lAsseciLlée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mars 1791. j 326 mière proposit on, en consentant à ce que l’appel soit porté à l’un des sept tribunaux de district qui formeront l’arrondissement du district dans lequel l'affaire aura été jugée en lre instance. L’Assemblée adopte cette proposition et rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que, jusqu’à ce qu’il ait été autrement statué, les appels des jugements des tribunaux de commerce seront portés suivant les formes prescrites par les décrets sur l’ordre judiciaire, et de la même manière que les appels des jugements du tribunal de district, dans l’un des sept tribunaux de district d’arrondissement du tribunal de district, dans le ressort duquel le tribunal de commerce est situé. » M. Pougeard du Umbert, au nom du comité d'aliénation, présente au nom de ce comité, un état des ventes de biens nationaux faites aux particuliers depuis le commencement de ces ventes, jusqu’à la fin de février dernier, dans tous les départements du royaume, comparé aux estimations qui en avaient été faites. Il résulte de cet état que les adjudications s’élèvent à la somme de .................. 171,914,855 1. 4 s. 7 d. Le prix des estimations ne s’élevant au contraire qu’à celle de 98,887,068 1. 4 s. 1 d. La chaleur des enchères a conséquemment produit une augmentation de ........ 73,027,787 »» 6 M. Pougeard du Umbert, rapporteur , observe que les 5 départements de la Corse, de la Creuse, des Pyrénées-Orientales, du Tarn et des Hautes-Alpes, sont les seuls qui n’avaient pas envoyé de bordereaux avant le 1er de ce mois; mais les ventes y sont actuellement en pleine activité; les adjudications se continuent dans les autres d’une manière très avantageuse, et le comité d’aliénation croit pouvoir présumer, d’après les bordereaux qu’il a reçus depuis le l*r mars, que l’état des ventes faites jusqu’au 1er avril égalera celui des mois précédents. ( Applaudissements .) M. Martineau. Messieurs, il vient de paraître un mémoire des commerçants portugais établis à Constantinople et dans plusieurs endroits du Levant. En voici l’objet en deux mots : Sous l’ancien régime, les négociants portugais résidant dans le Levant ne pouvaient faire le commerce avec la Franco que par les villes de Livourne et de Venise, commerce tant d’exportation que d’importation; ils demandent qu’on lève cet obstacle et qu’il leur soit permis de faire le commerce directement avec la France, aux offres même de payer des patentes et autres droits. Je demande que l’Assemblée veuille bien s’occuper de ce mémoire et qu’elle en ordonne le renvoi aux comités réunis diplomatique et d’agriculture et de commerce. (Ce renvoi est décrété.) M. Voidel. Messieurs, sur l’exposition touchante que vous fit, il y a quelque temps, M. Victor de Broglie, un de nos collègues, des sentiments de M. son père, et de ses dispositions pour la Révolution de France, des services qu’il� avait rendus à l’Etat, et vu l’état de sa santé qui ne lui permettait pas de rentrer en France, vous décrétâtes à son égard qu’il serait sursis au décret du 18 décembre, lequel ordonne que les fonctionnaires publics qui seraient sortis du royaume, et qui n’y seraient pas rentrés à l’époque du décret, seraient déchus par ce seul fait de leurs places, emplois et traitements. Vous avez accordé à M. Victor de Broglie et à sa piété filiale la plus grande marque d'estime que vous puissiez lui donner (1). Il faut aujourd’hui, Messieurs, que la justice reprenneses droits; carunelettredu 12 mars 1791, de M. do Broglie, inscrite dans un grand nombre de papiers publics très répandus, contient un désaveu formel de ce que vous a dit iciM. Victor de Broglie. J’ai voulu, avant de vous en parler, Messieurs, conférer avec M. Victor de Broglie; et voici ce qu’il m’a répondu : « je ne sais pus assez précisément si celte lettre est supposée. » Avant de me permettre aucune démarche à cet égard, j’en ai parlé à plusieurs de nos collègues; j’ai vu une quantité considérable de personnes qui connaissent bien les raisons de M. le maréchal de Broglie, et qui m’ont assuré que cette lettre était vraie. En conséquence, il n’est pas possible, ce me semble, que l’Assemblée nationale laisse subsister le décret qu’elle a accordé en faveur de M. le maréchal de Broglie; et je propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que, d’après « le compte qui lui a été rendu de la lettre de « M. le maréchal de Broglie... » ( Murmures prolongés.) Ou bien, sans parler de cette lettre : « L’Assemblée nationale, d’après le silencegardé par M. le maréchal de Broglie, en suite du décret qui prononce en sa faveur la suspension de l’exécution du décret concernant les maréchaux de France, décrète qu’elle lève cette suspension, et que le roi sera prié de faire retrancher M. de Broglie de la liste des maréchaux de France. » {Murmures.) Quelques membres : Aux voix ! aux voix ! M.Regnand(de Saint-Jean-d' AwgrL/). J’observe à l’Assemblée que lorsqu’on a rendu le décret dont on lui propose de suspendre aujourd’hui l’effet, elle a cédé à un sentiment naturel. Aujourd’hui on vous demande de suspendre ce décret sans aucune base précise sur laquelle puisse s’asseoir votre décision. Vous avez une lettre dont rien ne constate l’authenticité... Un membre : Elle n’est pas désavouée. M. Regnautl {de Saint-Jean-d’ Angély). Elle ne peut pas être désavouée par M. de Broglie fils, qui a dit qu’il ne savait si son père avait écrit ou non la lettre. Enfin il y a, selon moi, une très grande inconvenance à asseoir un décret de l’Assemblée nationale sur une lettre insérée dans les papiers publics, dont on n’a point l’original. Je crois qu’elle a cédé trop tôt au sentiment de piété filiale qui animait son fils, et qu’elle eût dû avoir des bases plus positives pour asseoir son décret ; mais il est rendu, et je ne vois pas que l’Assemblée puisse l’anéantir. D’après cedécret-là, je demande qu’on attende et qu’on passe à l’ordre du jour. (1) Voyez Archives parlementaires, tome XXIII, séance du 5 mars 1791, page 667. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mars 1791.) 327 Plusieurs membres : L’ajournement! l’ajournement! M. de Pardieu. Je demande que le pouvoir exécutif soit chargé de s’assurer de l’authenticité de la lettre. M. Prieur. Les ministres ont envoyé une note, dans laquelle ils ont déclaré qu’ils ne savaient pas bien quels étaient les fonctionnaires absents, ni par conséquent ceux qu’il fallait remplacer. Je demande, moi, que dans le délai que vous fixerez, ils justifient l’exécution de votre décret sur la résidence des fonctionnaires publics. M. d’Estourmel. Dans le troisième titre concernant la régence, il existe un article concernant les fonctionnaires publics. Avant de déterminer la manière dont on traitera les fonctionnaires publics, il faut, à ce qu’il me semble, déterminer ce que l’on entend par fonctionnaires publics. Or, je déclare qu’un maréchal de France qui n’a pas de commandement, qui n’a point d’existence reconnue dans aucune partie du roya-sme, parce qu’il est maréchal de France, n’est pas fonctionnaire public. M. le Président, Ce n’est pas là la question. M. d’Estourmel. Je demande donc, non pas un ajournement indéfini, mais un ajournement après que l’Assemblée nationale aura statué srur le troisième titre de la loi des fonctionnaires publics. Je demande l’ajournement jusqu’après la discussion sur le projet de loi de la régence et des fonctionnaires publics. (L’Assemblée ferme la discussion et ajourne à quinzaine la proposition de M. Voidel.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur la régence du royaume (1). M. Thouret, rapporteur. Nous arrivons, Messieurs, aux articles du projet de décret relatifs à l’élection du régent lorsqu’un parent du roi mineur ne réunirait pas les qualités requises. Voici ces articles : « Art. 6. Si un roi mineur n’avait aucuns parents réunissant les qualités ci-devant exprimées, le régent sera élu ainsi qu’il va être dit aux articles suivants. « Art. 7. Les citoyens actifs convoqués en assemblées primaires nommeront des électeurs conformément aux vingt premiers articles de la section première du decret du 22 décembre 1789. « Art. 8. Les assemblées primaires seront convoquées d’après une proclamation du Corps législatif, s’il est réuni; et, s’il était séparé, le ministre de la justice sera tenu de faire cette proclamation dans la première semaine du nouveau règne. « Art. 9. Les électeurs nommés parles assemblées primaires de chaque département se réuniront en une seule assemblée, et nommeront, au scrutin individuel et à la majorité absolue des suffrages, dix citoyens éligibles à l’Assemblée. « Art. 10. Les dix citoyens nommés en chaque département seront tenus de se rassembler dans (4) Voyez ci-dessus, séances des 22 et 23 mars 1791, pages 200 et 295. la ville où le Corps législatif aura tenu sa dernière séance, le 50a jour au plus tard, à partir de celui de l’avénement du roi mineur au trône; et ils y formeront le corps électoral, qui procédera à la nomination du régent. « Art. 11. L’élection du régent sera faite au scrutin individuel et à la majorité absolue des suffrages. « Art. 12. Le corps électoral ne pourra s’occuper que de l’élection, et se séparera aussitôt qu’elle sera terminée. » Il se présente sur ces articles la question de savoir si l’élection du régent sera faite ou par la nation au moyen direct et plus constitutionnel du corps électoral qu’elle nommera, ou si cette nomination sera déléguée aux législatures. C’est à cette question qu’il faut s’arrêter. Je répéterai simplement ce que j’ai exposé à l’Assemblée dans mon rapport, que nous n’avons pas cru que la nomination du régeat pût être attribuée au Corps législatif. Par la première raison, c’est qu’elle ne peut faire partie des fonctions qui lui sont confiées. Une législature sera un pouvoir constitué, cette législature n’a, par sa mission naturelle, que le pouvoir de faire des lois et autres actes de la législation, mais pas du tout celui de faire une élection qui appartienne directement à la nation. Il arriverait à la vérité, et vu les circonstances du fait, que la mission de nommer un régent entrerait trop rarement dans l’intention précise des électeurs qui nommeraient les députés au Corps législatif. On peut même prouver aisément que, lors de l’ouverture de la régence, le cas n’aurait pas même éié prévu au moment de la nomination. (Murmures.) Un Corps législatif qui a le droit d’élire le régent s’arrogerait le droit de déterminer les droits de la régence. De là une influence très préjudiciable aux droits de la nation, qui ne peuvent subsister que par l’équilibre parfait entre les deux pouvoirs législatif et exécutif. Je ne dis pas que le mode que nous proposons soit sans inconvénient; mais, dans la balance des inconvénients, s’il y a un grand principe qui doit dominer, c’est que le droit d’élire les fonctionnaires publics est le droit de la nation : c’est que le droit de la nation n’est pas délégable à un pouvoir constitué, quelque éminent qu’il soit; nous ne pouvons pas transiger sur ce droit-là. En conséquence, nous persistons dans le projet qui vous a été présenté de faire nommer le régent par le corps électoral. M. Gonpil-Préfeln. Messieurs, l’état actuel de la famille royale ne nous laisse encore voir que dans un lointain avenir, qui peut-être n’arrivera jamais, une régence à établir, sans qu’il y ait des personnes habiles à être insvesties légalement de l’auguste fonction de la régence du royaume. Mais, enfin, Messieurs, si le cas arrivait, quel serait le résultat, si dans plusieurs siècles il arrivait que personne ne se trouvât dans la famille royale en état d’exercer la régence d’un roi mineur, quel est le plan que l’on vous présente ? Une assemblée électorale formée dans tous les départements, plus considérable même en nombre que l’Assemblée nationale qui procéderait à cette nomination. Mais, Messieurs, a-t-on bien vu qu’une position aussi délicate, aussi critique, éveillerait bien des ambitions, mettrait en jeu tous les orages et toutes les passions! Et c’est au moment d’une fermentation pareille qu'il y aurait au sein de