600 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Ie*- juillet 1790.] entourés dans le parc d’artillerie, ont été faits prisonniers et désarmé?. Les soldats ont dénoncé dix instigateurs delà révolte; deux ont été pendus, un a été renvoyé et sept condamnés aux galères. Le corps a demandé ses officiers, et prié instamment qu’on renvoyât en France les mauvais sujets, qui sont tous des recrues nouvellement arrivées. — M. de Gouy fait lecture d’une autre lettre, écrite du Cap. — Nous apprenons qu’au Port-au-Prince on s’est décidé à renvoyer deux cents soldats de recrue. Tranquilles sur ce point, nous tombons dans de nouvelles inquiétudes; les gens de couleur ont formé une conspiration; deux d’entre eux ont été arrêtés; ils étaient munis d’un serment qu’ils faisaient signer, et qui portait rengagement de se battre et défendre jusqu’à extinction. La conspiration s’étend sur toute la dépendance du Cap, et a particulièrement la ville pour objet... L’Assemblée coloniale se forme; on en conçoit de grandes espérances... Ün dit qu’il y a des troubles à la Martinique. Plusieurs voix : Parlez de Tabago. M. de Gouy. Ces événements prouvent combien nous avons raison en demandant, au mois de juillet dernier, qu’il ne fût point envoyé de recrues dans les Iles-sous-le-Vent. Ainsi il y a deux décrets à rendre, l’un pour Tabago et l’autre pour Saint-Domingue. Tabago demande des vivres et des moyens de défense. J’approuve le décret qui vous est proposé; mais j’observe qu’il serait inconstitutionnel de fixer le nombre des troupes à y envoyer. Si ce nombre était insuffisant, le ministre vous dirait : c’est vous qui l’avez déterminé; s’il était assez considérable pour donner des inquiétudes aux colonies et aux puissances étrangères, le ministre vous dirait encore : c’est vous qui l’avez déterminé. C’est au pouvoir exécutif qu’il appartient de saisir le milieu qu’il faut prendre. Lorsque vous aurez rendu un décret dans ce sens, nous écrirons aux Iles-sous-le-Vent pour annoncer qu’elles ne doivent prendre aucune inquiétude de ces dispositions. Quant à Saint-Domingue. . . (On observe qu'il n'est pas question de Saint-Domingue, et M. de Gouy termine son opinion.) M. de Cocherel. Des habitants de Tabago sont ici, il faut les entendre avant de statuer. M. Bar u ave. Le moyen que vous aurez à prendre me paraît susceptible d’une grande évidence. Je ne crois pas que vous puissiez déterminer la quotité des secours et des forces à envoyer à Tabago; je ne crois pas que le pouvoir exécutif seul puisse déterminer la proportion de ces forces et la mesure de ces secours; car, lors de circonstances plus importantes, vous vous trouveriez dans une situation où le désordre que cette faculté accordée indéfiniment aux ministres appellerait sur le royaume, serait irrémédiable, la responsabilité très difficile, et presque toujours illusoire : il faut déterminer la mesure de force et de moyens qui pourra être attribuée à tel ou tel département; mais puisque cette mesure n’est pas fixée, il me paraît convenable, à défaut d’un décret antérieur, de prendre un parti que les circonstances même indiquent. Je propose un projet de décret conçu en ces termes : « L’Assemblée nationale, délibérant sur la lettre écrite à son président par le ministre de la marine, appuyant la pétition des habitants delà ville de Tabago, décrète que son président se retirera, sans délai, par devers le roi, pour le supplier de faire passer à Tabago les moyens de subsistance et de défense demandés par lès habitants de cette île, dans la pétition qu’ils lui ont adressée. » Le projet de M. Barnave reçoit de nombreux applaudissements. Il est mis aux voix et adopté. M. le Président dit qu’il vient de recevoir une lettre et un mémoire de M. le premier ministre des finances. Ces pièces sont renvoyées au comité des finances pour en rendre compte. L’Assemblée reprend la suite de la discussion du projet de décret sur les fondations et patronages laïques. M. le Président donne lecture de l’amendement proposé par MM. Camus et Martineau. Il tend à faire décréter : « 1° Que les bénéfices en patronage laïque et ceux des établissements de pleine collation laï-cale qui sont actuellement destinés à un service public, sont soumis à toutes les dispositions des décrets concernant les bénéfices de pleine collation, ou de patronage ecclésiastique; « 2° Que les chapelles fondées et desservies dans l’intérieur des maisons particulières, encore qu’elles eussent été érigées en titre de bénéfices, et les établissements de pleine collation laïcale qui ont conservé leur destination domestique et privée, sont exceptés de la disposition de l’article précédent ; « 3° Qu’il sera statué, d’après l’avis des départements, sur le sort et l'emploi de toutes les fondations faites pour l’éducation et le soulagement des pauvres parents des fondateurs. » M. Trellhard. Je demande la priorité pour l’avis du comité. Un bénéfice est un établissement public; c’est pour cela que les bénéfices à collation laïcale seront compris dans le décret du 2 novembre. Or, je prétends qu’un bénéfice est établi par le public dans quelque lieu que ce soit. La destination du bénéfice ne dépend pas du lieu, mais de l’objet pour lequel il est formé. La seule exception qu’on put admettre serait celle qui porterait sur des fondations non érigées en bénéfices... Tout ce qui est d’un usage général et libre est à la disposition de la nation. Je propose, en conséquence, de décréter : « 1° Que l’Assemblée nationale déclare que son décret du 2 novembre dernier, par lequel tous les biens ecclésiastiques ont été mis à la disposition de la nation, comprend tous ceux qui dépendent des bénéfices, églises et chapelles dont la fondation a été érigée en titre perpétuel de bénéfice, ou qui seront devenus d’un usage général, public et libre, quoique la présentation des titulaires, ou même la pleine collation, ait été accordée aux fondateurs et à leurs héritiers ou autres ; « 2° Que la disposition de l’article précédent s’applique également à toutes fondations consacrées par la même autorité de l’Eglise, quels que soient les services religieux qu’elles aient imposés, et de quelques clauses et conditions qu’elles aient été accompagnées, même de celles qui porteraient la révocation des choses données, dans le cas prévu des suppressions ou changements décrétés par l’Assemblée nationale ; l’Assemblée n’entendant excepter que les fondations non érigées en titre de bénéfice, ou qui ne seraient pas devenues d’un usage général, public [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1" juillet 1790.] «Al et libre, ainsi que celles dont les fondateurs auraient appliqué les revenus à l’éducation de leurs descendants. » M. deSérent ( ci-devant comte). Ces bénéfices ne sont autre chose que l’attribution faite par un particulier, pour assurer à lui et à ses descendants un service particulier. Ce bénéfice n’a été établi ni pour ni par la nation. Si l’Assemblée détruisait ce service, la dotation devrait revenir aux représentants du propriétaire. Cette dotation n’est autre chose qu’une pension laïque... Je crois que nul n’a le droit de s’approprier ces fondations, et qu’elles doivent perpétuellement sortir du plein et entier effet de la volonté du fondateur. On demande la priorité pour l’amendement de M. Camus. La priorité est accordée. M. de Croix. Il est bien difficile d’improviser une rédaction de cette importance au milieu de l'agitation d’une Assemblée aussi nombreuse. Je demande l’ajournement à demain, afin que le comité ecclésiastique puisse nous présenter une nouvelle rédaction. Cet ajournement est prononcé. La séance est levée à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-LE PELLETIER. Séance du 1er juillet 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. Dumouchel, secrétaire , donne lecture de l’extrait des adresses dont la teneur suit : Adresses des officiers municipaux des villes de Rouen et de Chartres, qui s’élèvent avec force contre la déclaration d’une partie de l’Assemblée, dénoncent les protestations du chapitre de leur église cathédrale contre les décrets de l’Assemblée, et rendent compte des précautions qu’ils ont prises pour détruire l’influence qu’elles pouvaient avoir sur l’esprit du peuple ; Des frères des écoles chrétiennes de France, qui coftjurent l’Assemblée par les motifs les plus pressants de conserver leur institut : « Quel que soit le sort qui nous est réservé, nous nous y soumettrons sans murmure, contents de donner ainsi à notre patrie les preuves de ce dévouement dont nous avons toujours fait profession, et qu’elle a droit d’attendre de tous les bons citoyens » ; Des détachements des gardes nationales de Bagnols, Saint-Esprit, Orange, Courtezon, Jon-quières, Piolenc, le Thor et Château-Renard, actuellement en garnison à Avignon, qui supplient l’Assemblée d’approuver leur conduite, et d’accepter la réunion de la ville d’Avignon à la France. Du sieur Authouard, procureur du roi au Vigao, département du Gard, qui s’engage à exercer gratuitement ses fonctions; Des curés et vicaires de l’archiprêtré de Bour-goin, au département de l’Isère, qui s’engagent, avec serment, d’employer toute l’influence de leur ministère à maintenir l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale, et notamment de celui du 13 avril dernier. Ils vouent à l’exécration publique tous ceux qui s’efforceraient, au nom d’un Dieu de paix, de faire couler le sang de leurs amis, de leurs frères; Du conseil général de la commune de Fumay, département des Ardennes, qui fait le don patriotique du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés ; Des municipalités et des gardes nationales de la ville de Seyssel, et de celle de Lorme, qui déclarent ennemis de la patrie tous ceux qui oseraient, par des protestations contraires au vœu de la majorité de l’Assemblée, se déclarer les ennemis d’une Révolution qui doit à la fois opérer le bonheur des particuliers et la prospérité de l’Etat ; De sieur François de Rose, ancien lieutenant de cavalerie au régiment Royal-Champagne, ci-devant comte de Rose, issu d’une des plus anciennes familles nobles du royaume, qui fait hommage à l’Assemblée de ses titres de noblesse : « Agé de soixante-douze ans accomplis, le corps cicatrisé de blessures, le titre, dit-il, d’honnête homme sera jusqu’à mon dernier soupir le seul que j’ose porter avec la tête haute, en me disant l’ami, le frère et l’égal de tout bon Français; » Des municipalités de Florensac et Saint-Seine-sur-Vingeanne, qui se soumettent d’acquérir lesbiens nationaux situés dans leur territoire; De la municipalité de Terrebasse-sous-l’Anjou, et de celle du bourg d’Essonne : cette dernière annonce que sa contribution patriotique s’élève à la somme de 8,170 livres. De la garde nationale de Varennes-sous-Mont-soreau quia fait le serment solennel de combattre jusqu'à son dernier soupir les ennemis de la Révolution ; Des officiers municipaux de la ville de Taras-con, qui annoncent que la garde nationale et le régiment des dragons de Lorraine, en garnison dans cette ville, se sont empressés de se confédérée le 13 du mois dernier : sans rappeler des insurrections auxquelles ce régiment s’était livré par un excès de zèle mal entendu, ils attestent qu’il est entièrement dévoué au bien public. Ils rendent en même temps hommage aux qualités militaires et patriotiques de M. de Gibert, lieutenant-colonel et commandant actuel de ce régiment ; Des assemblées primaires des cantons du Langon, département de la Vendée; de la ville de Mussidan, de Beaurepaire, département de l’Isère ; de Neuvic, département delà Dordogne; Des assemblées électorales du district de Gail-lac, du district d’Aibi, du district de Roanne, du district de Lannion, du district de Sarrebourg, du district de Pontarlier, du district de Villefranche, de celui de Savenay, des électeurs du département de la Charente-lDférieure, enfin des administrateurs du district d’Orléans. M-l’abbé Iflaury. Je fais remarquer à l’Assemblée qu’il est peu convenable que le duc d’Orléans envoie une adresse et ne se présente pas lui-méme. M. Dumouchel. M. l’abbé Maury a mal compris, il s’agit de la ville et non du duc d’Orléans. Toutes ces assemblées expriment avec énergie une adhésion absolue aux décrets de l’Assemblée, improuvent expressément la déclaration de la minorité, et la conjurent de ne passe séparer avant (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.