{Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (15 avril 1791.] 1 J 7 pas sur cette difficulté, il faut donc donner la priorité au comité ; mais est-il digne de l’Assemblée de donner la priorité à un plan mathématiquement démontré contraire à tous les principes militaires? Abordez nettement ces questions : Y aura-t-il un nombre d’aspirants illimité? Le grade d’enseigne sera-t-il illimité ? Arrivera-t-on par le concours ? Le concours commencera-t-il au premier grade ? Si vous décidez ces deux questions négativement, vous consacrerez, non la réunion, mais la confusion des deux marines et la subversion du système militaire naval. M. Le Chapelier. Ceci me paraît raisonnable ; il faut discuter ces questions. M. Malouet dit qu’on nia pas défendu les articles du comité ; nous sommes au pair, car moi je dis qu’on ne les a pas attaqués. J’observais toutefois que les questions proposées quoique intéressantes par elles-mêmes ne doivent pas être discutées dans le moment actuel. Elles entraîneraient des débats qu’on ne peut pas se promettre de voir terminer vu l’heure avancée de fa séance, et il me paraît plus convenable, pour économiser le temps, de décréter les premiers articles du projet du comité qui ne sont susceptibles d’aucune difficulté. Vous donnerez ainsi letemps de réfléchir sur les questions contestées, et, par cette marche, vous n’aurez point accordé de priorité, vous n’aurez rien préjugé. (L’Assemblée ferme la discussion et décrète la motion de M. Le Chapelier.) M. le Président donne en conséquence lecture des articles suivants : Mousses. Art. 2. « Nul ne pourra être embarqué comme mousse sur les bâtiments de l’Etat, que de 10 à 16 ans. » (Adopté.) Novices. Art. 3. « Tous ceux qui commenceront à naviguer après 16 ans, et n’auront pas satisfait à l’examen exigé par l’article 14, seront novices. » {Adopté.) Matelots. Art. 4. « Ceux qui auront commencé à naviguer en ualité de novices pourront, après douze mois e navigation, être admis à l’état de matelot, » (Adopté.) Art. 5. « Les matelots obtiendront, suivant le temps et la nature de leurs services, des augmentations de paye ; et, à cet effet, la paye des matelots sera graduée en plusieurs classes. » (Adopté). Art. 6. « Aucun matelot ne pourra être porté à la haute paye, sans avoir passé par les payes intermédiaires. » (Adopté.) Officiers mariniers. Art. 7. « Il y aura des officiers mariniers ayant autorité sur les matelots; ils seront divisés en plusieurs classes. Ce grade ne sera accordé qu’aux matelots ou ouvriers matelots parvenus à la plus haute paye, et seulement lorsqu’ils auront les qualités nécessaires pour en bien remplir les fonctions. » (Adopté.) Art. 8. « On ne pourra être fait officier marinier de manœuvre, sans avoir été employé pendant une année de navigation en qualité de gabier. * Un membre propose par amendement à cet article de limiter à six mois l’année de navigation en qualité de gabier, à laquelle le comité propose de soumettre l’officier marinier de manœuvre. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cet amendement et adopte l'article 8 sans changement.) Art. 9. « Toutes les augmentations de solde, et avancements en grade pour les gens de l’équipage, seront faits pour chaque vaisseau par son commandant, qui se conformera aux règles établies à cet égard. » (Adopté.) Pilotes côtiers. Art. 10. « Nul ne pourra commander au petit cabotage, qu’il n’ait le temps de navigation, et satisfait à Fexamen qui sera prescrit : ces maîtres seront employés au moins comme timoniers. » (Adopté.) Arl. 11. « Nul ne sera embarqué comme pilote côtier, s’il n’a commandé au moins trois ans en qualité de maître au petit cabotage, et satisfait à l’examen qui sera prescrit. » (Adopté.) Maîtres entretenus. Art. 12. « Les officiers mariniers, parvenus par leurs services au premier grade de leur classe, pourront être constamment entretenus, et le nombre des entretenus sera déterminé d’après les besoins des ports. Les deux tiers des places des maîtres entretenus, vacantes dans chaque département, seront donnés à l’ancienneté, et l’autre tiers au choix du roi. L’ancienneté des maîtres ne sera évaluée que par le temps de navigation fait sur les bâtiments de l’Etat, avec le grade et en remplissant les fonctions de premier maître. » (Adopté.) M. le Président donne lecture de l’article 13 qui est ainsi conçu : « Les maîtres entretenus de manœuvre et de canonnage deviendront officiers, conformément aux règles ci-après énoncées, encore qu’ils eussent passé l’âge auquel l’admission aux différents grades d’officier pourrait avoir lieu.» Un membre propose par amendement de retrancher de l’article les mots : «... encore qu’il eussent passé l’âge auquel l’admission aux différents grades d’officier pourrait avoir lieu.» (Cet amendement est décrété.) Un membre propose par amendement de décréter que les maîtres entretenus de manœuvre 118 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 115 avril 1791.] et de canonnage, quoiqu’ils puissent devenir officiers, resteront néanmoins attachés à leur service. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cet amendement.) M. le Président fait lecture de l’article 13 amendé. Art. 13. « Les maîtres entretenus de manœuvre et de canonnage deviendront officiers, conformément aux règles ci-après énoncées.» (Adopté.) M. le Président fait part à l’Assemblée d’une lettre qui lui est adressée par des ouvriers des travaux publics de la section des Gobelins, dans laquelle ils annoncent qu’il sera célébré samedi 16 du courant sur les 11 heures du matin dans l’église paroissiale de Saint-Marcel un service solennel pour le repos de l’âme de M. de Mirabeau. M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de demain et lève la séance à 3 heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU VENDREDI 15 AVRIL 1791. Aperçu de la situation des finances aux 1er mai 1789 et 31 décembre 1790. Relevé des différentes erreurs et variations du comité des finances de V Assemblée nationale et nouvel examen des discussions qui ont eu lieu sur les besoins de 1791 et sur les impôts pour les acquitter, par M. Kernlgaud de Grange, député. L’administration des finances, jusqu’en l’année 1780, était presque inconnue ; elle était concentrée entre un très petit nombre d’individus, et couverte d’un voile impénétrable pour le grand nombre des citoyens. M. Necker en était l’ordonnateur principal. Il donna au roi et rendit public, par la voie de l’impression, le compte général en recettes et dépenses d’une année, déchira le voile qui cachait l’énormité des impôts et fit connaître une masse effrayante de rentes perpétuelles, viagères et d’obligations à terme qui accablaient le peuple. Ce ministre, dans le temps, fut loué des uns et blâmé des autres. Ses partisans admiraient ses talents et sa loyauté ; ses contradicteurs soutenaient que le compte était inexacte, et qu’il n’avait eu, en l’offrant, d’autre intention que de ranimer le crédit public, dont il faisait, depuis 4 ans, un très grand usage. Je ne veux présenter que des calculs. Je ne chercherai point à apprécier les éloges ou les reproches, je remarque seulement que, dans la même année, M. Necker ouvrit deux emprunts ; que son successeur en fit de très considérables, chargea les peuples d’un troisième vingtième et de sols pour livres sur toutes les autres contributions, ce qui en aggrava infiniment le fardeau. Depuis, la dette s’accroissait chaque année, par la même voie des emprunts, et les besoins, à la fin de 1787, étaient si pressants, les ressources si incertaines, que les notables du royaume furent appelés, pour donner leur avis sur les moyens ae pourvoir à toutes les charges du gouvernement. Leurs conférences produisirent quelques discussions ; le résultat fut de conseiller l’assemblée des états généraux du royaume. Je passe tous les événements intermédiaires qui n’ont pas une analogie directe aux finances ; j’observe seulement que l’impôt territorial et celui du timbre, qui avaient été proposés aux notables et sur lesquels ils n’avaient pas voulu délibérer, furent présentés aux Parlements qui refusèrent de les enregistrer (1). Je m’abstiens également de rendre cofhpte du ministère de M. de Brienne. L’arrêt du conseil qui suspendait les remboursements des capitaux échus, et qui ordonnait le payement d’une partie des rentes, en reconnaissances à termes, souleva les rentiers et la ville de Paris. M. Necker fut rappelé. En usant de la loi de son prédécesseur, il ne fit rien payer. Le semestre des rentes resta en arrière, ainsi que tous les capitaux suspendus, et il n’acquitta point, non plus, ceux dont l’échéance arrivait depuis sa rentrée au ministère. C’est dans cette position que les états généraux furent convoqués. L’ouverture en fut définitivement indiquée au 5 mai 1789. M. Necker y donna le compte des finances, depuis le 1er mai 1788, et un aperçu général de leur situation. Il établit que Je déficit entre les recettes et dépenses de l’année était de 56,239,000 livres ; il assura que quelques réformes dans les dépenses, quelques améliorations dans les recettes, dont il offrit le tableau, l’auraient facilement anéanti; et que 170 millions suffisaient pour acquitter rigoureusement les charges extraordinaires de la fin de 1789, et celles entières de l’anaée suivante. Dès le lendemain, les trois ordres qui composaient l’assemblée générale se divisèrent en trois chambres pour l’examen des pouvoirs respectifs des députés. Le tiers état prétendit que la vérification devait se faire en commun. Un mois et plus s’écoula en conférences, en discussions, et le troisième ordre qui s’était déclaré communes , se donna le litre d 'Assemblée nationale , en prenant cependant la précaution d’arrêter que tous les impôts , toutes les contributions qui existaient , demeuraient confirmés provisoirement et seraient perçus comme par le passé jusqu'à remplacement. Les deux premiers ordres persistaient à vouloir vérifier séparément leurs pouvoirs, malgré l’arrêté des communes. Le roi, pour pacifier et réunir les esprits, crut devoir offrir une Charte des droits de la nation , qu’il avait modelée sur la très grande majorité et même sur la presque universalité des cahiers des bailliages et sénéchaussées : le clergé l’adopta sans restriction, la noblesse n’y en opposa que de très légères, les communes la refusèrent. Les insurrections de la capitale, celles des provinces décidèrent enfin les trois ordres à se réunir et l’Assemblée nationale s’empressa au même moment d’établir dans son sein un comité des finances , qui fut composé de 64 membres; 32 furent pris dans les communes, 16 dans (1) L’Assemblée nationale a adopté l’un sous le nom de contribution foncière, et l’autre sous la mémo dénomination que lui avait donnée le ministre des finances en 1787.