�Convention nationale] ARCHIVES MHUSMKI'îiURES.-. |g VL ' AHfHEXE ATo 1 La S OOIÉTÉ POPULAIRE DE TONNERRE DEMANDE qu’un décret enjoigne aux CORPS ADMI¬ NISTRATIFS DE FAIRE TRANSPORTER AUX FONDERIES NATIONALES TOUS LES CUIVRES DES ÉGLISES (1). Compte rendu du Mercure universel. (2) La Société populaire de Tonnerre demande qu’un décret enjoigne' à tous les corps adminis¬ tratifs de faire transporter, sous le délai de 8 jours, aux fonderies nationales, tous les cuivres îles églises. Renvoyé au comité militaire. VII. La Convention renvoie au comité de sûreté générale des papiers trouvés sur le NOMMÉ PlLLOT, QUI VIENT D’ETRE EXÉCUTÉ (3). Compte rendu des Annales 'patriotiques et littéraires (4). On a trouvé sur le nommé Pillot, qui vient d’être exécuté, des papiers qui prouvent qu’il avait une grande correspondance avec les ennemis de l’intérieur. Ces papiers sont envoyés au comité de sûreté générale, comme devant procurer des renseigne¬ ments précieux. VIII. PÉTITION DES CITOYENS DE VERNON (5). Compte rendu du Mercure universel (6), I>es citoyens de Vernon se plaignent de ce que, malgré un décret, le rassemblement des jeunes gens du département de l’Eure se forme à Evreux. Ils demandent qu’il soit fait à Vernon. Renvoyé au comité de la guerre. (1) La pétition de la commune de Tonnerre n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 27 brumaire an 11 mais il y est fait allusion dans les comptes rendus de cette séance publiés par le Mercure universel et par les Annales patriotiques et littéraires. (2) Mercure universel [28 brumaire an II (lundi 18 novembre 1793), p. 284, col. 1]. (3) La découverte de ces papiers n’est pas men¬ tionnée au procès-verbal de la séance du 27 bru¬ maire an II; mais il y est fait allusion dans le comptes rendu de cette séance publié par les Annales patriotiques et littéraires. (4) Annales patriotiques et littéraires [n° 321 du 28 brumaire an II (lundi 18 novembre 1793), p. 1487, col. 1]. (5) La pétition des citoyens de Vernon n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 27 bru¬ maire an II; mais il y est fait allusion dans le compte rendu de cette séance publié par le Mercure universel. (ü) Mercure universei [28 brumaire an ÏI (lundi 18 novembre 1793),, p. 28% col, IJ» , A la séance de la Conventfoa nationale du *9 brumaire an II (lliimuiche, ta norembro *9®3). Rapport fait a la Convention nationale, AU NOM DU COMITÉ DE SALUT PUBLIC, PAR LE citoyen Robespierre (1), membre de ce COMITÉ, SUR LA SITUATION POLITIQUE DE LA République, le 27 brumaire, l’an II de la République. Compte rendu du Moniteur universel (2). Nous appelons aujourd’hui l’attention de la Convention nationale sur les plus grands inté¬ rêts de la patrie. Nous venons remettre sons vos yeux la situation de la République à l’égard des diverses puissances de la terre, et surtout à l’égard des peuples que la nature et la raison attachent à notre cause, mais que l’intrigue et la perfidie cherchent à ranger an nombre de nos ennemis. Au sortir du chaos où les trahisons d’une cour criminelle, et le règne des factions avaient plongé le gouvernement, il faut que les législa¬ teurs du peuple français fixent les prineipes. de leur politique envers les amis et les ennemis de la République; il faut qu’ils déploient aux yeux de l’univers le véritable caractère de la nation qu’ils ont la gloire de représenter. Il faut apprendre aux imbéciles qui l’ignorent, ou aux traîtres qui feignent d’en douter, que la République française existe; qu’il n’y a de pré¬ caire dans le monde que le triomphe du crime, et la durée du despotisme. Il faut que nos alliés se confient à notre sagesse et à notre fortune, autant que les tyrans armés contre nous re¬ doutent notre courage et notre puissance. La Révolution française a imprimé une se¬ cousse au monde. Les élans d’un grand peuple vers la liberté devaient déplaire aux rois qui l’entourent. Mais il y avait loin de cette dispo¬ sition secrète, à la résolution périlleuse de déclarer la guerre au peuple français, et surtout à la ligue monstrueuse de tant de puissances essentiellement divisées d’intérêts. Pour les réunir, il fallait la politique de deux cours dont l’influence dominait tontes les autres; pour les enhardir, il fallait l’alliance du roi même des Français, et les trahisons de toutes les (1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 377, le texte du discours de Robespierre, d’après le document imprimé par ordre de la Gonvention. Ainsi que nous l’avons annoncé, ce document présente de nom¬ breuses variantes avec le Moniteur, surtout dans les deux passages relatifs à la situation de la France vis-à-vis des Cantons suisses et à la politique étran¬ gère de la Russie. Il est probable que le Moniteur eut immédiatement en sa possession le texte lu par Robespierre à la Gonvention, puisqu’il le publia imexlmso dans son numéro du 30 brumaire, c’est-à-dire presque au lendemain de la séance du 27 bru¬ maire, et il est vraisemblable que ce texte fut en¬ suite retouché par Robespierre lorsque la Conven¬ tion eut décidé que son discours serait imprimé et envoyé aux Gantons suisses par des courriers extraor¬ dinaires. Nous avons cru devoir insérer ici le texte du Moniteur, afin que le lecteur puisse comparer les deux versions. (2?) Moniteur universel 60 du W brumaire an 11 (mercredi 20 novembre 1793), p, 2413. 400 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j fl brumaire anJJ ■ 1 ) U novembre 1793 factions, qui le caressèrent et le menacèrent tour à tour, pour régner sous son nom, ou pour élever un étranger sur les débris de sa puissance. Les temps qui devaient enfanter le plus grand des prodiges de la raison devaient aussi être souillés par les derniers excès de la corruption humaine. Les crimes accélérèrent les progrès de la liberté, et les progrès de la liberté ont multiplié les crimes de la tyrannie, en redou¬ blant ses alarmes et ses fureurs. Il y a eu entre le peuple et ses ennemis une lutte dont la vio¬ lence progressive a opéré en peu d’années l’ou¬ vrage de plusieurs siècles. Il est connu aujourd’hui de tout le monde que la politique du cabinet de Londres contribua beaucoup à donner le premier branle à notre Révolution. Le projet était vaste; il voulait, au milieu des plaies politiques, conduire la France épuisée et démembrée à un chan¬ gement de dynastie, et placer le duc d’York sur le trône de Louis XYI. Ce projet devait être favorisé par les intrigues et par la puis¬ sance de la maison d’Orléans, dont le chef, ennemi de la cour de France, était depuis long¬ temps étroitement lié avec celle d’Angleterre. Content des honneurs de sa vengeance et du titre de beau-père de roi, l’insouciant Philippe aurait facilement consenti à finir sa carrière au sein du repos et de la volupté. L’exécution de ce plan devait assurer à l’Angleterre les trois grands objets de son ambition et de sa jalousie : Toulon, Dunkerque et nos colonies. Maître à la fois de ces importantes possessions, maître de la mer et de la France, le gouvernement anglais aurait bientôt forcé l’ Amérique à rentrer sous la domination de George. Il est à remarquer que Pitt a conduit de front, en France et dans les Etats-Unis, deux intrigues pareilles, qui ten¬ daient au même but; tandis qu’il cherchait à séparer le Midi de la France, du Nord, il conspi¬ rait pour détacher les provinces septentrionales de l’Amérique, des provinces méridionales; et comme on s’efforce encore aujourd’hui de fédé-raliser notre République, on travaille à Phila¬ delphie à rompre les liens de la confédération, qui unissent les différentes portions de la République américaine. Ce plan était hardi, mais le génie consiste moins à former des plans hardis qu’à calculer les moyens qu’on a de les exécuter. L’homme le moins propre à deviner le caractère et les ressources d’un grand peuple est peut-être celui qui est le plus habile dans l’art de cor¬ rompre un Parlement. Qui peut moins appré¬ cier les prodiges qu’enfante l’amour de la liberté, que l’homme vil, dont le métier fut de mettre en jeu tous les vices des esclaves? Semblable à un enfant dont la main débile est blessée par une urne [arme] terrible qu’elle a l’imprudence de toucher, Pitt voulut jouer avec le peuple fran¬ çais, et il a été foudroyé. Pitt s’est grossièrement trompé sur notre Ré¬ volution; comme Louis XYI et les aristocrates français, abusés par leur mépris pour le peuple, mépris fondé uniquement sur la conscience de leur propre bassesse, trop immoral pour croire aux vertus républicaines, trop peu philosophe pour faire un pas vers l’avenir, le ministre de George fut vaincu par son siècle; le siècle s’élançait vers la liberté, et Pitt voulait le faire rétrogader vers la barbarie et vers le despotisme. Aussi l’ensemble des événements a trahi jus¬ qu’ici ses rêves ambitieux ; il a vu se briser tour à tour,- par la force populaire, les divers instru¬ ments dont il s’est servi; il a vu disparaître Necker, Orléans, Lafayette, Lameth, Dumou-riez, Custine, Brissot, et tous les pygmées do la Gironde. Le peuple français s’est dégagé jus¬ qu’ici des fils de ses intrigues, comme Hercule d’une toile d’araignée. Yoyez comme chaque crise de notre Révolu¬ tion l’entraîne toujours au delà du point où il voulait s’arrêter; voyez avec quels pénibles efforts il cherche à faire reculer la raison publique et à arrêter la marche de la Révolution ; voyez ensuite quels crimes prodigués pour l’étouffer ! A la fin de 1792, il croyait préparer insensiblement la chute du roi Capet, en con¬ servant le trône pour le fils de son maître. Mais le 10 août a lui, et la République est fondée. C’est en vain que, pour l’étouffer dans son ber¬ ceau, la faction girondine et tous les lâches émissaires des tyrans étrangers appellent de toutes parts les serpents de la calomnie, le démon de la guerre civile, l’hydre du fédéralisme, le monstre de l’aristocratie. Le 31 mai, le peuple se lève, et les traîtres ont vécu. La Convention se montre aussi juste que le peuple, aussi grande que sa mission. Un nouveau pacte social est proclamé, cimenté par le vœu unanime des Français. Le génie de la liberté plane d’une aile rapide sur la surface de cet empire, en appro¬ che toutes les parties prêtes à se dissoudre, et le raffermit sur ses vastes fondements. Mais ce qui prouve à quel point le principal ministre de George II manque de génie, en dépit de l’attention dont nous l’avons honoré, c’est le système entier de son administration. Il a voulu allier deux choses évidemment contradictoires; l’extension sans bornes do la prérogative royale, c’est-à-dire le despotisme, avec l’accroissement de la prospérité commerciale de l’ Angleterre; comme si le despotisme n’était pas le fléau du commerce, comme si un peuple qui a eu quelque idée de la liberté pouvait descendre à la servi¬ tude, sans perdre l’énergie qui seule peut être la source de ses succès. Pitt n’est pas moins cou¬ pable envers l’Angleterre dont il a mille fois violé la Constitution, qu’envers la France. Le projet même de placer un prince anglais sur le trône des Bourbons, était un attentat contre la liberté de son pays. Un roi d’Angleterre, dont la famille régnerait en France et en Hanovre, tiendrait dans ses mains tous les moyens de l’asservir. Comment, chez une nation qui a craint de re¬ mettre une armée entre les mains de son roi, chez qui on a si souvent agité la question : si le peuple anglais devait souffrir qu’il réunît la puis¬ sance et le titre du duc de Hanovre; comment chez un tel peuple peut -on tolérer un ministre qui ruine sa patrie, pour donner des couronnes à son maître? Au reste, je n’ai plus besoin d’ob¬ server que le cours des événements imprévus de notre Révolution a dû nécessairement le forcer de faire, selon les circonstances, beaucoup d’amendements à ses premiers plans, multi¬ plier ses embarras, et par conséquent ses noir¬ ceurs. Il ne serait même plus étonnant que celui qui voulut donner un roi à la France fût réduit aujourd’hui à épuiser ses dernières res¬ sources pour conserver le sien, ou même pour sauver sa tête. Dès l’année 1791, la faction anglaise et tous les ennemis de la liberté s’étaient aperçus qu’il existait en France un parti républicain, qui ne transigerait pas avec la tyrannie. Ce parti était le peuple. Les assassinats partiels, tels que ceux du Champ de Mars et de Nancy, leur [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j JJ Novembre 401 paraissaient insuffisants pour la détruire, ils résolurent de lui donner la guerre : de là la monstrueuse alliance de rAutriche et de la Prusse et ensuite la ligue de toutes les puissances armées contre nous. Il serait absurde d’attribuer principalement ce phénomène à l’influence des émigrés, qui fatiguèrent longtemps toutes les cours de leurs clameurs impuissantes, et au crédit de la cour de France; il fut l’ouvrage de la politique étrangère soutenue du pouvoir des factieux qui gouvernaient la France. Pour engager les rois dans cette téméraire entreprise, il ne suffisait pas d’avoir cherché à leur persuader que, hors un petit nombre de républicains, toute la nation haïssait en secret le nouveau régime et les attendait comme des libérateurs, il ne suffisait pas de leur avoir garanti la trahison de tous ceux qui tenaient les rênes ou qui commandaient nos armées; pour justifier cette odieuse entreprise aux yeux de leurs sujets épuisés* il fallait leur épargner jusqu’à l’embarras de nous déclarer la guerre. Quand ils furent prêts, la faction dominante la leur déclara à eux-mêmes. Vous vous rappelez avec quelle astuce profonde elle sut intéresser au succès de ses perfides projets le courage des Français-et l’enthousiasme civique des Sociétés populaires. Vous savez avec quelle impudence machiavélique ceux qui laissaient nos gardes nationales sans armes, nos places fortes sans munitions, nos armées entre les mains des traîtres, nous incitaient à aller planter l’éten¬ dard tricolore jusque sur les bornes du monde. Déclamateurs perfides, ils insultaient aux tyrans, pour les servir; d’un seul trait de plume, ils renversaient tous les trônes, et ajoutaient l’Europe à l’empire français; moyen sûr d’as¬ surer le succès des intrigues de nos ennemis, dans le moment où tous les gouvernements ve¬ naient de se déclarer contre nous. Les partisans sincères de la République avaient d’autres pensées. Avant de briser les chaînes de l’univers, ils voulaient assurer la liberté de leur pays. Avant de porter la guerre chez les despotes étrangers, ils voulaient la faire au tyran qui les trahissait; convaincus d’ailleurs qu’un roi était un mauvais guide, pour conduire un peuple à la conquête de la liberté universelle, et que c’est à la puissance de la raison, non à la force des armes, de pro¬ pager les principes de notre glorieuse Révolution. Les amis de la liberté, cherchèrent de tout temps les moyens les plus sûrs de la faire triom¬ pher; les agents de nos ennemis ne l’embrassè¬ rent que pour l’assassiner; tour à tour extrava¬ gants ou modérés, prêchant la faiblesse et le sommeil où il fallait de la vigilance et du cou¬ rage ; la témérité et l’exagération, où il s’agit de prudence et de circonspection. Ceux qui, à la fin de 1791, voulaient briser tous les sceptres du monde, sont les mêmes qui, au mois d’août, voulaient parer le coup qui fit tomber celui du tyran. Le char de la Révolution roule sur un terrain inégal : ils ont voulu l’enrayer dans les chemins faciles, et le précipiter avec violence dans les routes périlleuses; ils cherchèrent à le briser contre le but. Tel est le caractère des faux patriotes; telle est la mission des émissaires stipendiés par les cours étrangères. Peuple ! tu pourras les distin¬ guer à ces traits. Voilà les hommes qui naguère encore réglaient les relations de la France avec les autres na¬ tions. Reprenons le fil de leurs machinations. Le moment était arrivé, où le gouvernement britannique, après nous avoir suscité tant d’ennemis, avait résolu d’entrer lui-même ou¬ vertement dans la ligue. Mais le vœu national et le parti de l’opposition contrariaient ce projet du ministre; Brissot la fit déclarer; on la déclara en même temps à la Hollande; on la déclara peu de temps après à l’Espagne, parce que nous n’étions nullement préparés à com¬ battre ce nouvel ennemi, que la flotte espagnole était prête pour se joindre à la flotte anglaise. Avec quelle lâche hypocrisie les traîtres faisaient valoir de prétendues insultes à nos envoyés, concertées d’avance entre eux et les puissances étrangères ! Avec quelle indécence ils invoquaient la dignité de la nation dont ils se jouaient insolemment ! Les lâches ! Ils avaient sauvé les despotes prussien et son armée; il avaient engraissé la Belgique de plus pur sang des Français; ils parlaient naguère de municipaliser l’Europe; et ils repoussaient les malheureux Belges dans les bras de leurs tyrans; ils avaient livré à nos ennemis nos trésors, nos magasins, nos subsis¬ tances, nos défenseurs; sûr de leur appui, et fier de tant de crimes, le vil Dumouriez avait osé menacer la liberté jusque dans son sanctuaire... O patrie ! quelle divinité tutélaire a donc pu t’arracher de l’abîme immense, creusé poùr t’engloutir, dans ces jours de crimes et de cala¬ mités, où, ligués avec tes innombrables ennemis, tes enfants ingrats plongeaient dans ton sein leurs mains parricides, et semblaient se disputer tes membres épars, pour les livrer tout sanglants aux tyrans féroces conjurés contre toi; dans ces jours affreux, où la vertu était proscrite, la perfidie couronnée, la calomnie tromphante, où tes ports, tes flottes, tes armées, tes forteresses, tes administrateurs, tes municipalités étaient vendus à tes ennemis ! Ce n’était point assez d’avoir armé les tyrans contre nous, on voulait nous vouer à la haine des nations, et rendre la Révolution hideuse aux yeux de l’univers. Nos journalistes étaient à la solde des cours étrangères, comme nos ministres et une partie de nos législateurs. Le despotisme et la trahi¬ son présentaient le peuple français à tous les peuples, comme une faction éphémère et méprisable, le berceau de la République comme le repaire du crime; l’auguste liberté était travestie en une vile prostituée. Pour comble de perfidie, les traîtres cherchaient à pousser le patriotisme même à des démarches inconsidé¬ rées, et préparaient eux-mêmes la matière de leurs calomnies; couverts de tous les crimes, ils en accusaient la vertu qu’ils plongeaient dans les cachots, et chargeaient de leur propre extra¬ vagance les amis de la patrie qui en étaient les vengeurs ou les victimes. Grâce à la coalition de tous les hommes puissants et corrompus, qui remettaient à la fois dans des mains perfi¬ des tous les ressorts du gouvernement, toutes les richesses, toutes les trompettes de la renom¬ mée, tous les censeurs de l’opinion, la Républi¬ que française ne trouvait plus un seul défenseur dans l’Europe, et la vérité captive ne pouvait trouver une issue pour franchir les limites de la France ou les murs de Paris. Ils se sont attachés particulièrement à mettre en opposition l’opinion de Paris avec celle du reste de la République, et celle de la République entière avec les préjugés des nations étrangères. Il est deux moyens de tout perdre; l’un de faire des choses mauvaises par leur nature, lrü SÉRIE, T. LXXIX. 26 402 tConveation nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, i bru™a!’'e an II l’autre de faire mal ou à contretemps, les choses même qui sont bonnes en soi. Ils les ont employés tour à tour. Ils ont surtout manié l’arme du fanatisme avec un art nouveau. On a cru quelquefois qu’ils voulaient le détruire, ils ne voulaient que l’armer et repousser par les préjugés religieux ceux qui étaient attachés à notre Révolution par les principes de morale et du bonheur public. Dumourier, dans la Belgique, excitait les volontaires nationaux à dépouiller les églises et à jouer avec les saints en argent; et le traître publiait, en même temps, des manifestes reli¬ gieux dignes du pontife de Rome, qui vouaient les Français à l’horreur des Belges et du genre humain. Ainsi les traîtres de l’intérieur décla¬ maient ici contre les prêtres, et ils favorisaient la rébellion du Midi et de l’Ouest. Combien de choses le bon esprit du peuple a tournées au profit de la liberté, que les perfides émissaires de la France avaient imaginées pour la perdre ! Cependant le peuple français, seul dans l’univers, combattait pour la cause commune. Peuples alliés de la France, qu’étiez-vous deve¬ nus? N’étiez-vous que les alliés du roi, et non ceux de la nation? Américains, est-ce l’automate couronné, nommé Louis XYI, qui vous aida à secouer le joug de vos oppresseurs, ou bien nos bras et nos armées? Est-ce le patrimoine d’une cour méprisable, qui vous alimentait, ou bien les tributs du peuple français et les productions de notre sol favorisé des cieux? Non, citoyens, vos alliés n’ont point abjuré les sentiments qu’ils vous doivent. Mais s’ils ne se sont point détachés de votre cause; s’ils ne se sont pas rangés même au nombre de vos ennemis, ce n’est point la faute de la faction qui nous gouver¬ nait. Par une fatalité bien bizarre, la République se trouve encore représentée auprès d’eux par les agents des traîtres qu’elle a punis. Le beau-frère de Brissot est le consul général de la France près les Etats-Unis. Un autre homme, nommé Genest, envoyé par Lebrun et Brissot en qualité d’agent plénipotentiaire, réside aussi à Philadel¬ phie; il a rempli fidèlement leurs vues et leurs instructions. Il a employé les moyens les plus extraordinaires pour irriter le Gouvernement américain contre nous; il a affecté de lui parler, sans aucun prétexte, avec le ton de la menace, et de lui faire des propositions également con¬ traires aux intérêts de deux nations; il s’est efforcé de rendre nos principes suspects ou redoutables, en les outrant par les applications les plus ridicules. Par un contraste bien remar¬ quable, tandis qu’à Paris ceux qui l’avaient envoyé persécutaient les Sociétés populaires, dénonçaient comme anarchistes les Jacobins luttant avec courage contre la tyrannie,- Genest à Philadelphie se faisait chef de club en Amé¬ rique, et ne cessait de faire et provoquer des motions aussi injurieuses qu’inquiétantes pour le Gouvernement. C’est ainsi que la même faction qui, en France, voulait réduire tous les pauvres a la condition d’ilotes et soumettre le peuple à l’aristocratie des riches, voulait en un instant affranchir et armer tous les nègres pour détruire nos colonies. Les mêmes manœuvres furent employées à la Porte, par Choiseul-Goutfier et son successeur. Qui croirait que l’on a établi des clubs français à Constantinople; que l’on a tenu des assemblées primaires? On sent que cette opération ne pou¬ vait être utile ni à notre cause, ni à nos prin¬ cipes ; mais elle était faite pour inquiéter et pour irriter la cour ottomane. Le Turc, l’ennemi né¬ cessaire de nos ennemis, l’utile et fidèle allié de la France, négligé par le Gouvernement français, circonvenu par les intrigues du cabinet bri¬ tannique, a gardé jusqu’ici une neutralité plus funeste à ses propres intérêts qu’à ceux de la République française. U paraît néanmoins qu’il est prêt à se réveiller; mais c’est le cabinet de Saint-James qui dirige le Divan : il ne portera point ses forces contre l’Autriche, notre commun ennemi, qu’il lui serait si facile d’accabler; mais contre la Russie, dont la puissance intacte peut devenir encore une fois l’écueil des armées ottomanes. Il est un autre peuple uni à notre cause par des liens non moins puissants, un peuple dont la gloire est d’avoir brisé les fers des mêmes tyrans qui nous font la guerre; un peuple dont l’alliance avec nos rois offre quelque chose de bizarre, mais dont l’union avec la France libre est aussi naturelle qu’imposante; un peuple enfin que les Français libres peuvent estimer, je veux parler des Suisses. La politique de nos ennemis a jusqu’ici épuisé toutes ses ressources pour les armer contre nous; l’imprudence, l’insouciance, la perfidie ont concouru à les seconder; quelques violations de territoire, des chicanes inutiles, des injures gratuites, insérées dans certains journaux, et une intrigue très active, dont les principaux foyers sont Genève, le Mont-Terrible et certains comités ténébreux, qui se tiennent à Paris, composés de banquiers, d’étrangers et d’intrigants couverts d’un masque de patriotisme ; tout a été mis en usage pour les déterminer à grossir la ligue de nos ennemis. La sagesse helvétique a résisté à toutes les provo¬ cations des malveillants, aux caresses perfides de l’Autriche, aux sollicitations des Français fu¬ gitifs réfugiés dans cette contrée, et aux intrigues de toutes les cours confédérées. Les Suisses se sont bornés à présenter amicalement leurs récla¬ mations au Gouvernement. Le comité de Salut public les a trouvées justes en général; il s’en était occupé d’avance ; il a résolu, non seulement d’en faire cesser les causes, mais de prouver aux cantons suisses, par tous les moyens qui peuvent se concilier avec la défense de notre liberté, les sentiments de bienveillance et de fraternité dont le peuple français est animé envers les autres nations, et particulièrement envers celles que leur caractère rend dignes de son alliance. Voulez-vous connaître d’un seul trait toute l’importance que ceux-ci mettent au succès de ces machinations, et en même temps toute la lâcheté de leurs moyens ; il suffira de vous faire part du bizarre stratagème que les Autrichiens viennent d’employer. Au moment où j’avais ter¬ miné ce rapport, le comité de Salut public a reçu une note authentique, que l’Autriche avait fait remettre au Gouvernement bernois. Le Gouvernement bernois, inquiet, la com¬ muniqua à notre ambassadeur en Suisse, en le priant de dissiper toutes les craintes à ee sujet. Croiriez-vous que nos ennemis ont encore trouvé le moyen d’enchérir sur un artifice aussi grossier? Eh bien î il faut vous dire qu’au mo¬ ment où je parle, les gazettes allemandes pu¬ blient, dans toute l’Europe, que le comité de Salut public a résolu de faire déclarer la guerre à la Suisse, et que je suis chargé de vous faire un rapport qui tend à ce but. Afin que vous puissiez apercevoir encore [Gonventjoa u&tionaled ARGRWII &ARÜ*Slîf AIRES,- . f? KXefîl W mieux la perfidie autrichienne, |e voua Rirai qu’il y a plus d’un mois, il avait été fait au comité nue proposition qui offrait à la France un avantage infiniment précieux dans les cir¬ constances où. nous étions ; il ne s’agissait, pour l’obtenir, que de faire une invasion dans un petit Etat enclavé dans notre territoire et allié de In Suisse. Mais cette proposition était injuste et contraire à la foi des traités ; nous la rejetâmes ayec indignation. Au reste, les Suisses ont évité les pièges que leur tendaient nos ennemis communs; quoique notre cause ait des ennemis dans cette contrée, ils ont vu que les divers griefs dont ils auraient u avoir à se plaindre, étaient en partie les effets es mouvements orageux, inséparables de la Révolution, en partie ceux d’une malveillance dirigée contre la République et contre la Suisse; ils ont constamment consulté les véritables intérêts de leur patrie, et l’affection naturelle qui attache à la France le peuple des cantons. Le comité suivra les mêmes principes avec toutes les nations amies ; nous vous proposerons des mesures fondées sur cette base. Au reste, la seule exposition que je viens de faire de vos principes déconcertera les trames ourdies dans l’ombre depuis longtemps. La garantie est dans les maximes raisonnables qui dirigent notre Gouvernement ; tel est l’avan luge d’une Répu¬ blique puissante, sa diplomatie est dans sa banne foi; et comme un honnête homme peut ouvrir impunément à ses concitoyens son coeur et sa maison, un peuple libre peut dévoiler aux nations toutes les bases de sa politique. Quoi que soit le résultat de ce plan de con¬ duite, fi ne peut être que favorable à notre cause, et s’il arrivait qu’un génie ennemi de l’humanité poussât le gouvernement de quelque nation neutre dans le parti de nos ennemis com¬ muns, il trahirait le peuple qu’il régit, sans ser¬ vir les tyrans ; du moins il se perdrait. Nous aérons plus forts Gontre lui de sa propre bassesse et de notre loyauté ; car la justice est une grande partie de la puissance, Mais il importe dès ce moment d’embrasser d’une seule vue le tableau do l’Europe; il faut nous donner ici le spectacle du monde politique, qui s’agite autour de nous, et à cause de nous. Dès le moment où on forma le projet d’une ligne contre la France, on songea à intéresser les diverses puissances par un projet de partage de cette belle contrée. L’existence de ce plan est attestée aujourd’hui non seulement par les événements, mais par des pièces authentiques. A l’époque où le comité de Salut public fut formé, un plan d’attaque et de démembrement de la France, arrêté par le cabinet britannique fut communiqué aux membres qui le com¬ posaient alors. On y fit peu d’attention dans ce temps Ta, parce qu’il paraissait peu vraisem¬ blable, et que la défiance pour ces sortes de confidences est assez naturelle. Les faits, depuis cette époque, l’ont vérifié chaque jour. L’An¬ gleterre ne s’était pas oubliée dans ce partage : elle devait avoir Dunkerque, Toulon, les colo¬ nies, sans compter la chance de la couronne pour le duc d’York, à laquelle on ne renonçait pas, mais dont on sacrifiait les portions qui devaient former le lot des autres puissances. Il n’était pas difficile de faire entrer dans la ligue le stathouder de Hollande, qui, comme on sait, est moins le prince des B ata vos que le sujet de sa femme, et par conséquent de la cour de Berlin. Quant au phénomène politique de l’âlMêiee du roi de Prusse avec le chef de 1%. maison d’Au¬ triche, nous l’avons déjà expliqué. Comme dèùx brigands, qui se battent pour partager les dépouilles d’un voyageur qu’ils ont assassiné, oublient leur querelle pour courir ensemble à une nouvelle proie, ainsi le monarque de Vienne et celui de Berlin suspendirent leurs anciens différends pour tomber sur la France et pour dévorer la République naissante. Cependant le concert apparent do ces doux puissances cache une division réelle. Mais l’ Autriche est ici la dupe de la Prusse, dont le cabinet est actuellement dirigé par la Russie; quoique ce fait ne soit pas connu de tout le monde. La maison d’Autriche, épuisée par les extra¬ vagances de Joseph II et de Léopold, jetée depuis longtemps hors des règles de la politique de Charles -Quint, de Philippe II et des minis¬ tres de Marie-Thérèse; l’Autriche, gouvernée aujourd’hui par les caprices et par l’ignorance d’une jeune cour, expire dans le Hainaut fran¬ çais et dans la Belgique. Si nous ne la secondons nous-mêmes par notre imprudence, ses derniers efforts contre la France peuvent être regardés comme les convulsions de son agonie. Déjà l’impératrice de Russie et le roi de Prusse viennent de partager la Pologne, sans dajgner faire une part à leur compagnon, et lui ont présenté, pour tout dédommagement, les conquêtes qu’il ferait en France ayec leur secours, c’est-à-dire, la Lorraine, l’Alsace et la Flandre française. L’Angleterre encourage sa folie, pour nous ruiner, en la perdant elle-mê?no Elle cherche à ménager ses forces en épuisant celles de son allié, et marche à spn but particu¬ lier, en lui laissant tout le poids de la guerre. D’un autre côté, le Roussillon, la Navarre fran¬ çaise et les départements limitrophes de l’Es¬ pagne, ont été promis à Sa Majesté Catholique. Il n’y a pas jusqu’au petit roi sarde que l’on ne berce de l’espoir de devenir un jour le roi du Dauphiné, de la Provence et des pays voi¬ sins de ses Etats. Que pouvait. -on offrir aux puissances d’Italie, qui ne peuvent survivre à la perte de la France? Rien. Elles ont longtemps résisté aux sollicita¬ tions de la ligue; mais elles ont cédé à l’intrigue, ou plutôt aux ordres du ministre .anglais, qui les menaçait des flottes de l’Angleterre. Le ter¬ ritoire de Gênes a été le théâtre d’un crime dont l’histoire d’ Angleterre peut seul offrir un exemple. Des vaisseaux de cette nation, joints à des vaisseaux français, livrés par les comités de Toulon, sont entrés dans le port de Gênes. Aussitôt les barbares qui les montaient, Anglais et Français rebelles, se sont emparés des bâtiments de la République qui -étaient dans ce port, sous la sauvegarde du droit des gens, et tous les Français qui s’y trouvaient ont été égorgés. Qu’il est lâche, es Sénat de Gênes, qui n’est pas mort tout entier pont prévenir on pour yenger cet outrage; qui a pu trahir à là fois l’honneur, le peuple génois et l’humanité entière ! Venise, plus puissante et en même temps plus politique, a conservé une neutralité utile à ses intérêts. Florence, celui de tous les Etats d’Italie à qui le triomphe de nos ennemis serait le plus fatal, a été enfin subjuguée par eux et entraînée malgré elle à sa ruine. Ainsi le despo¬ tisme pèse jusque sur ses complices, et les tyrans armés contre la République sont les 404 IConventioa nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 27 brumaire an If 1 1 • (17 novembre 1793 ennemis de leurs propres alliés. En général, les puissances italiennes sont peut-être plus dignes de la pitié que de la colère de la France; l’An¬ gleterre les a recrutées comme ses matelots; elle a exercé la presse contre les peuples d’Italie; le plus coupable des princes de cette contrée est le roi de Naples, qui s’est montré digne du sang des Bourbons, en embrassant leur cause. Nous pouvons vous lire à ce sujet une lettre écrite de la main de ce prince à son cousin le catholique, qui servira du moins à vous prou¬ ver que la terreur n’est point étrangère au cœur des rois ligués contre nous. L’Angleterre a aussi fait menacer le Danemark par ses escadres pour le forcer à accéder à sa ligue; mais le Danemark, régi par un ministre habile, a repoussé avec dignité ces insolentes somma¬ tions. Au reste, pour avoir une idée un peu exacte des causes qui agitent l’Europe, il faut connaître la , politique et l’ascendant de la Russie. On ne peut voir que de la folie dans la résolution qu’avait prise le roi de Suède, Gustave III, de devenir le généralissime des rois coalisés ; l’his¬ toire des sottises humaines n’offre rien de com¬ parable au désir de ce moderne Agamemnon, qui épuisait ses Etats, qui abandonnait sa cou¬ ronne à la merci de ses ennemis pour venir à Paris affermir celle du roi de France. Le régent, plus sage, a mieux consulté les inté¬ rêts de son pays et les siens; il s’est renfermé dans les termes de la neutralité. Vous pouvez avoir maintenant en quelque sorte devant les yeux le bilan de toutes les nations européennes et le vôtre; vous pouvez en tirer le résultat suivant : C’est que l’univers est intéressé à la conser¬ vation de la République française. De tous les fripons décorés du nom de roi, d’empereur, de ministres, de politiques, on assure — et nous ne sommes pas éloignés de le croire — que le plus adroit est Catherine de Russie, ou plutôt ses ministres ; car il faut se défier du char¬ latanisme de ces réputations lointaines et impériales, protégées par la politique; la vérité est que sous les vieilles impératrices, comme sous toutes les femmes qui tiennent le sceptre, ce sont les hommes qui gouvernent. Au reste, la politique de la Russie est impérieusement déterminée, par la nature même des choses : eette contrée présente le contraste de la féro¬ cité des sauvages avec les vices des peuples civilisés qui la dominent. Ces derniers ont un grand pouvoir et de grandes richesses ; ils ont le goût, l’idée, l’ambition du luxe et des arts de l’Europe; ce contraste de leur situation a nécessairement excité leur ambition. Il paraît assez prouvé que Pitt lui -même est la dupe et l’instrument de la veuve de Pierre III, et qu’il joue en même temps et l’empereur et le roi de Prusse, lesquels ont aussi l’intention de se jouer entre eux; du moins, dans cette grande partie des escrocs couronnés de l’Eu¬ rope, Catherine est la seule qui joue à coup sûr. En effet, tandis que ses deux puissants voisins viennent follement briser leurs forces contre le rocher inébranlable de la République française; tandis que nous nous affaiblissons nous -mêmes, du moins selon le calcul du despotisme, en écra¬ sant nos ennemis, Catherine, ménageant les siennes, augmente chaque jour ses trésors, et ses moyens, se prépare à étendre sa puissance colossale, aux dépens de tous ses rivaux, et à devenir la première puissance. Après avoir partagé la Pologne avec la Prusse, sans l’Au¬ triche, elle a envoyé l’empereur se morfondre contre les rochers de la République française, Spectatrice des querelles de l’Europe, elle pro¬ mena ses regards avec une secrète joie, d’un côté sur les vastes contrées soumises à la domi¬ nation du Turc, de l’autre, sur la Pologne, la Suède, le Danemark, et sur tous les Etats germaniques; d’un côté, vers le commerce, de l’autre, vers la conquête des fertiles contrées qui l’environnent à l’ouest et au midi. La Russie, beaucoup plus redoutable à toutes les puissances qui l’entourent, a beaucoup contri¬ bué à former la ligue contre la France et s’est dispensée de fournir son contingent; soit qu’elle puise des fonds sur la Suède, qu’elle divise et qu’elle paralyse; soit qu’elle veuille arracher de nouvelles provinces au Turc qu’elle tient en échec et qui se trahit lui-même par son inac¬ tion impolitique; soit qu’elle veuille étendre son empire aux dépens des puissances germa¬ niques ou de la Pologne, partout elle envisage des • conquêtes rapides, ou des usurpations secrètes; elle sera bientôt en état de donner la loi à la Prusse et à l’Autriche, épuisées par leurs entreprises insensées; et dans les partages où elle admettait ces deux compagnons de ses au¬ gustes brigandages, elle pourra du moins prendre impunément la part du lion. Vous avez sous les yeux le bilan de l’Europe et le vôtre, et vous pouvez déjà en tirer un grand résultat, c’est que l’univers est intéressé à notre conservation. Supposons la France anéantie ou démembrée, le monde politique s’écroule. Otez cet allié puissant et nécessaire qui garantissait les médiocres états contre les grands despotes, l’Europe entière est asservie. Les petits princes germaniques, les villes réputées libres de l’Alle¬ magne sont englouties par les maisons ambi¬ tieuses de l’Autriche et du Brandebourg. La Suède et le Danemark deviennent tôt ou tard la proie de leurs puissants voisins; le Turc est repoussé au delà du Bosphore et rayé de la liste des puissances européennes; Venise perd ses richesses, son commerce et sa considération; la Toscane, son existence; Gênes est effacée; l’Italie n’est plus que le jouet des despotes qui l’entourent; la Suisse est réduite à la misère et ne recouvre plus l’énergie que son antique pauvreté lui avait donnée; les descendants avilis de Guillaume Tell succomberaient sous les efforts des tyrans humiliés et vaincus par leurs aïeux. Comment oseraient-ils invoquer seule¬ ment les vertus de leurs pères et le nom sacré de la liberté, si la République française avait été détruite sous leurs yeux? Que serait-ce s’ils avaient contribué à sa ruine? Et vous ! braves Américains, dont la liberté, cimentée par notre sang, fut encore garantie par notre alliance, quelle serait votre destinée, si nous n’existions plus? Vous retomberiez sous le joug honteux de votre ennemi ; la mémoire de nos communs exploits serait flétrie; les titres de la liberté, la déclaration des droits de l’humanité seraient anéantis dans les deux mondes. Que dis-je ! que deviendrait l’Angleterre elle-même? L’éclat éblouissant d’un triomphe criminel couvrirait -il longtemps sa détresse réelle et ses plaies invétérées ? Il est un terme aux prestiges qui soutiennent l’existence précaire d’une puissance artificielle. Quoi qu’on puisse dire, les véritables puissances sont celles qui possèdent la terre. Qu’un jour elles veuillent franchir l’intervalle qui les sépare d’un peuple [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ��mbre 1793 405 purement maritime, le lendemain il ne sera plus. C’est en vain qu’une île commerçante croit s’appuyer sur le trident des mers, si ses rivages ne sont défendus par la justice et l’intérêt commun des nations. Bientôt peut-être nous donnerons au monde la démonstration de cette vérité politique. A notre défaut, l’Angleterre la donnerait elle-même. Déjà odieuse à tous les peuples, énorgueillie du succès de ses crimes, elle forcerait bientôt ses rivaux à la punir. Mais, avant de perdre son existence physique et commerciale, elle perdrait son existence morale et politique. Comment conserverait -elle les restes de la liberté, quand la France aurait perdu la sienne, quand le dernier espoir des amis de l’humanité serait évanoui avec elle? Comment les homme attachés à la Constitution, telle quelle est, ou qui en désirent la réforme, pour¬ raient-ils lutter contre un ministère tyrannique, devenu plus insolent par le succès de ses intri¬ gues, et qui abuserait de sa prospérité pour étouffer la raison, pour enchaîner la pensée, pour opprimer la nation? Si un pays qui semble être le domaine de l’intrigue et de la corruption, peut produire quelques philosophes politiques capables de connaître et de défendre ses véritables intérêts; s’il est vrai que les adversaires d’un ministre corrompu sont autre chose que des intrigants qui disputent avec lui d’habileté à tromper le peuple, il faut convenir que les ministres anglais ne sauraient reculer trop loin le terme de ce Parlement dont le fantôme semble troubler leur sommeil. Ainsi la politique des gouvernements doit redouter la chute de la République française; que sera-ce donc de la philosophie et de l’hu¬ manité? Que la liberté périsse en France ! la nature entière se couvre d’un voile sombre, et la raison humaine recule jusqu’aux abîmes de l’ignorance et de la barbarie. L’Europe entière serait la proie de deux ou trois brigands qui ne vengeraient l’humanité qu’en se faisant la guerre, et dont le plus féroce, écrasant ses rivaux, nous ramènerait au règne des Huns et des Tartares. Après un si grand exemple et tant de prodiges inutiles, qui osera jamais déclarer la guerre au crime sur le trône? Le despotisme, comme une mer sans rivage, se déborderait sur la surface du globe; il engloutirait les montagnes lumineuses où est déposée l’arche qui renferme les chartes de l’humanité; le monde ne serait plus que le patrimoine du crime, et le blasphème reproché au second des Catons : « O vertu ! tu n’es donc qu’un vain nom ! », trop justifié par l’impuis¬ sance de nos généreux efforts, serait le cri de toutes les âmes magnanimes ! Que les vérités, que nous venons de publier, au lieu de se perdre dans cette étroite enceinte, retentissent au même instant dans toute l’Europe ! Oh ! qui de nous ne sent pas s’agrandir toutes ses facultés? qui de nous ne croit pas s’élever au-dessus de l’humanité même, en songeant que ce n’est pas pour un peuple que nous combattons, mais pour l’univers; pour les hommes qui exis¬ tent aujourd’hui, mais pour tous ceux qui exis¬ teront. Ah ! plût au ciel que nous pussions en ce moment faire entendre notre voix à tous les peuples; au même instant les flambeaux de la guerre seraient étouffés, les prestiges de l’im¬ posture disparaîtraient, les chaînes de l’univers seraient brisées, les sources des calamités publi¬ ques seraient taries, tous les peuples ne seraient plus qu’un peuple de frères, où vous auriez autant d’amis qu’il existe d’hommes sur la terre Si vous ne pouvez faire entendre ces vérités à l’univers entier, votre devoir est du moins de les publier et de les répandre autant qu’il est en votre pouvoir. Ce manifeste de la raison, cette proclamation solennelle de vos principes, sera plus puissante que les lâches intrigues des cours, et vous vaudra peut-être plus d’une armés. Au reste, dût l’Europe entière se déclarer contre vous, vous êtes plus forts que l’Europe. La République française est invincible comme la raison, elle est immortelle comme la vérité. Quand la liberté a fait une conquête telle que la France, nulle puissance humaine ne peut l’en chasser, Tyrans, prodiguez vos trésors, rassem¬ blez vos satellites, et vous hâterez la ruine de votre coupable puissance. J’en atteste vos revers; j’en atteste surtout vos succès. Un port et deux ou trois forteresses achetés par votre or ! quel digne prix des efforts de tant de rois, guidés pendant près de cinq années par les chefs de nos armées et par notre gouvernement même ! Apprenez qu’un peuple que vous n’avez pu vaincre avec de tels moyens est un peuple invincible. Monarques généreux, sensibles despotes, vous ne prodiguez, dites -vous, tant d’hommes et de trésors que pour rendre à la France le bonheur et la paix ! Vous avez si bien réussi à faire le bon¬ heur de vos sujets, que vos âmes royales n’ont plus maintenant à s’occuper que du nôtre ! Prenez garde, les rois ont assez longtemps châtié les peuples, les peuples, à leur tour, pour¬ raient bien aussi châtier les rois. Pour mieux assurer notre bonheur, vous voulez, dit -on, nous affamer, et vous avez entrepris le blocus de la France avec une cen¬ taine de vaisseaux : prenez garde, la nature est moins cruelle pour nous que les tyrans qui l’outragent. Le blocus de la France pourrait bien ne pas être plus heureux que celui de Mau-beuge et de Dunkerque. Au reste, un grand peuple, quand on ose le menacer de la famine, est un ennemi terrible, quand il lui reste du fer, il ne reçoit point de ses oppresseurs du pain et des aliments ; il leur donne la mort. Pour vous, représentants du peuple français qui, au milieu de toutes les agitations de l’Europe, êtes appelés à fonder la République, elle doit être sauvée avant six mois, ou elle sera plus en danger que jamais. Vos ennemis savent bien que, s’ils pou¬ vaient désormais vous perdre; ce ne serait que par vous-mêmes ; faites en tout le contraire de ce qu’ils veulent que vous fassiez : suivez toujours un plan invariable de gouvernement fondé sur les principes d’une sage et vigoureuse politi¬ que. Le plus beau de tous les titres est celui de représentant du peuple; nous serons tous assez grands, assez glorieux quand tous ensem¬ ble nous aurons sauvé la patrie. Vos ennemis cherchent à couvrir la cause sainte que vous défendez, d’un air de légèreté et de folie; défendez-la avec la dignité de la raison : on veut vous diviser, restez toujours unis : on veut réveiller au milieu de vous l’orgueil, la jalousie, la défiance, et toutes les petites pas¬ sions ; on veut annuler et avilir le gouvernement républicain dans sa naissance, donnez-lui l’acti¬ vité, le ressort et la considération dont il a besoin; s’ils veulent que le vaisseau de la Répu¬ blique flotte au gré des tempêtes, sans pilote et sans but, saisissez, le gouvernail d’une main ferme, et conduisez-le, à travers les écueils, au port de la paix et du bonheur. 4W (fiôûvèâtîôn nationale.;] ÂftfifiltËg MftLMËNTÀÏRËS; - { •« Mxtm&im an H v J - #17 navp.mhrA 17<« La forée peut renverser tua trotte, la sagesse seule peut affermir la République; démêlez les pièges des moyens perfides de nos ennemis, soyez révolutionnaires èt politiques; soyez terribles aux méchants et sècourables aux mal¬ heureux; fuyez à la fois lé cruel modérantisme et l'exagération systématique de vos ennemis; soyez dignes du peuple que vous représentez; le peuple hait tous les excès, il ne veut être ni trompé, ni protégé, il veut qu’on le défende en rhonorânt; ne soyez point effrayés de la hauteur où vous êtes placés, Représentants dû peuple français, sentez votre force et votre dignité; vous pouvez concevoir un orgueil légitime ; vous avez aboli la royauté et puni les rois ; vous avez brisé toutes les idoles coupa¬ bles devant qui vous avez trouvé le monde prosterné; Vous avez donné un grand exemple én promenant le glaive des lois sur les têtes cou¬ pables qui s’élevaient au milieu de vous. Portez la lumière dans l’antre de ces modernes CaCüs, où l’on partage les dépouilles du peuplé eu conspirant contré la liberté ! EtouffeZ-les dans leurs repaires, et punissez enfin le plus odieux de tous les forfaits, celui de revêtir la contre-révolution des emblèmes sacrés du patrio¬ tisme et d’assassiner la liberté avec ses propres armes. La période où vous êtes sera celle qui est destinée à éprouver le plus fortement la vertu ré¬ publicaine. A la fin de cette campagne, l’infâme ministre de Londres a vu au dehors la ligue presque ruinée par ses criminels efforts; les armes anglaises déshonorées, la fortune ébranlée et la liberté assurée par le caractère de vigueur que vous avez pris. Au dedans, il entend les cris dés Anglais mêmes, prêts à lui demander compté dé ses crimes. Dans sa frayeur, il a reculé jusqu’au mois de janvier la tenue de ce Parle¬ ment dont rapproche répouvante. Il Va em¬ ployer ce temps à commettre, parmi vous les derniers attentats qu’il médite, pour suppléer à Pimpuissance de vous vaincre. Tous les indi¬ ces, toutes les nouvelles, toutes les pièces saisies depuis quelque temps se rapportent à ce projet. Corrompre les représentants du peuple, suscep¬ tibles de l’êtrè; calomnier ou égorger ceux qu’ils n’ont pu perdre; enfin arriver à la disso¬ lution de la représentation nationale; voilà le but auquel tendent toutes les manœuvres dont nous sommes les témoins, tous lés moyens pa¬ triotiquement Contre-révolutionnaires, que la perfidie prodigue pour exciter une émeute dans Paris et bouleverser la République entière : avilir et dissoudre là Convention, voilà le but auquel iis marchent avec rapidité. Ils ont tendu autour de nous les filets de la volupté et dè l’a varice* mais vous ne perdrez pas l’honneur d’âVoir jiiSqu ’M écrasé toutes les factions soUS le poids du niveau national. Ce que l’histoire n’a jamais raconté, ce que là fable n’a osé imaginer, VOus l’avez fait* Vous avez entassé dés siècles dans les bornes d’une seule année. Quel que soit le sort personnel qui vous attend, Votre triomphe est certain. La mort même des fondateurs de la liberté est un triom¬ phe, Tout meurt, èt lés héros de l’ humanité et les tyrans qui l’oppiiment, mais à dès Conditions différentes. Jusque sous le règne des lâches empereurs de Rome, oh adorait les images sacrées des héros qui étaient mbits en combattant contre eux, On lèS appelait lés derniers des Romains. L’opinion publique disait chàqUè jour au tyran : « Nous ne sommes plus des hommes, nous avoirs perdu ce titre en tombant dans tes fers. Il fi’èst dff qu’à ceux qui ont eu le courage de délivrer la terre !» Pleins de ces idées, pénétrés de ces principes, nous Seconderons votre énergie de tout notre pouvoir; en butte aux attaques de toutes les passions, obligés de lutter 4 la fois contré les puissances ennemies de la République et contre les hommes corrompus qui déchirent son sein; placés entre la lâcheté hypocrite et la fougue imprudente du zèle, comment aurions-nous osé nous charger d’un tel fardeau sans les ordres sacrés de la patrie? Qui pourrait le porter si nous n’avions été élevés au-dessus de nôtre faiblesse par la grandeur même de notre mission, si nous ne nous étions reposés avec confiance et sur Votre propre vertu et sur le caractère sublime du peuple que nous avons la gloire de représenter. L’un de nos devoirs les plus sacrés était de vous fàire respecter au dedans et au dehors. Nous avons voulu aujourd’hui vous présenter un tableau fidèle de votre situation politique, et donner à l’Europe une haute idée de vos principes. Cette discussion a aussi un objet particulier, de déjouer les intrigues de vos enne¬ mis pour armer contre vous les cantons suisses. Nous vous proposons à cet égard le décret sui¬ vant : « La Convention nationale, voulant attester à tous lés peuples les principes qui la dirigent et qui doivent présider aux relations de toutes les sociétés politiques ; voulant en même temps déconcerter les manœuvres perfides employées par ses ennemis, pour alarmer Sur ses intentions les deux fidèles alliés de la nation française, les Cantons suisses et les Etats-Unis d’ Amérique : Art. Dr « La Convention nationale déclare, au nom du peuple français, que la résolution constante dè là République Française est de se montrer terrible envers ses ennemis, généreuse envers ses alliés, juste envers tous lès peuples. Art. 2. « Les traités qui lient le peuple français aux Etats-Unis d’Amérique et aux cantons suisses seront loyalement exécutés. Art. 3. « Quant aux modifications qui auraient pu être nécessitées par la Révolution qui a changé le gouvernement de la nation française, ou les mesures générales et extraordinaires qu’elle a été obligée de prendre momentanément pour la défense de son indépendance et de sa liberté, la Convention nationale se repose sur la loyauté respective et sur l’intérêt réciproque de la France et de ses alliés. Art. 4. « La Convention nationale enjoint aux citoyens et à tous les officiers civils et militaires de là République, de respecter et faire respecter lé territoire de toutes les nations neutres où alliées.