[Assemblée nationale.] et à le tourner dans notre blessure. Les 4 commissaires chargés par le hasard, ou par le Pré-sid nt, d’interpréter, je ne sais pourquoi, ce décret bienfaisa t du 15 mai, qui n’aurait pas dû avoir besoin de commentaire, s’il eût été libellé de manière à convenir aux colons; ces 4 commissaires, dis-je, ont eu bientôt terminé leur travail, et M. Dupont, leur coryphée, a luce matin à l’Assemblée pour la troisième fois cette adresse dont il nous menaçait. Elle a été couverte d’applaudissements, et décrétée sans discussion, malgré tous les efforts de MM. Gazalès et Malouet, qni ont représenté que le palliatif était pite que le mal. On leur a fermé la bouche, et voilà nos malheurs consommés, la pièc� achevée et la toile baissée sur nous. Je vous envoie cette incroyable production dans le Logographe de ce jour sous le n° 29. « Non contents d’avoir consommé le sacrifice, nos ennemis trouvent très mauvais quu nos gémissements se fassent entendre, ou que notre énergie ose relever leurs erreurs. C’est contre moi surtout qu’ils ont tourné le stylet de leurs vengeances, parce que j’ai osé vous défendre dans les journaux de ces iours derniers. Hier, en plein jour, j’ai été assailli dans la rue par une troupe de brigands bien payés sans doute pour me faire une insulte gratuite. Ils ont osé arrêter une calèche où j’étais avec ma femme, mes enfants et 2 dames créoles. J’ai opposé beaucoup de prudence et de fermeté à leur attaque, et j'en ai été quitte pour des menaces de piller ma maison et de me m ttre à la lanterne. J’ai harangué sms m’effrayer ce peuple égaré que je défends depuis 2 an*, • t dont j’ai réclamé la juste reconnaissance. Je lui ai dénoncé comme perturbateurs du repos public ceux qui osaient le tromper sur le compte de ses véritables amis, et je me suis tiré de leurs mains avec avantage. « J’ai cru pourtant devoir constater ces faits par une plainte politique. Le ma re de Paris m’a ocrit ce matin 1-j lettre la plus empressée. M. de La Fayette, quoiqu’il n’ait pas hésité à se déclarer contre nous, m’a envoyé une garde de 16 cavaliers, et les administrateurs de la police ont mis tous leurs gens en campagne autour de ma maison. J'ai envoyé ma femme et mes enfants à la campagne, mais moi je reste pour braver ces scélérats, et continuer à défendre mes chers commettants. Cette mission-là m’est trop précieuse pour ne pas la remplir jusqu’au bout. « Nous pensons que l’Assemblée actuelle pourra bien terminer sa session à la fin d’août, nous n’aurons plus alors de caractère auprès de la législature suivante ; mais, comme vos nouveaux députés ne seront pas encore arrivés à cette époque, je m’imposerai la loi de proroger l’exercice de mes obligations envers vous, jusqu’à ce que nos successeurs soient ici. Je remarquerai tout, ]e vous instruirai de tout, je répondrai par écrit à tout ce qu’on osera répandre contre vous; et s’il est vrai, comme on le dit déjà, que Brissot et Gondori et, chefs des amis des noirs, soient députés de Paris à l’Assemblée prochaine, il y aura peut-être quelque mérite à lutter sans caractère contre de tels ennemis, fortifiés du tiire de représentants de la nation; mais celui de créole m’élèvera à leur niveau, et la reconnaissance m’inspirera alors pour notre chère colonie tout ce que le devoir me prescrit aujourd’hui à son égard. « Heureux, mes chers compatriotes, si, parvenu au terme d’une carrière longue, pénible et périlleuse, j’y trouvais un seul témoignage de la 125 septembre 1791.] 313 satisfaction de m�s commnttants ! Heureux, si 3 années de travaux m’obtenaient une place dans leur souvenir 1 Plus heureux, si la conduite que j’ai tenue dans cette circonstance critique me valait un suffrage de cette colonie puissante que j’ai eu l’honneur de représenter da>s le Sénat de la nation! Je ne le cache pas, j’aurais voulu m riter une si douce récompense, et si je recevais de vos mains cette glorieuse couronne, je sen* qu’elle ne se fanerait pas dans les miennes. Cette noble ambition ne saurait déplaire à des âmes américaines, lorsqu’elle est inséparable du dévouement respectueux et des sentiments fraternels dont je fais hommage en ce moment à l’honorable assemblée de la colonie, aux assemblées administratives des provinces aux assemblées paroissiales, et avec lesquels j’ai l’honneur d’être, mes chers compatriotes, votre frère, votre bon ami et votre zélé représentant. « Signé : Louis-Marthe de Goüy, député de Saint-Domingue. » Lecteurs impartiaux, c’est ainsi que Louis-Marthe de Gouy conspire ! C’est ain«i que les comptes fidèles qu’il doit à ses commettants sont Lavcstis par «tes méchants en trames criminellement ourdiesl Jugez-le, jugez ses calomniateurs et prononcez. Très courte réflexion sur les deux lettres ci-dessust sur la confession qui les précède, et sur les dénonciations qui en ont été le principe. Quand un homme public est souvent attaqué, il est clair qu’il a beaucoup d’ennemis. Quand les accusations se prouvent, il est évident qu’il a de grands torts. Quand les inculpations s’évanouissent, il est incontesiable qu’il n’avait que des envieux. Des emieuxl... mes chers dénonciateurs, avez-vous calculé tout le parti que l’amour-propre peut tirer de ce mot? Cependant prenez-y garde ; si vous ne prouvez pas les horreurs que vous avez avancées, on dira que vous avez fait des mensonges et que j’ai fait des jaloux. L’orgueil sera pour moi, la honte sera pour vous. Signé : Louis -Marthe de Gouy, député à l'Assemblée nationale. ASSEMBLEE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE BEAUHARNAIS, EX-PRÉSIDENT. Séance du dimanche 25 septembre 1791 (l). La séance est ouverte à onze heures du matin. Lecture est faite d’une adresse des électeurs du district de Cusset, département de T Allier, qui se seraient crus coupables d’ingratitude, s’ils se fussent séparés sans donner à l’Assemblée des témoignages de leur éternelle reconnaissance, et de leur soumission à tous les décrets que la calomnie seule a cherché à affaiblir. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 314 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. verbal de la séance du lundi 19 septembre , qui est adopté. M. Camus représente que, l’Assemblée étant sur le point de se séparer, il convient de décréter le jour fixe où commenceront les séances de la prochaine législature , et il propose à cet égard un projet de décret qui est mis aux voix dans les termes suivants ; « L’Assemblée nationale décrète que le 1er octobre prochain, les citoyens députés à la première législature, se réuniront dans la salle de l’Assemblée nationale à 9 heures du matin, et qu’il sera procédé à l’appel, aux termes du décret du 13 juin dernier. » (Ce décret est adopté.) Un membre observe qu’il s’est glissé deux omissions de termes essentiels dans l’expédition de la loi sur U organisation de la garde nationale parisienne soldée. La première se trouve dans l’article 19 du titre 1er, où ne sont pas ces mots : « le secrétaire général », après ceux-ci : » le quartier-maître général ». La seconde faute se trouve dans le septième article du titre VI, où ces mots : « avec leur grade de capitaine », ne se trouvent pas. Il demande que ces mots soient rétablis dans les articles où ils doivent être, suivant l’indication ci-dessus (1). (L’Assemblée décrète que les mots ci-dessus énoncés seront rétablis dans la loi.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 23 Septembre, qui est adopté. M. Dupoftail, ministre de la guerre, se présente dans l’Assemblée et demande la parole qui lui est accordée; il fait lecture d’un mémoire sur l'état actuel de la France , relatif à son département et rédigé en conformité des décrets de l’Assemblée nationale. « Messieurs, « Lorsque l’Assemblée nationale, déterminée par les circonstances politiques, a cru devoir arrêter des mesures extraordinaires de défense, elle a désiré que le ministre de la guerre l’informât du progrès des dispositions qu’elle avait adoptées. Ce devoir, Messieurs, je l’aurais déjà rempli, si je n’avais pensé que. quelque désa-vaniage personnel qu’il y eût à ne pas vous faire part des soies que je donnais à l’exécution de vos décrets, il était plus utile à la chose publique de m’occuper de surmonter les obstacles que je rencontrais que de vous en entretenir; et que, pour établir la confiance au dedans, comme pour détruire hs espérances qui pourraient exister au dehors, il était essentiel de ne mettre au grand jour les résultats, qu’au moment où ils pouvaient être satisfaisants. « Le moment de le faire me paraissant arrivé, je vais vous soumettre la situation actuelle des moyens de défense, sous leurs différents rapports. « La situation des front ères, l’état des différentes places de guerre, avaient d’abord été l’objet principal des inquiétudes. Les réparations que plusieurs exigeaient réellement; les dégradations apparentes de quelques autres, jugées importantes par hs personnes qui n’ont pas les (1) Voir Archives parlementaires, tome XXIX, séances des 4 et 5 août 1791, pages 176 et 206. [25 septembre 1791.] connaissances nécessaires pour former leurs opinions; les demandes instantes de plusieurs villes qui pouvaient désirer trouver, dans des travaux considérables, de l’occupation pour une partie des habitants, et un avantage pour le pays; ces différentes causes augmentaient les alarmes inévitables dans un temps de Révolution. « Je m’occupais de pourvoir à cet objet, lorsque l’Assemblée a jugé convenable de donner beaucoup plus d’étendue à mes moyens à cet égard, en ordonnant qu’il fût formé une commission, composée d’officiers du génie et d’artillerie, qui parcourrait les frontières, et ferait exécuter tous les travaux utiles à la défense du royaume. Cette commission a été nommée immédiatement après le décret de l’Assemblée nationale; elle a été divisée en cinq sections, de manière à donner plus de célérité à la reconnaissance qu’elle était chargée de faire. Les officiers qui ont été choisis ont répondu à ce que l’on devait attendre de leur zèle et de leurs talents; les frontières qui, par leur situation, pourraient être exposées en cas de guerre, ont été visitées par eux ; des travaux ont été ordonnés partout où ils pouvaient être nécessaires, et ces travaux sont tels qu’il serait hors de toute vraisemblance qu’ils eussent pu être exécutés en une seule campagne, si je ne disais en même temps que le patriotisme des citoyens, que leur zèle à concourir à ces travaux ont été au-dessus de tout éloge. Aussi, les commandants en chef, les commissions d’officiers de l’artillerie et du génie, s’accordent à m’assurer que toutes les places, principalement de Bergues à Bellort sont hors d’insulte, d’attaques soudaines, que toutes exigeraient un siège en règle, et que celles de première ligne sont toutes capables d’une forte résistance; les remparts garnis d’artillerié, les palissades dans les parties nécessaires, les communications rétablies et les écluses prêtes à former les inondations ne laissent plus enfin que les derniers préparatifs qu’on n’effectue jamais qu’à l’approche de l’ennemi; quelque part qu’il se présentât sur cette frontière, il serait forcé de commencer ses opérations par des sièges longs et pénibles, qui exigent beadcoup de temps et une réunion de moyens qui n’existent nullement dans ce moment, et qui ne pourraient être cette année à la disposition de ceux à qui l’on pourrait supposer l’intention de nous attaquer. « Quant aux frontières de Savoie et des Pyrénées Pépoque de la saison où nous nous trouvons ne peut laisser aucune inquiétude. Dans 3 ou 4 semaines, les neiges, qui rendront les montagnes impraticables, obligeront ceux qui conçoivent facilement des alarmes, ou qui aiment à en répandre, de tourner leurs vues d’un autre côté; cependant j’observe à l’Assemblée que l’on travaille partout sur ces frontières comme si l’on avait quelque chose à craindre. « Il en est de même sur les frontières maritimes ; car, quoiqu’elles n’dîfrent aucune apparence de danger, il faut satisfaire l’opinion qui y est aussi inquiète que sur les autres frontières. Mais la méfiance qu’on cherrhe à exciter et qui est un des principaux obstacles à l’activité de l’exécution, y règne au point que des officiers du génie et de l’ariillerie, chargés d’examiner les défenses des côtes, y ont été arrêtés et maltraités, au mépris des lois et au grand détriment de l’intérêt public. « L’Assemblée a déjà été instruite, par les états qui ont été mis sous ses yeux, que les approvi-