316 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [figeac, 16 Prair. II] Citoyens Représentans, Nous vous annonçons que 2 Cavaliers Jacobins choisis dans le sein de la société, armés et équipés par elle, viennent de prêter le serment sacré de ne rentrer dans leurs foyers, que la République n’aît Triomphé de tous ses ennemis; La séance, n’était pas levée, qu’ils avait disparu avec la rapidité de l’éclair; Et déjà ils se mesurent avec le fanatique Castillan, tandis que nos frères verseront leur sang pour la deffense de notre Mère Commune, qu’ils rempliront la tâche honorable qu’ils se sont imposée, nous Continuerons d’éclairer le Peuple sur ses Droits et ses Devoirs, et de l’attacher de plus en plus à notre sainte Révolution. Pour vous!,] Représentans d’un Peuple de héros, continués à présider à la destinée de ce Peuple qui a si justement mis sa confiance en vous; toutes les lois qui émanent de votre sein sont le fruit d’une Philosophie Pure, d’une saine Politique. D’une main!,] vous dirigés les bras de nos braves deffen-seurs, Vous les faites voler de victoire en victoire; de l’autre[,] vous élevés l’édifice majestueux d’une République basée sur les Vertus, la probité, les moeurs. En déclarant que le Peuple français reconnaît l’existance de l’être suprême, et de l’Immortalité de L’âme, vous avés porté le dernier coup aux fanatiques qui, unissant leurs efforts à ceux des êtres immoraux, que vous avés si justement punis, cherchaient à anéantir la République, les uns en exaspérant les esprits, les autres en corrompant les esprits et les coeurs. Il avait proclamé une grande vérité, ce zélé def-fenseur des droits du Peuple, en déclarant que l’idée de l’athéisme était aristocratique, et celle de la Divinité toute Démocratique. La nature entière ne dit-elle pas en effet à l’homme qu’il existe un Dieu, et l’homme, l’homme malheureux surtout, ne trouve-t-il pas un allègement à ses maux dans la pensée consolante de l’immortalité des principes qui l’anime. Ils ne sont plus, les conspirateurs qui voulaient substituer le monstre de l’athéisme à la pensée délicieuse et nécessaire d’un être suprême, dépraver la morale pour anéantir l’esprit public, et détruire la Liberté qui ne peut subsister sans les moeurs austères dont vous donnés les premiers l’exemple sublime... Ils ne sont plus ! Et leurs mânes horribles, de concert avec le féroce anglais, viennent d’armer les bras de 2 assassins, contre 2 Représentans fidelles... Législateurs, si nous avons frémi d’horreur au récit de ce nouvel, attentat contre la Représentation Nationale, nous n’avons pu entendre, sans émotion, celui du dévouement sublime du vertueux Geoffroi, et de l’intérêt que la Convention Nationale prent à son sort. Quelle leçon pour les Despotes ! Ils peuvent immoler à leur rage quelques fondateurs de la République, ces scélérats couronnés, mais anéantiront-ils la Liberté ? Non... tant qu’il restera un français digne de ce beau nom, qu’ils tremblent eux-mêmes; leurs trônes chancelans anoncent leur ruine prochaine. Puissent tous les poignards des assassins se tourner eux-mêmes; Puissions-nous vous faire un rempart de nos corps ; mais pour achever de conduire le peuple français aux hautes destinées auxquelles vous l’avés appellé, vous n’avés besoin, dites-vous, que de sa confiance, de son amour; Eh bien : nous vous le déclarons encore : vous possédés toute notre confiance, et nous vous portons l’amour le plus tendre, le plus respectueux. S. et f. (1). 66 Le citoyen Dépeuille, rue Franciade, n° 52, offre à la Convention une estampe représentant l’enthousiasme des habitants de la campagne en apprenant le décret du 18 floréal sur l’existence de l’Etre suprême et l’immortalité de l’ame : la Convention décrète la mention honorable, l’insertion au bulletin, et que le tableau sera exposé dans la salle de la liberté (2). [Depeuille, Mar[cha]nd D'estampes Rue franciade n° 52 Sect. de Bon Conseil à la Conv.; Paris, le r'Therm. 7/7(3). Citoyens Législateurs, L’envie de propager l’esprit Public m’engage à offrir à la Convention une estampe représentant l’entousiasme des habitans des chaumières, en apprenant le Décret du 18 floréal sur l’existence de l’être suprême et de l’immortalité de l’ame (4). Recevez!,] Citoyens législateurs!!,] ce faible ho-mage d’un artiste qui!,] toujours ferme dans ses principes!,] ne négligera rien pour être utile à sa Patrie lorsque l’occasion s’en pésentera. DepeÜille [Mnd d’estampes Rue franciade ) 67 La société populaire de Lille, département du Nord, donne à la Convention les détails d’une fête célébrée dans cette commune, en réjouissance des dernières victoires remportées sur les ennemis de la République; fête à laquelle ont assisté les corps constitués, les ateliers et quantité de citoyens et citoyennes. Mention honorable, insertion au bulletin. (5). 68 BarÈRE, au nom du comité de salut public : Citoyens, nous avons pris à Landrecies 91 pièces de canon, c’est-à-dire toute l’artillerie qu’ils nous (l) Collationné par nous Président et secrétaire de la sté Républicaine de figeac Cas (présid.), Galus (secrét.), Miret (secret.). (2) P.V., XLII, 19. C. Eg„ n° 700; Ann. patr., n° DLXV; ■J. Lois, n° 659. (3) C 314, pl. 1253, p. 20; Débats, n°667. (4) Voir Arch. pari., T. XC, séance du 18 flor., n° 32. (5) P.V., XLII, 19. B‘n, 6 therm. (ler suppl1). 316 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [figeac, 16 Prair. II] Citoyens Représentans, Nous vous annonçons que 2 Cavaliers Jacobins choisis dans le sein de la société, armés et équipés par elle, viennent de prêter le serment sacré de ne rentrer dans leurs foyers, que la République n’aît Triomphé de tous ses ennemis; La séance, n’était pas levée, qu’ils avait disparu avec la rapidité de l’éclair; Et déjà ils se mesurent avec le fanatique Castillan, tandis que nos frères verseront leur sang pour la deffense de notre Mère Commune, qu’ils rempliront la tâche honorable qu’ils se sont imposée, nous Continuerons d’éclairer le Peuple sur ses Droits et ses Devoirs, et de l’attacher de plus en plus à notre sainte Révolution. Pour vous!,] Représentans d’un Peuple de héros, continués à présider à la destinée de ce Peuple qui a si justement mis sa confiance en vous; toutes les lois qui émanent de votre sein sont le fruit d’une Philosophie Pure, d’une saine Politique. D’une main!,] vous dirigés les bras de nos braves deffen-seurs, Vous les faites voler de victoire en victoire; de l’autre[,] vous élevés l’édifice majestueux d’une République basée sur les Vertus, la probité, les moeurs. En déclarant que le Peuple français reconnaît l’existance de l’être suprême, et de l’Immortalité de L’âme, vous avés porté le dernier coup aux fanatiques qui, unissant leurs efforts à ceux des êtres immoraux, que vous avés si justement punis, cherchaient à anéantir la République, les uns en exaspérant les esprits, les autres en corrompant les esprits et les coeurs. Il avait proclamé une grande vérité, ce zélé def-fenseur des droits du Peuple, en déclarant que l’idée de l’athéisme était aristocratique, et celle de la Divinité toute Démocratique. La nature entière ne dit-elle pas en effet à l’homme qu’il existe un Dieu, et l’homme, l’homme malheureux surtout, ne trouve-t-il pas un allègement à ses maux dans la pensée consolante de l’immortalité des principes qui l’anime. Ils ne sont plus, les conspirateurs qui voulaient substituer le monstre de l’athéisme à la pensée délicieuse et nécessaire d’un être suprême, dépraver la morale pour anéantir l’esprit public, et détruire la Liberté qui ne peut subsister sans les moeurs austères dont vous donnés les premiers l’exemple sublime... Ils ne sont plus ! Et leurs mânes horribles, de concert avec le féroce anglais, viennent d’armer les bras de 2 assassins, contre 2 Représentans fidelles... Législateurs, si nous avons frémi d’horreur au récit de ce nouvel, attentat contre la Représentation Nationale, nous n’avons pu entendre, sans émotion, celui du dévouement sublime du vertueux Geoffroi, et de l’intérêt que la Convention Nationale prent à son sort. Quelle leçon pour les Despotes ! Ils peuvent immoler à leur rage quelques fondateurs de la République, ces scélérats couronnés, mais anéantiront-ils la Liberté ? Non... tant qu’il restera un français digne de ce beau nom, qu’ils tremblent eux-mêmes; leurs trônes chancelans anoncent leur ruine prochaine. Puissent tous les poignards des assassins se tourner eux-mêmes; Puissions-nous vous faire un rempart de nos corps ; mais pour achever de conduire le peuple français aux hautes destinées auxquelles vous l’avés appellé, vous n’avés besoin, dites-vous, que de sa confiance, de son amour; Eh bien : nous vous le déclarons encore : vous possédés toute notre confiance, et nous vous portons l’amour le plus tendre, le plus respectueux. S. et f. (1). 66 Le citoyen Dépeuille, rue Franciade, n° 52, offre à la Convention une estampe représentant l’enthousiasme des habitants de la campagne en apprenant le décret du 18 floréal sur l’existence de l’Etre suprême et l’immortalité de l’ame : la Convention décrète la mention honorable, l’insertion au bulletin, et que le tableau sera exposé dans la salle de la liberté (2). [Depeuille, Mar[cha]nd D'estampes Rue franciade n° 52 Sect. de Bon Conseil à la Conv.; Paris, le r'Therm. 7/7(3). Citoyens Législateurs, L’envie de propager l’esprit Public m’engage à offrir à la Convention une estampe représentant l’entousiasme des habitans des chaumières, en apprenant le Décret du 18 floréal sur l’existence de l’être suprême et de l’immortalité de l’ame (4). Recevez!,] Citoyens législateurs!!,] ce faible ho-mage d’un artiste qui!,] toujours ferme dans ses principes!,] ne négligera rien pour être utile à sa Patrie lorsque l’occasion s’en pésentera. DepeÜille [Mnd d’estampes Rue franciade ) 67 La société populaire de Lille, département du Nord, donne à la Convention les détails d’une fête célébrée dans cette commune, en réjouissance des dernières victoires remportées sur les ennemis de la République; fête à laquelle ont assisté les corps constitués, les ateliers et quantité de citoyens et citoyennes. Mention honorable, insertion au bulletin. (5). 68 BarÈRE, au nom du comité de salut public : Citoyens, nous avons pris à Landrecies 91 pièces de canon, c’est-à-dire toute l’artillerie qu’ils nous (l) Collationné par nous Président et secrétaire de la sté Républicaine de figeac Cas (présid.), Galus (secrét.), Miret (secret.). (2) P.V., XLII, 19. C. Eg„ n° 700; Ann. patr., n° DLXV; ■J. Lois, n° 659. (3) C 314, pl. 1253, p. 20; Débats, n°667. (4) Voir Arch. pari., T. XC, séance du 18 flor., n° 32. (5) P.V., XLII, 19. B‘n, 6 therm. (ler suppl1). SÉANCE DU llM THERMIDOR AN II (19 JUILLET 1794) - N° 68 317 avaient prise, et de plus 26 pièces dont ils l’avaient augmentée. Quant aux nouvelles du Nord, Ernouf, général de division de l’armée de Sambre-et-Meuse, écrit du quartier général de Genappe, le 29 messidor, que l’ennemi a évacué cette nuit son camp de Tirle-mont; il a laissé cependant quelques postes à la droite de ce lieu et proche l’abbaye de Hélersheim, et s’est retiré jusque dans les environs de Landen et Neerlanden. Citoyens, c’est au milieu des victoires que la Convention nationale doit s’occuper de ceux qui les produisent; c’est en présence des armées triomphantes, c’est sous les regards du peuple que les représentants peuvent décerner les prix du courage. Il faut, pour donner avec succès des récompenses nationales, saisir ce moment heureux où l’enthousiasme de l’amour de la patrie et la haine des rois ont porté nos jeunes héros sur les régions ennemies, et où l’édifice de la liberté s’affermit tous les jours par les bras de nos guerriers. Nous rapportons tous les jours à la Convention les faits héroïques, les actions vertueuses et les traits de bravoure qui immortalisent les défenseurs de l’égalité ; tous les jours les représentants près les armées et les généraux nous annoncent ou nous envoient des pages entières de l’histoire honorable des républicains; et nous-mêmes, en célébrant ces belles actions à cette tribune, nous semblons être dans l’impuissance de les récompenser d’une manière digne de la nation. Cependant le plus bel apanage de l’autorité suprême est le pouvoir de distribuer des récompenses nationales et d’exécuter les décrets de l’opinion publique. Ils ne manquaient pas de se servir de ce levier puissant, les rois et les ministres; et combien ils ont perpétué la durée du despotisme par cette espèce de justice qu’ils décoraient encore du nom de bienfaisance ! Encore même, combien le despotisme n’abusait-il pas de mode d’avancement ou de décoration militaire ! Et combien d’injustices particulières et d’intrigues empoisonnaient ces bienfaits ministériels ou royaux ! Une carrière bien plus vaste s’ouvre devant la Convention nationale dans un moment où toutes les actions dignes de récompense subissent l’épreuve de l’opinion publique; où la flatterie et les éloges mensongers se taisent pour laisser élever la voix de la conscience des représentants et de la vérité; dans un moment où la renommée apprécie les succès, les victoires et les actions utiles qui les ont produites. Depuis la fondation de la République, tout a pris un autre caractère, les législateurs et les généraux, les peuples et les armées : une consistance remarquable dans l’intérieur, et un ton de grandeur réelle au dehors. L’esprit naturel des Français, qu’on disait si léger, si superficiel, a rassemblé ses forces et dirigé ses vues vers la république d’une manière si prononcée qu’il s’est formé dans les camps, comme dans les assemblées populaires, un génie national. Notre activité, inutile et inquiète sous les monarques, est devenue de la force et de la puissance sous la démocratie; notre impétuosité indocile s’est transformée en courage terrible et en discipline républicaine; et déjà le peuple français se lève majestueusement au milieu des peuplades de l’Europe avec un caractère gigantesque et nouveau, qui se forme tous les jours davantage par des exemples étonnants et de grands objets. On ne peut pas douter que cette foule de traits remarquables et d’actions sublimes ne soient le fruit d’un gouvernement démocratique et pur, qui ne laisse aucun brave ou laborieux sans emploi, aucune idée utile sans exécution, aucun sentiment généreux sans éloge, aucune action vertueuse sans récompense. Eh ! qui donc voudrait de la gloire dans un pays sans vertu ? qui voudrait se livrer à des travaux pénibles, à des dangers évidents, à une mort inévitable, si, blessé, il ne comptait pas sur des secours paternels; si, utile et brave, il n’était pas assuré de son avancement; si, enfin, descendu au tombeau, il n’espérait pas vivre dans les annales de son pays, ou dans les cœurs de ses contemporains ? Ce n’est pas dans la République, qui s’élève au milieu de tant d’efforts contraires et de tyrans acharnés à sa perte, que le législateur pourra souffrir que le citoyen faible ou modeste soit puni de ses vertus; l’homme de génie, de ses talents; et le militaire intrépide, de sa bravoure. Nous devons nous estimer heureux d’être appelés par le peuple à apprécier les hommes que leur fortune ou leur rang rendent obscurs ; les soldats républicains qui commettent les plus belles actions sans chercher la renommée, et qui sont constamment vertueux sans être un instant célébrés. Loin de nous les temps d’insolence et d’orgueil où des généraux et des officiers faisaient servir tant de légions, tant de braves soldats, à échafauder leur renommée ; il faut aussi révolutionner la gloire et la reverser comme la fortune sur les nombreux bataillons, sur les modestes citoyens qui combattent tous les jours pour la république. Voulons-nous conserver le grand mouvement imprimé par la révolution et par la gloire du nom français aux choses et aux hommes ? Avons-nous le plan de laisser, après la Convention, une trace forte et profonde de républicanisme, de justice et de valeur ? Soyons justes envers les armées, soyons grands envers tous les braves citoyens qui les composent, et la gloire de la Convention nationale sera assez grande d’avoir secondé le caractère français en l’élevant à une grande hauteur militaire, politique et morale. Il y a déjà deux décades qu’en présentant dans cette assemblée le brave soldat Lancogne, qui seul avait arraché un drapeau aux Autrichiens dans le combat qui précéda la prise d’Ypres, nous regrettâmes de ne pouvoir porter à un grade militaire ce républicain. Nos vœux furent comprimés par une loi qui avait tout abandonné au service et au choix, et qui n’avait rien laissé à la disposition des législateurs. Sans doute les services rendus et l’ancienneté dans les travaux militaires méritent d’obtenir quelques avantages ; c’est un grand chemin vers les grades militaires qu’il ne faut ni fermer ni rompre; sans doute aussi le choix devait avoir ses places à donner et des grades à distribuer à des citoyens égaux, à des frères; mais la représentation du peuple devait-elle être déshéritée dans le partage du patrimoine national ? La Convention, souvent obligée de punir, ne peut-elle pas prétendre aussi au droit de récompenser, et peut-elle être condamnée à voir indifféremment une belle action, ou à se montrer insensible au courage d’un brave soldat ou d’un officier habile ? SÉANCE DU llM THERMIDOR AN II (19 JUILLET 1794) - N° 68 317 avaient prise, et de plus 26 pièces dont ils l’avaient augmentée. Quant aux nouvelles du Nord, Ernouf, général de division de l’armée de Sambre-et-Meuse, écrit du quartier général de Genappe, le 29 messidor, que l’ennemi a évacué cette nuit son camp de Tirle-mont; il a laissé cependant quelques postes à la droite de ce lieu et proche l’abbaye de Hélersheim, et s’est retiré jusque dans les environs de Landen et Neerlanden. Citoyens, c’est au milieu des victoires que la Convention nationale doit s’occuper de ceux qui les produisent; c’est en présence des armées triomphantes, c’est sous les regards du peuple que les représentants peuvent décerner les prix du courage. Il faut, pour donner avec succès des récompenses nationales, saisir ce moment heureux où l’enthousiasme de l’amour de la patrie et la haine des rois ont porté nos jeunes héros sur les régions ennemies, et où l’édifice de la liberté s’affermit tous les jours par les bras de nos guerriers. Nous rapportons tous les jours à la Convention les faits héroïques, les actions vertueuses et les traits de bravoure qui immortalisent les défenseurs de l’égalité ; tous les jours les représentants près les armées et les généraux nous annoncent ou nous envoient des pages entières de l’histoire honorable des républicains; et nous-mêmes, en célébrant ces belles actions à cette tribune, nous semblons être dans l’impuissance de les récompenser d’une manière digne de la nation. Cependant le plus bel apanage de l’autorité suprême est le pouvoir de distribuer des récompenses nationales et d’exécuter les décrets de l’opinion publique. Ils ne manquaient pas de se servir de ce levier puissant, les rois et les ministres; et combien ils ont perpétué la durée du despotisme par cette espèce de justice qu’ils décoraient encore du nom de bienfaisance ! Encore même, combien le despotisme n’abusait-il pas de mode d’avancement ou de décoration militaire ! Et combien d’injustices particulières et d’intrigues empoisonnaient ces bienfaits ministériels ou royaux ! Une carrière bien plus vaste s’ouvre devant la Convention nationale dans un moment où toutes les actions dignes de récompense subissent l’épreuve de l’opinion publique; où la flatterie et les éloges mensongers se taisent pour laisser élever la voix de la conscience des représentants et de la vérité; dans un moment où la renommée apprécie les succès, les victoires et les actions utiles qui les ont produites. Depuis la fondation de la République, tout a pris un autre caractère, les législateurs et les généraux, les peuples et les armées : une consistance remarquable dans l’intérieur, et un ton de grandeur réelle au dehors. L’esprit naturel des Français, qu’on disait si léger, si superficiel, a rassemblé ses forces et dirigé ses vues vers la république d’une manière si prononcée qu’il s’est formé dans les camps, comme dans les assemblées populaires, un génie national. Notre activité, inutile et inquiète sous les monarques, est devenue de la force et de la puissance sous la démocratie; notre impétuosité indocile s’est transformée en courage terrible et en discipline républicaine; et déjà le peuple français se lève majestueusement au milieu des peuplades de l’Europe avec un caractère gigantesque et nouveau, qui se forme tous les jours davantage par des exemples étonnants et de grands objets. On ne peut pas douter que cette foule de traits remarquables et d’actions sublimes ne soient le fruit d’un gouvernement démocratique et pur, qui ne laisse aucun brave ou laborieux sans emploi, aucune idée utile sans exécution, aucun sentiment généreux sans éloge, aucune action vertueuse sans récompense. Eh ! qui donc voudrait de la gloire dans un pays sans vertu ? qui voudrait se livrer à des travaux pénibles, à des dangers évidents, à une mort inévitable, si, blessé, il ne comptait pas sur des secours paternels; si, utile et brave, il n’était pas assuré de son avancement; si, enfin, descendu au tombeau, il n’espérait pas vivre dans les annales de son pays, ou dans les cœurs de ses contemporains ? Ce n’est pas dans la République, qui s’élève au milieu de tant d’efforts contraires et de tyrans acharnés à sa perte, que le législateur pourra souffrir que le citoyen faible ou modeste soit puni de ses vertus; l’homme de génie, de ses talents; et le militaire intrépide, de sa bravoure. Nous devons nous estimer heureux d’être appelés par le peuple à apprécier les hommes que leur fortune ou leur rang rendent obscurs ; les soldats républicains qui commettent les plus belles actions sans chercher la renommée, et qui sont constamment vertueux sans être un instant célébrés. Loin de nous les temps d’insolence et d’orgueil où des généraux et des officiers faisaient servir tant de légions, tant de braves soldats, à échafauder leur renommée ; il faut aussi révolutionner la gloire et la reverser comme la fortune sur les nombreux bataillons, sur les modestes citoyens qui combattent tous les jours pour la république. Voulons-nous conserver le grand mouvement imprimé par la révolution et par la gloire du nom français aux choses et aux hommes ? Avons-nous le plan de laisser, après la Convention, une trace forte et profonde de républicanisme, de justice et de valeur ? Soyons justes envers les armées, soyons grands envers tous les braves citoyens qui les composent, et la gloire de la Convention nationale sera assez grande d’avoir secondé le caractère français en l’élevant à une grande hauteur militaire, politique et morale. Il y a déjà deux décades qu’en présentant dans cette assemblée le brave soldat Lancogne, qui seul avait arraché un drapeau aux Autrichiens dans le combat qui précéda la prise d’Ypres, nous regrettâmes de ne pouvoir porter à un grade militaire ce républicain. Nos vœux furent comprimés par une loi qui avait tout abandonné au service et au choix, et qui n’avait rien laissé à la disposition des législateurs. Sans doute les services rendus et l’ancienneté dans les travaux militaires méritent d’obtenir quelques avantages ; c’est un grand chemin vers les grades militaires qu’il ne faut ni fermer ni rompre; sans doute aussi le choix devait avoir ses places à donner et des grades à distribuer à des citoyens égaux, à des frères; mais la représentation du peuple devait-elle être déshéritée dans le partage du patrimoine national ? La Convention, souvent obligée de punir, ne peut-elle pas prétendre aussi au droit de récompenser, et peut-elle être condamnée à voir indifféremment une belle action, ou à se montrer insensible au courage d’un brave soldat ou d’un officier habile ? 318 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Citoyens, cette pensée pénible vous a occupés déjà, et vous avez consacré, par votre décret du 27 août 1793 (vieux style), le principe fécond de l’avancement des soldats par le chemin de la gloire. Vous avez considéré que le premier titre à l’avancement militaire est la célébrité acquise par des actions de courage, et que ceux-là surtout sont dignes de commander à leurs frères d’armes, qui leur ont donné de mémorables exemples. Il faut désormais que, dans tous les corps de l’armée, le tiers des emplois, depuis le grade de sous-lieutenant jusqu’à celui de chef de bataillon ou d’escadron inclusivement, devienne récompense nationale, et qu’il demeure affecté, sous ce titre honorable, aux défenseurs de la patrie qui dans les combats se seront distingués par des traits de bravoure ou par des actions héroïques. Chaque représentant pourra indiquer les actions remarquables; le comité en fera le rapport, et la Convention donnera les grades. Pour retirer tout le fruit possible de ces récompenses que la Convention distribuera désormais, elle doit s’attacher à les rendre analogues aux actions qu’elle veut honorer. Lorsqu’un défenseur de la patrie se signalera dans les combats, la manière la plus utile de récompenser son dévouement, c’est de le mettre à portée de rendre de plus grands services à la République, en le faisant passer à un grade supérieur : la gloire le paie alors de ce qu’il a fait pour elle ; les preuves qu’il reçoit de la reconnaissance nationale donnent à d’autres le désir de la mériter. Les exploits par lesquels il s’est illustré lui assurent la confiance de ses frères d’armes; il s’est montré digne de les commander; ils lui obéiront avec empressement, car la discipline se fortifie de tous les drois de l’estime et de la confiance. Ainsi il n’y aura plus d’entraves pour le talent; partout où il existe, il se montrera, et il ne se montrera jamais sans obtenir des encouragements et des récompenses dignes de lui. La Convention pourra donc élever aux emplois un grand nombre de citoyens distingués; ils propageront dans les corps les connaissances militaires; au courage viendront s’unir tous les moyens de rendre ses efforts plus terribles et ses succès plus certains. Un grand nombre de braves soldats que la Convention nationale avait en vain ordonné au ci-devant conseil exécutif d’élever en grade vont aujourd’hui se trouver au poste qu’ils méritent d’occuper. Ce grand acte de la justice nationale facilitera les triomphes des armées républicaines, multipliera les héros de la liberté, et les empêchera d’accuser d’ingratitude la nation la plus généreuse. Tout contribuera à rehausser l’éclat de la récompense qui leur est due, décernée par la Convention nationale. Les représentants du peuple seront les organes de sa reconnaissance envers ceux qui se seront distingués par des traits de magnanimité républicaine. Un décret solennisera leur nomination; il apprendra à toute la république les noms de ses plus dignes défenseurs ; il proclamera leur gloire ; il leur garantira une place dans l’histoire, et l’admiration de la postérité. Le projet de décret que je vais vous lire n’est qu’un simple acte de la justice nationale; mais, dans quinze jours, le comité de salut public vous présentera des moyens bien plus vastes et plus propres à affermir la République; il fera le rapport relatif à la formation des institutions républicaines. C’est là, c’est dans ces institutions que repose la république, lorsque des victoires en ont posé les fondements. Il sera sans doute applaudi dans les armées, le décret qui assurera au soldat un avancement obtenu par des actions héroïques; et le peuple français verra avec satisfaction que ses représentants exercent ainsi le plus beau de ses droits. C’est à la Convention, placée au milieu de quatorze armées victorieuses, et travaillant aux lois de la république au sein des orages révolutionnaires, à faire les fonctions du tribunal national pour les faits de bravoure, pour les actions de courage qui distinguent les soldats de la liberté. C’est à la Convention de remettre sous les yeux des citoyens les grands exemples, de venger le courage obscur, et de préserver l’amour de la patrie des injustices de la vanité et des jalousies de l’orgueil. Voici le projet de décret : [Approuvé] (l). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Barère au nom de] ses comités de salut public et de la guerre, décrète : « Art. I. - Dans tous les corps, le tiers des emplois, depuis le grade de sous-lieutenant jusqu’à celui de chef de bataillon ou d’escadron inclusivement, demeure affecté à la récompense des défenseurs de la patrie qui se seront distingués dans les armées par des traits de bravoure, ou par des actions héroïques. « II. - En conséquence l’avancement, à compter du jour de la publication du présent décret, aura lieu de la manière suivante : « Le tiers des emplois énoncés dans l’article précédent sera donné par la Convention nationale. « Les deux autres tiers continueront de se donner à l’ancienneté ou au choix; « III. - Le premier emploi vacant dans un grade sera donné à l’ancienneté, et le second sera donné par élection, conformément à la loi du 21 février 1793. « Le troisième sera au choix de la Convention. « IV. - Lorsqu’un militaire aura mérité par une action distinguée d’être avancé en grade, quel que soit celui dont on le juge digne, la nomination sera faite par la Convention nationale sur le rapport du comité de salut public. « V. - Si, après les récompenses décernées, il reste des emplois disponibles à la nomination de la Convention nationale, elle en disposera en la même forme en faveur des militaires qu’elle jugera les plus dignes de la confiance nationale par leurs principes, leur conduite et leurs talents. « VI. - Le droit de nomination, réservé à la Convention par le présent décret, s’applique aux emplois qui sont vacans dans ce moment, comme à ceux qui viendront à vaquer par la suite. (1) Mon., XXI, 264-265. 318 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Citoyens, cette pensée pénible vous a occupés déjà, et vous avez consacré, par votre décret du 27 août 1793 (vieux style), le principe fécond de l’avancement des soldats par le chemin de la gloire. Vous avez considéré que le premier titre à l’avancement militaire est la célébrité acquise par des actions de courage, et que ceux-là surtout sont dignes de commander à leurs frères d’armes, qui leur ont donné de mémorables exemples. Il faut désormais que, dans tous les corps de l’armée, le tiers des emplois, depuis le grade de sous-lieutenant jusqu’à celui de chef de bataillon ou d’escadron inclusivement, devienne récompense nationale, et qu’il demeure affecté, sous ce titre honorable, aux défenseurs de la patrie qui dans les combats se seront distingués par des traits de bravoure ou par des actions héroïques. Chaque représentant pourra indiquer les actions remarquables; le comité en fera le rapport, et la Convention donnera les grades. Pour retirer tout le fruit possible de ces récompenses que la Convention distribuera désormais, elle doit s’attacher à les rendre analogues aux actions qu’elle veut honorer. Lorsqu’un défenseur de la patrie se signalera dans les combats, la manière la plus utile de récompenser son dévouement, c’est de le mettre à portée de rendre de plus grands services à la République, en le faisant passer à un grade supérieur : la gloire le paie alors de ce qu’il a fait pour elle ; les preuves qu’il reçoit de la reconnaissance nationale donnent à d’autres le désir de la mériter. Les exploits par lesquels il s’est illustré lui assurent la confiance de ses frères d’armes; il s’est montré digne de les commander; ils lui obéiront avec empressement, car la discipline se fortifie de tous les drois de l’estime et de la confiance. Ainsi il n’y aura plus d’entraves pour le talent; partout où il existe, il se montrera, et il ne se montrera jamais sans obtenir des encouragements et des récompenses dignes de lui. La Convention pourra donc élever aux emplois un grand nombre de citoyens distingués; ils propageront dans les corps les connaissances militaires; au courage viendront s’unir tous les moyens de rendre ses efforts plus terribles et ses succès plus certains. Un grand nombre de braves soldats que la Convention nationale avait en vain ordonné au ci-devant conseil exécutif d’élever en grade vont aujourd’hui se trouver au poste qu’ils méritent d’occuper. Ce grand acte de la justice nationale facilitera les triomphes des armées républicaines, multipliera les héros de la liberté, et les empêchera d’accuser d’ingratitude la nation la plus généreuse. Tout contribuera à rehausser l’éclat de la récompense qui leur est due, décernée par la Convention nationale. Les représentants du peuple seront les organes de sa reconnaissance envers ceux qui se seront distingués par des traits de magnanimité républicaine. Un décret solennisera leur nomination; il apprendra à toute la république les noms de ses plus dignes défenseurs ; il proclamera leur gloire ; il leur garantira une place dans l’histoire, et l’admiration de la postérité. Le projet de décret que je vais vous lire n’est qu’un simple acte de la justice nationale; mais, dans quinze jours, le comité de salut public vous présentera des moyens bien plus vastes et plus propres à affermir la République; il fera le rapport relatif à la formation des institutions républicaines. C’est là, c’est dans ces institutions que repose la république, lorsque des victoires en ont posé les fondements. Il sera sans doute applaudi dans les armées, le décret qui assurera au soldat un avancement obtenu par des actions héroïques; et le peuple français verra avec satisfaction que ses représentants exercent ainsi le plus beau de ses droits. C’est à la Convention, placée au milieu de quatorze armées victorieuses, et travaillant aux lois de la république au sein des orages révolutionnaires, à faire les fonctions du tribunal national pour les faits de bravoure, pour les actions de courage qui distinguent les soldats de la liberté. C’est à la Convention de remettre sous les yeux des citoyens les grands exemples, de venger le courage obscur, et de préserver l’amour de la patrie des injustices de la vanité et des jalousies de l’orgueil. Voici le projet de décret : [Approuvé] (l). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Barère au nom de] ses comités de salut public et de la guerre, décrète : « Art. I. - Dans tous les corps, le tiers des emplois, depuis le grade de sous-lieutenant jusqu’à celui de chef de bataillon ou d’escadron inclusivement, demeure affecté à la récompense des défenseurs de la patrie qui se seront distingués dans les armées par des traits de bravoure, ou par des actions héroïques. « II. - En conséquence l’avancement, à compter du jour de la publication du présent décret, aura lieu de la manière suivante : « Le tiers des emplois énoncés dans l’article précédent sera donné par la Convention nationale. « Les deux autres tiers continueront de se donner à l’ancienneté ou au choix; « III. - Le premier emploi vacant dans un grade sera donné à l’ancienneté, et le second sera donné par élection, conformément à la loi du 21 février 1793. « Le troisième sera au choix de la Convention. « IV. - Lorsqu’un militaire aura mérité par une action distinguée d’être avancé en grade, quel que soit celui dont on le juge digne, la nomination sera faite par la Convention nationale sur le rapport du comité de salut public. « V. - Si, après les récompenses décernées, il reste des emplois disponibles à la nomination de la Convention nationale, elle en disposera en la même forme en faveur des militaires qu’elle jugera les plus dignes de la confiance nationale par leurs principes, leur conduite et leurs talents. « VI. - Le droit de nomination, réservé à la Convention par le présent décret, s’applique aux emplois qui sont vacans dans ce moment, comme à ceux qui viendront à vaquer par la suite. (1) Mon., XXI, 264-265.