[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 9 août 1790.] tion libre; qu’elle ne doit pas douter de cette Constitution contre toutes les usurpations du régime arbitraire, et qu’elle doit laisser aux agents du pouvoir exécutif la fonction d’accuser, qu’ils peuvent seuls remplir utilement, et dont ils ne peuvent pas abuser sous des juges que le choix du peuple aura placés dans les tribunaux. Sur le titre 10, concernant le tribunal de cassation, je ne dissimule pas que j’avais été d’avis que ce tribunal tînt des assises dans les sept ou huit principales villes du royaume. Mais cette opinion ayant été rejetée, je ne pense pas qu’il faille admettre les diverses chambres proposées par le comité et qui compliqueraient encore sin-gulièremi-nt votre système judiciaire. Ou ces chambres sédentaires jugeraient, ou non; car leur compétence n’est pas clairement définie : Si elles ne jugent pas, elles seront inutiles, et, pour instruire des procès, il ne faut pas six ou sept tribunaux. Si elles jugent, voilà encore la diversité de la jurisprudence introduite, et le régulateur unique que vous cherchez échappe de vos mains. Je crois donc qu’il faut un tribunal unique pour la révision, ainsi que pour les autres fonctions que le comité lui attribue, comme les jugements des compétences, récusations, prises à partie, et la surveillance sur tous les tribunaux. Je vais plus loin encore; et il me paraît que le même tribunal pourrait connaître des accusations de forfaiture, de la responsabilité des minières, et de tous les autres crimes de lèse-nature. Pour donner à ce tribunal un si grand pouvoir, il devrait être organisé d’une manière différente de celle qui vous est proposée, et porter un autre nom : Cette cour nationale devrait être composée de quatre-vingi-trois juges, nommés par les quatre-vingt-trois departements, et de deux ou trois procureurs du roi. Elle devrait être divisée en plusieurs chambres sédentaires auprès des législatures ; les crimes de haute trahison seraient poursuivis par des formes particulières, et notamment en vertu des décrets du Corps législatif et sur les réquisitions de ses commissaires. Cette cour ne pourrait pas devenir dangereuse, parce qu’elle serait exactement subordonnée au Corps législatif et au roi, et que ses membres seraient élus par le peuple et pour un intervalle de six années. Dans le titre 13, concernant les tribunaux d'administration et dimpdt , le comité vous propose l’établis ement de qua re-vingt-trois cours des aides. GVst couvrir la France de juges, accabler les peuples de frais et les tourmenter encore par des questions de compétence. Vous avez sagement établi, dans chaque département, un directoire de huit membres, et dans chaque district, un directoire de quatre membres. Ces directoires, composés d’hommes choisis par le peuple, pour un temps court, et toujours en activité, doivent conduire toutes les affaires de l’administration. Pourquoi ne videraient-ils pas les affaires contentieuses qui en dépendent? Auront-ils moins de lumière, moins d’équité que les anciennes assemblées d’Etats ou leurs commissions, que les intendants, que les cours des aides? Le comité veut que les affaires soient jugées sans frais et sur simples mémoires. Les administrateurs, sont sans doute, plus propres que des juges à vider les différends avec ce dégagement de tout l’appareil de la chicane. Il n’y a point d’inconvénient à accorder aux directoires cette compétence pour les affaires où 675 les particuliers seront seuls directement intéressés, comme les plaintes sur le taux des cotisations ou la percepliou des impôts indirects. A l’égard des contestations relatives aux travaux publics, et où les corps administratifs seront intéressés, l’entière administration du département en prendrait connaissance. Le procureur-syndic plaiderait devant elle contre les particuliers, et vous ne devez pas craindre la partialité des administrateurs. Dans l’ancien régime, les tribunaux, le conseil du roi, condamnaient souvent le ministère public ou l’administration ; et vous n’espérez pas moins d’équité sous une Constitution libre. Réalisez donc, Messieurs, le bienfait promis au peuple, dès l’année 1788, qui est déjà si éloignée de nous; abolissez tous les tribunaux d’exception, que toutes les affaires qui dérivent de l’administration soient terminées par ces corps administratifs, dont la création est approuvée, même par vos détracteurs. Permettez, Messieurs, que je vous retrace ici le tableau de votre système judiciaire, tel qu’il résulte du projet de votre comité, avec les changements que je propose : Un juge de paix dans chaque canton, décidant les matières sommaires ; Un tribunal, dans chaque district, jugeant en dernier ressort pour certaines causes, et encore toutes les fois que les parties y consentiront ; Une cour d’appel par trois ou quatre départements où toutes les ai'fairts seront terminées ; Au-dessus de ces tribunaux, une cour nationale, cassant ou renvoyant leurs jugements, décidant de leur compétence, réprimant les juges pris à partie, punissant leurs forfaitures, rendant compte aux législatures des trangressious faites a x lois, et leur demandant l’interprétation de celles qui paraîtraient obscures; cette même cour chargée, dans des circonstances heureusement rares, de poursuivre les délits des ministres ou des autres hommes coupables envers la nation entière. Voilà, Messieurs, l’organisation de tout le genre judiciel; mais pour le genre administratif il n’y a plus rien à faire. J’ose dire qu’un plan aussi simple, aussi régulier, où il n’y a pas un seul tribunal inutile, pas un juge oisif, qui n’expose les plaideurs à aucune incertitude de compétence, qui distingue et sépare parfaitement l’ordre administratif d’avec l’ordre judiciaire, qu’un tel plan est seul digne de vous, qu’il mérite seul votre approbation, et les suffrages des peuples; qu’il est seul digne de figurer à côté des autres parties de votre Constitution, de cette Constitution qui va être cimentée par l’alliauee de plusieurs millions d’hommeâ, aussi soumis devant la loi, qu’intrépides pour la défendre. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 9 AOUT 1790. Projet d'instruction pour les corps administratifs * L’Assemblée nationale connaît toute l’imporf tance et l’étendue des devoirs des assemblées administratives. Elle sait que e’est d’elles qu’il dépend beaucoup de faire respecter et chérir, par uu régime sage et paternel, la Constitution qui g76 [Assemblée nationale.} doit assurer à jamais la liberté de tous les citoyens. Placées entre le peuple et le roi, entre le Corps législatif et la nation, elles sont le nœud qui doit les lier sans cesse l’un à l’autre et, par elles, doit s’établir et se conserver cette unité d’action sans laquelle il n’v a pas de monarchie. Le vœu public, auquel les nouveaux administrateurs doivent leur caractère, garantit suffisamment qu’ils sauront justifier les espérances qu’on a conçues de leur patriotisme et de leurs talents. Mais les premiers pas dans une carrière difficile sont toujours incertains ; il était donc du devoir de l’Assemblée nationale de diriger ceux des corps administratifs, par une instruction qui retraçât leurs principales fonctions et qui rappelât spécialement les premiers travaux auxquels ils doivent se livrer. Pour donner à cette instruction le plus de clarté possible, on la divisera en sept chapitres. Le premier chapitre traitera des objets constitutionnels. Le second des finances. Le troisième, des droits féodaux. Le quatrième, des domaines et bois. Le cinquième, de l’aliénation des domaines nationaux. Le sixième, de l’agriculture et du commerce. Le septième, de la mendicité, des hôpitaux et des prisons. Chapitre Ier. — Objets constitutionnels. § I. — Observations générales sur les fonctions des assemblées administratives. Les assemblées administratives considéreront attentivement ce qu’elles sont dans l’ordre de la Constitution, pour ne jamais sortir des bornes de leurs fonctions et pour les remplir toutes avec exactitude. Elles observeront d’abord qu’elles ne sont chargées que de l’administration ; qu’aucune fonction législative ou judiciaire ne leur appartient, et que toute entreprise de leur part, sur l’une ou l’autre de ces fonctions, introduirait la confusion des pouvoirsqui port* rait l’atteinte la plusfuneste aux principes de la Constitution. Des fonctions déléguéi s aux assemblées législatives, les unes doivent êlre exercées sous l’inspection du Corps législatif; celles-là sont relatives à la détermination des qualités civiques, au maintien des règles des élections, et de celles qui seront établies pour la répartition et le recouvrement de l’impôt; les autres qui comprennent toutes les parties de l’administration générale du royaume doivent être exercées sous la direction et l’autorité immédiate du roi, chef de la nation et dépositaire suprême du pouvoir exécutif. Toute résistance à ces deux autorités serait le plus grand des délits politiques, puisqu’elle briserait les liens de l’unité monarchique. Les administrations de département ne peuvent faire ni décrets, ni ordonnances, ni règlements; elles ne peuvent agir que par les voies ou de simples délibérations sur les matières générales, ou d’arrêtés sur les affaires particulières, ou de correspondance avec les administrations de district, et, par elles, avec les municipalités. Leurs délibérations, prises en assemblée générale ou de conseil, sur les objets particuliers qui concerneront leur département, mais qui intéresseront le régime de l’administration générale du royaume, ne pourront être exécutées qu’après qu’elles au-19 août 1190.] ront été présentées au roi et qu’elles auront reçu son approbation. Li s départements formant des arrondissements administratifs parfaitement distincts, chaque ad-mini.-tration bornée à son territoire est étrangère aux autres administrations. Les conseils ou directoires de département ne pourront, dans aucun cas, adresser leurs délibérations particulières aux autres conseils ou directoires, solliciter leur adhésion, requérir leur assistance, soit pour poursuivre de concert les mêmes entreprises, soit pour embrasser et défendre ies mêmes opinions. Ces coalitions qui tendraient à introduire, au sein de la monarchie, un régime fédératif, seraient anticonstitutionnelles, et, à ce titre, sévèrement punissables. Les administrations de district sont entièrement subordonnées à celle de département; elles ne peuvent prendre aucune délibération en matière d’administration générale, et si quelques circonstances extraordinaires les avait portées à s’écarter de cette règle essentielle, leurs délibérations ne pourraient être mises à exécution, même par leurs directoires, qu’après avoir été présentées à 1 administration de département et autorisées par elle. Les fonctions des administrations de district se bornent à recueillir toutes les connaissances et à former toutes les demandes qui intéressent le district, à exécuter, sous la direction et l’autorité de l’administration de département, toutes les dispositions arrêtées par celles-ci, à faire toutes les vérifications et à donner tous les avis qui leur seront demandés sur les affaires relatives à leur district ; enfin, à recevoir les pétitions des municipalités et à les faire parvenir avec leurs propres observations à l’auministration de département. Les fonctions des conseils de département sont de délibérer sur tout ce qui intéresse l’ensemble du département; de fixer, d’une manière générale, tant les règles de l’administration que les moyens d’exécution; enfin, d’ordonner les travaux et la dépense de chaque auuée et d’eu recevoir les comptes. Les fonctions des directoires sont d’exécuter tout ce qui a été prescrit par les conseils et d’expédier toutes les affaires particulières. Après la séparation dus assemblées des conseils, les directoires seuls restent en activité; seuls ils représentent l’administration qui les a commis et ont un caractère public à cet effet. La correspondance, soit ministérielle, soit dans l’intérieur du département, ne peut être tenue qu’avec et par eux. Le président de chaque administration est aussi le président de son directoire et y a voix délibérative, comme dans l’assemblée du conseil. Il doit toujours être compté en dehors et ne peut pas être compté dans le nombre des membres fixé pour la composition du directoire. Ces règles s’appliquent également aux directoires de district. Ceux-ci sont chargés de l’exécution, non seulement de ce qui leur aura été prescrit par le conseil, mais encore de tout ce qui leur sera ordonné par le directoire de département. Ils doivent attendre les ordres de ce directoire pour agir da is tout ce qui intéresse l’administration générale, et s’y conformer exactement, afin que l’unité des principes, des formes et des méthodes puisse être maintenue. Toutes les fois cependant qu’ils agiront conformément aux principes établis et dans l’esprit des ordres qu’ils auront reçus, ils n’auront pas besoin, pour ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1790.] 677 chaque acte de détail, ni pour l’expédition de chaque affaire particulière, d’une autorisation péciale. Les municipalités, dans les fonctions qui sont propres au pouvoir municipal, sont soumises à l’i nsp�ction et à la surveillance des corps administrants, et elles sont entièrement dépendantes de leur autorité, dans les fonctions propres à l’administration générale qu’elles n’exercent que par délégation. Telle est l’organisation des corps administratifs, ainsi qu’elle résulte des articles 50 et 51 du décret du 14 décembre dernier, des articles 28, 29, 30 et 31 de la seconde section, et de l’article 3 de la troisième section du décret du 22 décembre. Chacun de ces corps doit donc être attentif à se tenir au rang que la Constitution lui assigne, la liberté ne pouvant être garantie que par la graduation régulière des oftices publics. Il serait inutile d’avertir ici, si le doute n’en avait été manifesté, que lorsque les corps administratifs se trouvent ensemble et avec les municipalités aux cérémonies publiques, la préséance appartient à l’administration du département s r celle du district, et à celle-ci sur la municipalité. § II. — Correspondance. Le premier soin des corps administrtifs de chaque département doit être d’établir une correspondance tant entre eux qu’avec les municipalités de leur territoire. Les moyens les plus prompts et les plus économiques doivent être préférés. Les administrations de département sont le lieu de la correspondance, entre le roi chef de l'administration générale et les administrations de district ; celles-ci le sont de même entre les administrations de département et les municipalités. Ainsi, la correspondance du roi ne sera tenue par ses ministres qu’avec les administrations ou les directeurs de département, et les dispositions qu’elle contiendra seront transmises pur le département aux administrations ou directoires des districts. Les municipalités ne pourront s’adresser à l’administration ou au directoire du departement que par l’intermédiaire de l’administration ou du directoire du district; et, en général, il ne pourra rien être prescrit ou fait aucune disposition par l’administration ou le directoire du departement, à l’égard d’aucune municipalité, ou d’aucun membre d’une commune, soit d’office, soit sur réquisition, que par la voie de l’administration du district, et après qu’elle aura été préalablement entendue. Le direcioire du département et ceux des districts de son ressort correspondront ensemble. Le procureur général syndic correspondra avec les procureurs-syndics, et pourra correspondre aussi avec les directoires de district. Ceux-ci correspondront avec les officiers muuicipaux; et les procureurs syndics pourront correspondre, tant avec ces officiers que particulièrement avec les procureurs des communes. Le directoire du département et ceux des districts de son ressort corn spondront ensemble. Le proctieur général syndiccorrespondra avec les procureurs-syndics, et pourra correspondre aussi avec les directoires de district. Ceux-ci correspondront avec les officiers municipaux ; et les procureurs-syndics pourront correspondre tant avec ces officiers que particulièrement avec les procureurs des communes. Aorès le protocole d’usage pour les différentes personnes auxquelles les directoires écriront, ils termineront ainsi leurs lettres : Vos ...................... serviteurs. Les administrateurs composant le directoire du département de .............. . .................... ou du district de ......................... Ensuite, tous les membres présents signeront. Les adjudications, les mandats de payement et généralement tous les actes émanésdes directoires seront signés dans Ja même forme, c’est-à-dire qu’il sera mis au bas : Par les administrateurs composant le directoire du département de ........................ ou du district de ......................... Ensuite, tous les membres présents signeront. Les corps municipaux emploieront, dans leurs lettres et dans leurs autres actes, celte formule avant leur signature : Les officiers municipaux de la commune de .......... et lorsqu’ils écriront ou délibéreront avec les notables en conseil général, ils se serviront de celle-ci : Les membres composant le conseil général delà commune de ..... ..... Ensuite, tous ceux qui seront présents signeront. Les lettres et les pétitions adressées par les municipalités, soit aux administrations de district, soit à celles de département, par la voie des districts, et celles des administrations ou directoires de district à l’administration ou directoire de département, doivent être rédigées avec la réserve et le respect dus à la supériorité politique que chacun de ces corps doit reconnaître à celui qui le prime dans l’ordre et la distribution des pouvoirs. La correspondance des administrations supérieures doit, en conservant le caractère de l’autorité qui leur est gradu llement départie, en temprer l’expression par l’observation de tous les égards qui font aimer le pouvoir établi pour faire le bien commun, et dirigé sans cesse vers cet objet. Le seul cas où le style impératif pourrait être employé par les administrations serait celui où l’insiibordination des administrations qui leur sont soumises forcerait de rappeler à ces dernières la dépendance où elles sont placées par la Constitution. Il est bien désirable que les directoires de département, au lieu de faire passer à ceux de district des ordres trop concis, et, en quelque sorte, absolus, les intéressent, au contraire, à l’exécution de toutes les dispositions qui leur seront confiées, en leur en développant l’esprit et les motifs, et en facilitant leur travail par des instructions claires et méthodiques. Les directoires de district, principalement, doivent prendre ce soin à l’égard des municipalités qu’ils sont chargés de former à l’esprit public, et dont ils doivent, dans ces premiers temps surtout, soit aider l’inexpérience, soit encourager les efforts. En ce moment où tous les yeux sont ouverts sur les premiers mouvements des corps administratifs, ils peuvent produire le plus grand bien, en développant leurs sentiments civiques, leur attachement aux principes ue la Constitution, et leur désir pour J’enlit r léiabiissemem de l’ordre, dans une instruction aux municipalités, qu'ils chargeront celles-ci défaire publier et distribuer ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1790.] 67$ [Assemblée nationale.} dans les villes et de faire lire à l’issue de la messe paroissiale dans les campagnes. Cette instruction, dont les directoires de département doivent s’occuper sans délai, retracera aux municipalités leurs devoirs principaux, l’intérêt public et particulier qui les presse de les bien remplir et l’obligation qu’elles en ont prise par leur serment. Elle exposera ensuite, avec énergie et simplicité, ces grands principes : Que la liberté, sans un profond respect pour les lois, pour les personnes et pour les propriétés, n’est plus que la licence, c’est-à-dire une source intarissable de calamité publique et individuelle; Que toute violence particulière, lorsque l’oppression publique a cessé, n’est elle-même qu’une oppression; Que si c’est le devoir, c’est aussi l’intérêt de chaque citoyen de payer fidèlement les contributions publiques, parce que le gouvernement ne peut pas subsister sans contributions et parce que, sans gouvernement, les particuliers n’ont plus aucune garantie de leur liberté, de leur sûreté ni de leurs propriétés; Que les subsistances ne peuvent être entretenues que par la liberté de da circulation intérieure, et que les obstacles mis à cette circulation ne manquent jamais, sinon de les faire disparaître entièrement, du moins d’en occasionner l’extrême rareté et le renchérissement; Qu’enfin il n’y a de bonheur pour tous que dans la jouissance d’une Constitution libre, et de sûreté pour chacun que dans le calme de la subordination et de la concorde. Telles sont les vérités que les corps administratifs ne peuvent trop s’empresser de répandre, et dont leurs pressantes exhortations doivent porter la conviction daDs tous les esprits. § III. — Rectification des limites des départements , des districts et des cantons . L’Assemblée nationale a annoncé, par son instruction sur le décret du 22 décembre dernier, qu’il peut être fait des changements aux limites, soit des déparlements, soit des districts, si les convenances locales et l’intérêt des administrés exigent que quelque partie de territoire soit transportée d’un département ou d’un district à un autre. Les directoires de département et de district peuvent maintenant examiner leurs limites respectives, et se proposer mutuellement les cbange-mentsqu’ils jugeront nécessaires. Ils devront aussi recevoir et examiner les pétitions des municipalités qui demanderont à changer soit de département, soit de district. Lorsqu’il s’agira d’une transposition de territoire d’un district à l’autre dans le ressort du même département , si les directoires des districts intéressés en sont d’accord, ils feront parvenir leur vœu commun au directoire de département qui, après avoir vérifié l’utilité du changement proposé, et avoir entendu le procureur général syndic, pourra approuver ce changement et le faire exécuter, à la charge d’en rendre compte au Corps législatif. Si malgré le refus d’adhésioo d’un des directoires de district, l’autre directoire, soit d’office, soit sur la réquisition d’une municipalité, soutient que la limite doit être changée, le directoire du département recevra les mémoires respectifs, vérifiera les faits et les motifs d’utilité, et enverra les mémoires, avec son avis, au Corps législatif qui prononcera. Lorsqu’il s’agira d’un chargement de limites entre deux départements, si les directoires en sont d’accord, ils feront parvenir leur vœu commun au Corps législatif, et, s’üs ne sont nas d’accord, ils lui adresseront leurs mémoires. Dans l’un ou l’autre cas, ils enverront, avec leurs mémoires, les avis des directoires des districts intéressés qu’ils auront préalablement entendus; et aucun changement ne pourra être fait aux limites des départements qu’en vertu d’un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi. Un objet très important, sur lequel les directoires de département sont invités à porter la plus prompte et la plus sérieuse attention, est l’étendue et par conséquent le nombre des districts qui forment la division de leur département; l’utilité publique et celle des administrés exigent que cette division reçoive incessamment toute la perfection dont elle est susceptible. Elle consiste à ce que le ressort de chaque district ne soit ni trop grand, ni trop petit. La mesure en doit être réglée, non seulement à raison de la population, mais encore à raison de l’étendue territoriale, parce qu’il faut, d’une part, que le nombre des affaires puisse y occuper suffisamment le corps administratif, et le tribunal de justice que l’Assemblée nationale vient d’établir dans chaque district, et, d’autre part, que les citoyens ne soient pas assujettis à de trop grands déplacements. Les ressorts des districts doivent être plus resserrés quand la population y est nombreuse, et plus étendue quand la population est faible. Il est possible que les règles n’aient pas été observées assez exactement dans la composition vie tous les districts. Les directoires de département doivent donc s’occuper, sans délai, des rectifications qu’ils croiront nécessaires dans l’étendue et le nombre des districts de leur département et les proposer au Corps législatif avec les considérations d’utilité et d’économie qui les auront déterminées. A l’égard des cantons qui forment la subdivision îles districts, l’Assemblée nationale n’en a adopté la composition actuelle que provisoirement et seulement pour faciliter la tenue des premières assemblées primaires. Non seulement cette composition peut être revue et changée, mais elle doit nécessairement l’être dans plusieurs districts où l’étendue démesurée de ces cantons les met hors d’état d’être appliqués à plusieurs de leur destination. Non seuh ment les cantons doivent servir à la formation des assemblées primaires, rapport sous lequel on pourrait n’avoir égard qu’à leur population, mais ils sont encore destinés à plusieurs autres parties du service public, pour lesquelles il faut avoir égard à leur étendue territoriale. Chaque canton, par exemple, est devenu, dans l’ordre judiciaire, le ressort juridictionnel d’un juge de paix. Les directoires de district doivent donc s’occuper incessamment de revoir la composition provisoire de leurs cantons, et de la rectifier, non seulement quant aux limites, mais encore quant à l’étendue et au nombre des cantons. La mesure la plus convenable à adopter généralement est que les cantons n’aient pas moins de quatre lieues carrées et ne s’étendent pas au delà de six. Lorsque les directoires de district auront préparé le plan de la rectification de leurs cantons, ils le présenteront au directoire de département, avec l'exposition de leurs motifs, et ie directoire [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. £9 août 1790.] 679 de département prononcera , après avoir entendu le procureur général syndic. Il peut être à la convenance de plusieurs communes de se réunir en une seule municipalité; il est dans l’esprit de l’Assemblée nationale de favoriser ces réunions; et les corps administratifs doivent tendre à les provoquer et à les multiplier par tous les moyens qui sont en leur pouvoir. C’est par elles qu’un plus grand nombre de citoyens se trouvera lié sous un même régime, que l’administration municipale prendra un caractère plus imposant, et qu’on obtiendra deux grands avantages toujours essentiels à acquérir la simplicité et l’économie. § IV. — Formation et envoi des états de population et de contribution directe, pour déterminer la représentation de chaque département dans le Corps législatif. Suivant le décret du 22 décembre dernier, tous les départements députeront également au Corps législatif trois représentants, à raison de leur territoire, excepté le département de Paris, qui, étant beaucoup moindre que les autres, en étendue territoriale, n’a qu’un seul député de cette espèce. 11 n’en est pas de même de la représentation attachée à la population et à la contribution directe : celle-là doit se trouver fort inégale, numériquement entre les divers départements, puisqu’elle est proportionnelle au nombre des habitants de chaque département, et à la masse des contributions directes qu’il supporte. IJ faut donc, pour établir la représentation dont chaque département doit jouir, relativement à ces deux dernières bases, que le montant de sa population active et celui de sa contribution directe soient connus. Pour y parvenir, les directoires de département doivent, conformément à l’article 5 du décret du 28 juin dernier, s’empresser de former l’état du tableau de toutes les municipalités de leur ressort, portant indication, tant du montant de la population active, que de celui des impositions directes de chaque municipalité. Les directoires de département ont, dès à présent, deux bases dont ils peuvent se servir pour former l’état de la population active ; savoir, d’une part, les listes des citoyens actifs qui ont été faites en chaque commune, pour la formation des municipalités, et pour celles des assemblées primaires, et, d’autre part, le nombre des électeurs qui viennent d’être nommés par les assemblées primaires pour convoquer les corps administratifs ; le nombre de ces électeurs, multiplié par cent, donne celui des citoyens actifs du département, puisque ces électeurs ont été nommés à raison d’un par cent citoyens actifs. Les directoires puiseront les connaissances nécessaires pour former l’état indicatif de la contribution directe payée par chaque département, dans les rôles de répartition faits par les municipalités et dans les minutes du dernier réparte-ment des impositions qui se trouvent soit aux intendances, soit aux archives des anciennes commissions intermédiaires, soit aux bureaux. des receveurs particuliers des linances.il est nécessaire de distinguer soigneusement, dans cet état, les différentes contributions directes qui se paient en chaque département. La confection de ces deux tableaux de la population active et de la contribution directe est le travail le plus pressant dont les directoires de département aient maintenant à s’occuper ; puisque c’est de leurs résultats connus et combinés, que dépend la possibilité de former constitutionnellement la prochaine législature. Les directoires doivent donc s’y livrer sans retard, et cumuler tous les moyens d’accélération. Aussitôt que ces tableaux seront faits, ils en adresseront un double à l’Assemblée nationale. 11 est indispensable que cet envoi soit fait avant le 15 de septembre prochain. § V. — Vérification de la composition des municipalités. Les directoires de département chargeront ceux des districts de se faire remettre par chaque municipalité, dans le plus court délai possible, une copie du procès-verbal de la formation du corps municipal. Les directoires de district examineront ces procès-verbaux et les adresses ou mémoires de ceux qui se plaindront soit des vices de la formation de quelques municipalités, soit des injustices personnelles qu’ils auraient éprouvées dans le cours des élections. Après avoir véritié les faits, chaque directoire de district fera un état ou tableau de toutes les municipalités de son ressort, en désignant, dans une colonne marginale, celles qui n’ont donné lieu à aucune réclamation, et celles dont la validité est contestée : il donnera, relativement à celles-ci ses observations et son avis sur la régularité ou les défectuosités de leur formation. Le directoire de district pourra, s’il en est besoin, nommer un commissaire de son sein, ou pris parmi les huit autres administrateurs du district, pour faire, sur le lieu, la vérification des faits. A mesure que le directoire de département recevra de ceux des districts les états ou tableaux des municipalités, il les communiquera au procureur général syndic; et, après l’avoir entendu, il décidera définitivement quelles munici ¬ palités doivent subsister et quelles doivent être annulées. Il nommera, pour procéder à la nouvelle formation de ces dernières, un commissaire qui convoquera l’assemblée des citoyens actifs, qui nommera le citoyen chargé d’expliquer l’objet de la convocation, qui présidera au recensement du scrutin en la maison commune et qui proclamera les nouveaux officiers municipaux. Le directoire de département prononcera de même, définitivement, d’après les observations et les avis des directoires de district, sur les réclamations des citoyens dont V activité ou l 'éligibilité aura été constatée dans les assemblées primaires ou électorales et qui auront été exclus par les jugements provisoires de ces assemblées. Il observera que ces décisions soient toujours rigoureusement conformes à la disposition des décrets constitutionnels. Le procureur général syndic les notifiera aux officiers municipaux de la commune, dont les personnes, sur l’état desquelles il aura été prouoncé, sont membres, et c’est d’après ces décisions que le tableau des citoyens actifs et des citoyens éligibles, prescrit par l’article 8 de la section première du décret du 22 décembre dernier, sera définitivement arrêté dans chaque municipalité. Les directoires de département chargeront ceux de district de se l'aire remettre, par chaque municipalité de leur ressort, deux doubles de ce [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [0 août 1790.] 680 tibleau, dont un sera déposé aux archives du district et l’autre sera envoyé par le directoire de district au directoire de département. Cet envoi sera répété tous les ans, après que le tableau aura été revu en chaque municipalité et aura reçu les changements dont il sera trouvé susceptible. 11 en sera de même pour les listes civiques des jeunes citoyens de vingt-un ans qui se seront présentés aux assemblées primaires et y auront prêté le serment prescrit par l'article 4 de la section première du décret du 22 décembre dernier. g VI. — Règles principales pour décider les contestations relatives à l'activité et à l’égibilité des citoyens . Les principes constitutionnels sur cette matière se trouvent dans le décret constitutif du corps administratif du 22 décembre dernier, et dans l’instruction de l’Assemblée nationale, publiée à la suite de ce décret. Les difficultés survenues dans l’application de ces principes ont donné lieu à plusieurs décisions imerprétativesqui sont réunies dans ce paragraphe, pour faciliter et diriger le travail des directoires : 1° Il n’y a aucune distinction à faire à raison des opinions religieuses. En conséquence, les non catholiques jouissent des mêmes droits que les catholiques, aux termes du décret du 24 décembre 1789. Cependant, parmi les juifs, il n’y a encore que ceux connus sous la dénomination de juifs portugais, espagnols et avignonnais qui soient citoyens actifs et éligibles, suivant le décret du 28 janvier 1790 ; 2° Les étrangers qui demeurent depuis cinq ans dans le royaume, et qui, en outre, ont épousé une Française, ou acquis un immeuble, ou formé un établissement de commerce, ou obtenu dans quelque ville des titres de bourgeoisie, sont réputés Français (. Décret du 30 avril 1790); 3° La condition du domicile de fait n’emporte que l’obligation d’avoir dans le lieu une habitation depuis un an et de déclarer qu’on n’exerce les dioits de citoyen dans aucun autre endroit ( Décret des 20, 23 mars et 19 avril , art. 6); 4° Toute personne attachée au service civil ou militaire de la marine conserve son domicile, nonobstant les obstacles nécessités par son service, et peut exercer les fonctions de citoyen actif, s’il a d’ailleurs les qualités exigées par les décrets de l’Assemblée nationale ( Décret du 26 juin 1790). U en est de même des personnes attachées au service militaire de terre; 5° Les intendants ou régisseurs, les ci-devant féodistes, les secrétaires, les charretiers et maîtres-valets de labour, employés par les propriétaires, fermiers ou métayers, ne sont pas réputés domestiques ou serviteurs à gages et sont actifs et éligibles, s’ils réunissent les conditions prescrites (Même décret, article 7). 11 en est de même des bibliothécaires, des instituteurs, des compagnons ouvriers, des garçons marchands et des commis aux écritures; 6° Les religieux, qui n’ont pas usé du droit de sortir du cloître, ne sont point actifs, tant qu’ils vivent sous le régime monastique; 7° Les évêques et les curés sont citoyens actifs, quoiqu’ils n’aient pas une année de domicile dans leurs évêchés ou leurs cures ; ils n’en est pas de même des vicaires ; 8° Les fonctions des évêques, des curés et des vicaires sont incompatibles avec celles des membres des directoires de district et de département, et de maire, officier municipal et procureur de la commune ; et s’ils étaient nomu és à ces places, ils sont tenus de faire leur option, mais celte incompatibilité n’a lieu que pour les nominations qui restent à faire; 9° Les curés, vicaires et desservants qui se refuseraient à faire au prône, à haute et intelligible voix, la publication des décrets de J 'Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi, sont incapables de remplir aucune fonction de citoyen actif : mais il faut que la réquisition et le refus soient constatés par un procès-verbal dresse à la diligence du procureur de la commune (. Décret du 2 juin 1790) ; 10° Les percepteurs d’impôts indirects, quoiqu’ils puissent être citoyens actifs, sont cependant inéligibles aux fonctions municipales ou administratives, tant qu’ils n’ont pas abandonné leur premier état ; 11° Les contrôleurs des actes, directeurs des domaines, entreposeurs de tabac, les regratiers et les directeurs des postes ne sont point inéligibles, non plus que les cautions des adjudicataires des octrois, lorsqu’ils ne sont pas associés; 12° Les fils de débiteurs insolvables ne sont point exclus de la qualité de citoyens actifs et éligibles, s’ils ne possèdent rien à titre gratuit de la fortune de leur père; 13° L’exclusion fondée sur faillite, banqueroute ou insolvabilité ne peut être prononcée qu’autant que les actes ou jugements qui la prouvent sont rapportés; 14° La qualité de citoyen actif subsiste, mais l’exercice en est suspendu, tant que le citoyen n’a pas prêté le serment civique, soit dans une assemblée commune ou primaire, soit un directoire de district. Il en sera de même à l’avenir pour ceux qui ne se feront pas inscrire sur le registre du service de la garde nationale; 15° Les citoyens qui sont exclus des assemblées aux termes du décret du 28 mai 1790, pour refus de prêter soit le serment civique, soit le serment prescrit par ce décret, ou à cause des menaces et violences qu’ils se seraient permises, sont privés pour cette fois des droits de citoyen actif; 16° Les condamnations définitives à une peine infamante font perdre la qualité de citoyen actif. 17° Pour être citoyen actif, il suffit de payer la contribution exigée, dans un lieu quelconque du royaume ( Décret du 2 février , art. 3) ; 18°. Dans les lieux où l’on ne perçoit aucune contribution directe, et dans ceux où la contribution territoriale est seule connue, ceux-là sont citoyens actifs qui exercent un métier ou une profession dans les villes, et qui ont, dans les campagnes, une propriété foncière quelconque, ou, par bail, une exploitation de 30 livres de loyer; 19° Les militaires, qui ont servi seize ans sans interruption et sans reproches, sont dispensés de la condition de payer une contribution directe, et de celle d’avoir une propriété. Ils sont actifs et éligibles dans tous les degrés d’administration et de représentation, s’ils réunissent les autres conditions exigées et s’ils ne sont point en garnison dans le canton (Décret du 28 février, art. 7). Il en est de même de tout militaire ou homme de mer qui, depuis l’âge de dix-huit ans, a servi sans reproches pendant soixante-douze mois sur les vaisseaux de guerre, ou, dans les grands ports, l’espace de seize ans ; 20° La contribution directe payée par un chef d’entreprise, un aîné communier,” un père vivant avec ses fils, qui ont des propriétés, est censée [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1790.1 681 payée par les associés, les frères puînés et les enfants, chacun à proportion de son intérêt ou de sa propriété dans la maison commune; 21° Les impositions retenues par le débiteur d’une rente sont une contribution directe de la part a nomination du receveur de district sera laite par le conseil de district. Les conseils et les directoires de district auront attention de ne choisir que des personnes d’une probité et d’une solvabilité connues. Les anciens receveurs ordinaires des impositions sont éligibles. Les conseils et les directoires des départements, où il n’a pas encore été établi de trésorier, n’en éliront pas; mais le receveur du district du chef-lieu du département fera provisoirement les fonctions de ce tré�-orier et sera chargé de la recette générale du département. Les fonctions du receveur du district du chef-lieu de chaque département devenant plus importantes à raison de cette recette générale, le directoire de département recommandera au conseil ou directoire de district, à qui la nomination en appartient, de ne choisir que dans une classe d’hommes capables d’une responsabilité plus élenuue. La nomination du cons; il ou directoire de district devra d’ailleurs être approuvée par le directoire de département, et le receveur, dont celui-ci aura approuvé la nomination, sera sous sa surveillance immédiate relativement à la recette générale du département. Toutes les nominations faites où à faire, dont il vient d’être parlé, seront purement provisoires, et dans leur prochaine session, qui aura lieu en septembre et octobre, les conseils procéderont à une aune nomination définitive, suivant les règles qui seront proscriies par l’Assemblée nationale, pour l’édgibilitè et le cautionnement des trésoriers et receveurs. Les trésoriers de département et les receveurs [9 août 1790.] de district ne sont chargés, quant à présent, que de recevoir les revenus des biens ci-devant ecclésiastiques, les deniers qui proviendront de la vente de tous les domaines nationaux, le prix du rachat des différents droits féodaux, dont il sera parlé ci-après, et les autres objets dont la recette leur est spécialement attribuée par les décrets de l’Assemblée nationale. Ils ne doivent s’immiscer en aucune manière dans le recouvrement, soit des impositions de 1790 et des années antérieures, soit du montant de la contribution patriotique, qui sera payé en 1790 et qui est affecté au service de la présente année. Le recouvrement doit être fait par les anciens receveurs ordinaires des impositions, lesquels sont maintenus à cet egard dans leurs fonctions par le décret du 30 janvier dernier, à l’exécution duquel les directoires veilleront avec la plus grande attention. Les trésoriers de département et les receveurs de district ne pourront aussi entreprendre sur aucune des fonctions attribuées, quant à présent, ou qui pourraient être attribuées, par la suite, aux trésoriers de la guerre et d ■ la marine ou à d’autres trésoriers particuliers. Les deniers ver-és dans les caisses de ces trésoriers ne doivent jamais être détournés de leur destination spéciale, même sous prétexte de les appliquer aux besoins des districts on des départements, et les directoires doivent s’opposer à toute entreprise de cette nature. A la fin de chaque quinzaine, les receveurs de district verseront dans la caisse du tré-orier du département ou du receveur principal de district qui en tiendra lieu, le montant de toutes les recettes, déduction faite seulement des sommes qui doivent être payées à leur caisse. Les directoires de district veilleront à l’exactitude de ce versement, et ils vérifieront, à cet effet, l’état de la caisse du district, tous les quinze jours, à peine, par les membres des directoires, d’eu répondre en leur nom. Le trésorier du département ou le receveur principal de district qui en tiendra lieu versera, tous les mois, dans la caisse de l’extraordinaire, les fonds qui doivent y être portés ; le direcioire de département veillera, de son côié, à ce que ce versement n’éprouve aucun reiard, et il vérifiera, le dernier jour de chaque mois, l’état delà caisse, sous la même peine de responsabilité personnelle. Le traitement des trésoriers de départements et des receveurs de districts doit être fixé d’après des règles générales dont la détermination ne peut appartenir qu’au Corps législatif. Les directoires s’abstiendront donc de prendre aucune espèce de délibération à cet égard. Il en doit être de même du traitement des membres des directoires, procureurs généraux, procureurs syndics et secrétaires. Au surplus, l’Assemblée nationale est convaincue qu’elle ne peut statuer trop promptement sur l’indemnité due aux citoyens qui consacrent, leurs veilles à la chose publique; elle ne tardera pas à prendre en considération cet objet, ainsi que les autres dépenses d’administration, et notamment l'allégement des frais de correspondance; elle ne perdra point de vue, alors, que si la plus douce récompense de l’administrateur est la certiiude d’avoir bien mérité de la patrie, il est nécessaire aussi qu’il puisse compter sur un juste dédommagement de ses travaux. 11. Le paragraphe huitième de l’instruction, rédigée par orure du roi, indique les mesures par lesquelles les corps administratifs doivent sur-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1790.] veiller et assurer l'accélération du recouvrement des impositions ordinaires. Mais un deciet du 13 juillet 1790 contient, à ce sujet, plusieurs dispositions essentielles dont Usera utile de retrouver iei l'indication : 1° Les directions de département doivent charger ceux de district de se transporter, sans délai, chez les receveurs particuliers des impositions et de se l'aire représenter par eux, sans déplacement, les registres de leur recouvrera nt dont ils constateront le montant pour 1790, et même pour les années antérieures, afin d’établir la situation actuelle des collecteurs de chaque municipalité; 2° Us se feront aussi représenter les quittances d’acompte ou les quittances fiscales données aux receveurs particuliers, sur l’exercice 1790 et des années antérieures, par les receveurs au trésoriers généraux, afin de constater ('gaiement la situation actuelle des premiers vis-à-vis des seconds; 3° ils dresseront aussi un procès-verbal sommaire de ces opérations; ils l’enverront avec leur avis aux directoires de département, qui en rendront compte, sans delai, à l’Assemblée nationale et au ministre des finances; 4° Les collecteurs et les municipalités qui sont en retard seront avertis, sans délai, par le directoire de district ou par ie� receveurs particuliers, de payer les termes échus ; et si la quinzaine après cet avertissement, iis n’y ont pas encore satisfait, les receveurs particuliers présenteront au visa du directoire de district les contraintes nécessaires et ils les mettront sur-le-champ à exécution; 5° Les directoires de district se feront remette à l’avenir, tous les quinze jours, l’état de recouvrement fait pendant la quinzaine, certifié par les receveurs particuliers; ils l’enverront sur-le-champ au directoire de département, avec leur avis sur les causes du retard du recouvrement, et sur les moyens de l’accélérer; 6° Les directoires de département feront former pareillement, à la fin de chaque mois, l’etat général certifié d’eux du recouvrement de leur territoire; et ils l’enverront, avec leurs observations, au ministre des finances qui doit être toujours à portée de faire connaître au Corps législatif la véritable situation de recouvrement des impo-itions et les causes qui ont pu en retarder le progrès. 111. Le paragraphe 9 de l’instruction du roi indique, d’après l’article 2 du décret du 25 mai 1790, les moyens de corriger les vices qui se sont glissés dans le répartement des impositions de 1790. Quelques éclaircissements ont paru convenables pour fixer le véritable sens de ce décret. Les directoires de département doivent charger ceuxdedistnct de nommer des commissaires àl’ef-fet de constater ies erreurs, inégalités et doubles emplois dont se plaignent nombre de communautés. Les commissaires dresseront procès-verbal de leur travail et en feront le rapport au directoire de district qui le p endra en considération, ors du rcpartemeut prochain, et nui s’appliquera en conséquence à rétablir alors l’égalité entre les communautés de son territoire. Le directoire de district enverra ce même rapport, avec ses observations, au directeur du département, afin de mettre celui-ci t n état d’établir une juste proportion entre les différents districts de son arrondissement, lors de fa répartition u’ii fera entre eux de la masse des impositions u département. Enfin, le directoire de département rendra 685 compte au Corps législatif du résultat des vérifications qui auront été faites dans les différents districts de son arrondissement, et il y joindra les renseignements qu’il jugera eun euables pour éclairer le Corps législatif sur la ju-te distribution de l’impôt entre les divers départements du royaume. IV. Il est dit au paragraphe 2 de l’instruction, rédigée par ordre du roi, que lorsque le directoire de département aura approuvé et délibéré une imposition extraordinaire pour réparations d’églises ou presbytères, ou pour d’autres dépenses locales, d’après le vœu d’une commu ie, l’imposition ne pourra être ordonnée et répartie qu’après avoir été soumise à l’autorisation du roi. Cependant, comme il ne s’agit point la d’un fait dépendant de l’administration générale du royaume, mais d’une affaire particulière et d’un acte propre au pouvoir municipal, I approbation du directoire de département suffit seule, aux termes des articles 54 et 56 du décret concernant la constitution des municipalités. On ne quittera point l’article des finances sans rappeler aux corps administratifs une v< rué qu’ils doivent avoir sans cesse sous les yeux. L’exacte perception des revenus publics peut seule procurer au gouvernement les moyens de remplir les devoirs qui lui sont imposés, et, pour tout dire, en un mot, c’estdu recouvrement ne l’impôt que dépend le salut de l’Etat. Quels reproches n’auraient donc pas à se faire les corps administratifs, si, préposés par la Constitution à la surveillance et à la protection de ce recouvrement, ils ne réunissaient tous leurs efforts pour prévenir les calamités sans nombre qui prennent leur source dans le vide du Trésor public. Chapitre III. — Droits féodaux. Parmi les différentes dispositions de l’Assemblée nationale sur la féodalité et sur ies droits qui en dépendent plus ou moins directement, il en est plusieurs que les assemblées administratives sont chargées d’exécuter ou faire exécuter et que, par cette raison, elles doivent avoir constamment sous les yeux. 1. L’article 13 du titre II du décret du 15 mars dernier supprime, sans indemnité, les droits de péage, de long et de travers, de passage, de bâlage, de pontonnage, de chômage, de grande et de petite coutume, e tous autres de ce genre, ou qui en seraient représentatifs, quand même ils seraient émanés d’une autre source que du régime féodal. 11 décharge, en conséquence, ceux qui les percevaient des obligations attachées à cette perception, c’est-à-dire de l’entretien des chemins, ponts et autres objets semblables. Il faut donc qu’a l’avenir, ces charges soient supportées parles départements, et qu’il y soit pourvu, désormais, par les assemblées administratives, sauf au Corps législatif à déterminer, d’après leurs renseignements, quelles sont, dans ce genre, les dépenses de construction ou de reconstruction qui, utiles à tout le royaume, doivent être acquittées par le Trésor public. La suppression des droits dont il vient d’être parlé admet quatre exceptions établies par l’article 15 et qui formeront, pour les assemblées administratives ou leurs directoires, un autre objet de travail et de surveillance. Le premier est eu faveur des octrois autorisés , qui se perçoivent sous quelqu’une des dénominations mentionnées en l’article 13, soit au profit [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |9 août 1790.] 686 du Trésor public, soit au profit des ci-devant provinces, villes, communautés d’habitants ou hôpitaux. Cette première exception n’a pas pour but, comme quelques-uns ont paru le penser, ta conservation indéfinie des droits énoncés en l’article 13, lesquels se perçoivent au profit du Trésor public, ou des ci-devant provinces, villes, communautés d’habitants et hôpitaux. Son seul objet est de soustraire, quant à présent, à la suppression, ceux de ces droits qui sont des octrois proprement dits, c’est-à-dire ceux qui, originairement concédés par Je gouvernement à des corps ou à des individus, se lèvent aujourd’hui au prolit du Trésor public, qui en a repris la pos-se.-sion par quelque cause que ce soit, ou au profit des ci-devant provinces, villes, communautés d’habitants ou hôpitaux. La deuxième exception concerne les droits de bac et de voiture d’eau, c’est-à-dire le droit de tenir, sur certaines rivières, des bacs ou des voitures d’eau et de percevoir, pour l’usage qu’eu fait le public, des loyers ou rétributions fixées par des tarifs. La troisième exception comprend ceux des droits, énoncés en l’article 13, qui ont été concédés pour dedommagement de frais, non pas d’entretien, mais de construction de ponts, canaux, travaux ou ouvrages d’art construits ou reconstruits sous cette condition. Et la quatrième embrasse tous les péages accordés à titre d'indemnité à des proprietaire� légitimes de moulins, d’usines, de bâtiments ou étu bl issetnei : ts q uelconq ues, su pprimés pour cause d’uti ité publique. Ce sont ces q atre exceptions provisoires qui doivent fixer, d’une manière spéciale, l’atti n-tion tles diredmres de dépai temeiil. Suivant l’article 16, ceux ci doivent vérifier les tities et les tarifs de la création des droits, qui se rapportent à l’une des quatre classes; ils doivent, d’après cette opération, former un avis et l’adresser au Corps législatif, qui prononcera ensuite définitivement sur le sort de ces droits. En conséquence, les possesseurs sont tenus de représenter aux directoires de département leurs titres, dans l'année de la publication du décret du 15 mars; et s’ils ne satisfaisaient pas à cette obligation, la perception des droits demeurerait suspendue. II. La suppression des droits de h.v.ige, de coutume, de cohue, et de ceux de hallage (qu’il ne faut pas confondre avec les droits ne hâlage inen-tionnés en l’article 13) est devenue l'occasion d’une attribution particulière pour les assemblées administratives. Ce sont les directoires de département qui, aux termes de l’article 19, doivent terminer, par voie d’arbitrage, toutes les difficultés qui pourraient s’élever entre les municipalités et les ci-devant possesseurs des droits dont on vient de parler, à raison des bâtiments, halles, étaux, bancs et autres objets qui out servi, jusqu’à présent au dépôt, à l’étalage ou au débit des marchandises et denrées, au sujet desquelles les droits étaient perçus. Les bâtiments, huiles, étaux et bancs continuent d’appartenir à leurs propriétaires, mais ceux-ci peuvent obliger les municipalités de les acheter ou de les prendre à lover, et réciproquement, ils peuvent être contraints par les municipalités de les vendre, à moins qu’ils n’en préfèrent le louage. Cette faculté réciproque est le principe qui dirigera les directoires de département clans les difficultés qui leur sont soumises. Si les municipalités et les propriétaires s’accordaient, les unes à ne vouloir pas acheter, les autres à ne vouloir ni louer ni vendre, alors le directoire de département, après avoir consulté celui de district, proposerait au Corps législatif son avis sur la rétribution qu’il conviendrait d’établir à titre de loyer, au profit des propriétaires sur les marchands, pour le dépôt, l’étalage et le débit de leurs denrées et marchandises. Si les municipalités ont acheté ou pris à loyer les bâtiments, halles, bancs et étaux, elles dresseront un projet d’un tarif des rétributions qui devront être perçues à leur profit sur les marchands, et ce tarif ne sera exéculoire que quand, sur la proposition du directoire de dépai tement, il aura été approuvé par un décret de l’Assemblée nationale, sanctionné par le roi. A l’égard des salaires des personnes employées, dans les places et marchés publics, au pesage et mesurage des marchandises et denrées, les municipalités les fixeront par un tarif qui ne sera cependant exécutoire qu’autant qu’il aura été approuvé par le directoire de département, d’après l’avis de celui de district. Enfin, les assemblées administratives et leurs directoires ne doivent jamais perdre de vue cette disposition de l’article 5 du titre III du décret du 15 mars, qui, leur rappelant que tout ce qui dépend du pouvoir judiciaire, excède les bornes de leur autorité, leur fait défense de prohiber la perception d’aucun des droits seigneuriaux qui se trouveraient implicitement ou explicitement supprimes sans indemnités, sauf aux parties intéressées à se pourvoir, par les voies ne droit, devant les juges qui en doivtmt con iiaîr re. E s assemblées adminisiralives et leurs dirteloires m-doivent pas se borner à respecter cette defense; elles doivent veiller encore, avec la plus grande attention, à ce que les municipalités u’eutrepreunenl pas de la vioier. III. Ou va maintenant rappeler quelles sont, dans les décrets des 3 mai et 3 juillet derniers, les dispositions qui intéressent la vigilance des assemblées législatives. L’article 8 dn décret du 3 mai concerne les droits qui dépendent des tiefs appartenant à des communautés d’habitants; et s’il permet aux oiunicipalités d’en liquider et recevoir le rachat, c’est à condition, néanmoins, de n’y procéder que sous l’autorité et de l’avis du directeur du département, et celui-ci est expressément chargé de veiller au remploi du prix. li en est de même, suivant l’article 9 du décret, pour la liquidation du rachat des droits dépendant des fiefs qui appartiennent à des mainmortes et qui sont administrés par des municipalités à quelque titre que ce soit; mais le prix doit eu être versé dans la caisse du district, pour être porté dans celle de l’extraordinaire, par la même voie qui a été spécifiée ci-dessus au chapitre II. Ce sont les directoires de département qui, sur l’avis de ceux de district, doivent liquider le rachat de» droits dépendant des biens ci-devant ecclésiastiques, quels qu’en soient les administrateurs actuels, et le prix du rachat doit être ver.-é successivement dans les caisses dont il vient d’êlre parlé. Il est une seule exception pour les biens de l’ordre de Malte. Les titulaires sont provisoirement autorisés à faire eux-mêmes la liquidation des droits dus aux commanderies, dignités et grands prieurés de cet ordre, mais ils doivent faire approuver leur liquidation par les directoires de département : ceux-ci doivent veiller, [9 août 1790. 687 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. de leur côté, à ce que cette liquidation soit faite suivant les règles prescrites par le décret du 3 mai, et à ce que le prix en soit versé dans les mêmes caisses que les objets précédents. La forme suivant laquelle doivent se faire la liquidation et le rachat des droits dépendant des fiefs domaniaux est déterminée par les articles 4, 5, 6 et 7 du décret du 3 juillet. Ce sont les administrateurs des domaines ou leurs préposés qui doivent liquider le rachat : 1° Du droit appartenant aux biens domaniaux, dont la régie leur est confiée, soit en totalité, soit pour la perception des droits casuels; 2° Des droits de redevances fixes et annuelles des biens actuellement possédés à titre d’engagement ou concédés à vie ou à temps ; 3° Des droits, tant fixes que casuels, dépendant des domaines possédés à titre d’échange, mais dont les échanges ne sontpas encore consommés; 4° Des sommes dues à la nation par les propriétaires de biens mouvants des biens nationaux, même par les apauagistes et les échangistes, dont les échanges ne sont point encore consommés, à raison des rachats par eux reçus pour les droits dépendant de leurs fiefs. Mais les directoires des départements, dans le ressort desquels sont situés les biens dont dépendent les droits rachetables, doivent vérifier la liquidation des administrateurs des domaines ou de leurs préposés, et ne l'approuver qu’au-tanl qu’elle se trouvera conforme aux taux et au mode prescrits par les décrets du 3 mai; ils doivent veiller, d’ailleurs, à ce que le prix des rachats soit exactement, et à mesure qu’ils auront été effectué, versé, de la caisse de l’administration des domaines, dans la caisse de l’extraordinaire. Les mêmes directoires doivent également vérifier et approuver, s’il y a lieu, la liquidation faite par les apauagistes des droits dépendant des biens possédés à titre d’apanage, et surveiller le versement successif du prix dans les caisses de district et de l’extrordinaire. Le décret du 3 juillet, en ne rangeant point dans la classe des droits domaniaux ceux qui dépendent des biens possédés à titre d’échanges consommés, n’approuve pas néanmoins, indistinctement, tous les échanges consommés. Il fait, au contraire, une réserve expresse d’attaquer ceux dont le titre serait reconnu susceptible de révision. Il autorise même, dans ce cas, les oppositions, au nom de la nation, dans la forme prescrite par les articles 47, 48 et 49 du décret du 3 mai, aux rachats des droits dépendant de ces sortes d’échanges. Les directoires de département doivent veiller, sur ce point, aux intérêts de la nation, et charger le procureur général syndic de faire les oppositions qui seront jugées nécessaires. IV. Les articles 15 et 16 du décret du 3 mai chargent particulièrement les directoires de district d’un travail qui exige de l’exactitude et de l’attention : c’est la formation de deux�ableaux dont l’un contiendra l’appréciation commune des redevances en volailles, agneaux, cochons, beurre, fromage, cire et autres denrées, dans les lieux où il n’est pas d’usage de tenir registre du prix des ventes qui s’en font, et dont l’autre comprendra l’évaluation du prix ordinaire des journées d’hommes, de chevaux, de bêtes de somme et de travail et de voitures. Les directoires de département veilleront à la confection de ces deux tableaux, dont un double leur sera adressé. V. Le décret du 26 juillet 1790 autorise les communautés d’habitants à racheter les arbres existant sur les places publiques des villes, bourgs et villages; mais il leur défend, à peine de responsabilité, de rien entreprendre que d’après l’autorisation expresse du directoire de département, qui sera donnée, d’après l’avis de celui du district, sur une simple requête et après communication aux parties intéressées, s’il y en a. Les délibérations sur ce rachat seront prises par le conseil générai de la commune, et elles indiqueront les moyens d’en acquitter le prix. Le même décret du 26 juillet charge les a Imi-nistrations de département de proposer au Corps législatif les mesures qu’elles jugeront les plus convenables, d’api ès les-localités et sur l’avis des districts, pour empêcher toute dégradation des arbres dont la conservation intéresse le public, et pour remplacer, s’il y a lieu, par une replau-tat ion ceux qui ont été ou pourront être abattus. VI. Dans le décret des 21 et 22 avril dernier, concernant la chasse, les corps administratifs se verront autorisés à déterminer, pour l’avenir, l’époque à laquelle, dans leurs arrondissements respectifs, la chasse doit être permise aux propriétaires et possesseurs, sur leurs terres non closes. C’est le directoire de departement qui doit faire, chaque année, cette détermination, d’après l’avis des directoires de district lesquels pourront consulter, à ce sujet, les municipalités, afin de concilier, autant qu’il sera possible, l’intérêt général avec le droit du propriétaire. Le directoire de département examinera si l’époque de l’ouverture de la chasse doit être la même dans toute l’étendue de son territoire, ou si elle doit varier dans tous ou dans quelques districts. L’arrêté qu’il aura pris, sur cette matière, sera adressé à toutes les municipalités par l’entremise du district et publié par lesmunicipalités, quinze jours avant celui où la chasse sera libre. VIII. Les administrateurs doivent veiller enfin à ce que, conformémentà l’article 2 du décret du 4 août 1789, les municipalités fassent fermer les colombiers au temps où les dégâts des pigeons peuvent être à craindre pour les campagnes. La délibération par laquelle chaque municipalité aura fixé l’époque de cette clôture sera publié quinze jours avant cette époque, et la publication en sera renouvelée tous les ans. S’il survient quelques réclamations contre les dispositions que pourront faire à ce sujet les municipalités, elles seront portées devant les assemblées administratives, et le directoire de département y pourvoira sur l’avis du directoire de district. En cas de négligence de la part des municipalités, les directoires de district pourront faire eux-mêmes la fixation de l’époque de la clôture des colombiers. Chapitre IV. — • Domaines et oois. I. L’Assemblée nationale n’a pas pu s’occuper encore des réformes que peut exiger l’administration des domaines et bois; elle a décrété seulement la vente des biens domaniaux : ainsi, par rapport à la régie de ces biens et à la perception de leurs revenus, les choses duivent rester, quant à présent, sur l’ancien pied, et les municipalités, ainsi que les administrations, ne peuvent y prendre part. Il en est de même de la juridiction des eaux et forêts qui sub.dste toujours et qui, n’ayant encore perdu que la seule attribution des délits de chasse, doit continuer de connaître, comme par le passé, 03g [Assemblée nationale.] de toutes les autres matières que les anciennes lois ont soumises à sa compétence, jusqu’à ce qu’un décret formel de l’Assemblée nationale ait prononcé sa suppression. Nombre de municipalités cependant, égarées par une fausse interprétation des décrets des 11 décembre et 18 mars derniers, se sont permis des entreprises dont la durée et la multiplicité auraient les suites les plus funestes. L’Assemblee nationale a mis, sous la sauvegarde des assemblées administratives et municipales, les forêts, les bois et les arbres ; et elle leur en a recommandé la conservation. Delà, plusieurs municipalités ont conclu que l’administration des bois leur était attribuée et qu’elle était ôtée aux officiers des maîtrises; erreur palpable et qui trouve sa condamnation dans ies an êts mêmes dont on a cherche à l’appuyer, puisqu'ils réservent expressément les dispositions des ordonnances sur le fait des eaux et forêts ; puisque les officiers d> s maîtrises et autres juges compétents sont chargés littéralement de maintenir les règles, et d’en punir la violation, puisqu’enfin le devoir des municipalités est restreint à un simple droit de surveillance, et à la charge de dénoncer les contraventions aux tribunaux qui doivent en connaître. Cette erreur a déjà commis beaucoup de mal. Les gardes de maîtrises ont, daus plusieurs endroits, été expulses des lot êts et exposés à des violences. Les officiers des maîtrises, eux-mêmes, n’ont pas été respectés! Ils sonl, dans certaines provinces, réduits à l’impuissance de faire leurs fonctions, qui ne doivent cependant pas être interrompues, tant qu’un nouvel ordre de choses n’aura point été établi : des dégâts considérables ont été commis dans les boi?, suus les yeux des municipalités, qui dciveut les empêcher et les prévenir, et qui n’ont pas eu la force de s’y opposer. Il n’est même que trop certain que quelques-unes les ont autorisés formellement, tandis que d’autres, renversant l’ordre juridictionnel, érigent, dans leur sein, un tribunal auquel elles citent, et où elles condamnent elles-mêmes, les contrevenants. G’esl aux assemblées administratives et spécialement à leurs directoires qu’il appartient d’ariêter le cours d’un désordre véritablement effrayant ; c’est à elle qu’il est réservé de surveiller la conduite des municipalités, de les contenir dans les bornes précises de leurs pouvoirs, et particulièrement de les éclairer sur la fausse interprétation des décrets de l’Assemblée nationale : elles-mêmes sont chargées de veiller à la conservation des bois, et ce n’est pas seulement contre les délits des particuliers, c’est aussi contre les erreurs et les entreprises des municipalité?, qu’elles doivent défendre cette propriété précieuse. IL II est un autre point sur lequel un zèle louable a entraîné les municipalités au delà des bornes de leurs fonctions. Des communautés ecclesiastiques et des béneiiciers se sont permis des coupes de bois qui n’étaient pas autorisées ; c’était un des délits dont la surveillance était confiée aux ol liciers municipaux, et que les pro-cuieuis des communes étaient chaigés de dénoncer aux tribunaux. Des municipalités ont été p us lom : au lieu de se contenter d’une simple dénonciation, elles ont fait saisir elles-mêmes, et à leur propre requête, sou les bois coupes en contravention, soit les deniers provenant de leur vente : et ces saisies ont donné lieu à des ins-[9 août 1790.] tances, à des jugements, et même à des appels où ces municipalités figurent comme parties. Il faut que l’ordre légitime soit rétabli à cet égard, et qu’elles cessent d'exercer ou d’essuyer des poursuites pour lesquelles elles sont sans qualité suffisant, sans néanmoins que le fruit de leur sollicitude soit perdu. L’étendue de pouvoir qui manque à cet égard aux municipalités se trouve dans la main des assemblées administratives. Chargées par un décret spécial de l’administration des biens ci-devant ecclésiastiques, point de doute qu’elles n’aient le droit de diriger en justice, par l’entremise des procureurs-syndics, le? actions relatives à la conservation des biens qu’elles doivent administrer. Ainsi, i’un des premiers soins des directoires de département doit être, d’une part, de veiller à ce que de semblables poursuites ne soient plus faites par les municipalités, et, d’autre part, de se faire rendre compte des -saisies et des instances subsistantes. Ils pèseront ensuite, dans leur sagesse, s’il est convenable de prendre le fait et cause des municipalités qui sont actuellement en procès, ou si la prudence et la justice doivent dicter un autre parti. 111. Les changements survenus dans l’administration des biens ci-devant ecclésiastiques ne doivent pas empêcher la vente et l’exploitation des coupes ordinaires des bois qui en lont partie. Le sursis, prononcé par le décret du 18 mars dernier, ne concerne que les coupes extraordinaires, et il y aurait de grands inconvénients à donner à ce sursis un effet plus étendu, puisqu’il en résulterait une grande difficulté, et vraisemblablement, dans nombre d’endroits, l’impossibilité de compléter les approvisionnements nécessaires. Ainsi, les diiecioires des assemblées adminis-traiives doivent veiller à ce que les opérations et délivrances qui se faisaient annuellement dans les buis ci-uevant ecclésiastiques aient lieu cette annee comme dans les précédentes, et à ce qu’elles se fassent aux époques usitées. Quant aux adjudications, il est également essentiel qu’elles n’éprouvent aucun retard; et que, pour en assurer le succès, les directoires des dis-tiicts, dans le territoire desquels elies doivent être fuites, se concerteut avec les officiers de maîtrises. Les formalités ci-devant observées pour les ventes et adjudications des bois continueront d’avoir lieu jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné* L adjudication se fera par le directoire de district, délégué à cet effet par le directoire de département, en présence de deux officiers au moins du nombre de ceux qui auront fait le martelage et la délivrance, ou eux dûment appelés. Les directoires de département veilleront, au surplus, à ce que les differentes adjudications à faire dans leur territoire soieut fixées à des jours différents, et de manière à entretenir la concurrence entre les adjudicataires. IV. Une dernière observation concerne l’exécution du décret du 6 juin 1790; il autorise les directoires de departement à faire verser, dans les caisses des districts, les sommes provenues des ventes des bois des communautés ecclésiastiques ou laïques, soit que ces sommes aient été portées dans la cuisse de l’ administration des domaines, ou dans celle des anciens receveurs généraux des oouiaiues et bois, soit enlin qu’elles aient été déposées par autorité de jusiiee, ou autrement entie les mains de toute autre personne publique ou particulière, fin cas de refus ou de retarde-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1790.] ment de la part des dépositaires, le directoire de département pourra, sur la demande du directoire de district, décerner contre < ux une contrainte qui sera mise à exécution par Je trésorier du district. Le même décret du 6 juin autorise les directoires de département à déterminer l’emploi des deniers provenant de la vente des bois des com-j munautés laïques, sur la demande des conseils généraux des communes et de l’avis des directoires des districts. Il est inutile d'avertir les directoires que des règles d’utilité et d’économie doivent en diriger l’emploi. Il faut, au surplus, assurer avant tout l’acquit des charges imposées aux adjudicataires des bois des communautés ecclésiastiques ou laïques, et le payement des ouvrages auxquels le prix des ventes et des adjudications a principalement été destiné. Chapitre V. — Aliénation des domaines nationaux. Par domaines natiouaux l’on entend deux espèces de biens; les biens du domaine proprement dits et les biens ci-devant ecclésiastiques. L’aliénation des domaines nationaux est une des opérations les plus importantes de l’Assemblée nationale. Sa prompte exécution influera essentiellement sur le rétablissement des finances, sur l’affermissement de la Constitution et sur la prospérité de l’Empire. Mais son succès dépend beaucoup du zèle, de l’activité et de l’intelligence des assemblées administratives. Pour connaître la mesure de leurs devoirs, pour apprécier l’étendue de leurs fonctions et pour en saisir l’ensemble et les détails, elles devront d’abord méditer les décrets de l’Assemblée nationale, en rapprocher les différentes dispositions et se pénétier de l’esprit qui les a dictés. Ces décrets sont : 1° Celui des 19 et 21 décembre 1789, qui a statué qu’il serait aliéné des domaines nationaux pour une somme de 400 millions, et qu’il serait créé des assignats sur le produit des ventes, jusqu’à concurrence de pareille somme; 2° Celui du 17 mars, qui ordonne que les 400 millions de domaines nationaux seront aliénés au profit des municipalités du royaume, et qu’il en serait vendu à la municipalité de Pans pour 200 millions; mais sur la clause de céder aux mêmes conditions, aux autres municipalités qui le désireront, les biens situés dans leurs territoires; 3° Celui du 14, mai qui détermine les formes, les règles elles avantages des ventes à faire, soit aux municipalités qui acquerront directement, soit à celles qui se feront subroger, soit enfin aux particuliers qui acquerront des muuieipaliiés ; 4° L'instruction décrétée le 31 mai, laquelle a pour but de faciliter aux municipalités et aux corps administratifs l’intelligence du décret du 14, et de prévenir, par des détails et des interprétations, les doutes et les obstacles par lesquels son exécution pourrait être arrêtée. Cette instruction embrasse, en grande partie, le système de l’opération et laisse peu à ajouter aux réflexions et aux développements qu’elle contient ; 5° Le décret des 25, 26 et 29 juin, qui permet l’aliénation de tous les domaines nationaux autres que ceux dont il fait une exception spéciale, et qui détermine les formes, les règles et les 1" SÉRIE. T. XVII. 689 avantages des ventes qui seront faites soit directement aux particuliers, soit aux municipalités; 6° Enfin, le décret du 16 juillet, qui fixe, au 15 septembre prochain, le délai dans lequel les municipalités doivent faire leurs soumissions, pour jouir des avantages qui leur sont assurés par le décretdu 14 mai. § I. — Observations générales. L’administration de département et son directoire peuvent seuls correspondre directement avec l’Assemblée nationale et son comité, pour tout ce qui a rapport à la vente des domaines nationaux, comme pour tous les objets d’administration. Les directoires de département et de district sont autorisés à recevoir directement les soumissions de ceux qui veulent acquérir des domaines nationaux. Ils doivent tenir un registre de ces soumissions, dans la forme prescrite par l’article 3 du décret du mois de juin ; et le directoire de district doit adresser, tous les quinze jours, à celui de département, l’état de celles qu’il aura reçues dans la quinzaine. Le comité d’aliénation des domaines nationaux fait maintenant parvenir deux tableaux aux directoires de département. Par le premier, le comité leur donne connaissance de toutes les soumissions qu’il a reçues des municipalités ou des particuliers, pour des biens situés dans leur territoire. Le second doit leur servir à faire connaître au comité les soumissions reçues, tant par eux que par les directoires des districts de leur arrondissement. Les directoires de département doivent, aux termes de l’article 4 du décret du mois de juin, former un état de tous les domaines nationaux situés dans leur territoire. Ils s’occuperont, sans délai de la formation de cet état, dans lequel seront distinguées soigneusement les différentes natures de biens, et où il sera fait un chapitre séparé des bois et forêts sur l’aliénation desquels il n’a pas encore été statué. Ils chargeront, en conséquence, chaque directoire de district de leur procurer, avec le secours des municipalités, l’indication détaillée des biens de leur arrondissement. Le tableau général des domaines nationaux de chaque département, divisé par district et subdivisé par municipalité, sera adressé à l’Assemblée nationale. Les règles suivant lesquelles doit se faire l’estimation des domaines nationaux sont indiquées, avec beaucoup de détail, dans les décrets du mois de mai et juin et dans l’instruction du 31 mai. Les dispositions en sont en général assez claires pour n’avoir pas besoin de plus amples explications. On se contente d’ajouter les observations suivantes d’après le dernier de ces décrets : 1° Quand un domaine, affermé par un bail général, se trouve ensuite divisé par des sous-baux, c’est ie prix de ces sous-baux qui doit servir de base à l’estimalion du domaine, comme se rapprochant davantage de la véritable valeur du revenu. Ainsi, les directoires doivent s’occuper de la recherche de ces sous-baux et s’en procurer la représentation, en usant au besoin des moyens indiqués par l’article 20 du décret du mois de juin ; 2° Si un domaine est affermé par bail emphv-téotique, il est notoire que le plus souvent, dans ce cas, le prix du bail est fort éloigné de la véri-44 690 |9 août 1790. J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. table valeur des revenus, surtout si le bail est déjà ancien, et si le preneur a fait des dépenses pour l’amélioration du domaine. Ainsi, nul autre moyen alors de connaître la valeur du revenu, qu’une estimation par experts ; et c’est aussi ce qui est prescrit. Au surplus, comme les baux emphytéotiques renferment une véritable aliénation, ils ne sont réputés avoir été faits légitimement, et par conséquent les acquéreurs ne seront tenus de leur entretien, qu’autant qu’ils auront été précédés et revêtus de toutes les solennités requises par la loi, du lieu de la situation, pour la validité de l’aliénation des objets compris dans ces baux; 3° Si tout ou partie du fermage consiste en grains ou autres denrées, il sera formé une année commune de leur valeur, d’après le prix des grains et denrées de même nature, relevés sur les registres du marché du lieu ou du marché le lus prochain, s’il n’y en a pas dans le lieu. 'année commune sera formée sur les dix dernières années ; 4° Si les fermiers refusaient de certifier par serment la vérité de leurs baux et sous-baux, le défaut de prestation de ce serment n’empêchera as, après leur refus constaté, de prendre les aux et sous-baux pour base de l’estimation ; mais les fermiers refusant seraient déclarés déchus de leurs baux et sous-baux, par le juge ordinaire, sur la demande du procureur général syndic, poursuite et diligence du procureur-syndic du district ; 5° Si les détenteurs des biens nationaux soutenaient n’avoir point de bail, et qu’il fût impossible d’en avoir connaissance, il faudrait en user en ce cas comme si véritablement il n’existait pas de bail, sauf néanmoins à recourir au bail, s’il venait à être représenté avant les premières enchères. Dans les lieux où les administrations de district ou leurs directoires ne seraient pas encore en activité, leurs fonctions seront provisoirement remplies par les municipalités des chefs-lieux de district ; et s’il s’agissait d’acquisition à faire par une de ces municipalités, dans le district même dont elle est le chef-lieu, elle serait suppléée, à cet égard seulement, par la municipalité du chef-lieu du district le plus voisin, qui n’aurait pas fait de soumission pour acquérir les mêmesobjets: et, à cet elfet, le directoire de département pourra correspondre directement avec la municipalité du chef-lieu de district, comme tenant lieu, en cette partie, du directoire de district, tant qu’il ne sera pas formé. Le directoire de département fera afficher le 25 de chaque mois, dans tous les lieux accoutumés de sou territoire, et notamment dans ceux de la situation des biens et dans les chefs-lieux de district, l’état des biens qui auront été estimés dans le mois précédent, avec énonciation du prix de l’estimation de chaque objet. Un exemplaire de cet état sera, en outre, déposé au secrétariat de l’hôtel commun de chacun des lieux où il sera permis à chacun d’en prendrecommunication ou copie sans frais. Le directoire de département adressera aussi, le 15 de chaque mois au Corps législatif, l’état des estimations qui auront été faites et des ventes qui auront été commencées ou consommées dans le mois précédent. Le travail des administrations, relativement aux ventes des domaines nationaux, peut se considérer sous deux points de vue; par rapport à j celles qui seront faites aux municipalités, ou par j leur médiation ; et par rapport à celles qui seront faites aux particuliers directement et sans intermédiaire. Avant de faire aucune espèce de remarque sur ces deux modes d’aliénation, il n’est pas inutile d’observer que leur distinction n’intéresse en rien les particuliers. Il fallait imprimer un premier mouvement à une opération qui relèvera le crédit national et assurera au Trésor public les ressources les plus fécondes. Il fallait aussi adoucir Jes maux qui avaient été, pour plusieurs municipalités, les suites inévitables de la Révolution. De là, l’idée de se servir de leur entremise pour la vente de 400 millions de domaines nationaux; mais soit que cette médiation doive avoir lieu, soit que la vente se fasse directement aux particuliers, la condition de ceux-ci ne varie point. Dans l’un comme dans l’autre cas, les clauses et la forme de l’adjudication sont parfaitement semblables ; les facilités sont les mêmes pour enchérir, et la libération de l’adjudication doit s’opérer de la même manière. § 11. — Des ventes aux municipalités, ou par leur entremise . On se bornera à indiquer sommairement les principaux objets de la surveillance et des fonctions des directoires. Ils doivent veiller à ce que les municipalités se conforment avec exactitude aux formes et aux conditions prescrites par les différents décrets et par l’instruction ci-devant énoncée. Il est essentiel surtout de faire en sorte que les municipalités ne puissent apporter aucun retard à l’adjudication des baux pour lesquels il aura été fait des offres suffisantes. Sur le refus/ ou en cas de négligence d’une municipalité, le soumissionnaire aura droit de s’adresser au directoire de district, qui se fera rendre compte, par la municipalité, des motifs de sa conduite. Si les motifs sont jugés insuffisants, le directoire de district pressera la municipalité de poursuivre l’adjudication. En cas de refus persévérant, le directoire de district puurra charger Je procureur-syndic de la requérir lui-même. Les directoires surveilleront l’administration et la jouissance que doivent exercer les municipalités jusqu’à l’époque des reventes ; cette surveillance s’exercera même sur la jouissance des adjudicataires particuliers jusqu’à ce qu’ils aient entièrement acquitté le prix de leur adjudication. Elle doit s’exercer avec une attention particulière sur les objets les plus susceptibles d’être dégradés. Le directoire de département chargera le procureur général syndic de poursuivre, devant les tribunaux compétents, les municipalités ou les particuliers qui abuseraient de leur jouissance, au point de diminuer les sûretés de la nation. Tous les administrateurs des départements et districts et toutes les municipalités doivent se regarder comme obligés à aider les directoires dans la surveillance dont il vient d’être parlé, et à leur donner une prompte connaissance des dégradations qui seront commises. Us seront invités, par les directoires de district, à remplir ce devoir avec zèle. Le directoire de département aura soin que les adjudications auxquelles il sera procédé devant les directoires de district soient faites avec toute la promptitude, la publicité et la fidélité possibles. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 août 1790.) Les directoires veineront à ce que te montant des obligations sou crites par les municipalités soit exactement acquitté et à ce que le prix des reventes faites aux particuliers soit versé ponctuellement, soit dans la caisse du receve ur du district, soit dans celle de l’extraordinaire : ils chargeront le procureur général syndic de poursuivre les débiteurs en retard. § III. — Des ventes qui seront faites directement aux particuliers. La vente des domaines nationaux, décrétée d’abord jusqu’à concurrence de 400 millions seulement, n’est plus circonscrite dans les bornes de cette somme; de puissants motifs d’utilité publique ont déterminé le Corps législatif à autoriser la vente de tous les domaines nationaux par le décret des 25, 26 et 29 juin. Il n’a prononcé que deux exceptions : l’une definitive pour les domaines dont la jouissance a été réservée au roi, l’autre provisoire poqr les forêts sur lesquelles l’Assembtée nationale statuera ultérieurement. On l'a dit plus haut, les formes et les conditions des ventes directes aux particuliers sont les mêmes que celles des ventes qui se feront par l’entremise des municipalités; ainsi ce qui a été dit de celles-ci s’appliquera naturellement à celles-là. Mais on ne peut trop recommander aux direc, tomes de f.uiliter les petites acquisitions. Gomme c’est ici une desims principales de l’operation, c’est aussi vers son accomplissement que les moyens d’exéc lion doivent surtout être dirigés. Il en est deux principaux qui ne doivent pas être perdus de vue : le premier, prescrit par Partie. e 6 du décret des 25, 26 et 29 juin, consiste à diviser, dans les estimations, les objets autant que leur pâture le permettra; le second, indiqué par l’article 6 du décret du 14 mai, consiste à ouvrir en même temps les enchères sur l’ensemble et sur les parties de l’objet compris eu une seule et même estimation ; et dans le cas où, au moment de i’ailj udicatioo définitive, la forme des enchères partielles égalerait l’enchère faite sur la masse, à préférer l’adjudication par parties. 11 faut observer que le soumissionnaire qui ne deviendra pas acquéreur ne doit pas supporter les frais de l’estimation. Ces frais doivent se prendre sur le prix de la vente ej; ils seront réglés par le directoire de département sur l’avis de celui de district. Ou ne dit rien, dans ce moment, sur l’administration ues bieus ci-devant ecclésiastiques. L’Assemblée nationale se propose d’en fixer les règles d’une manière précisé par un décret qui sera rendu sous peu de jours, et qui sera suivi immédiatement d’uue mstructmn où tout ce qui a rapport à cette partie sera rassemblé et traité avec des développemèbls convenables. CHAPITRE VI. — Agriculture et commerce. Les nombreux détails qui réclament les premiers travaux des assemblées administratives ne leur permettront guère de donner, sur-le-cbamp, à tous les objets qui tiennent à l’agriculture et au commerce une application proportionnée à leur grande importance. Il est néanmoins de leur devoir de ne négliger rien de ce qui peut être instant, et de se procurer de bpuuê heure les 694 instrqctions et les renseignements d’après lesquels d’utiles améliorations puissent être proposées et exécutées. U n’est aucun département qui n’offre, en ce genre, une vaste carrière à la sollicitude de ses administrateurs. Il en est même plusieurs qui attendent une nouvelle création d'un régime vigilant et paternel. L’Assemblée nationale a considéré les dessèchements comme une des opérations les plus urgenies et les plus essentielles à entreprendre. Par eux seront restitués à la culture de vastes terrains qui sollicitent de toutes parts l’industrie des propriétaires et l’intérêt du gouvernement. Par eux sera détruite une des causes qui nuit le plus à la santé des hommes et à la prospérité des végétaux. Par eux, des milliers de bras qui manquent d’ouvrage, et que la misère et l’intrigue peuvent tourner contre la société, seront occupés utilement. Déjà, il se médite, sur ce point, dans le sein de l’Assemblée nalionale, une loi importante dont quelques articles sont même décrétés. C’est aux administrations à seconder ses vues et à prendre d’avance des mesures assez sages pour que l’exécution de cette loi n’éprouve aucuu retard et ne rencontre aucun obstacle dans leur arrondissement. Elles s’occuperont d’ailleurs des lois qui peuvent gêner les progrès de l’agriculture et de celles qui peuvent les favoriser; elles jetteront aussi un regard attentif sur la police des campagnes et sur les encouragements qui peuvent exc ter l'émulation des cultivateurs. Sans débouché pour le tr msport des produc-tiuns, |M.int de commerce. Un des premiers besoins du commerce, uu des principaux objets de la surveillance des administrations est donc l’entretien et la construction des chemins et des canaux navigables. Elles devront proposer l’établissement des foires et marchés dans les endroits où il leur paraîtrait pécessajrp. Elles surveilleront sans perquisition les manufactures et les ateliers. Ldndustrie naît de la liberté 1 Elle veut être encouragée; mais si on l’inquiète, elle disparaît. Elles se recueilleront des notions sur les mines, sur les usines et les bouches à feu. Elles proposeront des lois de police; elles veilleront sur l’exécution de celles qui existent tant qu’elles n’auroot point été abrogées : elles s’oc-cupurpnt particulièrement de maintenir les rapports de subordination et de bienfaisance qui doivent lier sans cesse le maître et le compagnon. Enfin, elles transmettront au Corps législatif tous les renseignements de la localité qui peuvent servir à lui faire connaître la culture et le commerce de leur territoire, Chapitre VII. — Mendicité, fiôpitmv, prisons. Parmi les objets importants qui se disputent, de toutes parts, l’attention de l’Assemblée nationale, il en est un qui devait intéresser spécialement sa sollicitude : c’est l’assistance du malheureux dans les différentes positions où l’infortune peut le plongeF. Il faut que l’indigent soit secouru, non seulement dans les faiblesses de l’enfance et dans les infirmités de la vieillesse, mais même lorsque, dans l’âge de la force, le défaut de travail l’expose à manquer de subsistance. II faut aussi que l’accusé, dont l’ordre public exige la détention, n’épFouve d’autre peine que la pri- 692 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 août 1790.] vation de sa liberté; et, par conséquent, il faut pourvoir à la salubrité, autant qu’à la sûreté des prisons. Ce n’est pas seulementàlasensibilitéde l’homme, c’est à la prévoyance du moraliste, c’est à la sagesse du législateur que ces devoirs se recommandent. Pénétrée de cette vérité l’Assemblée nationale veut adopter un système de secours que la raison, la morale et la politique ne puissent désavouer, et dont les bases soient irrévocablement liées à la Constitution. Un comité est spécialement chargé de lui proposer un plan qui puisse réaliser ses vues bienfaisantes ; mais ce travail, qui doit être mûri par des combinaisons profondes, doit encore être préparé par la connaissance de quelques faits sur lesquels les administrations peuvent seules fournir des renseignements dignes de confiance. C’est pour les obtenir au plus tôt qu’il vient d’être envoyé aux départements un tableau où sont énoncées différentes questions essentielles relatives à la mendicité, et qu’il y a été joint une instruction propre à faciliter les réponses : on attend du zèle des directoires de département qu’ils ne négligeront rien pour que ces réponses parviennent promptement à l’Assemblée nationale. Il est plusieurs autres points dont la connaissance devra être procurée, par la suite, au Corps législatif et qu'il est utile d’indiquer dès à présent à ces administrations, afin qu’elles soient en état d’en préparer de bonne heure les r< nsei-gnements, et qu’elles puissent les transmettre au Corps legislatif à mesure qu’elles se les seront procurés. L< s directoires de département s’occuperont donc de former l’état des hôpitaux et hôtels-Di» u situés dans leur territoire; de la destination de ces hôpitaux et hôtels-Dieu; du nombre des malheureux qui y sont assistés et des officiers et employés qui les desservent ; de la masse et de la nature de leurs revenus , ainsi que de leur administration. Les directoires en useront de même pour tous les fonds affectés dans chaque département aux charités, distributions et secours de toute espèce, fondés ou non fondés. Us feront connaî re les diverses natures de ces fondations, si elles portent ou non des clauses particulières, et à quelles charges elles sont soumises, lis instruiront le Corps législatif, s’il se trouve dans leur ressort des biens appartenant à des maiadreries, aux ordres hospitaliers et à des pèlerins; ils en indiqueront la nature et la valeur. Ils rendront compte de l’état des maisons de mendicité, de celui des prisons, de leur grandeur, de leur solidité, de leur salubrité et des moyens par lesquels elles pourraient être rendues saines et Commodes si elles ne le sont pas; enfin, ils recueilleront soigneusement toutes les notions ui pourront conduire à des améliorations utiles ans le régime de la mendicité, des hôpitaux et des prisons. Au surplus, l’instruction adressée par ordre du roi aux départements indique, pour l’état actuel des choses, des vues sages et des règles de conduite auxquelles l’Assemblée nationale ne peut qu’applaudir et dont elle s’empresse de recommander l’observation. Eu terminant cette instruction, l’Assemblée nationale doit prévenir les assemblées administratives qu’elle n’a point entendu tracer un tableau complet de leurs devoirs.il est une foule d’autres détails que leur sagacité suppléera facilement et' dont, par conséquent, l’énumération et le développement étaient superflus. C’est sur le zèle des corps administratifs, c’est sur leurs lumières et leur patriotisme que l’Assemblée nationale fonde ses plus grandes espérances. Une vaste carrière s’ouvre devant eux. Que leur courage s’anime à la vue des importantes fonctions qui leur sont confiées; que la sagesse guide toutes leurs démarches; qu’une vaine jalousie de pouvoirs ne leur fasse jamais méconnaître les deux autorités suprêmes auxquelles elles sont subordonnées; qu’enfin, leur régime bienfaisant prouve au peuple que le règne de la liberté est celui du bonheur; et la Constitution, déjà victorieuse des ennemis du bien public, saura triompher aussi des outrages du temps. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ. Séance du mardi 10 août 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Pintevllle de Cernon, secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier. Il est ado té. Il est donné lecture d’une lettre de l'Assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. Cette assemblée, après avoir témoigné la satisfaction avec laquelle le décret du 8 mars, sur la Constitution des colonies, a été reçu à Saint-Domingue, charge ses députés dans la métropole de faire ratifier, par l’Assemblée nationale, et ne faire ensuite accepter par le roi, les bases qu’elle a cru nécessaire d’arrêter, conformément à la liberté laissée à chaque colonie, suivant que l’exigeront les localités. Celte pièce est renvoyée, avec les pièces qui y sont jointes, aux comités réunis des colonies et de Constitution. M. Vernier, rapporteur du comité des finances , rend compte : « 1° D’une délibération prise par le conseil général de la ville de Gannat, relativement à un emprunt de 2,400 livres ; « 2° D’une pareille délibération des officiers municipaux de Ja ville de Pont-de-l’ Arche, tendant à être autorisés à emprunter une somme de 4,000 livres ; « 3° D’une autre délibération prise en conseil général de la ville de Mamers, qui a pour objet un emprunt de 3,000 livres; « 4° Et finalement des différentes délibérations, du conseil général de la vil e et municipalité de Gaillac, relativement à plusieurs emprunts faits et à faire, montant ensemble à la somme de 24,000 livres. Les quatre décrets proposés sont successivement adoptés sans discussion, ainsi qu’il suit : PREMIER DÉCRET. « Sur le rapport du comité des finances, l’As-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.