions vio¬ lentes. J’ai dit que les armées ennemies étaient approvisionnées par la Seine-Inférieure, la Loire et la Gironde, et je persiste à le croire. Legendre. Il n’est pas descendu un bateau de blé de Rouen. Coupé. Rouen, qui est un pays fertile, n’a pas de grains ! Legendre. Non, et je prédis à la Convention nationale les plus grands malheurs, si elle ne vient 266 f Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, f V brum3.ire an U * ? 4 novembre 1793 Seine-Inférieure, ils n’ont pu parvenir à appro¬ visionner la ville de Rouen, et aujourd’hui les habitants de cetc e ville sont réduits à un quarte - au secours de cette ville. Je la prie de se ressouvenir que j’ai fait mon devoir : c’est à elle à faire le sien. Les propositions de Legendre sont adoptées. II. Compte rendu du Journal des Débals et des Décrets. Legendre. Malgré l’activité des soins que se sont donnés vos commissaires dans le département de la Seine-Inférieure, je suis forcé de vous entretenir au¬ jourd’hui de Rouen. Nous avons alimenté cette corn-ipune, autant qu’il a été en notre pouvoir : aujour¬ d’hui, les habitants de Rouen sont réduits à un quar¬ teron de pain pour chacun d’eux. Souvenez-vous qu’il y a plusieurs de nos collègues qui, sans doute, ont de bonnes vues, qui sont très bons patriotes, mais qui, à force de crier que Rouen a des magasins remplis de subsistances, sont la cause qu’aucun des départements ou des districts environnants n’y en veulent pas laisser passer. Je déclare que nous avons fait les recherches les plus exactes et que nous n’avons trouvé à Rouen aucun des magasins annon¬ cés.. Nous avons fait aussi les proclamations les plus énergiques; nous avons invité les citoyens à nous dénoncer les accaparements qu’ils pouvaient con¬ naître; nous avons promis de vendre au taux du maximum le blé que nous y trouverions et d’en dis¬ tribuer le prix aux dénonciateurs. Malgré tout cela, je le répète, nous n’avons rien pu découvrir. Un de nos collègues, cependant, c’est Coupé (de l’Oise), soutient qu’il y a des magasins à Rouen; je demande que la Convention nous l’adjoigne, pour qu’il nous serve de son intelligence, et nous éclaire de ses lumières. On avait dit aussi que les blés amoncelés à Rouen s’en allaient par la rivière. Nous avons établi sur la Seine deux avisos qui font sur tous les bateaux qui passent les perquisitions les plus rigoureuses, et nous n’avons pas trouvé une seule contravention. Je le redis encore, les . départements qui environnent Rouen laissèrent venir è* Paris tout ce dont Paris a eu besoin; mais, à cause de la malheureuse inculpa¬ tion dirigée contre Rouen, ils n’y feraient pas pas¬ ser un seul grain de blé, et si nous voulions les y contraindre, nous établirions la guerre civile. Les riches, dans ce moment, viennent de contri¬ buer à Rouen, pour 5 à 6 millions, que des commis¬ saires sont chargés d’aller employer à acheter des grains dans l’étranger : en attendant, le fait est que la commune de Rouen qui renferme 120,000 âmes manque de pain. Rouên ne s’est peut-être pas montré aussi révolutionnaire qu’il aurait dû le faire; mais le peuple y est bon et patriote, comme dans toute Ja République, y est tranquille; il s’occupe dans les ateliers et voit chaque jour passer sous ses yeux des approvisionnements considérables, sans y toucher aucunement. Je demande que, pro¬ visoirement, la Commission des subsistances et approvisionnements soit tenue de venir au secours du peuple de Rouen. Coupé (de l'Oise). Je rends justice au patriotisme du peuple de Rouen, mais je sais qu’il est victime de la cupidité de quelques accapareurs. Tout le monde connaît la fertilité du pays qui environne Rouen. Nous sommes presque au lendemain de la récolte, ainsi on ne peut parler de disette. Je n’ai pas dit qu’il y eût des grains emmagasinés à Rouen, mais j’ai dit que les grains des pays voisins passaient èi Rouen, et que de là ils allaient à l’étranger, qui les gardait ou nous les revendait ensuite fort cher. Je soutiens donc, comme je l’ai déjà avancé, que l’avantage de Rouen, comme celui de la Répu¬ blique, demande que nous prenions des mesures pour empêcher la sortie des grains, par tous les moyens qui sont en notre pouvoir. Legendre. Je défie qui que ce soit de prouver qu’un seul bateau de grain ait descendu la Seine. ron de pain par jour pour chacun d’eux. Je suis loin de vouloir mGulper personne; mais un de nos collègues, dont je respecte l’intention, en criant sans cesse dans le sein de cette Assem¬ blée que Rouen renfermait des magasins de blé, a empêché tous les départements voisins de lui en apporter. Nous avons fait toutes les recherches et perquisitions possibles. Nous avons fait des proclamations pour engager les habitants à nous découvrir ces magasins; nous leur avons promis de faire vendre le blé au prix du maximum, et d’en remettre la valeur à ceux qui l’auraient indiqué. Tous ces soins ont été inutiles; cependant notre collègue persiste à dire qu’il y a du blé à Rouen; ainsi, je de¬ mande qu’il nous so.fc adjoint, car il en trou¬ vera peut-être. Nous avons établi deux avisos sur les côtes, et aucun bateau ne peut sortir qu’il ne soit scrupuleusement visité. Les départements en¬ vironnants fourniront pour Paris tout ce qu’on voudra; mais rien pour Rouen, à cause de la mauvaise réputation que s’est acquise cette ville. Nous avons pris des mesures révolutionnaires ; nous avons destitué l’administration du dépar¬ tement; 8 à 10 millions ont été imposés sur les riches; ils sont destinés à acheter des subsis¬ tances : mais, en attendant, il faut que le mi¬ nistre fasse passer du blé à Rouen. Cette com¬ mune renferme environ 20 [, 120] mille âmes; voulez-vous qu’ils meurent de faim! Sans doute Rouen ne s’est pas montré aussi révolution� naire qu’il aurait dû, mais le peuple y est bon comme dans toute la République; il travail]© sans cesse dans les ateliers, et il faut qu’il soit bien tranquille, puisqu’il voit passer tous les jours sous ses yeux des approvisionnements considérables sans y l oucher aucunement. je demande donc que le ministre fasse passer des subsistances à Rouen dans le plus bref délai, et que Coupé, de l’Oise, nous soit adjoint pour découvrir les magasins qu’il sait être dans cette ville. Coupé (de VOise). Je crois que le peuple de Rouen est bon ; mais je sais qu’ü est la victime de la cupidité des aristocrates et des accapa¬ reurs. Il n’est aucun de nous qui ne connaisse la fertilité du territoire environnant cette ville. Nous sommes au lendemain de la récolte, et on souffre de la disette. Je n’ai pas dit qu’on emmagasinât les grains à Rouen, mais je sou¬ tiens qu’ils passent par cette ville pour aller à l’ennemi. Nous avons au comité d’agricul¬ tures plusieurs pétitions qui attestent que le blé des campagnes environnantes a été battu et transporté à Rouen, et que cependant dans cette ville on ne mange que de la vieille farine : cela ne peut venir que de ce que nos ennemis tirent des grains par Rouen, comme ils en tiraient ci-devant par la Gironde. Hier un patriote m’a dit que du côté du Jura il se faisait une grande La vérité est que Rouen manque de pain. Je per¬ siste dans mes propositions. Coupé. Il est impossible qu’au moment de la ré¬ colte on manque de blé à Rouen. Legendre. Le fait que j’avance existe. Coupé, en allant à Rouen, le verra comme nous. Mon insis¬ tance a pour but d’éviter de plus grands malheurs. J’ai fait mon devoir, c’est à la Convention de faire le reste. (Applaudissements. ) Les propositions de Legendre sont décrétées.