(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [26 septembre 1790.] 941 (On demande la question préalable sur ces amendements.) M. l’abbé Gouttes demande la suppression des mots officier municipal, attendu que les municipalités n’ont rien à voir en semblable matière. Tous les amendements sont successivement écartés. Les articles 23, 24 et 25 devenus les articles 25, 26 et 27 sont ensuite décrétés comme suit : « Art. 25. Les religieuses, qui auront préféré la vie commune, nommeront entre elles, au scrutin et à la pluralité absolue des suffrages, dans une assemblée qui sera présidée par un officier municipal, et qui se tiendra dans les huit premiers jours du mois de janvier 1791, une supérieure et une économe, dont les fondions ne dureront que deux années, mais qui pourront y être continuées tant qu’il plaira à la communauté. « Art. 26. Il sera dressé sur les états des religieuses, qui seront envoyés par les directoires de département à l’Assemblée nationale, un tableau général de toutes les religieuses, dans lequel seront distinguées celles qui seront restées clans leurs maisons, et celles qui en seront sorties, et sera ledit état rendu public par la voie de l’impression. « Art. 27. A chaque décès de religieuse, soit qu’elle ait quitté, soit qu’elle ait continué la vie commune, la municipalité du lieu de sa résidence sera tenue d’en donner avis dans quinzaine au directoire du district, lequel instruira tous les trois mois le directoire du département, du nombre et du nom des religieuses qui pourraient êire décédées dans son arrondissement : le directoire du département enverra tous les ans au Corps législatif les noms desdites religieuses, pour en être dressé une liste qui sera rendue publique. » Un membre demande que le comité ecclésiastique présente son travail sur le traitement des maisons religieuses, collèges et autres établissements pour les étrangers passés en France. M. Fréteau dit que cette question présente des côtés délicats au point de vue des puissances étrangères ; il propose, en conséquence, de charger de ce travail les comités diplomatique et ecclésiastique, réunis. M. d’Eymar, député de Forcalquier. En 1633, des dames religieuses anglaises demandèrent à Louis XIII la permission de former à Paris un établissement. Cette permission leur fut accordée, à condition qu’elles feraient elles-mêmes tous les frais de leur établissement; que, dans aucun cas, elles ne seraient à charge à la nation, et qu’elles ne recevraient dans leur couvent que des Anglaises ou des demoiselles dont les pères et mères seraient originaires d’Angleterre. Elles ont religieusement observé ces conditions. La maison qu’elles occupent maintenant a été achetée des fonds qu’elles avaient apportés de leur pays. Elles ont subsisté des secours qui leur ont été fournis par des prêtres catholiques anglais. Jamais elles n’ont été à charge à l’Etat. Dans ce moment-ci elles sont alarmées sur leur sort. La vie retirée qu’elles mènent dans un cloître les prive de l’avantage d’avoir auprès de vous des amis et des protecteurs. Je me suis chargé de vous porter leur réclamation ; il est impossible, sans doute, que l’Assemblée nationale croie pouvoir s’emparer de leur bien : ce serait leur faire payer cher l’hos-1* SÉRIE. T. XIX. pitalité que la France leur a donnée. Juste enverg tous, l’Assemblée nationale sera encore plus scrupuleuse envers des étrangères qui, en se consacrant à l’éducation publique, ont bien mérité d’elle. Je demande, en conséquence, que la détermination à prendre sur le couvent des dames anglaises soit renvoyée aux comités ecclésiastique et diplomatique réunis, et que, provisoirement, il ne soit rien changé à leur situation actuelle. (La motion de MM. Fréteau et d’Eymar est adoptée.) M. Treilhard demande ensuite à être entendu sur trois articles additionnels : le premier, relatif au traitement des sœurs converses ; le second, concernant les déclarations à faire par les religieuses avant de toucher la pension qui leur est accordée; le troisième, tendant à donner aux religieuses la liberté de porter l’habit qu’elles se choisiront. Après une courte discussion, les articles sont décrétés en ces termes : « Art. 1er. Les costumes particuliers des ordres et maisons de religieuses demeurent abolis, ainsi qu’il a été décrété pour les costumes des ordres religieux. « Art. 2. Le traitement des sœurs converses et données, dans les cas réglés par les articles 4 et 5 ci-dessus, sera moitié de celui des religieuses de chœur. « Art. 3. Toutes religieuses sans distinction, avant de recevoir le premier payement fixé au mois de janvier prochain, seront tenues de déclarer si elles ont pris ou reçu quelques sommes ou partage, quelques effets appartenant à leurs maisons, autres que ceux dont la libre disposition leur est laissée, et d’en imputer le montant sur le quartier ou les quartiers à échoir de leurs pensions : ne pourront les receveurs du district payer aucun traitement que sur le vu de la déclaration, laquelle sera et demeurera annexée à la quittance de chaque religieuse, et seront celles qui auront fait une fausse déclaration privées pour toujours de leurs pensions. « (La séance est levée à 10 heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERT. Séance du dimanche 26 septembre 1790 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. M. Goupillean, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. Ce procès-verbal est adopté. M. Goupilleau donne ensuite lecture d’une lettre de M. d’Espagnac, qui sollicite l’Assemblée de l’autoriser à continuer la jouissance de la moitié de la forêt de Ruffy, aménagée à raison de cinquante arpents de futaie. Cette lettre, et les pièces y jointes, sont renvoyées au comité des domaines pour en faire le rapport incessamment. M. Bureaux de Pusy, en installant M. Em-mery proclamé président, dit : (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 16 242 [Assemblée nationale.) ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [26 septembre 1790.J « Messieurs, je respecte vos moments, et je ne vous entretiendrai point de ma reconnaissance, dont vous ne pouvez douter : je ne réclamerai point votre indulgence ; vous tn’y âvez accoutumé, et, d’ailleurs, on pardonne aisément à son propre ouvrage. « Votre choix a tout dit en faveur de celui qui me succède : ce que j’ajouterais ne ferait qu’affaiblir cet éloge ; mais en lui abandonnant une place dont il est si digne, je puis sans doute avouer que je cède à l’impression de mes propres sentiments, autant qu’aux ordres de yotre discernement et de votre justice, » M. Emmery, président, prononce ensuite le discours suivant : « Messieurs, la place à laquelle vos bontés m’appellent ne pouvait être, sous aucun rapport, l’objet de mon ambition : elle a été plusieurs fois celui de ma crainte j mais je dois aujourd’hui repousser un sentiment qui nuirait à mes efforts pour répondre à l’honorable confiance que vous daignez m’accorder. « Je vous offre un dévouement sans bornes; c’est tout ce que je peux : permettez que je compte sur beaucoup d’indulgence de votre part ; j’ose dire que m’ayant choisi, malgré mes faibles moyens, vous me devez de. plus grands secours. Votre dignité se trouve intéressée à ce que je ne reste pas trop au-dessous de mes devoirs : écartez donc, Messieurs, je vous en supplie pour votre propre gloire, écartez de moi les difficultés que le zèle seul ne parvient pas à vaincre, et dont la prudence, les talents et l’habileté de mes prédécesseurs n’ont pas triomphé sans peine: que ce soit pour moi un motif d’encouragement, de penser que la grâce que je prends la liberté de vous demander, tient essentiellement à toutes les mesures qui peuvent accélérer la lin de votre immortelle entreprise, et assurer le bonheur du peuple français. » (L’Assemblée vote ensuite des remerciements pour M. Bureaux, ex-président.) M. le Président annonce que les députés extraordinaires des manufactures et du commerce demandent à être admis à la barre, pour y faire part du vœu de leurs commettants sur l’émission des assignats. Divers membres font remarquer que les adresses desdits députés sont imprimées, qu’elles ont été distribuées à chacun des membres de l’Assemblée et qu’il est inutile de \es reproduire en séance publique. Sur cette observation, l’Assemblée décide que lesdits députés ne seront pas entendus. M. Pintevllle de Cernon, rapporteur du comité des finances , fait un rapport sur les besoins actuels du Trésor public et propose de décréter que la caisse d’escompte fournira 25 millions pour le service du mois de septembre courant et de partie de celui d’octobre. La détresse du Trésor royal provient, dit-il, du déficit énorme qui s’est trouvé, dans le recouvrement des impositions. On avait lieu décompter sur 135 millions et il n’en a été versé que 110. Il fallu d’ailleurs faire face aux anticipations que l’Assemblée a proscrites à jamais. Vous savez, d’autre part, que les fonds que vous avez délivrés sont insuffisants pour faire le service du mois. il faut encore 10 millions. Votre comité s’est assuré des faits : il vous présentera très incessamment le tableau des dépenses et des recettes : la première épreuve imprimée est déjà corrigée. M. Frétean. L’Assemblée nationale a rendu un décret par lequel elle ordonne au comité des finances de faire imprimer et distribuer les états de recette et de dépense du Trésor public. Je demande que ce décret soit strictement exécuté, afin qu’on ne soit pas continuellement obligé de donner, peut-être toujours à l’avance, 30 ou 40 millions dont on ne justifie pas l’emploi. M. d’André. J’appuie cette observation et j’insiste pour qu’il soit donné connaissance à l’As� semblée, dans le plus grand détail, de toutes les rentrées du Trésor public et des moyens qui sont employés pour les effectuer. Si les départements ne payent pas, il faut les faire payer; si, au contraire, ils payent, nous ne devons pas donner l’argent qu’on nous demande. M. Frétean. Je crois que pour le service du reste de ce mois l’on doit accorder dix ou quinze millions, mais qu’il faut surseoir à décréter le surplus, jusqu’à ce que chaque membre ait pu recevoir et méditer les états qu’il a été ordonné au comité des finances de faire imprimer, afin que la nation, sans doute étonnée des demandes de fonds si souvent répétées, soit instruite que l’Assemblée veut procéder avec méthode et connaissance de cause. M. le rapporteur, dans le tableau des dépenses du Trésor public, a compté 250,000 livres par mois pour se procurer des espèces sonnantes ; l’on ne voit cependant pas circuler beaucoup de monnaie nouvelle. Ce défaut de circulation est, sans doute, produit par la mauvaise administration des monnaies et la malveillance des ennemis de la Constitution. J’insiste donc pour que les états de recette et dépense du Trésor public soient imprimés et distribués de quinzaine en quinzaine, avec les bordereaux de la monnaie battue et de son versement dans le Trésor public. M. de Mirabeau. Il y a, sans doute, de la sagesse et de la justice dans les mesures que propose le préopinant; mais, faute de donner attention à la partie monétaire, il a passé sous silence les meilleures raisons. Votre système monétaire, qui est un des plus encombrés qui existent, soit qu’on l’examine commercialement ou politiquement, ressemble aux étables d’Augias; il est tel, que l’on gagne 48 sous 9 deniers 2 quinzièmes par marc, sur les écus, pour en faire des lingots. C’est là un fait que je défie à aucun charlatan du métier de contester, et j’ai de bonnes raisons de me servir du mot de charlatan. On voudrait faire croire que le système monétaire est une science d’adepte; je dis, moi, que rien n’est aussi simple, et que quant à la fabrication il n’est point d’orfèvre qui n’en puisse être juge. Rappelez-vous que je vous ai dit à Versailles que chaque plat, chaque meuble d’argent que le patriotisme faisait porter à la monnaie, étaient un envoi que l’on faisait à Londres. Jugez, d’après cela, si vous devez être surpris de la rareté du numéraire. Lorsque le moment de s’occuper du système monétaire sera arrivé, je demanderai à l’Assemblée la permission de lui apporter mon faible contingent de lumières. Je pense que la mesure de l’impression des bordereaux, quelque bonne qu’elle soit, ne sera pas aussi efficace qu’on le pense, et qu’il n’en faut pas attendre