692 [Convention nalionale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | L�embre 1793 Suit la lettre de Lejeune et Roux, représentants du peuple dans le département de V Aisne (1). / Lejeune et Roux, représentants du peuple dans le département de V Aisne, à la Convention nationale. « Laon, 29 brumaire l’an II de l’ère répu¬ blicaine. « Citoyens collègues, « Nous nous empressons de vous faire con¬ naître un trait de bravoure et d’humanité qui a peu d’exemples dans l’histoire. « Le 27 brumaire, Pierre Chassot, chasseur au 17e régiment, étant en patrouille à quelques lieues de Saint-Quentin, rencontra cinq hulans qui emmenaient cinq prisonniers liés et gar¬ rottés, du nombre desquels était le curé consti¬ tutionnel de la commune d’Estrées. « Ce brave homme, quoique seul n’a point hésite de leur tomber dessus, est venu à bout de les mettre en fuite et de délivrer les cinq prisonniers qu’il a glorieusement ramenés à Saint -Quentin. « Une circonstance digne de remarque et qui prouve le sang froid de ce brave militaire, c’est qu’ayant laissé tomber la baguette d’un de ses pistolets, il a mis pied à terre pour la ramasser, et a sauté sur son cheval avec une telle conte¬ nance, que les esclaves qu’il combattait n’ont pu profiter de cette occasion pour lui nuire. « Tel est, citoyens collègues, le récit que vient de nous adresser le commandant temporaire de Saint -Quentin. « Les citoyens de cette ville ne savent com¬ ment exprimer envers ce brave homme leurs sentiments de reconnaissance et d’admiration. « Nous venons de nous acquitter envers lui de ce double devoir, mais il n’appartient qu’à la nation entière de récompenser une aussi belle action. Nous croirions superflu de deman¬ der pour lui l’avancement dont il peut être susceptible. Un tel homme, à la tête de nos frères d’armes, ne peut que les conduire à la gloire. Salut et fraternité. « S. Lejeune; Roux. » Compte rendu du Moniteur universel (2). Lejeune et Roux écrivent de Laon ; (Suit un résumé de la lettre que nous repro¬ duisons ci-dessus d'après un document des Archi¬ ves nationales.) L’Assemblée applaudit et renvoie au ministre pour avancer ce brave militaire. (1) Archives nationales, carton F17 1022, dossier. Cette lettre ne figure pas dans le Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut pu¬ blic de M. Aulard. (2) Moniteur universel [n° 65 du 5 frimaire an II (lundi 25 novembre 1793), p. 262, col. 2]. Adresse des autorités constituées, du comité de surveillance et de la Société populaire de Mont-Luçon (Montluçon), chef-lieu de district, concernant les subsistances; elle fait don d’une somme de 10,000 livres. Mention honorable, renvoi à la Commission des subsistances (1). Suit le texte de l’adresse, d’après le document des Archives nationales (2). Adresse des autorités constituées, du comité de surveillance et de la Société populaire de Montluçon, chef-lieu de district, département de l'Ailier, à la Convention nationale. « Représentants du peuple, « Vous aimez à entendre le langage brut, mais énergique et franc des sans-culottes, écoutez-nous avec intérêt. « Le vaisseau de l’Etat que vous avez sauvé du naufrage vogue encore sur une mer orageuse, vos mains seules peuvent le conduirejfau port : n’abandonnez pas le gouvernail, la nation entière vous dit : Braves Montagnards, achevez votre ouvrage, et restez à votre poste. M « La Révolution marche à pas de géan s; de i outes parts l’esprit public se régénère, la j�erté fait des prodiges; encore quelques instantg et la République s’élèvera triomphante sur les cadavres sanglants des despotes. « Le tocsin a sonné dans notre district l’ago¬ nie du fanatisme et de la superstitjon [es autels élevés par l’hypocrisie sont détruitg les cloches sont aux fonderies de canons, bientôt les clochers seront à bas. « Ces figures hideuses et ridicules quj repré¬ sentaient de prétendus saints, de prétendues vierges, toutes ces croix que la sottise avait placées aux coins des rues et des chemins ont été renversées et converties en attributs de la liberté. « Parcout la philosophie et la raison marchent sur les débris de la superstition et de la momerie ; bientôt nous n’aurons plus d’autre culte que celui de la liberté. « Hâtez-vous, représentants du peuple, hâtez-vous de décréter que les curés ne seront plus payés par le trésor public, mais par les com¬ munes qui voudront en garder. « Décrétez que ceux, qui dans six mois, ne seront pas mariés, ou qui n’auront pas adopté un enfant, ou qui ne nourriront pas un vieillard à leur table, ne pourront plus exercer les fonctions de curé. « « Décrétez que tous les signes extérieurs de religion et de la superstition seront détruits dans toute la République, comme ils le sont dans notre département. « Ces mesures énergiques porteront le dernier coup au fanatisme, et la France ne verra plus se renouveler dans son sein les scènes horribles de la Saint-Barthélemy. « Frappez d’une main vigoureuse ces autres prêtres du despotisme, cette foule de ci-devant nobles, qui, naguère, avaient tant d’insolence, et qui ne se confondent maintenant avec les sans-culottes que pour jouir de l’impunité. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 61. (2) Archives nationales, carton C 284, dossier 819 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. » frimaire an H. . 693 23 novembre 1793 Comme ils sont bas et rampants depuis l’instant où l’énergie républicaine s’est déployée dans toute sa force ! Comme ils sont abattus depuis l’instant où les Brissotins, les modérés et les royalistes, réunis et coalisés pour la même cause, ont été frappés par la souveraineté nationale. « Il n’est plus possible d’en douter, sans les mémorables journées des 31 mai, 1er et 2 juin, c’en était [fait de la liberté. Le modérantisme et le fédéralisme triomphaient : la République n’existerait plus aujourd’hui que dans le sou¬ venir. « Grâces vous soient rendues, intrépides Montagnards; grâces vous soient rendues, bra¬ ves Parisiens. Vous avez acquis des droits à la reconnaissance nationale. « Représentants du peuple, étouffez jusqu’aux germes de la ci-devant noblesse; empêchez par tous les moyens possibles la propagation de cette race; décrétez que les filles et veuves des ci-devant nobles ne pourront plus se marier qu’avec des sans -culottes : c’est le seul moyen de purifier le sang qui coule dans leurs veines. « Décrétez que les ci-devant nobles qui n’auront pas déposé dans un mois, à leurs municipalités, tous leurs titres de noblesse, seront déclarés suspects. « Après les nobles et les prêtres restent encore les riches égoïstes et les accapareurs; que la massue frappe aussi leurs têtes coupables, mais surtout que leurs bourses soient épuisées. « Qu’il soit levé une taxe sur les riches en pro¬ portion de leurs fortunes et de leur incivisme, pour procurer un secours honorable à tous les indigents et aux parents des défenseurs de la patrie. « Déjà ces taxes sont faites dans notre district ; déjà les offrandes patriotiques se succèdent rapidement et ce n’est pas seulement des assi¬ gnats qu’on dépose dans la caisse de la bienfai¬ sance, nos concitoyens ne veulent plus garder ces vils métaux qui portent l’empreinte et l’effigie du tyran. Leur or, leur argent, leur argenterie sont les premiers objets de leurs offrandes. « Nous vous envoyons un faible échantillon, c’est une somme de dix mille livres en or que nous déposons sur l’autel de la patrie, elle sera bientôt suivie de quelques chariots d’argent et d’argen¬ terie. « Représentants du peuple, vous connaissez nos sentiments et nos principes, vous allez connaître maintenant nos besoins, et vos cœurs seront émus. « Le district de Montluçon renferme près de quarante mille âmes, il ne cueille presque pas de grains, il est rempli de vignobles. Avant la dernière récolte, il a éprouvé, pendant trois mois, la plus horrible famine : ses habitants étaient obligés de se nourrir d'avoine. « La dernière récolte ayant été bien au-dessous du médiocre, nous avons jusqu’à présent approvisionné nos marchés par des réquisitions forcées : mais déjà le cri du désespoir se fait entendre. « Il résulte des recensements les plus exacts, qu’il ne reste pas dans ce moment à notre district assez de grains pour sa consommation pendant un mois. « Citoyens représentants, il n’y a pas d’exagé¬ ration; malheureusement nous ne vous disons que la vérité. « Fouché de Nantes, instruit de la disette affreuse qui nous menace, avait autorisé des commissaires de no tre� district à requérir et acheter des grains dans les communes des dépar¬ tements environnants, mais chacun s’isole, chaque département veut garder ce qu’il a, et nos commissaires traversés dans leurs opé¬ rations, ne peuvent rien acheter. « Il ne nous reste plus de ressource que dans la justice et la bienfaisance de la Convention nationale. Dans un temps de disette, le blé n’appartient plus à tel propriétaire, à telle commune, à tel département, il appartient à la République entière. La République aime également tous ses enfants, elle doit pourvoir également à la subsistance de tous. « Forts de ce principe qui repose sur les bases éternelles de la nature et de la justice, nous vous demandons, citoyens représentants, de prendre sur-le-champ des mesures pour pro¬ curer des grains à notre district, ou bien il faudra que tous ses habitants désertent leur malheureux pays, et aillent en masse mendier leur nourriture dans les départements appro¬ visionnés. « Ecoutez-nous, représentants du peuple, écoutez-nous en silence; c’est du pain que nous vous demandons pour quarante mille républi¬ cains, pour quarante mille sans -culottes ; ils n’ont pas de pain ! et leurs enfants sont sur les fron¬ tières qui combattent pour la cause de la liberté ! « Représentants du peuple, vous viendrez à leur secours, c’est votre devoir. « En résumant les différents objets de notre pétition, nous vous demandons : « 1° Que les curés ne soient plus payés par le trésor public, mais par les communes qui voudront en garder; « 2° Que ceux qui, dans six mois, ne seront pas mariés, ou n’auront pas adopté un enfant ou qui ne nourriront pas un vieillard à leur table, ne puissent plus exercer les fonctions de curé; « 3° Que dans toute la République, les signes extérieurs de religion et de superstition soient détruits ; « 4° Que les filles et veuves des ci-devant nobles ne puissent plus se marier qu’avec des sans-culottes qui auront obtenu des certificats de civisme, et qu’elles soient dotées par la nation sur les biens de leurs parents émigrés; « 5° Que les ci-devant nobles qui n’auront pas déposé dans un mois, à leur municipalité, leurs titres de noblesse, soient déclarés suspects ; « 6° Que l’organisation de l’instruction publique soit promptement terminée; « 7° Que la Convention donne sur-le-champ des ordres formels pour que le district de Montluçon soit pourvu de la quantité de grains qui est nécessaire pour sa consommation jusqu’à la récolté prochaine et que les premières livrai¬ sons lui soient faites dans quinzaine au plus tard par les départements environnnants. « Enfin nous déposons sur l’autel de la patrie une somme de dix mille livres en or. « Fait et arrêté le vingt -cinquième jour de brumaire de l’an II de la République française une et indivisible. (Suivent 21 signatures.)