602 [Assemblée nationale. [ d’avoir terminé la Constitution. On lit dans l’adresse des administrateurs du district d’Orléans ces paroles remarquables : « Nous nous garderons, Messieurs, de ranger parmi les ennemis de la nation ceux de nos concitoyens qui, se crovant les victimes de tant de réformes salutaires, laisseraient échapper quelques plaintes, ou seraient tardifs à mêler leurs voix aux cris de l’allégresse publique. S’ils n’étaient nos ennemis, loin de les aigrir en les vouant à la haine du peuple, il faudrait encore les consoler et leur tendre la main, parce qu’ils sont malheureux et sans défense; mais le Douvel ordre de choses qui vient d’éclore, en leur offrant des dédommagements et la perspective ravissante du bonheur public, adoucira par degrés l’amertume de leurs sacrifices et leur inspirera des sentiments plus généreux. C’est à nous, Messieurs, c’est à toutes les personnes honorées de la confiance du peuple, à employer contre eux les armes de la persuasion et à les reconquérir pour la patrie. » M. l’abbé llaiiry. L’adresse d’Orléans est en tous cas de fort mauvais goût. M. d’André. Je demande qu’il soit fait au procès-verbal une mention honorable de l’adresse de Tarascon. Cette demande est décrétée. Le régiment Royal-la-Marine, qui est entré dans l’ordre et a rappelé ses officiers aussitôt qu’il a eu connaissance du décret de l’Assemblée nationale, envoie une adresse de soumission. Le régiment de La Reine-Dragons présente, par une pétition, ses vues sur l’organisation de l’armée. M. lue lieu de la VIHe-aux-Bois demande et l’Assemblée ordonne le renvoi des deux adresses au comité militaire. La ville de Saint-Sauveur-le-Vicomte fait don de l’imposition des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789. Adresse de la ville de Carcassonne qui s’exprime avec force contre la délibération des citoyens catholiques de Nîmes. Adresse d’adhésion des curés et vicaires de l’archiprêtré de Bressieux et de ceux du canton de Barbon ne, qui assurent l’Assemblée de tout leur zèle pour la Constitution, et de leur soumission à tous ses décrets. M. de Cernon, membre du comité de Constitution , lit une adresse des administrateurs du département de la Marne remplie d’expressions de patriotisme. Ils demandent que l’Assemblée fixe à Châlons-sur-Marne le chef-lieu de leur département. M. de Cernon présente, sur cette réclamation, un projet de décret qui est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale décrète, de l’avis de son comité de Constitution, que conformément à la délibération des électeurs du département de la Marne, l’assemblée dece département est fixée dans la ville de Châlons-sur-Marne. » M. La Béveillère de Cépeaux donne lecture d’une adresse des étudiants en droit de l’université de la ville d’Angers, qui font hommage à l’Assemblée d’un projet de thèse qu’ils se proposent de soutenir sur les décrets constitu-[1er juillet 1790.] tionneis relatifs aux droits imprescriptibles de l’homme. Il est décrété qu’il en sera fait mention honorable dans le procès-verbal, et que le projet de thèse sera déposé aux archives. Un chanoinede la Sainte-Chapelle prononce un discours à la barre, par lequel il fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage de sa composition, sur les monuments de la Sainte-Chapelle, pour être déposé aux archives : l’Assemblée agrée cet hommage. Une députation des arquebusiers delà ville est admise à la barre ; elle y expose l’état des pertes qu’elle a essuyées par les circonstances et les événements du mois de juillet dernier, qui avaient amené la nécessité de prendre des armes dans leur magasin. L’Assemblée décrète le renvoi de leur pétition au comité des finances. Une députation de la section de la bibliothèque, ci-devant des Filles-Saint-Thomas, est admise à la barre; elle y lit une adresse tendant : 1° à ce que tous les ambassadeurs, envoyés, consuls, résidants, ministres, et tous autres employés près des cours étrangères, soient tenus d’envoyer d’ici au 14 juillet, par écrit et signé, leur serment civique ; 2° Que personne à l’avenir ne puisse être employé dans ces sortes de places, s’il n’a justifié d’avoir prêté le serment civique ; 3° Que tous les Français absents du royaume soient tenus de se présenter dans un délai fixé, chez l’ambassadeur, ou tout autre chargé de fonctions publiques, pour y prêter leur serment. (On demande le renvoi de l’adresse au comité de Constitution.) M. Ce Chapelier. La proposition est bonne, mais j’observe qu’il n’y a que les membres de cette Assemblée qui puissent faire des motions. Pour lever toute difficulté je reproduis la motion en mon nom personnel et j’en demande le renvoi au comité de Constitution. (Le renvoi est prononcé.) M. le Président. Je dois informer l’Assemblée qu’une députation de plusieurs sections de Paris demande à être entendue à la barre et qu'elle a pour mission de proposer que le jour de Vélec - tion de la municipalité fixé au 4 juillet soit changé et reporté au 1er août. M. de Bonnay. Je crois qu’aucune proposition de modification à un décret ne peut être faite par des étrangers, et j’ajoute d’ailleurs que le vœu des citoyens de Paris ne peut être exprimé que par la majorité des sections. M. Gossin. La demande des citoyens de Paris a déjà été soumise à votre comité de Constitution et je viens en son nom vous proposer de reculer l’époque des élections du 4 au 20 juillet. M. Bobespierre. Je demande à présenter une observation. Aucun décret n’empêche aucun citoyen qui n’est pas membre de la législature de former une pétition. J’ajoute qu’on ne peut décider sur elle qu’autant qu’on l’aura entendue. G’est par ce motif que je propose d’admettre à la barre les envoyés des sections de Paris. La députation est admise et dit: « Messieurs, « La eection de Saint-Etienne-du-Mont s’étant ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblé® nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er juillet 1790.] assemblée hier, a reçu la lettre dé M. le maire, qui désire que les opérations préalables à l’élection des officiers municipaux soient commencées le premier juillet, finies le 4, et que le 5 la nomination du maire se fasse dans toutes les sections de la capitale. Effrayée des travaux immenses, et de l’agitation indispensable, qui sera encore accélérée par la promptitude de l’exécution, elle a reconnu que le, temps manquait à son zèle, et que ces élections, qui exigent la sage lenteur de la prudence, seraient nécessairement précipitées et imparfaites. « Telle est l’étendue et l’importance des opérations préalables, que quinze jours du travail le plus assidu ne suffiraient pas pour les exécuter conformément à vos sages décrets. « D’abord il faut, suivant l’article 33 du titre III de votre décret concernant la municipalité de Paris, que les quarante-huit sections, avant de procéder à la première élection, déterminent le traitement du maire, les indemnités à accorder aux administrateurs, au procureur de la commune, à ses substituts; le traitement du secrétaire-greffier, de ses deux adjoints, du garde des archives et du bibliothécaire. « Il faut que les soixante districts, avant de se séparer pour se mêler et se réduire en quarante-huit sections, assurent leurs comptes, dettes honorables et sacrées, faites pour secourir l’indigent et conquérir ou conserver la liberté: l’honneur leur en fait le plus impérieux des devoirs. « Il faut que les citoyens connaissent vos sages décrets, règles invariables de leur conduite, pour ne point errer dans un choix si difficile. Ces décrets ne sont publics que d’aujourd’hui, et ne peuvent être connus que d’un très petit nombre. « 11 faut dresser le tableau de 97,000 citoyens actifs; et J a très grande partie de ces citoyens, n’ayant pu se procurer une connaissance exacte de vos décrets, ne s’est pas encore fait enregistrer. « Quand toutes ces opérations seront terminées, les plus faibles calculs portent à sept jours les seules élections du maire et du procureur de la commune. Votre intention, Messieurs, n’est pas de priver de leurs droits aux élections, une foule de bons citoyens et de braves soldats qui ont bien mérité de la chose publique. Cependant arrivent de toutes les parties de la France des soldats patriotes, pour jurer sur l’autel de la patrie de vivre libres ou de mourir. Si leurs compagnons d’armes sont occupés à leurs élections, qui volera au-devant d’eux, qui les accueillera? qui remplira à leur égard les devoirs si doux d’une fraternelle hospitalité ? Et tant de citoyens qui travaillent jour et nuit aux apprêts de cette superbe fête, et tant d’autres qui la dirigent (distinction flatteuse qu’ils doivent à leurs talents, à leur patriotisme), ils seront donc forcés, ou de renoncer à ces devoirs pressants, ou bien à leurs droits d’élection, le plus beau que leur assure la Constitution ; à ce droit que depuis un an ils ont acheté par tant de sueurs, de travaux et de sacrifices ! « Daignez ajouter à ces motifs l’intérêt impérieux de la sûreté publique. Jamais la police de cette immense capitale n’a exigé plus d’activité et d’habileté que dans les circonstances présentes. Si la voix des citoyens nommait de nouveaux officiers municipaux, quel danger de remettre à des mains novices des fonctions qui exigeront au 14 juillet l’expérience la plus consommée ? Quel inconvénient de charger de la direction de cette fête politique et solennelle des 603 hommes qui n’auraient peut-être pas les mêmes vues ni les mêmes idées ? « Pour ne rien dire de plus, il serait à craindre que l’on ne vît point régner la concorde, si nécessaire dans des circonstances si délicates: le corps, muuicipal provisoire convient mieux pour le moment qu’un corps mélangé. « Les mêmes considérations exigent que tous les citoyens de chacune des sections restent dans le même centre de relation et de fraternité, sans en être séparés avant la fin du mois de juillet ; tous se connaissant, se rendront de bons offices, et se prêteraient un mutuel secours avec plus de promptitude et de facilité. « Daignez observer encore que les citoyens des sections supprimées, et ceux qui sont répartis sur un sol, et pour ainsi dire dans une patrie étrangère, dont ils ignorent même le nom des habitants, se plaignent de n’avoir pas un jour pour connaître les citoyens sur qui pourraient tomber leurs choix, et de perdre ainsi leurs droits aux élections qu’ils seront obligés de faire au hasard, ou d’après des impulsions étrangères. « Réunissez, Messieurs, l’impossibilité presque absolue de faire avant le 14 juillet, ni les opérations préalables aux élections, ni les élections mêmes ; réunissez l’agitation des esprits, inséparable des élections ; les mécontentements, les prétentions anéanties ; les souvenirs de tant d’hommes froissés par la Révolution; et vous pèserez dans votre sagesse s’il ne serait pas plus convenable de remettre les élections pour la municipalité de Paris, après la solennité de la fédération. « Quelque chose que vous décidiez, Messieurs, toujours soumis, prêts à ajouter les nuits aux jours, non seulement pour obéir à vos décrets, mais encore pour ne pas dépasser l’instant que vous aurez fixé, vous trouverez toujours dans nos cœurs les sentiments qui vous sont dus, l’admiration, le respect et l’obéissance. » EXTRAITS DES DÉLIBÉRATIONS. Assemblée générale du 29 juin 1790. « L’Assemblée générale convoquée en la manière ordinaire, délibérant sur les inconvénients d’une trop grande précipitation à procéder à la formation des assemblées primaires, annoncée pour jeudi prochain, 1er juillet, a arrêté de nommer des commissaires à l’effet de rédiger unë adresse à l’Assemblée nationale, pour en obtenir un décret qui recule jusqu’après la fédération générale des gardes nationales de tout l’Empire, l’ouverture des assemblées primaires, annoncée pour le 1er juillet prochain : a arrêté, en outre, qu’il sera envoyé sur-le-champ des députés dans les 59 autres sections, pour les prévenir du vœu du district et leur faire l’invitation d’y adhérer. » Assemblée générale du 30 juin 1790. « Lecture faite du projet d’adresse à l’Assemblée nationale, rédigé par les commissaires nommés en la séance d’hier, l’assemblée a arrêté à l'unanimité qu’elle adoptait ladite adresse, et qu’expédition en serait portée sur-le-champà l’Assemblée nationale, par MM. Cousin, Delatouche, Turquet et l’abbé Champagne, députés à cet effet, pour la supplier de prendre eu la plus haute considération ladite adresse, et de rendre un décret 604 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l*r juillet 1790.] qui recule en tel temps plus éloigné que sa sagesse lui suggérera les assemblées primaires des sections annoncées pour le 1er juillet prochain ». Signé : Foissi, président ; Brouillynet, secrétaire. M. Alexandre de Lameth. Vous venez d’entendre la pétition des citoyens de Paris, et vous sentez tous combien elle est fondée en raison. Sans doute, vous concevez difficilement comment il est possible qu’on ait choisi le moment actuel pour faire faire les élections de Paris. Tout le monde sait que l’époque des élections est, dans tous les pays, un instant de fermentation, et ne peut manquer d’en exciter dans une ville aussi considérable que Paris. D’après cette observation, comment a-t-on pu choisir, pour une opération si importante, le moment de la fédération générale? Gomment a-t-on pu choisir une époque qui, réunissant dans la capitale un grand nombre d’étrangers, rendra la police beaucoup plus difficile à entretenir? D’ailleurs, vous savez tous que des bruits répandus, je ne sais à quelle intention, mais sans doute par les ennemis de la chose publique; que des annonces de désordres et de troubles pour le 14 juillet ont déjà éloigné un grand nombre de citoyens de la capitale. Si l’on veut augmenter ce nombre, si l’on veut donner quelque probabilité à ces bruits affligeants, on n’a qu’à persister dans le projet de faire procéder aux élections dans une circonstance aussi délicate. Mais vous qui désirez le calme, qui ne voulez pas voir troubler une fête aussi touchante, vous repousserez tous ces aliments de fermentation et de trouble. G’est dans cette persuasion que j’ai l’honneur de vous proposer de décréter que les opérations relatives aux élections n’auront lieu qu’au 1er d’août. M. l’abbé Maury. Je crois nécessaire de renvoyer les élections au mois d’août, quoique les frayeurs pusillanimes qu’on veut donrn-r sur le 14 juillet me paraissent dénuées de fondement ; mais pour rassurer les citoyens de Paris, sur les dangers de cette époque, je déclare à toute la nation et à la capitale que M. le duc d’Orléans et moi nous y serons. (Ce sarcasme excite des rumeurs.) M. Démeunier. J’appuie la proposition de M. Alexandre de Lameth, déjà fortement recommandée par le vœu connu de la grande majorité des sections de la capitale. Je ne proposerai qu’un seul amendement, qui a pour objet de faciliter les opérations. Il consiste à autoriser les citoyens à se présenter dans les sections pour faire reconnaître leur qualité de citoyens actifs. (La question préalable est demandée sur cet amendement. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer.) M. Martineau. J’appuie la proposition du comité de Constitution; mais je pense que l’objet qu’il se propose serait également rempli, en fixant l’époque des élections au 25 juillet. M. Alexandre de Lameth. J’adopte ce changement. L’Assemblée délibère et rend le décret suivant : _ « L’Assemblée nationale décrète que, vu les circonstances, le roi sera supplié de donner les ordres nécessaires pour que les opérations prescrites par les décrets de la division de Paris, du 22 juin, ne commencent qu’au 25 juillet. 1 M. de Coulmiers demande la parole pour une motion. La parole lui est accordée. M. de Coulmiers ( ci-devant abbé d’Abbecourt). Messieurs, les différents événements malheureux que l’on veut attribuer à la déclaration faite par une partie des membres de cette Assemblée ont vivement affligé mon £jme. M. de Digoine. Je demande la parole. G’est dans l’intérêt de l’orateur qui vient rétracter un de ses actes ; c’est pour ne pas affliger cette âme sensible outre mesure. M. le Président. M. de Coulmiers a obtenu la parole pour une motion et je dois la lui maintenir. M. de Coulmiers poursuit : La délicatesse des circonstances où se trouvaient les membres du clergé, dont vous régliez le traitement, nous imposait le silence le plus absolu. D’une part, vous aviez à balancer les intérêts d’une grande nation avec ceux de collègues qui doivent être précieux : d’autre part, la crainte que, par un soupçon aussi injuste qu’injurieux, on attribuât à des vues d’intérêt une démarche qui ne doit avoir pour base que le vœu le plus pur pour le bonheur et la tranquillité publics. Ces différentes positions rendaient toutes nos démarches infiniment délicates. Néanmoins, effrayé des malheurs journaliers que l’on continue d’attribuer à la déclaration signée par une partie des membres de cette Assemblée, à laquelle j’ai cru devoir me réunir; Quoique je ne puisse me persuader, et que je sois sûr qu’aucun de nous ait eu l’intention perverse de distribuer cet écrit, dans l’espérance et avec le projet atroce d’allumer le flambeau du fanatisme, et de fomenter des guerres de religion; Persuadé que j’étais alors, que cette déclaration ne pouvait ni ne devait être regardée que comme une simple profession de foi : Je suis convaincu, comme je l’ai toujours été, que toute déclaration dont on se servirait pour exciter des troubles et la discorde dans le royaume, pour per.-écuter les non-catholiques romains, serait préjudiciable à la religion que nous professons, dont la pureté de la morale est aussi douce que persuasive; qu’en général, ce n’est pas par des écrits, mais par le bon exemple, avec les armes de la patience et de la modération, que nous devons ramener nos frères, quand nous les croyons égarés. Que l’on cesse donc de nous soupçonner, de souffler le feu de la discorde contre eux; nous devons, au contraire, les chérir, les défendre comme nos concitoyens et nos amis : la religion, l’humanité nous l’ordonnent. Telle est la manière de servir le Dieu de paix que nous adorons ; agir autrement, ce serait dégrader la religion que nous professons. J’ai fait l’examen le plus sévère de cette déclaration dont je ne prétends pas faire l’apologie, mais vous déclarer, Messieurs, avec toute la sincérité dont nous devons être tous animés, et dans l’intime persuasion que notre devoir le plus rigoureux étant de concilier les intérêts de la religion avec les avantages de la paix et de l’union, si désirables pour le maintien de la constitution autour de laquelle nous devons tous nous réunir,