ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [I" juillet 1791.] 610 [Assemblée nationale.] M. Fréteau-Salnt-Jnst. Voici des lettres de Bruxelles: « Monsieur, « J’ai l’honneur de vous informer de la route que Monsieur avait prise en sortant de Mons, et le parti qu’il avait pris de revenir à Bruxelles, ne pouvant suivre celle qui devait le rapprocher ou de Montmédy ou d’un autre point quelcon-- que. « Signé : La Graviére. » Autre lettre : « Monsieur, « Hier, vers le soir, toute la ville a été mise en rumeur par le bruit qui s’est répandu que Monsieur avait passé par cette ville. On a su effectivement qu’il y avait passé, prenant la route de Namur (c’est celle qu’il faut suivre pour se rapprocher de la France du côté de Montmédy), et que Madame prenant la même route, leurs altesses royales ont envoyé à Mons M. le baron de... qui leur en a rapporté cet avis. » Du 23. « Monsieur, « J’apprends à l’instant que Monsieur est retourné à Namur, et qu’il doit arriver à Bruxelles) où leurs altesses royales sont prêtes à les recevoir. » Du 26. « Leurs altesses royales ont été hier à la rencontre de Monsieur et Madame, qui sont effectivement arrivés hier soir. À l’exception de M. Mercy, Monsieur n’a voulu recevoir personne. Il attend M. le comte d’Artois aujourd’hui. Leur visite agréable dans un autre temps, le sera moins, à cause de ses propres affaires et des préliminaires de l’inauguration qui paraît toujours fixée au 30 de ce mois. « Signé : La Graviére. » Je pense qu’il est dans l’intention de l’Assemblée que le double de ces pièces-là soit renvoyé avec les autres pièces dont les comités des rapports et des recherches sont chargés de vous rendre compte. (Ce renvoi est adopté.) M. Camus, au nom du comité d’aliénation, présente un projet de décret relatif à la prescription pour raison des droits corporels ou incorporels dépendant des biens nationaux. Ce projet de décret est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport du comité d’aliénation, décrète que la prescription contre la nation pour raison des droits corporels ou incorporels dépendant des biens nationaux, est et demeurera suspendue depuis le 2 novembre 1789 jusqu’au 2 novembre 1794, sans qu’elle puisse être alléguée pour aucune partie du temps qui sera écoulé pendant le cours desdites 5 années. » (Ce décret est adopté.) M. Camus, au nom du comité central de liquidation, rend compte d’une difficulté qui arrête le travail du comité relativement à la liquidation de l’arriéré des bâtiments. Les mémoires des ouvriers ne sont pas réglés uniformément : les uns le sont d’après le cours du temps , les autres, d'après les adjudications faites avant 1754, au montant desquelles on a ajouté une quotité quelconque pour rapprocher de la valeur actuelle le prix des anciennes adjudications. Les règlements actuels paraissent au comité exiger la première forme, et la seconde lui paraît au contraire prêter beaucoup à l’incertitude et à l’arbitraire. Il a pris des renseignements à cet égard ; il a fait examiner les mémoires qu’il avait sous les yeux ; il lui a été rapporté qu’effec-tivement l’usage de régler sur les anciennes adjudications avec des additions de quotité prêtait à l’incertitude et à l’arbitraire; mais il a été ajouté qu’il n’y aurait d'autre remède à ce qui était fait, que de régler de nouveau tous les mémoires; chose impraticable, vu la quantité des mémoires et les retards ruineux que les ouvriers avaient éprouvés depuis trop longtemps. Ges réflexions ont fait penser au comité qu’il fallait liquider les mémoires dans leur état de réglement actuel, sauf à exiger des ordonnateurs le compte des motifs qui les ont fait agir, et à les soumettre aux suites de leur responsabilité ; mais il n’a pas cru devoir prendre un parti sans la permission et l’autorisation de l’Assemblée. Un membre propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale ayant entendu le compte qui lui a été rendu, approuve la proposition du comité et l’autorise à liquider les mémoires des fournisseurs et entrepreneurs, sur le pied des règlements qui ont été faits, sauf l’action contre les ordonnateurs. » (Ge décret est adopté.) M. Bouche. Messieurs, les 300 familles des Quinze-Vingts souffrent les privations les plus funestes pendant que les scellés apposés sur leur caisse, et qui ne peuvent être levés sans un décret de l’Assemblée nationale, y retiennent une somme de 100,000 livres destinée à la nourriture de ces infortunés. Je demande que le rapport de cette affaire, qui est toujours la première à l’ordre des séances du soir et qui ne vient jamais, soit enfin réellement la première à l’ordre du jour de demain soir. M. Martineau. M. Merle, qui était chargé de ce rapport et qui s’est présenté dernièrement à la tribune pour le faire, vient de s’en déporter. Je demande que le comité des rapports soit tenu de nommer un autre rapporteur pour exposer cette affaire à l’Assemblée. (L’Assemblée décide que le rapport sur l’affaire des Quinze-Vingts sera mise à une des plus prochaines séances du soir.) M. Lebrun. Messieurs, depuis longtemps l’Assemblée doit s’occuper du complément de l’organisation des ponts et chaussées; je demande que l’Assemblée fixe la séaûce de demain pour s’occuper des articles additionnels que le comité vous propose sur cet objet. M. Ganltier-Biauzat. Les articles additionnels dont parle M. Lebrun ne peuvent suppléer à ce qui manque à l’organisation des ponts et chaussées. On n’a présenté aucun des articles qui peuvent seuls détruire le vice de l’ancien régime sous lequel se trouve encore cette partie intéressante de l’administration. J’ai préparé des articles additionnels qui me semblent nécessaires et que je me propose de 611 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [V* juillet 1791.] [Assemblée nationale.] faire imprimer avec des observations pour qu'on puisse aisément se rendre compte de l’ensemble du travail. Je demande, en conséquence, l’ajournement de cet objet pour avoir le temps de faire procéder à cette impression. (L’Assemblée décrète l’impression des articles additionnels proposés par M. Gaullier-Biauzat [1].) L’ordre du jour est la suite de la discussion du Code pénal (2). M, Le Pelietier-Saint-Fargeau, rapporteur. Messieurs, d’après les bases que vous avez décrétées ces jours derniers , relativement aux crimes et aux délits contre les personnes, il y a quelques changements à faire à ce titre. Votre comité de législation criminelle n’ayant pu s’assembler, nous allons passer à la deuxième section du titre II, titre concernant les crimes et délits contre les propriétés. Votre comité vous propose de ranger les vols simples, les filouteries, dans la classe des délits appartenant à la police correctionnelle. Ce ne sera donc que des vols caractérisés que nous nous occuperons en ce moment. Les vols faits par abus de confiance nous ont paru devoir être classés avec ceux faits avec effraction; nous avons encore mis sur le même rang ceux faits avec complicité, un des grands objets de la loi devant être de diviser les méchants. Voici l’article premier ; « Tout vol simple, c’est-à-dire tout vol qui n’est pas accompagné de quelques-unes des circonstances qui vont être spécifiées ci-après, sera poursuivi et puni par voie de police correctionnelle. » M. Andrieu. Je demande que cet article soit ajourné jusqu’à ce que l’on sache quelle peine on infligera dans le code de police correctionnelle au vol simple. M. Troncliet. Il est fort simple, pour lever toutes les difficultés, de rédiger ainsi l’article ; « La connaissance de tout vol simple sera attribuée au tribunal de simple police et puni des peines qui seront déclarées. » M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. J’adopte l’ajournement proposé par M. An-drieu. (L’ajournement est adopté.) M. I�e Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Nous passons, Messieurs, à rarticle suivant qui devient le premier : DEUXIÈME SECTION DU TITRE II. Crimes et délits contre les propriétés. Art. 1er. « Tout vol commis à force ouverte et par violence envers les personnes sera puni de 10 années de chaîne. » M. Martineau. Je crois que le vol commis à force ouverte par violence contre les personnes (1) Voy. ci-après ce document aux annexes de la séance, p.618. (2) Voy. ci-dessus séance du 27 juin 1791, p. 554. mérite la mort. Qu’est-ce qu’un vol commis à force ouverte, si ce n’est un crime digne de mort; je demande cette peine pour ce crime, M. lue Pelletier-Saint-Fargean, rapporteur. Je suis fort étonné de l’opposition du préopinant qui, en contradiction avec les principes, réclame depuis le moment où on a commencé à écrire sur le code pénal. Quel est le premier vice qui a toujours existé? Le vice le plus important qu’on a reproché à notre jurisprudence criminelle, c’était d’infliger la peine de mort à l’homme qui vole sur un grand chemin, comme à celui qui, sur un grand chemin, assassinerait. Et la raison qn’on donnait était très bonne : c’est que l’homme qui volait sur un grand chemin avait intérêt de tuer l’homme volé, parce qu’il ne risquait pas davantage à le tuer et que, par là, il s’ôtait le témoignage de son crime. Voilà quel a été l’abus qui a été présenté par tous ceux qui ont réfléchi et écrit sur cette matière. M. Martineau. Malgré la raison de M. le rapporteur, je n’en persiste pas moins à demander la peine de mort. (Murmures.) (L’article 1er est mis aux voix et adopté sans changement.) M. le Président. Je dois faire parta l’Assemblée qu’on vient de me remettre une nouvelle pétition des citoyens-ouvriers de la ville de Paris. L’Assemblée veut-elle en entendre la lecture ? Un membre : Je demande que l’Assemblée passe à l’ordre du jour. Au lieu de se distribuer dans les divers quartiers de la ville, d'y chercher du travail, ils 8e réunissent à la place Vendôme. On annonce qu'il y en a un rassemblement considérable. Je demande que M. le Président soit chargé de donner avis au directoire du département que l’Assemblée, sur cette pétition, a passé à l’ordre du jour, en le priant de prendre les précautions nécessaires. M. Lavie. C’est dans le moment qu’ils se rassemblent qu’il faut montrer le plus de fermeté. M. Rewbell. Je fais la motion expresse que l’Assemblée nationale avertisse le département. Plusieurs membres : Il faut lire la pétition I D'autres membres : Non ! non 1 Un membre : Je demande que la pétition ne soit pas lue. Vous avez ordonné des travaux ; vous en avez ouvert dans la capitale : il faut que ceux qui veulent travailler aillent y réclamer de l’ouvrage et y soient employés, et que les ressources de bienfaisance publique ne soient pas dilapidées par une troupe de fainéants. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour et décrète ue M. le Président donnera avis au directoire u département de cette décision.) La suite de la discussion du projet de Code pénal est reprise. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur, donne lecture des articles suivants :