[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 juin 1790.] gif C’est donc devant votre auguste Assemblée, c’est à la face de l’univers, que nous prenons acte de notre plus haute improbation, et de notre protestation la plus formelle contre les délibérations, déclarations ou pétitions des soi-disant catholiques de Nîmes. Improbation et protestation fondées sur la fausse, sur l’insidieuse association ou citation de nos sentiments, puisque l’esprit et la lettre en ont été dénaturés. Improbation et protestation fondées sur ce que de pareilles délibérations déclarations, ou pétitions, sont calomnieuses, tendent à la révolte et sont attentatoires au respect dû aux solennels décrets sanctionnés ou acceptés parle roi, ainsi qu’aux vues personnelles et aux volontés expresses que le monarque ne cesse de manifester à son bon peuple, Nous vous les dénonçons, ces actes, Messieurs, comme autant de libelles et d’actes parjures. En même temps que nous vous supplions, Messieurs, de rendre justice au patriotisme de nos concitoyens en accueillant cette adresse, nous en faisons passer un double à la municipalité de Nîmes, pour qu’elle n’en ignore, et pour nous valoir tout ce que de droit à son égard. Forts de notre conscience, encouragés par vos généreux travaux, il ne nous reste donc de vœux à former que celui de sacrifier jusqu’à la dernière goutte de notre sang pour leur progrès, et pour assurer avec vous le bonheur de notre patrie. Puissions-nous à ce prix être honorés d’une bienveillance qui nous est acquise, si vous l’accordez à notre improbation ouverte de tous principes anticonstitutionels, à notre très inviolable attachement, et à notre très profond respect. Signé : les officiers municipaux de la ville de Dieppe; et Rolland, procureur de la commune. (L’Assemblée nationale applaudit à cette adresse et en ordonne l’impression.) Adresse des représentants des Beaux-Arts , ainsi conçue (1) : • Messieurs, ce n’était pas assez pour vous d’avoir rapproché l’homme de l’homme, et proscrit toutes les distinctions qui ne tiennent ni aux talents ni aux vertus personnelles ; vous avez voulu, dans la même séance, voir cesser l’injure faite aux nations. Quelques artistes de cette capitale, membres de l'académie de peinture, maintenant réunis pour un sujet intéressant, qu’ils auront bientôt l’honneur de vous soumettre, ont partagé l’admiration générale pour les fameux décrets du dix-neuf de ce mois; mais ils ont tremblé pour les chefs-d'œuvre de l’art, sortis de la main de Desjardins. Ils prennent aujourd’hui la liberté de vous proposer, Messieurs, un moyen de conserver les quatre figures dépendant du monument de la place des Victoires, et de rendre éternelle et publique la réparation que vous faites aux peuples que représentent ces statues. Ce serait de faire construire, dans un endroit remarquable de la ville, un socle carré, autour duquel on placerait les figures, mais sans chaînes, ni aucun nés accessoires flétrissants qui les accompagnent. Le socle porterait deux tables d’airain ; sur l’une, serait gravé votre décret mémo-(1) Cette adresse n’a pas été insérée au Moniteur . rable, et sur l’autre, l’historique et les motifs de son exécution. Si nous étions assez heureux pour que cette auguste Assemblée se rendît à nos vœux, les sculpteurs qui présentent cette adresse avec nous offrent leurs talents pour diriger gratuitement l’ouvrage. Nous sommes avec un profond respect, Messieurs, Vos très humbles et très obéissants serviteurs, David, Restout, Jullien, Robin, Echard, Mas-SARD, BEOA VALLET, BOUILLARD, HENRIQUEZ, WüITT le fils, Monnot, Giroust, Huet, Pasquier, secrétaire. M. le Président répond : Les représentants de la nation accueillent avec un vif intérêt les représentants des Beaux-Arts. La liberté prête aux Beaux-Arts une nouvelle flamme ; mais ceux-ci réchauffent aussi le génie de la liberté. C’est à des sujets nationaux que vous consacrerez vos talents ; par là vous saurez expier les antiques erreurs de la flatterie. Messieurs, les monuments de Louis XIV offrent en tout genre de parfaits modèles ; mais vous les égalerez ; et, dans l’histoire des Beaux-Arts, le siècle d’une grande nation ne le cédera pas au siècle d’un grand roi. Un membre demande et obtient la parole sur la pétition de ces artistes, et fait la motion qu’on enlève seulement les chaînes et les attributs de l’esclavage dont sont chargées les quatre figures qui sont aux pieds du monument de la place des Victoires, et que, par ce moyen, on laisse en place les quatre figures. M. Bouche observe qu’en vain on enlèverait les attributs d’esclavage et les chaînes dont il s’agit, puisqu’on n’enlèverait pas en même temps l’attitude humiliante et l’air abattu de ces mêmes statues ; ce qui, alors, ne remplirait point l’intention du décret ; il demande que, sans s’arrêter à la motion, on passe à l’ordre du jour. L’Assemblée décrète qu’on passera à l’ordre du jour. L’Assemblée ordonne l’impression de l’adresse des représentants des Beaux-Arts et permet à la députation d’assister à sa séance. Des artistes, peintres de décors, sont introduits à la barre, et offrent, comme don patriotique, de faire gratuitement, pour la fête fédérative, une partie des travaux relatifs à leur état. M. le Président répond que l’Assemblée prendra leur demande en considération, et ajoute que l’Assemblée leur permet d’assister à sa séance. M. le Président annonce qu’une députation du département de l'Aube demande à être introduite. Les députés sont admis, et l’un d’eux prononce le discours suivant (1) . « Messieurs, le département de l’Aube vient d’être formé, et l’a été sans trouble, avec la tranquillité, la réunion des esprits qui conviennent à des Français, à des frères; mais avant de se séparer, les électeurs et les membres élus regardent comme un devoir impérieux de verser (1) L’adresse du département de l’Aube n’a pas été insérée au Moniteur. 542 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 juin 1790.] dans le sein des pères de la patrie les sentiments dont ils ont toujours été pénétrés. Nous avons reçu avec l’enthousiasme du plus pur patriotisme cette Constitution sacrée qui rend à la nation sa souveraineté, et à l’homme sa dignité et ses droits. « Nous adhérons avec la reconnaissance la plus vive aux lois sages que vous avez faites pour le bonheur des Français. Parmi ces lois bienfaisantes, il faut placer au premier rang celles qui ont ordonné une nouvelle division du royaume, et la formation des assemblées de département. L’administration intérieure ne sera plus confiée qu’à des hommes choisis par une élection libre. Ainsi nous ne verrons plus ces satrapes insolents gouverner nos provinces désolées, et les travaux pénibles des respectables habitants des campagnes n’alimenteront plus le luxe et les plaisirs de ces tyrans subalternes. « Messieurs, en applaudissant au décret rendu le 13 avril dernier, relativement à notre sainte religion, nous désapprouvons formellement la protestation insidieuse faite contre ce décret. Nous sommes inviolablement attachés à la religion de nos pères ; mais nous ne confondrons jamais le respect dû à la divinité avec l’intérêt de ses ministres. « Nous partageons ces sentiments avec tous les Français, et nous faisons vœu de les défendre jusqu’à notre dernier soupir. » M. le Président répond : « Messieurs, c’est une grande satisfaction pour l’Assemblée nationale de voir couronner ses travaux par les suffrages et l’approbation des Français. « L’esprit public, l’amour de la liberté, le respect de la loi, ces sentiments sublimes profondément gravés dans tous les cœurs, pouvaient seuls donner à l’Assemblée nationale la force qui lui a été nécessaire; seuls encore ils peuvent étayer son ouvrage. « Les nouvelles et bienfaisantes administrations, choisies par le peuple, placées près du peuple, lui feront sentir chaque jour les bienfaits de la Constitution française. « Messieurs, le patriotisme exprimé dans votre adresse ne laisse point de doutes à l’Assemblée nationale sur votre zèle et vos succès. « Vous remplissez une belle et touchante mission, celle de porter le bonheur jusque sous l’humble toit du simple habitant des campagnes. « L’Assemblée vous permet d’assister à sa séance. » (L’Assemblée ordonne l’impression de l’adresse du département de l’Aube.) M. Ricard (de Toulon), au nom du comité des rapports. Des dévastations commises dans les forêts qui sont la dépendance des abbayes de Flines, de Pecquencourt et de Marchiennes, en Flandre, ont excité la vigilance et la sollicitude de cette dernière ville; elle a fait des efforts inouïs pour faire respecter les propriétés que que vous avez mises sous leur sauvegarde particulière : un seul citoyen, M. de Saint-Aidegonde-Noircasme, soutient presque à ses frais une dépense énorme depuis plus de cinq mois, pour conserver cette partie de possessions nationales, et le patriotisme des habitants de Marchiennes seconde, d’une manière digne d’admiration, les efforts de ce digne citoyen. Vous avez rendu divers décrets concernant les biens ecclésiastiques, les 2, 17 et 27 novembre, 11 décembre et 11 mars ; celui en date du 2 novembre met tous les biens des abbayes et maisons religieuses à la disposition de“la nation; celui du 11 décembre 1789 commet les gardes nationales et tous les corps administratifs pour leur conservation. Malgré les dispositionsi ormelles de ces deux décrets, l’abbé de Marchiennes non seulement n’a pas discontinué ses coupes dans les forêts, mais il semble que ses agents aient voulu écarter ta surveillance des gardiens patriotes qui avaient juré d’en être les conservateurs ; mais la garde nationale, aussi inflexible dans ses principes qu’infatigable dans ses recherches, a prouvé que les Français libres, à qui la Constitution donne la garde des lois et la surveillance des propriétés nationales, sont dignes de cette grande confiance ; et les habitants de Marchiennes, vivant en Flandre, où l’on croyait trouver le siège de la superstition et du fanatisme, ont prouvé à la nation qu’ils étaient aussi dignes de la liberté que nous, et que leurs vieilles habitudes n’avaient fait que renfoncer leur patriotisme. Cette municipalité a envoyé à votre comité des rapports treize procès-verbaux plus ou moins importants. Nulle pièce, parmi celles qui lui ont été adressées, n’annonce que les adjudications des bois coupés soient antérieures au décret du 2 novembre 1789 : toutes les coupes sont donc illégales, et la conduite de la municipalité et de la garde nationale est justifiée par vos décrets. Les arbres qui ont été coupés n’étaient point mûrs : il y a donc, dans la conduite de l’abbé de Marchiennes ou de ses agents, contravention aux lois anciennes et aux lois modernes, et il serait incroyable qu’on tolérât, dans le nouveau régime, ce qui était défendu par l’ancien. Il était du devoir des municipalités et de la garde nationale d’empêcher un pareil désordre : elles l’ont entrepris avec courage et se sont conduites avec sagesse; elles ont arrêté ces dévastations; elles ont suspendu les coupes; elles ont posé des gardes lorsqu’elles y ont été déterminées par la quantité des bois coupés, parleur imporr tance et par la multiplicité des moyens qu’on à employés pour les enlever : toutes lès saisies ont été constatées par des procès-verbaux. La conduite de la garde nationale a été régulière, modérée et généreuse ; elle n’a employé d’autre voie que celle de dénoncer les contraventions à l’Assemblée nationale. C’est après avoir pris connaissance de tous ces faits, que votre comité des rapports vous propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, approuvant le zèle de la municipalité et de la garde nationale de Marchiennes, renvoie aux juges qui en doivent connaître, aux termes de son décret du 18 mars dernier, les réclamations qui lui ont été adressées par ladite municipalité et ladite garde nationale, au sujet des abattis et ventes des bois mentionnés dans les procès-verbaux des 2 et 8 janvier, 22 et 26 février, premier mars, ler? 9> 10, 17 et 30 avril ; 1er, 5 et 8 mai derniers; « Enjoint spécialement aux officiers municipaux de Marchiennes, de Pecquencourt, de Flines, et autres lieux circonvoisins, de tenir la main aux poursuites dont ils sont chargés par le dernier décret. » (Adopté.) M. de Bonnay remplace au fauteuil M. le Président, qui s’absente pour se rendre chez le roi,.