[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 24 août 1791.] é94 N* 5. Résultat de notre navigation dans les mers d'Europe et sur nos eûtes. Résultat des pertes de notre commerce pendant la guerre de 1756. comparé avec la situation pendant la paix précédente d' Aix-la-Chapelle . Extrait de l’ouvrage sur la balance du commerce, par M. Arnould (1). (L’Assemblée, consultée, approuve ce rapport dont elle ordonne l’impression, ainsi que des états y annexés ; elle adopte, en outre, la demande du rapporteur tendant à la réunion des comités d’agriculture et de commerce, de Constitution et des contributions publiques.) L’ordre du jour est la suite de la discussion des articles à ajouter dans l'acte constitutionnel (2). M. Thouret, rapporteur. Messieurs, j’ai l’hon-(1) Voy. les tableaux numérotés 10, 11, 12 et 13 du troisième volume de cet ouvrage. (2) Voy. ci-dessus, séance du 23 août 1791, page 645. neur de présenter à l’Assemblée les dispositions relatives à la garde du roi. Garde du roi. « Le roi aura, indépendamment de la garde d’honneur qui lui sera fournie par les citoyens gardes nationales du lieu de sa résidence, une garde payée sur les fonds de la liste civile. Elle ne pourra excéder le nombre de 1,200 hommes à pied et de 600 à cheval, les grades et les règles y seront les mêmes que dans les troupes de ligne. « Le roi ne pourra choisir les hommes de sa 692 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [24 août 1791.J garde que parmi ceux qui sont en activité de service dans les troupes de ligne et les gardes nationales, et qui sont résidents dans le royaume. « Cette garde ne pourra jamais être commandée pour aucun service public. » Les comités proposent aussi qu’aucun des hommes employés à ce service ne puisse cumuler les fonctions de représentant à la législature; mais ils ont trouvé inutile de placer ici cette disposition, parce qu’elle se rattache nécessairement à l’article où il est question de la nécessité d’opter pour tous les emplois de la maison du roi. Comme cette matière est une de celles sur lesquelles on a le plus cherché à influencer l’opinion publique, il me paraît utile de rendre compte brièvement à l’Assemblée des motifs qui ont déterminé les différentes parties de la disposition que les comités ont adoptée. Il n’a jamais été mis en question, s’il était convenable que le roi eût une garde ; l’affirmative ne nous a paru souffrir aucune difficulté, non pas dans ce sens odieux que le représentant héréditaire de la nation, son premier magistrat, ait besoin de se défendre contre la nation, mais parce qu’il est nécessaire de le prémunir contre ces individus malveillants et impies dont aucune nation ne peut se voir entièrement purgée : parce que aussi la garde du roi fait partie de la dignité et de la majesté nationales que le roi représente. La première question qui s’est présentée à examiner était celle de savoir si l’on ne pouvait pas établir que les différents corps de troupe de ligne fussent appelés par tour de rôle à faire le service de la garde du roi : ce système a d’abord quelque chose de séduisant : mais, en l’examinant a fond, nous avons pensé qu’il était contraire à l’intérêt de la Constitution et à l’intérêt de l’esprit militaire dans l’armée. Sous le premier rapport, il est évident que le plus grand danger que court la Constitution d’un peuple libre est l’abus qui pourrait être fait de la force armée quand la nation est obligée d’entretenir une armée permanente considérable. Ce danger vient de ce que l’esprit de l’armée tend naturellement à s’isoler de la nation, à s’écarter du véritable esprit national pour trouver un esprit particulier, et pour tendre surtout à un dévouement trop entier à son chef ; or, serait-ce une bonne disposition que celle d’appeler tous les corps de troupe de ligne à passer alternativement un temps de service à la cour, dans cette aimosphère de l’intrigue, dans ce lieu où, sous les yeux du chef et de tous les subalternes qui peuvent se mouvoir sous lui, chaque corps de ligne serait influencé par des blandities, des alli-ciements, des care sses et peut être aussi par des gratifications pécuniaires ? Ce serait inoculer chaque corps de troupes de ligne d’un ferment qu’il emporterait dans les garnisons, qui ferait des progrès plus ou moins sensibles en plus ou moins de temps, et dont l’effet indubitable serait à la longue de livrer chaque corps de troupes de ligne au chef du pouvoir exécutif. Nous avons donc rejeté celte idée sur cette première considération. Nous avons été déterminés encore par deux autres considérations. La première est que le séjour le plus habituel du roi sera à l’avenir dans la capitale, et le séjour de la capitale est de tous le moins propre à entretenir dans l’armée l’austérité des mœurs, de principes et de vie qui fait la rigueur de la discipline. Enfin, il serait nécessaire de donner une haute paye aux corps de troupes de ligne pendant le temps qu’ils feraient le service de la garde ; et, d’après les éclaircissements qui nous ont été donnés par des hommes ayant sur cela une expérience certaine, nous avons cru qu’il y aurait une trop grande difficulté à rétablir les corps de troupes de ligne au service des garnisons avec la paye ordinaire, quand ils auraient joui longtemps d’une haute paye dans les lieux où ils auraient aussi trouvé plus de jouissances et avec plus de facilité. Tout cela nous a ramenés à penser qu’il était mieux dans l’esprit de la Constitution, mieux pour la conservation de l’esprit militaire, que le roi eût une garde particulière. Nous n’avons pas hésité à penser qu’elle devait être payée par la liste civile, dont elle est une charge naturelle. Les fonds de cette garde ne sont pas faits en vue des jouissances du roi comme individu, mais comme premier magistrat de la nation; ils sont faits pour le besoin de la dignité dont il importe à la nation d’entourer le trône : les frais de la garde sont donc une charge naturelle de la liste civile, et nous ne faisons aucun doute que la partie des fonds de cette liste qui sera employée à payer cette garde aura, parla, un emploi moins inquiétant pour Ja liberté publique que tout autre qui pourrait être fait en la libérant de cette charge. Quant au nombre d’hommes employés pour la garde du roi, nous l’avons réduit au plus strict nécessaire. Jusqu’à présent le service s’est fait par quartier ; nous croyons qu’il doit être fait par semestre, et cela par la considération que le corps entier ne sera jamais en rassemblement complet au même endroit ; il faut encore calculer q'œ le service ne peut être fait que de 3 à 4 jours par les mêmes hommes, à peine de leur imposer une charge trop pesante, et qu’ainsi il ne resterait que 180 à 200 hommes pour le service habituel de chaque jour, pendant que le service habituel emploie un bataillon entier. 11 y a une autre considération que nous ne prétendons pas préjuger; c’est le contrat ou la convention faite avec les États suisses, qui ont, dans leurs capitulations, la stipulation formelle et expresse qu’un de leurs corps soit employé à la garde du roi. Nous ne proposons à l’Assemblée aucun préjugé sur ce point, parce qu’il peut se concilier de deux manières; ou l’on conviendrait avec les cantons que les Suisses ne feraient plus la garde du roi, ou l’on proportionnerait le nombre des Suisses qui y seraient employés au nombre des citoyens qui feraient le surplus de cette garde. En résultat nous avons examiné si sérieusement une garde de 1,200 hommes à pied et 600 hommes à cheval pour maximum pouvait jamais être inquiétante pour la liberté publique, et, à l’unauimité complète, nous n’avons pu croire qu’on vît le moindre danger réel dans la garde du roi réduite en maximum à 1,800 hommes. Nous vous proposons ensuite que les grades et règles d’avancement soient les mêmes pour le corps chargé de la garde du roi que pour les troupes de ligne, afin qu’il ne soit pas la garde privée et particulière de celui qui le paierait, une cohorte de sbires, une sorte d’archers, qui ne tiendrait en rien à la nation, mais uniquement à celui qui l’emploierait comme iostrumeut servile de sa maison domestique, et qui serait beaucoup plus déterminé à exécuter des ordres [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1791.] 693 arbitraires qu’une garde du roi formant un véritable établissement national, faisant partie de l’armée, et se traitant comme l’armée; car, d’après notre proposition la plupart de ces grades donneront un état indépendant du roi, puisque le tiers seulement des places sera au choix du roi. Enfin, nous proposons que ces gardes ne puissent jamais être commandés pour aucun service public, et qu’ils ne puissent être choisis que parmi des hommes actuellement en activité de service dans les gardes nationales ou dans les troupes de ligne et résidant dans le royaume. En accumulant toutes ces précautions, nous croyons que le roi aura une garde convenable à la dignité nationale, et qu’il n’y aura aucune crainte sérieuse à avoir. C’est maintenant à l’Assemblée à peser ces considérations ; elles nous ont déterminés : nous ne voyons pas dans cet établissement le danger qu’on a fait craindre en le supposant déterminé par d’autres vues ou composé par d’autres éléments. M. "Vadier. Messieurs, on vous propose d’entourer le roi d’une garde stipendiée, qui le déroberait aux regards, à l’amour et à la confiance du peuple. Pense-t-on que cet appareil intermédiaire doive resserrer les liens de l’obéissance à la loi? Une nation fière et jalouse de sa liberté, verra-t-elle, sans défiance, une troupe mercenaire et anti-civique garder les avenues du trône ? (Murmures.) Ces viles précautions ne peuvent convenir qu’aux despotes qui, se défiant sans cesse de la fidélité des esclaves qu’ils ont asservis, ne régnent que par la terreur, et n’expriment qu’au bruit des armes les actes de leur volonté tyrannique. Mais un roi qui commande au nom’de la loi, qui doit tout' à la libéralité d’un peuple généreux ( Murmures à droite ) ; un roi qui n’a jamais que du bien à faire, et qu’une sage Constitution a mis dans l’heureuse impuissance de faire détester son autorité ; un roi des Français enfin, pourrait-il s’environner d’un corps de satellites stipendiés, au lieu de se faire un rempart de la confiance et de la reconnaissance de la nation ? ( Murmures à droite.) On a dit, et on répétera sûrement que la splendeur du trône, dans la première nation de l’univers, exige l'appareil d’une force armée. Personne ne contestera ce principe ; on ne diffère que sur la manière de l’appliquer. De quels éléments doit-on composer cette force armée? Voilà la question à résoudre. Ce corps hétérogène, qui n’appartiendrait, ni à la hiérarchie civile, ni à la hiérarchie militaire, serait une excroissance dangereuse, une difformité bizarre qu’on ne saurait admettre dans l’acte constitutionnel. Les jeunes gens dont on composerait cette milice seraient choisis infailliblement parmi les ci-devant gardes du corps, et dans la caste qu’on appelait privilégiée. Ils seraient initiés de bonne heure dans la doctrine du royalisme. Les préjugés de la naissance... (A droi te: Il n’v a plus de naissance ! ) le désir d’avancer, - l’aversion pour l'égalité, leur feraient bientôt oublier leurs devoirs envers la nation, pour ne s’attacher qu’au monarque. Cette troupe ainsi disposée serait la pépinière des chefs de vos armées de ligne. Toujours alimentée par des surnuméraires de même espèce, elle serait le germe inépuisable du monarchisme, et l’écueil infaillible de votre liberté civile et politique. (Applaudissements à l'extrême gauche.) Cette institution vicieuse et chevaleresque, serait l’école du spadassinage, le dépôt éternel de toutes les illusions nobiliaires.La cocarde blanche serait bientôt le talisman de cette corporation fantastique (Rires) ; et peut-on répondre que le scandale des orgies et les évolutions des poignards ne se renouvelleraient pas sous nos yeux ? (Murmures et applaudissements.) Rappelez-vous, Messieurs, l’affligeant souvenir de ces catastrophes récentes et que les amis de la liberté n’en perdent jamais la mémoire 1 J’invoque ici le courage héroïque que vous avez montré lors du serment du Jeu de paume, lorsque vous étiez infestés de canons, de mortiers et de baïonnettes. (Rires à droite.) Auriez-vous voté ce jour-là l’institution de janissaires à pied et à cheval pour entourer le trône du monarque et le sanctuaire des lois? Rappelez-vous ce moment si précieux à la liberté, ce jour à jamais mémorable ; rappelez-vous ce temps d’énergie et d’adolescence où l’univers, étonné de tant découragé, vouait vos noms à l’immortalité et admirait votre héroïsme ! Ne brûlons-nous pas aujourd’hui du même patriotisme qu’alors ? Ne sommes-nous pas liés par les mêmes serments, esclaves des mêmes devoirs? N’avons-nous pas juré de vivre libres ou de mourir pour la patrie? Quel est donc le respect humain qui nous forcerait à dégénérer? Quel est le prestige enchanteur qui pourrait ternir nos lauriers ou enivrer notre courage ? Non, Messieurs, il n’est point de puissance humaine qui puisse opérer ce miracle. (Rires au centre.) Je vois déjà vos âmes s’électriser... Un membre à droite : Non, non, ce c’est pas vrai ! M. "Vadler (se trournant vers le côté droit). Ce n’est pas de vous que je parle. (Applaudissements à gauche.) Pour la troisième fois je vais répéter... (Rires à droite.) Je vois déjà vos âmes s’électriser à ce récit, et se. retremper de la plus inflexible vertu. 11 est juste, Messieurs, de donner une garde au roi; il rTest aucun de nous qui ne yole au-devant de cette équitable proposition ; mais il est de la dignité française de ne céder, de ne déléguer ce droit à personne; c’est-à-dire qu’aucun citoyen ne doit être privé malgré lui de participer à cet honneur. Rien n'est plus propre à maintenir l’harmonie, l’unité d’intérêt, de vœux et d’intention entre tous les départements que de les faire concourir en commun et à tour de rôle à l’honneur de garder le premier fonctionnaire ; ce moyen seul pourrait nous préserver de tout système républicain ou fédératif; une relation annuelle et périodique entre les départements et la capitale, entre le monarque et les citoyens éteindrait à jamais le germe des rivalités (Applaudissements), des divisions causées par l’intérêt ou les prérogatives; les Français s’accoutumeraient à se regarder comme d’une même famille, dont le roi serait le modérateur et le père ; tous les peuples admireraient à l’envi une Constitution qui aurait transformé une grande nation en une société d’amis et de frères! Si les autres peuples avaient assez d’énergie pour nous imiter, nous verrions se réaliser le règne de paix, de félicité universelle, c’est-à-dire le rêve de l’abbé de Saint-Pierre. (Rires.) Si je compare les avantages de ce système avec les inconvénients dont nous menace celui des comités, je ne saurais hésiter sur le choix. Il ne sera pas plus dispendieux pour le roi d’indemniser sur la liste civile les gardes nationales 694 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 124 août 1791.] qui seront employées tour à tour à sa garde que de stipendier une troupe dont le régime, la composition et les principes porteraient ombrage à la liberté, et seraient pour le peuple une espèce d’épouvantail. Quant à la confiance, il faut, pour décider la préférence, se placer dans deux hypothèses qui peuvent se résoudre par Un dilemme : ou le roi se ralliera à la Constitution et en appréciera les avantages, ou bien il s'en déclarera l’ennemi. Dans le premier cas, il n’y a pas de doute qu’il n’accorde sa confiance à des citoyens zélés et fidèles (Jui se dévoueront volontairement à sa défense, qui le regarderont comme leur père, qu’il doit chérir comme ses enfants, et qu’il doit préférer à tous égards à des gardes stipendiés, à des esclaves du despotisme; dans le second cas, il est aisé de pressentir le danger de mettre dans ses mains les éléments d’une guerre civile, le germe de corruption qui pourrait lui asservir l’armée de ligne et plonger la nation dans l’esclavage. Calculez les dangers qui menacent la liberté!... Cet article seul peut renverser la Constitution, ou du moins l’énervèr (Rires), porter la guerre dans nos foyers, rompre les liens sociaux, amener l’anarchie, et nous livrer à des calamités innombrables 1 C’est alors, Messieurs, que le despotisme au sceptre de fer osera sourire à vos malheurs* vous tendre une maio perfide; le repos que vous lui demanderez à genoux vous sera rendu dans _jes fers I II est encore, n’en doutez pas, Messieurs, des âmes avilies qui désirent ce funeste repos, qui ont la lâcheté de préférer ce sommeil déplorable et cet engourdissement léthargique à ce feu énergique dont la liberté électrise les âmes fortes et généreuses! En conséquence, j’ai l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant : « Art. 1er. Le roi aura une garde près de sa personne, qui ne pourra être commandée pour aucun service public. « Art. 2. Celte garde sera composée de 42 compagnies de gardes nationales. « Art. 3. Une de ces compagnies sera fournie par la garde nationale du département où le roi fera sa résidence. « Art. 4. Les compagnies restantes seront fournies annuellement et alternativement par les 83 départements du royaume. « Art. 5. Le tour des 41 départements qui devront fournir les premiers a cette garde, sera tiré par la voie du sort en présence du Corps législatif. « Art. 6. Les 42 départements dont les noms ne seront point sortis de l’urne, fourniront la garde qui devra relever la première à l’expiration de l’année, et cette alternative aura lieu à la fin de chaque année et à l’époque du 14 juillet. « Art. 7. Cette garde sera indemnisée tant des frais de voyages, séjour, retour, sur le taux qui sera réglé, sur les fonds delà liste civile. (Rires.) « Art. 8. Les officiers de l’état-major nécessaires à cette troupe seront au choix du roi qui les renouvellera tous les ans, mais ils ne pourront être choisis que dans le nombre des officiers eD exercice dans la garde nationale du royaume. « Art. 9. Il pourra être ajouté à celte garde, si le roi le désire, 1 ou 2 escadrons au plus qui seront fournis par les régiments de cavalerie française et qui seront renouvelés suivant l’ordre de l’ancienneté. « Art. 10. La solde de cette troupe à cheval sera payée pendant son service sur les fonds de la liste civile. » M. d’Estourmel. Messieurs, pour établir mon opinion sur l’article soumis à votre discussion, je dois vous rappeler les termes de la réponse du roi sur la liste civile, lue dans la séance du 9 juin 1790. Je craindrais d’en affaiblir les expressions en les commentant... Un membre : Demandez-lui s’il est chargé de vous proposer l’initiative pour le roi. M. d’JEstourmel... « Combattu, dit Sa Majesté, « entre les principes d’une sévère économie et « la considération des dépenses qu’exigent l’éclat « du trône français, et la représentation du chef « d’une grande nation, j’aurais préféré de m’en « rapporter à l’Assemblée nationale, pour qu’elle « fixât elle-même l’état de ma maison : mais je « cède à ses nouvelles instances, et je vous « adresse la réponse que je vous prie de lui « communiquer. « J’aurais désiré m’en rapporter entièrement à « l’Assemblée nationale pour la détermination de « la somme applicable aux dépenses de ma mai-« son civile et militaire; mais ses nouvelles ins-« tances et les expressions qui accompagnent son « vœu, m’engagent à changer de résolution : je « vais donc m’expliquer simplement avec elle. « Les dépenses contenues sous le nom ûemai-« son du roi comprennent : « 1° Les dépenses relatives à ma personne, etc, « 2° Les bâtiments. « 3° Enfin ma maison militaire, qui, dans les « plans communiqués à son comité militaire, ne « fait point partie des dépenses, de l’armée. « Quoique je comprenne ma maison militaire « dans les objets dont je viens de faire l’énumé-« ration, je ne me suis pas encore occupé de son « organisation. Je désire, à cet égard, comme â « tout autre, de concilier mes vues avec le nou-t vel ordre de choses : je n’hésite pas à trouver « que le nombre de troupes destinées à la garde « dû roi doit être déterminé par un règlement « constitutionnel : et comme il importe à ces « troupes de partager l’honneur et les dangers « attachés à la défense de la patrie, elles doivent « être soumises aux règles générales de l'armée. « D’après ces considérations, j’ai retardé l’é-« poque à laquelle mes gardes du corps doivent « reprendre leur service : et le délai de l’organi-« sation de ma maison militaire a d’autant moins « d’inconvénients, que depuis que la garde m-« tionale fait le service auprès de moi, je trouve « en elle tout le zèle et l’attachement que je puis « souhaiter, et je désire qu’elle ne soit jamais <i étrangère à la garde de ma personne. » Vous vous rappelez, Messieurs, le transport général que la lecture de cette lettre produisit dans l’Assemblée. (Murmures.) Les propositions du roi furent unanimement adoptées, d’abord par acclamation (expression d’un mouvement qui caractérisera toujours, dans les grandes occasions, la nation française), ensuite par le mode que vous avez consacré pour déterminer votre ycbu. Votre comité a saisi l’ensemble de ces propositions dans l’article qu’il a rédigé; mais je pense qu’il s’est écarté du principe qui vous a dirigés, en fixant lè nombre d’individtis dont la garde du roi doit être composée. Il est incontestable que le roi a , l'initiative pour l’organisation de l’armée : C’ëst un principe consacré par vos décrets, et le plan général [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1791.] 395 d’organisation de l’armée que r°i ava� arrêté le 7 juillet 1790, a été imprimé par votre ordre, et a servi de base aux décrets que vous avez rendus sur cette organisation. Si vous avez pensé que le roi devait avoir cette initiative pour la formation de sa maison militaire, surtout quand vous vous rappellerez que le roi lui-même a déclaré que ce nombre devait être déterminé par un règlement constitutionnel. Mais je vais plus loin, je suppose que ce nombre soit fixé sans le concours du roi, je ne concevrais jamais comment votre comité a pu la porter à 1,200 hommes pour la garde à pied. Ce nombre n’est point en rapport avec celui qui est admis pour chaque bataillont fixé à 504 hommes. Votre comité, vous dira-t-il qu’en vous proposant de décréter que la garde du roi ne pourra jamais être commandée pour aucun service public, il a pensé qu’il était iuutile d’établir aucune analogie entre la force de cette garde et celle des bataillons des troupes de ligne ? Je lui rappellerai l’observation consignée dans la réponse du roi, qu’il importe à sa garde de partager l’honneur et les dangers attachés à la défense de la patrie. Je lui représenterai qu’il a tellement senti le mérite de cette observation, qu’il vous propose de décréter que les grades et les règles d’avancement soient les mêmes que dans les troupes de ligne. Certes, Messieurs, l'application de cette clause serait bien illusoire si la garde du roi était réduite à ne pouvoir, dans aucun cas, fournir des détachements pour voler à la défense de l’Empire. Mais, Messieurs, je suppose pour un moment qu’on écarte tout rapport entre la garde du roi et les troupes de ligne, je soutiens que le nombre de cette garde ne peut être fixé sans le concours spécial du roi. En eifet, je ne crois pas qu’il entre dans l’esprit de votre comité de supprimer la totalité de la portion de la garde du roi, composée du régiment des gardes Suisses. Eh bien, Messieurs, cette portion de la garde du roi lui est attachée par un règlement dont le préambule vous convaincra qu’il est des mesures à prendre, qui ont échappé à la sagacité de votre comité. Voici les termes de ce préambule en date du premier juin 1763 : « Sa Majesté, jugeant nécessaire de donner au « régiment de ses gardes suisses une constitu-« tion convenable, à l’honneur qu’il a d’être « affecté d’une manière particulière à la garde « de sa personne, et de lui régler un traitement « qui y réponde; voulant de plus assurer aux « citoyens et aux sujets du louable corps helvé-« tique et des louables Ligues-Grises, qui auront « servi dans ce régiment, des récompenses pro-« portionnées à leur service et à leur zèle, et « renouveler aune nation, son ancienne et fidèle « alliée, les témoignages constants de sa confiance « et de son amitié, Sa Majesté, après avoir pris « l’avis du * louable Corps helvétique et Ligues-« Grises, a ordonné et ordonne ce qui suit : » Après avoir pris l’avis du louable Corps helvétique et Ligues-Grises... J’en ai dit assez, Messieurs; cette clause nécessite avec les Suisses une négociation, que vos décrets attribuent au roi exclusivement, puisqu’il peut seul entretenir des relations politiques au dehors. J’entends autour de moi la conclusion que je comptais vous proposer : nommer sur-le-cnamp et par acclamation (ainsi qu'il a été voté le 9 juin 1790) une députation vers le roi pour le prier de reprendre ses fonctions et de faire connaître à l’Assemblée nationale son vœu sur le nombre de troupes destinées à sa garde, en lui commuhi-quant les bases de la formation de cette gardé. (Murmures.) M. liavle. On n’a pas dit cela autour de vous. j’en réponds ; personne ne l’a dit, personne n’est capable de le dire. M. fioupil-Préfeln. L’opinant n’a pas entendu cela ; nous demandons à nous justifier de l’imputation que nous fait M. d’Estourmel. M. Robespierre. Je ne répondrai pas au discours du préopinant ; je chercherai seulement à attacher, s’il est possible, à quelques principes la double garde proposée par le comité de Constitution. Pour moi j’aurais pensé que les gardes nationales auraient pu continuer, quelque temps encore du moins, de garder le roi. Le comité vous propose, outre une garde composée de citoyens, un corps militaire de fantassins et de cavalerie dont la composition sera absolument à la disposition du roi. Je crois en général qu’un corps armé par un particulier dévoué au service d’un homme quelconque, est la plus inconstitutionnelle de toutes les institutions; je prouverai ensuite qu’elle est dangereuse, non pas dans ie sens de ceux qui ont sotiri à ce qu’a dit un des préopinants : je ne pense pas qu’un corps de 1,800 hommes puisse conquérir la France, mais je crois que, sous d’autres rapports, une pareille institution peut être infiniment dangereuse. Dans quelle circonstance vous propose-t-ott d’établir un corps militaire voué à la garde du roi ? C’est dans un moment de crise et de révolution. Et, s'il est vrai, qu’un corps de 1,800 hommes ne peut menacer la liberté publique dans un temps de calme, il est également certain qu’il peut être très funeste à l’ordre public, et très propre à occasionner un mouvement dangereux dans des temps d’orages et de conspirations. Ici, Messieurs, je ne crois pas que les réflexions, sur les circonstances critiques, puissent exciter dans l’Assemblée autre chose qu’un sentiment sérieux. Ce qui s’est passé, ce qui se passe encore, ce que l’avenir peut nous préparer, a-t-il donc dû nous porter à tant de sécurité? Pourquoi faut-il que l’on me force ici de parler des circonstances connues de tout le monde? Est-il quelqu'un qui ne connaissent les alarmes publiques sur certains rassemblements suspects, sur des desseins hostiles, manifestés hautement par les ennemis de la Révolution? Est-cedonc làlemomentde donner au roi un corps particulier de 1,800 hommes au milieu de tant de troubles dont nous sommes menacés de toutes parts? Et de quelle manière sera composé ce corps ? Le choix portera-t-il sur les militaires dont rattachement à la Révolution est le plus connu ? Le comité de Constitution croit vous rassurer, en vous disant qu’ils seront pris dans ia classe de ceux qui sont actuellement en activité dans les troupes de ligne, mais qui ne voit qu’il est possible de trouver 1,800 hommes qui ne seront rien moins qu’attachés à la Révolution et à la cause publique, parmi ceux qui sont en activité dans les troupes de ligne. Que les comités ne pensent donc point nous rassurer par une considération si illusoire; il est évident que le danger est aussi grand que si on laisssait au roi la faculté de choisir partout sa garde. J’aimerais autant que la latitude du choix lui soit accordée de la manière la plus illimitée. , Je conclus qu’il est impossible de songer à àdôp- 696 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1791.] ter un pareil système, sans consentir de gaîté de cœur, à exposer la tranquillité publique, dans un moment critique, à des dangers réels, sans reudre plus funeste encore les causes de trouble, de division qui nous menacent et sans se jouer de l’opinion publique la mieux fondée et des alarmes de la nation entière et de tous les bons citoyens. Je ne crois pas, Messieurs, que dans le moment actuel, nous devions nous occuper en aucune manière de la garde du roi ; le roi a une garde, le roi a été confié à la vigilance et au patriotisme des citoyens armés; voilà la mesure qui convient aux circonstances. Quand la paix publique et la Révolution seront affermies, quand les intentions de ceux qui peuvent influer, de la manière la plus puissante, sur le sort de la liberté seront parfaitement bien connues, alors nous verrons s’il est un système meilleur que celui qui a été adopté jusqu’à, ce moment ; mais, dans cemoment, il faut songer à conserver celui qui a eu lieu jusqu’à présent, et c’est à quoi je conclus, en demandant la question préalable sur le projet des comités. (Vifs applaudissements dans les tribunes.) M. Fréteau-Saint-Just. Je commence par écarter la conclusion du préopinant; si nous ne voulons pas finir la Constitution, il est certain qu’il ne faut rien décréter sur la garde du roi; mais si nous devons à nous-mêmes et à la patrie de terminer la Constitution, je crois qu’il est indispensable de prendre la mesure définitive qui doit assurer l’existence et la sûreté du roi; ce que nous ferions dans ce moment de provisoire laisserait en arrière un des points les plus importants pour la liberté même et la sûreté de la Constitution. Messieurs, je parle en faveur de l’article des comités; seulement au lieu de 1,800 hommes... (Murmures.)... je prie qu’on écoute mes raisons, je voudrais qu’on donnât au roi 3,000 hommes de garde ..... [Murmures.)... Je soutiens, Messieurs, que l’esprit delà Constitution et l’intérêt évident de la liberté, joint aux considérations politiques, exigent au moins ce nombre de troupes autour du monarque. Je dis d’abord que l’esprit de la Constitution le demande. On a hésité un moment à reconnaître que le roi fût un représentant du peuple; mais personne n’a contesté que, dans la Constitution française, le roi ne fût un pouvoir nécessaire et sacré, un pouvoir moins dangereux, plus précieux et plus utile que tous les conseils exécutifs, et que toute autre espèce de délégation de l’autorité nationale. Hé bien, je maintiens que, pour qu’il soit un pouvoir, il lui faut une force réelle, une force qui le défende dans toutes les circonstances de l’impression de toute contrainte; une force qui, dans quelque municipalité, dans quelque ville que son séjour soit fixé, puisse le mettre à couvert des suites d’une émeute, d’une insurrection; une force qui, réunie à la masse des bons citoyens que le sentiment du devoir attachera toujours au monarque, le soustraire aux cabales, aux manœuvres qu’on peut craindre de la part de tous les factieux dans tous les moments de crise sans exception ; une force enfin telle qu’il rie soit point tenté de s’environner d’un camp, de se placer sous l’œil et à peu de distance de l’armée, sous prétexte d’assurer la liberté de sa sanction ou la sûreté de sa personne, d’en introduire une section considérable dans l’intérieur du royaume, à 16 ou 18 lieues, par exemple, du Corps législatif, en colorant ses projets de quelque utilité apparente ou de quelques motifs spécieux. Sans doute, Messieurs, il faut un roi patriote ; mais il faut un roi patriote qui puisse l’être impunément; il faut un roi, qui non seulement soit libre, mais qui se croie libre et indépendant. Vous avez voulu que le Corps législatif existât toujours, et que ce premier ressort de l’Empire français fût libre de se faire garder comme il voudrait; le roi, dont l’existence importe à la sûreté publique; le roi, dont l’existence tient à la Constitution française; le roi, que des haines injustes, mais formidables, peuvent souvent menacer ; le roi, qu’il a fallu dépouiller d’une partie considérable des prérogatives qui faisaient sa force aux yeux de la multitude ignorante et prévenue , mais dont l’existence est devenue plus nécessaire à l’Empire depuis qu’on a supprimé ses forces apparentes; le roi doit trouver aussi sans cesse autour lui l’appui, certain d’un corps assez nombreux d’hommes attachés à son sort comme à la Constitution, attachés à son sort par son choix libre, par l’habitude de le voir, de le chérir, de le protéger. Sans doute, les rois les plus puissants ne sont pas à l’abri des attentats des mauvais citoyens , sans doute, les plus fortes gardes ne les préservent pas toujours assez puissamment; notre histoire, que dis-je! les événements de ce siècle, ceux de notre temps nous montrent Louis XV poignardé au milieu d’une garde de 8000 hommes; la plus vigilante, la plus fidèle, la plus dévouée qui fût jamais; mais qui nous dit que cet attentat ne se serait pas renouvelé plus de fois si moins de précautions eussent environné ses jours? Personne de bonne foi ne peut nier que les rois les plus justes n’aient été entourés des plus grands dangers. Voyez ces conspirations nombreuses contre Charlemagne au milieu même de ses sujets ; voyez Louis IX menacé par les assassins du monarque d’Egypte, et plus souvent encore par les grands vasseaux qu’il avait abaissés, ou par ceux que son père avait châtiés; voyez Charles Vil inquiété tous les jours par les trames coupables de Louis XI, de ce fils dénaturé que l’histoire charge du meurtre de son père ; voyez Henri IV réduit à craindre, comme ce fameux despote de Sicile, Denys le Tyran, le fer toujours suspendu sur sa tête, et prêt à couper le fil de ses jours 1 Vous voyez que je me renferme dans les annales de notre pays. Il existera toujours des passions violentes, difficiles à calmer, contre l’homme de bien, le ministre fidèle, le citoyen patriote, et plus il sera juste et modéré, plus il sera ami de l’ordre; plus il sera humain et populaire, plus la malveillance et les complots sont à craindre pour ses jours. Il faut donc prendre de grandes précautions pour défendre celui qui peut être menacé par une foule d’eunemis; il me paraît donc démontré que la Constitution, l’intérêt du peuple et le bien de l’Etat exigent que le roi ait une forte garde. On me dira que cette garde menacera la liberté. Messieurs, je maintiens que la liberté n’est pas plus menacée par cette garde que par une armée, qui est indispensable dans l’état actuel des Empires. Au surplus, vous avez bien fait de circonscrire le pouvoir, de l’environner de précautions; mais au vrai, je ne connais pour la liberté qu’un rempart inexpugnable ; c’est que la nation veuille réellement, persévéramment être libre; et quand le roi n’aurait pas un seul homme de garde, vous cesseriez d'être libres si la mollesse, si le luxe, si les menées sourdes du pouvoir royal, changent la disposition de la nation ; alors, avec [24 août 1791.) [Assemblée nationale.] la Constitution la plus sévère, vous perdrez votre liberté. Messieurs, on a touché quelques mots sur une dernière considération qui n'est pas sans doute décisive, mais enfin qui doit paraître de quelque poids dans les circonstances. Je ne vois pas, comme M. d’Estourmel l’a établi, que nous soyons liés en autant de manières vis-à-vis du Corps helvétique à avoir des gardes suisses autour du roi ; le règlement qui a été fait pour la discipline des gardes suisses devait se concerter avec le corps helvétique; mais je ne connais pas, je puis le dire, qu’il existe de stipulation politique qui assure à la Suisse le droit d’avoir une garde suisse auprès du roi. M. d’Estourmel . La voici. M. Frétean-Saint-Just. Monsieur, je connais la stipulation; mais elle ne dit pas que la Suisse a droit d’avoir des gardes suisses autour du roi. En conséquence, je proposerais de décréter pour la garde du roi 3,000 hommes dont 1,200 d’infanterie française, 1,200 d’infanterie suisse, et 600 de cavalerie. J’adhère au surplus à toutes les précautions prises par les comités de Constitution et de révision. M. Hébrard. Si j’entends bien l’article des comités, on veut donner au roi une troupe domestique militaire, une troupe lui appartenant exclusivement et indépeddante de toute autre autorité. Je présume. Messieurs, que vous avez déjà porté votre sollicitude sur les suites fâcheuses qui dériveraient d’une pareille disposition. Les comités, en réduisant à 1,800 hommes la garde du roi, conviennent qu’il serait très dangereux pour la nation si elle était plus nombreuse. Et moi je dis que, quelle qu’en soit le nombre, le mode de composition que l’on propose pour cette garde est tel que les individus qui en feront partie seront isolés de la nation et deviendront bientôt une troupe de janissaires, de bourreaux enrégimentés. Qu’on donne au roi une suite de suisses, un guet, des huissiers, des appariteurs, j’y consens, mais je ne puis adopter le système d’une garde militaire ; je ne consentirai jamais à l’établissement de janissaires stipendiés. L’appareil du trône n’en sera pas moins imposant, parce que le roi n’aura pas une garde militaire. Je demande le rejet de l’article des comités comme attentatoire à la liberté de la nation et à son honneur par la défiance qu’il inspire. (Applaudissements dans les tribunes.) M. Pétlon de 'Villeneuve. L’Assemblée semble d’accord sur un point ; c’est que le roi aura une garde d’honneur, fournie par les gardes nationales du lieu de sa résidence. Reste ensuite à examiner en quel nombre et sur quel pied sera cette garde. Cette question est peut-être celle qui doit s’agiter la première. Ce point-là, Messieurs, une fois décidé, il me semble très facile de résoudre les autres questions. Ainsi, Messieurs, je demande donc positivement que l’on commence par discuter le point, si la garde qui sera donnée au roi, sera sur le pied militaire, et aura avancement conformément à ce qui est militaire et pourra passer dans les troupes de ligne. M. d’André. Je conviens avec M. Pétion, que 697 le point le plus difficile à traiter, est celui de savoir si les individus, composant la maison militaire du roi, pourront passer dans l’armée de ligne. Chacun convient de la nécessité d’établir une garde militaire, chacun convient aussi qu’on ne peut point y appeler, à tour de rôle, tous les régiments de l’armée; on a vu que ce serait y répandre, d’une manière inévitable, les principes que l’on aurait pu prendre à la cour, et d’autres considérations ont été présentées. Chacun convient encore des inconvénients sans nombre qu’il y aurait à appeler successivement tous les départements à former des citoyens pour la garde du roi. L’une et l’autre proposition ont également frappé tous les esprits, et ont paru également mauvaises. Afin d’éviter toute divagation dans la discussion, je propose que l’on rejette d’abord la demande que l’on a faite, de faire venir à tour de rôle, auprès du roi, des régiments de l’armée et les gardes nationales. Si la majorité établit une fois qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur ces propositions-là, on en viendra ensuite à la discussion du projet des comités, et on traitera uniquement la question de M. Pétion. M. Thouret, rapporteur. J’observe, en effet, que la proposition de M. Pétion, telle que l’a présentée M. d’André, tend à faciliter beaucoup la marche de la délibération. Les difficultés que l’on soulève principalement dans quelques opinions ne tiennent qu’à la crainte des inconvénients et des abus qui étaient propres à l’ancienne organisation de la maison du roi, et c’est précisément cette ancienne organisation qui doit absolument disparaître par le travail de cette Assemblée. Il est toujours entré en considération déterminante de ne proposer ici que quelques bases constitutionnelles sur la garde du roi, et nous voulions vous demander de charger le comité militaire de vous présenter un mode d’organisation pour cette garde. Maintenant, sur ce que M. Pétion vient de dire, nous avons compris qu’il pouvait s’élever des doutes sur le mode d’avancement et sur la possibilité du déplacement des individus composant la garde du roi. L’intention des comités est que cet avancement ne s’opère qu’en roulant dans Je corps lui-même uniquement entre ceux qui le composent, et par conséquent sans altérer en rien la marche de l’avancement dans les troupes de ligne. Si l’Assemblée croit que cela soit constitutionnel, on peut le décréter aujourd’hui. M. Pétion de "Villeneuve. Il s’agit de savoir s’ils pourront passer de la maison du roi dans les troupes de ligne. M. Thouret, rapporteur. Je ne m’oppose pas du tout à la négative, car nous entendons que l’avancement roule dans la maison du roi sur elle-même. M. d’André. Eh ! nous voilà tous d'accord. M. Caultier-Biauzat. Sans pouvoir entrer dans les troupes de ligne. M. Rewbell. Je crois que, pour arriver à une fin, vous pouvez mettre successivement les différentes propositions relatées dans l’article du comité aux voix ; savoir, qu’il y aura une garde d’honneur dans tous les lieux de la résidence du roi. La seconde question, qu’indépendamment de ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 698 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1791.) cette garde d’honneur, il y aura une garde payée sur les fonds de la liste civile. Vous la rejetterez ou vous l’amenderez. La troisième question, est que les grades, les règles d’avancemeut de cette garde, seront les mêmes que dans les troupes de ligne; La quatrième, que cette garde ne roulera que sur elle-même; Là cinquième, de quel nombre d’individus elle sera composée; La sixième, par qui elle sera choisie; La septième, si elle pourra être commandée pour un service public quelconque. Voilà la série des questions qui doivent servir à faciliter la délibération sur les articles du comité. M. Alexandre de Beanharnais. Messieurs, j’ai demandé la parole sur la motion d’ordre qui s’est élevée à l’occasion de l’article soumis à votre discussion, et qui se trouve en effet, ainsi qu’on vient de vous le faire observer, renfermer plusieurs questions. Dans toutes les matières, dans lesquelles une détermination quelconque nécessite la décision d’une série de questions, la justice et la plus grande liberté dans les suffrages, se réunissent pour faire à tout corps délibérant, une loi d’établir, dans les différentes questions qui se suivent et se combinent, un tel ordre, que la décision de l’une ne préjuge pas ou préjuge le moins possible la question suivante. En faisant, Messieurs, l’application dece principe et une justice rigoureuse a l’article qui vous est soumis, il me semble qu’il vous sera facile de reconnaître qu’il existe trois objets distincts, sur lesquels on est partagé d’avis. Il s’agit de savoir : 1° Si la maison armée du roi sera militaire ou domestique; 2° A quel nombre on portera cette maison militaire ou domestique; 3° Enfin, si cette maison sera payée sur les fonds de la liste civile ou sur les fonds du Trésor public. J’observe, par exemple, que si la première question était décidée en ce sens, que la maison du roi serait une maison militaire faisant partie de la force publique nationale, il serait absolument inconstitutionnel que la liste civile fût chargée de faire ces mêmes fonds. Il serait également possible pour réduire la liste civile toujours à la même quotiié que vous avez assignée, de retrancher sur la liste civile la quantité de fonds que coûterait cette maison militaire et de l’affecter au Trésor public. Je dis donc, Messieurs, que cette première question influant évidemment sur la troisième question que je viens d’énoncer, influant évidemment sur la seconde, puisque tout le monde pourra varier d’opinion sur la quantité de troupes que l’on pourra affecter à la maison du roi, suivant qu’elle sera ou domestique ou militaire, il est évident que la première de toutes les questions à soumetire à la délibération de l’Assemblée est celle que M. Pétion vient de vous présenter, savoir si la maison armée du roi sera une maison militaire ou sera une maison purement domestique. C’est cette question sur laquelle j’ai prié M. le Président d’ouvrir la délibération. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély) . La première question que M. le rapporteur vient de présenter d’une manière précise, paraît ne souffrir aucune difficulté; car elle a obtenu l’assentiment général, savoir que la maison militaire ou la maison armée du roi roulerait sur elle-même pour son avancement; cette question-là donc doit être mise aux voix ; mais il est impossible de ne pas traiter secondairement et d’une manière distincte et séparée une autre question non moins importante, celle de savoir si le service qui sera fait dans la maison armée du roi par des officiers ayant des règles militaires, leur donnera le droit de concourir avec les officiers qui servant dans l’armée nationale et faisant un service actif dans cette armée, ont le droit de parvenir aux grades supérieurs. M. d’André. Cette manière de poser la question est équivoque. Il faut dire : « la maison armée du roi concourra-t-elle pour l’avancement avec le reste de l’armée? » M. Aa Réveillière-liépaux insiste pour que la question soit posée ainsi que vient de le proposer M. Alexandre de Beauharnais» M. Démeunier. Les comités ne proposent pas que la garde qu’ils demandent pour le roi fasse partie de l’armée ; ils demandent seulement que les grades et les avancements y soient les mêmes que dans les troupes de ligne, et que les grades ne roulent que sur eux-mêmes. M. Alexandre de Lameth. Arrivant en ce moment à l’Assemblée, j’ignore, Messieurs, quel a été le cours de la délibération, et les raisons qui ont été présentées pour appuyer l’avis des comités; mais je suppose qu’on vous a fait sentir les inconvénients de faire passer les régiments de l’armée les uns après les autres dans la capitale pour former la garde du roi (Oui! oui!) et qu’on vous a présenté également le peu de convenance et même le danger réel qu’il y aurait que cette garde ne fût pas militaire, inconvenance qui serait vivement sentie par l’armée et qui, de plus, ne plaçant auprès du roi que des hommes sans état fixe, sans considération qui leur fût personnelle, les mettrait tellement à la dévotion de leur maître qu’ils ne pourraient se refuser à aucun de ses caprices et par cette situation ne donneraient aucune garantie à la nation. Les inconvénients de ce parti, beaucoup plus graves encore que ceux du premier, ont déterminé vos comités à vous proposer de donner au roi une garde qui fût militaire, mais dont le nombre fût déterminé, et dont les grades fussent les mêmes que ceux de l’armée ; car vos comités ont pensé que les abus qui existaient dans l’ancienne maison du roi, où les simples gardes étaient lieutenants, où les officiers subalternes avaient des grades supérieurs, où un lieutenant était colonel, où un capitaine était quelquefois maréchal de France; que ces abus, dis-je, qui excitaient les plaintes continuelles de l’armée, ne devaient plus exister. Ils ont pensé aussi que les individus qui composeraient désormais la maison militaire du roi ne devaient pas plus que ceux de sa maison civile et domestique être susceptibles d’éligibilité dans les Assemblées politiques, ces individus pouvant être supposés avoir un intérêt plus particulier pour la prérogative royale. Enfin les comités ont pensé que, pour calmer des inquiétudes qui appartiennent aux circonstances actuelles, il était utile de statuer que les personnes qui composeraient la garde du roi seraient prises dans l’armée de ligne et dans les gardes nationales actuellement en activité. Avec toutes ces précautions, les comités ont cru avoir concilié tout ce que pouvait réclamer 099 [Assemblés nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1791.] les sollicitudes les plus inquiètes pour le maintien de la liberté, en même temps ce qu’il était Convenable d’accorder à la sûreté et à la dignité du chef du pouvoir exécutif. Je demande en conséquence que l’avis des comités, avec la nouvelle proposition de M. Démeunier, qui établit que la maison du roi roulera sur elle-même pour l’avancement, je demande que cés propositions soient mises aux voix et adoptées. Plusieurs membres : Aux voix! aux voixl M. de Custine. Le plan du comité de Constitution est inconstitutionnel. M. Delandine. Il est une question préliminaire et qui me paraît devoir être discutée avant celles qui nous sont soumises; c’est celle de savoir si le roi pourra commander l'armée en personne? Si c’était là l’opinion de l’Assemblée, je pense que la garde du roi devrait être militaire. M. Buzot. Il ne faut pas que le roi puisse prendre dans sa maison des officiers pour les mettre dans l’armée. Je demande que cette disposition soit formellement insérée dans l’article. M. Alexandre de Lametli. Cela est juste; mais il y aurait des inconvénients à déclarer qu’elle ne fera pas portion de l’armée. {Murmures.) Après avoir décrété qu’elle roulera sur elle-même, et qu’elle ne pourra être employée à aucun service public. Je ne sais pas d’où peuvent venir encore les inquiétudes. M. Barnave. Aux voix donc, Monsieur le président ! M. de Custine. Messieurs, je vous conjure de réfléchir sérieusement au parti que proposent les comités et de ne pas décréter constitutionnellement un corps privilégié dont les places deviendraient nécessairement héréditaires dans les familles. Tous les citoyens ont le droit de garder le premier magistrat de la nation ; je demande que le service soit fait auprès de lui par tous les régiments de l’armée à tour de rôle. M. Hewbell. Monsieur de Custine, vous n’avez pas lu le décret, quand vous parlez de privilège. (Murmures.) Le projet de décret porte que les règles d’avancement seront les mêmes que dans les troupes de la ligne. M. Buzot. Il semble que la question serait bien plus nette si on la bornait à ceci : La garde du roi fera-t-elle oui ou non partie de la force publique? Si la garde du roi fait partie de la force publique, il faut qu’elle soit indépendante de la liste civile et qu’elle soit payée parla nation; si, au contraire, elle ne fait pas partie de la force publique, vous l’organiserez comme vous le trouverez bon, mais alors nous sommes tranquilles sur les événements à venir. M. Bémeunier. Voici la première question que nous proposons : « 1° Ceux qui composeront la garde du roi, rouleront, pour tous les grades, exclusivement sur eux-mêmes, sans pouvoir en être tirés pour occuper des grades dans l’armée de ligne. » (Cette proposition est mise aux voix et adoptée.) M. Démeunier. Cette base fondamentale décrétée, le moyen le plus simple d’accélérer la délibération est de prendre les 3 ou 4 questions qui sont comprises dans l’article ; il est entendu qu’il faut expliquer dans l’article le nombre qui ne pourra pas être excédé pour la garde du roi. Voici notre deuxième proposition : « 2° La garde du roi ne pourra excéder le nombre de 1 ,200 hommes à pied, et de 600 hommes à cheval. >* (Cette proposition est mise aux voix et adoptée.) M. Démeunier. Maintenant, Monsieur le Président, je demande que vous mettiez aux voix cette troisième proposition : « 3° La garde du roi sera prise dans le nombre des individus en activité dans l’armée de ligne, et parmi les citoyens de la garde nationale en activité de service. » M. Buzot. Je demande que cette garde ne puisse faire son service que par semestre, Mi Démeunier. Cela regarde l’organisation détaillée qui vous sera présentée par le comité militaire. M. Begnaud (de Saint-Jean-d' Angélÿ). L’intention de l’Assemblée est sans doute que le droit de garder le roi soit réservé aux Français et l’article tel qu’il vous est présenté ne remplirait pas ce but ; on pourrait prendre des individus dans les régiments étrangersetje demande qu’elle soit formée au contraire d’individus, tous citoyens français. (Applaudissements et murmures.) M. Giraud. Si vous ne faites d’autre règle d’admission que celle d’être garde nationale, il est possible que des personnes prévoyant la formation de la garde du roi, se fassent sur-le-champ inscrire sur les registres de la garde nationale. Ainsi l’intention des comités, qui ont sans doute eu pour but de composer la garde du roi de citoyens patriotes, serait manquée par la disposition qu’ils nous proposent. En conséquence, je demande qu’on ne puisse prendre dans la garde nationale que des hommes qui y auront fait un service effectif depuis un an. (La troisième proposition de M. Démeunier est adoptée avec l’amendement de M. Giraud.) M. Démeunier. Il ne reste plus que le dernier paragraphe de l’article : « 4° Cette garde ne pourra jamais être commandée pour aucun autre service public. » (Cette proposition est mise aux voix et adoptée.) M. Démeunier. On a approuvé, au commencement de la séance, que ceux qui composeront la garde du roi ne pourront pas être admis dans l’Assemblée législative, c’est-à-dire que s’ils sont élus au Corps législatif, ils seront tenus d’opter. On peut décréter cette autre base et on remettra ces diverses propositions dans un article. (L’Assemblée adopte cette proposition et renvoie l’article aux comités pour la rédaction.) M. Pétion de Villeneuve. Maintenant, je crois que nous avons une précaution de prudence à prendre et cette précaution est très simple : c’est de dire que la garde du roi sera