406 [Assemblée natienalé.} ARCHIVES PAi M. de Robespierre (1). Messieurs, il ne suffit pas de faire des lois pour établir la liberté 5 votre premier soin doit être de veiller sans cesse pour repousser tous les dangers qui entourent son berceau. Je n’en connais pas dé plus grand que Pin-struction inconstitutionnelle des commissaires que le pouvoir exécutif s’est permis de nommer et d’investir du pouvoir le plus étendu, même sans avoir consulté l’Assemblée nationale. Get objet n’eût même jamais été soumis à votre discussion, sans les réclamations des communes qui se sont déjà élevées contre cette disposition ministérielle, 11 reste une dernière ressource au despotisme et à l’aristocratie, c’est la mauvaise organisation des assemblées administratives et qu’elles soient composées en très grande partie des ennemis du peuple; c’en est fait de la liberté et la nation retombe sous le joug de la servitude, avant d’avoir acquis cet esprit public, ces vertus fières et courageuses, qui sont les véritables gardiennes de la liberté 1 Et quelle servitude que celle qui nous serait imposée par une foule d’aristocraties nouvelles, appuyées sur la constitution même, d’autant plus invincibles qu’elles seraient naturellement confédérées avec le despotisme ministériel, d’autant plus inquiètes et tyranniques que pour régner en paix, leurs memhres auraient besoin d’étouffer ces semences de liberté que les événements précédents auraient fait germer dans les âmes d’une partie des Français. La mauvaise organisation des assemblées administratives nous conduit infailliblement à ces malheurs. C’est de ce côté que les ennemis de la liberté dirigent tous leurs efforts, et leur succès est certain, si vous ne vous hâtes de prendre les mesures nécessaires pour déconcerter ces dangereuses manœuvres ; et malheur à nous, si nous pouvons nous dissimuler leurs avantages; Le patriotisme, ralenti par le seul laps de temps et peut-être parles persécutions qu’il a déjà essuyées; les amis du peuple, faibles, isolés, dépourvus des ressources que donne l’opulence; ses ennemis puissants par leur cûnéert, parleurs intrigues, possesseurs de presque tous les emplois publies, maîtres du numéraire accumulé entre leurs mains, par un système désastreux ; le peuple accablé de sa misère, augmentée par leurs coupables manœuvres, tantôt intimidé par la violence, tantôt alarmé par la calomnie, incertain de sa destinée et ignorant ses droits ; eh I comment les connaîtrait-il, lorsque les ennemis de la liberté se sont appliqués à lui cacher avec une affreuse constance vos décrets bienfaisants ; qui les lui aurait révélés, surtout votre déclaration des droits de l’homme, qui, en ce moment, n’a encore été promulguée nulle part? Eh I comment nous-mêmes aurions-nous prévenu ce malheur, nous qui, revêtus des pleins pouvoirs de la nation sans lesquels il nous eût été impossible de rien faire pour la liberté, nous sommes condamnés à l’impuissance d’assurer la promulgation et la prompte exécution des lois constitutionnelles, en remettant exclusivement ce soin à ce même pouvoir ministériel, que nous devions réprimer; nous, que tant de preuves de sa répugnance à le remplir n’a pu engager à prendre les mesures nécessaires pour remédier à un si grand mal; ah ! quel autre procédé pouvez-vous attendre de ceux qui, après avoir tenté ouvertement de renverser votre ouvrage, n’ont paru changer de sys-(1) Hoirs empruntons te discours de Robespierre au journal Le Point du Jour, tome Vltl, page $33. LEMENTAIRES. [20 mars 1780.] tème que pour le miner sourdement par toutes les manœuvres de l’intrigue. C’est àü milieu de toutes ces circonstances et de tous ces ennemis, que vont sè former les assemblées qui doivent décider de la destinée du peuple et de la liberté ; et ce sont des commissaires du roi que le ministre envoie pour diriger cètte grande opération, avant même d'avoir lu leurs pouvoirs et leurs instructions dressées sans l’aveu et à l’insu des représentants de la nation. Qui les a nommés? La Cour, le ministre. Qui sont-ils ? C’est un secret pour l'Assemblée ; mais la plupart se plaignent de ce que la liste ministérielle contient des noms qui ne réveillent rien moins que l’idée du patriotisme : que l’on a prodigué les prélats, les grands seigneurs, et que cette malheureuse classe plébéienne, dans laquelle nous ne pouvons voir que la nation, y paraît en général encore frappée de cette ancienne disgrâce qu’elle a encourue aux yeux des ministres et des cours. Que peut-on attendre de ces commissaires, ou plutôt que ne doit-on pas craindre de leur influence dans les élections ? Mais ees craintes se changent en certitude, quand on lit leurs pouvoirs et les instructions qui leur ont été données. Se faire donner la liste des citoyens actifs, déterminer le nombre des électeurs, diriger les assemblées, veiller sur toutes les opérations, s’informer de tous les détails de ce qui se passera dans les assemblées, des difficultés, des doutes qüi s’y élèveront, enfin décider toutes les difficultés, prononcer sur la validité des élections; voilà une partie des moyens odieux que l’on veut employer pour se rendre maîtres de l’organisation des assemblées administratives et du sort de la ïiberté ; voilà le complément de ce plan coupable formé par les ennemis de la nation pour replacer sur sa tête le joug de ta servitude, avant qu’elle ait pu goûter les avantages de la liberté. Je propose le décret suivant *. L’Assemblée nationale décrète *. î* Que les pouvoirs des commissaires seront bornés à la convocation des assemblées primaires et électives, et que leur mission cessera dès que ces assemblées seront formées ; 2° Que les assemblées décideront à la pluralité des voix des difficultés qui pourraient s’élever dans leur sein, et ces décisions seront exécutées par provision, sauf à l’Assemblée nationale à prononcer sur les réclamations qui seraient formées contre ces décisions; 3° Que les commissaires ne pourront être élus dans les assemblées du département où ils seront envoyés. M. Armand, député dé Saint-Flùur. Je commence par déclarer que la démarche de la ville de Troyes est déplacée ; elle ne peut être justifiée que lorsqu'on voudra Se persttader que Vos décrets étaient thaï connus, ainsi que les instructions données par le roi aux commissaires qu’il a nommés pour veiller à l'exécution de Vos décrets. Je pense également que la nomination dés commissaires est inconstitutionnelle, et je ne justifie cette nomination, que vous avez consentie, que par le danger des circonstances dans lesquelles vous vous trouvez. Quoi qu’il en soit, je ne puis Vous dissimuler les alarmes que cette nomination a répandues dans ma province. Plusieurs de mes commettants m’ont écrit qu’ils . regardaient ces commissaires comme des commissaires départis. Le choix du ministère h’est pas généralement approuvé ; il a fait Un grand nombre de mécontents. Chez moi, l’on a choisi un noble, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mats 1790.] 107 tin ecclésiastique, un magistrat ; de sorte qu’on a cru trouver dans cet assemblage la reproduction de là distinction des trois ordres. Depuis l’époquë de la nomination contre laquelle je m’élève, les libellés se sont répandus plus que jamais; on à été jusqu’à vouloir persuader que l’Assemblée nationale allait être transférée à Boissons, pour y commencer la banqueroute. (On entend quelques murmures d’improbation-.) J’aUrdis désiré que là nomination deS commissaires eût été concertée avec l’Assemblée nationale* et, en dernière analyse, avec les députés de chaque département; — Je demande que tous les décrets sur l’organisation des municipalités soient sanctionnés , réunis en un seul corps* et envoyés ainsi dans chaque muni* cipalité* afin qu’ils puissent y recevoir leur Véritable interprétation. il. RewbelL Une chose sûre, et de laquelle vous ne pouvez pas vous écarter* c’est que vous avez décrété que le pouvoir exécutif sera chargé de veiller à l’exécution de vos lois; Il fallait bien, d’après ce décret, que le pouvoir exécutif nommât des commissaires pour veiller à l’organisation des municipalités. Il paraît à présent que la commission donnée excède le pouvoir que vous avez entendu laisser vous*mêmes aux Commissaires* relativement aux discussions qui peuvent s’élever dans les élections. Je propose donc un nouvel amendement aü projet de décret qui vous a été présenté par yotre Comité de constitution; ce serait d’ajoutèr que la Commission et l’instruction ne doivent pas s’étendre aux difficultés majeures qui peuvent exister dans le choix des officiers municipaux. M; d’Aiidré. Les difficultés qu’on vous présente peuvent aisément se résoudre. Il est une vérité Constante : c’est que l’ouvrage de la constitution ne sera véritablement solide que lorsque les assemblées administratives seront organisées ; il est donc essentiel que les assemblées de district et dë dépâftément soient bientôt formées. ■ Je ne connais pas de moyen plus puissant pour accélérer cette organisation qtte la nomination dès commissaires par lé pouvoir exécutif, à moins que l’Assemblée ne les nommât elle* môme, et c’est ce qu’elle ne peut ni ne doit faire, parce qu’elle réunirait alors le pouvoir exécutif au pouvoir législatif. Certes, ce n’est là ni l’in* tention de mes commettants ni la nôtre. On se plaint que cette nomination est mai faite : je réponds qu’en Bretagne on est très content des commissaires ; que dans ma province on ne l’est pas moins, et que la Bretagne et la Provence ne sont pas seules satisfaites. Je réponds que les députés à l’Assemblée nationale ont eu toute l’influence possible dans le choix de ces commissaires, et que si quelques-uns n’en ont pas eu, c’est leur faute, et non celle du pouvoir exécutif, qui, datis tout ceci, a parfaitement fait son devoir. Qu'on ne vienne donc pas nous effrayer par des rapports toujours peu fondés, et qui heureusement ne le sont souvent pas du tout. — Ce ne sont pas des craintes qu’il faut donner à nous et aux peuples; c’est l’espérance de la paix, et nous la concevrons quand nous le voudrons. — Il est très certain que les commissaires ne doivent pas juger définitivement les contestations qui pourront s’élever dans l’élection des municipalités, et l’amendement proposé par M. Rewbel me semble devoir détruire la crainte qu’on pourrait concevoir à ce sujet. J’ajoute que le jugement des commissaires ne devra jamais être que provisoire. Jè conclus à ce que le projet de décret présenté par le comité de constitution soit adopté avec l’amendement de M. Rewbel L M. V«idel demande l’impression de la liste des commissaires nommés. Quelques autres amendements sont proposés 5 deux sont adoptés par le comité, les autres rejetés par la question préalable; Le décret est adopté comme il suit : L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture dé la commission et de l’instruetion données par le roi aux commissaires nommés par Sa Majesté pour la formation des assemblées primaires et administratives* et sur le rapport à elle fait Dar son comité de constitution* décrète : « l6 Que les pouvoirs des commissaires chargés par le roi de surveiller et de diriger, pour cette première fois seulement, conformément au décret du 8 janvier dernier, la formation des administrations de département et de district, expireront le jour de la clôture du dernier pfocès-terbal d’élection des citoyens qui composeront lesdites administrations; 2° Que tes commissaires, devant déeidér provisoirement les difficultés qui surviendront dans le cours de la formation des assemblées primaires et administratives, renverront à l’Assemblée nationale les difficultés majeures qui pourraient survenir, et dont la décision ne pourrait être dirigée ni par le texte ni paMès conséquences nécessaires des décrets de l’Assemblée nationale ; « 3° Que le comité de constitution ayant été autorisé à donner son avis sur plusieurs difficultés relatives à la formation des municipalités, et à renvoyer aux assemblées de département les difficulté}* qui tiennent à des connaissances lo-cales*jae seront ces assemblées qui prononceront sur toutes les questions survenues à cet égard, ou qui pourront survenir : les commissaires du roi ne pourront en connaître bous aucun prétexte ; « ¥ Que les commissaires, avant de commencer leurs fonctions, prêteront le serment civique devant la municipalité du lieu oü se tiendra l’assemblée des électeurs de département. * L’ordre du jour appelle la discussion sur la nouvelle organisation dé V ordre judiciaire. M. dê Vïefvllle des Ess Art s. Messieurs, l’Assemblée nationale ayant décrété que le pou voir judiciaire Sera constitué* e’est donc sous Ce rapport que je dois examiner le projet présenté par le comité de constitution. Je me propose d’établir qu’il est impraticable dans Fétàt àctuèl dès finances* injuste dans ses effets* dangereux dans ses conséquences. — Impraticable dans l’état actuel des finances. Il est imposibie d’opérer en ce moment le remboursement des charges de judicaturé : ce iie sera pàS sans de grandes difficultés qu’on par* viendra à cOhCiller ce qu’on doit aüx propriétés particulières avec la rëséfve qü’ott doit aux besoins de l'Etat. Bti effet, l’ Assemblée nationale if’anêantifa pas une propriété prêdièüsé, Sans avoir ass tiré aux propriétaires me jus te st préalable indemnité. Les offices de jtiâicàttire* déclarés inamovibles, sont une propriété véritable. L’ar* ticle 7 du décret fendu le 10 août est ainsi Coup : « La Vénalité des offices dé jUdiCatorC et dè mu* nicipalitè est supprimée dès cet instant ; là justice sera rendue gratuitement, et néanmoins les officiers pourvus de ces offices continueront d’exercer leurs fonctions, et d’en recevoir les émoluments,