510 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790. M. Malouet. Je demande la question préalable sur {a proj<:( île décret de M. Pétion, 'pat ce qu’il détruit le décret; ficiè vous ave? rendu samedi dernier et qu’il légitime l’ouvrage de JDesmoulins en n'attaquânt que Marat. M. Rœderer. Votre déeret du 31 juillet me semble parfaitement clair et les seuls mots qui puissent prêter au vague sont ceux-ci : excitant les peuples à V insurrection contre la loi. M. Goupil. Il importe de fixer un terme à votre décret et pour cela on peut dire qu’il n’aura d'effet que jusqu’au 1er janvier prochain. M. Camus. On ne peut nier qu’il existe un écrit excitant à l’assasinat; d’un autre côté, la motion de M. Pétion est aussi sage que politique; afin de tout concilier, voici la rédaction que je vous propose : « L’Assemblée nationale décrète qu’il ne pourra être intenté aucune action, dirigé aucune poursuite pour les écrits qui ont été publiés jusqu’à ce jour sur les affaires publiques, à l’exception néanmoins du lib lie intitulé : « C’en est fait de nous, à l’égard duquel la dénonciation précédemment faite sera suivie; « Et cependant l’Assemblée, justement indignée de la licence à laquelle plusieurs écrivains se sont livrés dans eus derniers temps, a chargé son comité de Constitution et celui de jurisprudence criminelle réunis, delui présenter incessamment le mode d’exécution de son décret du 31 juillet. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) (La séance est levée à onze héures et demie.) PREMIÈRE ANNEXE A Î4 SÉANCE de E’ASSEHJBLÉE �ATfONAIÆ PJJ 2 AOJJT 1790., RAPPORT fait au comité des recherches de la mu* nicipaliié de Paris , par Jean Philippe Garran-Coulon, L’un de ses membres, suivi des pièces justificatives et de l'arrêté du comité tendant à dénoncer MM. Maillebois , Bonne-Savardin et Guignard Saint-Priest, Arrêté du comité des Bepjierçhes. Re comité des recherches dp la municipalité de Paris, convaincu qu’il dpit compte, non seulement à la commune de cette capitale, mais encore à la société entière, de se§ opérations et des motifs qui les ont déterminées, qu’il est juste que tous les citoyens soient instruits des objets qui les intéçèssent tous; que c’est le seul moyen de mettre le public eu état de prononcer ces jugements suprêmes auxquels tout le monde est soumis, sans en excepter les tribunaux, a arrêté que lp rapport à lui fait par M. Garran, l’un de ses membres, dans l’aRaire de M. Maillebois et autres, les pièces justificatives de ce rapport et l’avis du comité tendant à dénonciation,- seront imprimés pour être distribués en très grand nombre - donne pouvoir à M. Agier de joindre aux pièces justificatives les éclaircissements nécessaires, lesquels seront présentés à l’approbation du comité. Fai£ audit comité, le 9 juillet 1790. Afitifil» PEfiROJtf, OüDART, J. PH. GàRRAN, J. P. Brissot. iï apport fait au comité des P.echerches de la municipalité de Paris dans l'affaire de MM. Maillebois, Bonne-Savardin, et autres, etc. Vous connaissez déjlgibiep, Messieurs, l’affaire importante dont vous m’avez chargé de voqs rendre compte, vous l’avez déjà si bien examinée sous ses divers points de vue, soit dansce comité, soit dans les différentes conférences que vous avez eues ayec lp comité des recherches de l’Assemblée nationale, que ce rapport serait entièrement inutile, si yous n’aviez pas cru nécessaire de rassemb er, soqs un seul coup d’œil, tpus ies objets qu’elle embrasse, ayant de prendre une détermination définjtiye. Pour remplir vos intentions, je vais d’abord vous remettre sons les yeux les principaux renseignements qui yous ont été donnés sur les faits, ef qui constatent le corps de délit, afin de yous mettre eusuife à portée de juger si, parmi les personnes qui paraissent compromises dans cette affaire, il y en a qui doivent être dénoncées ngm-mérnent, et quelles sont ces personnes, Preuves recueillies par le comité , qui constatent une nouvelle conspiration contre l'Etat QYst vers la fin de mars dernier qn’on TOUS donne les premières indications du projef de CQiiiri’-réyQfnübn formé par M. Maillebois, et qu’on yous annonça les renseignements que M-Massot-Grand’jnaïsQn, qui avait été sop secrétaire jus� qu’aiors, vous fournirait à cef égard-Peu dé temps après, un membre de l’Assemblée nationale adressa un comité des recherches de cette Assemblée, des avis, venant de Turin, qui l’instruisaient du même projet de conspiration, avec des détails conformes, dans les points essentiels, à ceux que nous avait donnés M. Massot-Grand'Maison. Mais vous avjez eu, bien longtemps auparavant, des indications vagues d’un pian de cette espèce, et vous aviez même, dès le mois de décembre dernier, enyoyé à Turin un citoyen plein de zèle, pour acquérir de nouvelles lumières sur les lieux. (Quoique son yoyage ne vous ait rien appris d’important, et qu’il paraisse même qu’on nous eût tendu un piège, en nous promettant des instructions qu’on ne pouvait pas nous donner, il n’en est pas moins vrai que des ennemis de la Réyolnlionqufinousneconnaissions pas, formaient dès lors le projet que vous vous proposez de dénoncer. Yous aviez invité à passer au comité, le 5 du même mois, M. Bonne-Savardin, qui, logeant à l’Arsenal, et ayant servi dans l’armée rassemblée autour de Paris, au mois de juillet précédent, sou§ les ordres de M. le maréchal de Broglie, vous avait été indiqué comme pouvant vous donner des renseignements sur l’armée deM.de Broglie, et sur les préparatifs de guerre qui s’étaient faits à la Bastille. Il déclara ne rien savoir; et, par cette raison, vous ne dressâtes aucun acte de sa comparution. Mais, avant de venir au comité, il avait cru devoir prévenir, de l’invitation que vous aviez faite, une personne considérable avec laquelle il eut une conversation très importante sur le� moyens d’opérer u a contre-révolution et à qui il rendit compte, dès le lendemain, de la visite qu’il avait faite au comité. M. Maillebois était alors à Thury, maison dfi campagne de g. Ç�ssjai. JL lui [Assemblés nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.) m annonça d’abord, par une lettre, le récit de cet entretien, qu'il mit ensuite par écrit, en déguisant sous des noms convenus, cette personne considérable et toutes les autres dont il était question dans son récit. Il finit en rendant compte, à sa manière, de ce qui s’était passé au comité, lors de la comparution qu’il y avait faite. On voit entre autres choses, dans ce récit qui nous a été remis en original, que M. Bonne-Savar-din, sentant la nécessité d’avoir des troupes qu'on pût opposer à la garde nationale, proposait, pour les commander, M. Maillebois, et qu’il aurait désiré qu’on se débarrassât de notre commandant général (l). Ce récit et la lettre qui l’annonce sont les seules pièces qui nous soient parvenues de la correspondance que M. Bonne-Savardin aeue avec M. Maillebois, antérieurement aux avis qui nous ont été donnés de leur projet au mois de mars dernier. Mais on voit dans le livre-journal que M. Bonne-Savardin portait avec lui, que, depuis la Révolution , il allait perpétuellement voir M. Mail-lebois, soit à Paris, soit à Thury. Il allait, aussi de temps à autre, chez M. l’ambassadeur de Sardaigne où. il ne paraît pas qu’il allât précédemment, suivant ce livre-journal, qui commence au 1er février 1788; et presque jamais il ne manquait de passer chez M. Maillebois, soit avant d’aller chez M. l’ambassadeur de Sardaigne, soit eq rpyenaut (2). G est ainsi qu’on disposait le plan delà conspiration dont M'. Maillebois devait diriger l'exécution, et que M. Bonne-Savardin devait négocier à la cour de Turin. Suivant ce plan, dont M. Massot-Grand’Majson a instruit le comité, et qu’on adressait à M. d’Artois (3), on proposait au roi de Sardaigne de fournir 25,000 hommes, une somme de 6 à 7 millions, ou tout au moins son cautionnement. ün désirait que M. d’Artois engageât l’Espagne à entrer dans le projet, soit en fournissant des troupes, ou en faisant une avance de 8 millions. On paraissait sûr que le duc des Deux-Ponts, le margrave de Baden, le landgrave de Hesse appuieraient de toules leurs forces le projet, parce qu’ils étaient décidés à soutenir leurs droits en Alsace. Cette confédération formée, on deyait fabriquer un manifeste dans lé cabinet du prince, dont MM-Mounier et JLally-Tolendal auraient été les rédacteurs, et qui devait être fondé sur la déclaration lue à la séance royale du 23 juin 1789. Ge manifeste, après pvoir été revp par M. Maillebois, devait être publié avant d’enjtrer en campagne-On devait la commencer en marchant vers Lyon, qu’on espérait gagner par les privilèges qu’on accorderait à son commerce. On dirigerait un autre corps d’armée par le Brabant, un autre par la Lorraine. On comptait grossir ces armées, par tous les hommes dévoués au parti antipalriotique, et gagner les troupes particulières. Les trois corps de troupes devaient, en s’avançant vers lacapitaie, désarmer les municipalités, leur faire prêter serment au roi, et les forcer à rappeler leurs députés aux Etats généraux , s’ils tenaient encore. On devait bloquer Paris, et l’on espérait ainsi faire venir la nation à récipiscence. On peut présumer que l’exécution de ce projet était combinée avec les troubles qui ont désolé, 1) Voyez les pièces justificatives, n° l$r. 2) Voyez les pièces justificatives, n° jter. (3) Voyez les pièces justificatives, n° %*r. dans ces derniers temps, le Languedoc, la Provence, le Dauphiné et quelques autres provinces frontières, et avec les efforts que le fanatisme faisait dans le même temps pour soulever les principales villes du royaume. M. Bonne-Savardin était parti pour présenter le projet de contre-révolution à la cour de Turin, quand M. Massot-Grand’Maison, qui, d’après sa prière, l’avait transcrit sur l'original, écrit de la main de M. Maillebois, dont il était alors le secré-taire, vous fit sa déclaration le 24 mars dernier. Vous ne connaissez l’opinion de la cour de Turin et des réfugiés qui y sont, que par les lettres anonymes d’Italie, que le comité des recherches de l’Assemblée nationale vous a remisés (t). Mais Je livre-journal de M. Bonne-Savardin, une lettre qu’il écrivit à M. Maillebois, à l’adresse de M. Massot-Granci’Maisofl , et plusieurs autres pièces trouvées sur lui, lors de sou arrestation, vous ont appris qu’il était parti peu do temps après, pour aller joindre, en passant par Pans, M. Maillebois, qui s’était réfugié en Hollande ; qu’il revint ensuite à Paris, d’où, après y être resté caché quelques jours, il retournait en Savoie, lorsqu’il fut arrêté par là garde nationale et la municipalité de Ponl-Beauvdisin (2). Vous avez applaudi, Messieurs, & là conduite pleine de patriotisme et de prudence de la garde nationale et de la municipalité de cette ville, qui se bâta de vous annoncer e t événement important, ainsi qu’au comité des recherches de l’Assemblée nuiiunale et à M-le commandant général (3). Elle adressa à ce comité Tes pièces tes plus importantes qu’elle avait trouvées sur M. Bonne-Savardin, tandis qu’elle l’envoyait à Lyon, pour plus de sûrelé. Quant au surplus de ses effets, elle les envoya aussi scellés et plombés à la municipalité de Lyon, qui, sur la réquisition de M. le maire et de M. le commandant général de notre garde nationale, a fait conduire M. Bonne-Savardia à Paris, sous fescorie des officiers de l’état-major, que M. de La Fayette avait envoyés, Dès |e jour de l’arriyée de M. Bon ne-Sav ardu, le comité des recherches de l’Assemblée nationâtè vous l’a renvoyé avec ses effets. U vous a remis aussi, peu de jours après, toutes les pièces relatives à çette affaire qu’il avait entre les mains. 11 faut seulemem vous rapporter que les efiets envoyés par la municipalité de Pont-Beau voisin à Lyou, avaient éié rendus à M. Bonue-Savardin durant sa détention dans cette ville. Première question. T a-t-il lieu de dénoncer M, Maillebois et M. Bonne-Savardin� Vous n’avez pas besoin, Messieurs, pour vous convaincre que la conspiration, dont vous venez d’entendre le récit, est véritablement un crjine de lèse-nation, de vous rappeler les ordonnances qui déclarent coupables de ièse-majesté au premier chef les conspirateurs contre la République du royaume (4), ni celles qui défendent à toutes personnes d’entrer dans aucune ligue offensive ou défensive avec les princes et les potentats étrangers; jamais, indépendamment dé (outes jes lôi� (1) Voyez les pièces justificatives, n° 2. (2) Voyez les pièces justificatives, n° 2. (3) Voyez les pièces justificatives, n° 2. \î) Ordonnancé de "Villers-Cotterets, en 1S31, article 1er. m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.] promulguées parmi les hommes, attentat ne fut plus criminel. que cette conjuration (1). Une grande nation, jusqu’alors asservie, vient de briser ses fers. Foulant aux pi ds les préjugés de toute espèce qui l’avaient avilie, elle emploie les premiers instants de cette liberté, si glorieusement acquise, pour donner à l’univers l’exemple à jamais mémorable d’un peuple qui remonte aux giands principes de la raison humaine, et profite des lumières de tous les pays et de tous les siècles, pour asseoir ses institutions politiques sur l’égalité des droits, et le vœu commun. C’est au moment où elle renouvelle dans l’histoire moderne toutes les merveilles de l’antiquité, en réalisant enfin ces spéculations hardies sur la suprématie du peuple, dont tant d’écrivains avilis ou soudoyés, par les tyrans, avaient tant de fois prononcé l’exécution impossible ; c’est au moment où toute la nation assemblée, par ses représentants, se concerte avec son chef pour fonder sur cette base inébranlable la félicité publique, et l’autorité qu’elle dépose en ses mains, que des âmes dégradées par l’habitude du despotisme, au point de ne pouvoir plus supporter l’éclat de la liberté, et de croire que ceux qui en ont une fois joui pourront se la laisser arracher, osent former un plan de conspiration pour nous remettre sous le joug. C’est quand les 44,000 communautés qui composent l’Empire français ont ratifié la Constitution tracée par leurs représentants, en jurant de la maimenir de tout leur pouvoir, qu’on veut l’étouffer, dès sa naissance, dans le sang des citoyens armés pour &a défense, en faisant marcher contre eux des troupes étrangères. Ainsi, pour servir quelques mauvais citoyens, intéressés au maintien des abus les plus insupportables, on conspirait contre les droits de tous les hommes, retracés dans la déclaration de l’Assemblée nationale; contre la liberté, garantie aux Français actuels et à ceux des générations futures par la Constitution qu’elle a décrétée; contre le vœu publiquement prononcé par 24 millions d’hommes, dans toutes les parties de notre Empire; coutre la volonté du roi enfin, qui l’a si fortement et si solennellement exprimée au mois de février dernier. Dans les diverses conférences que nous avons déjà eues sur cette affaire, nous n’avons jamais douté que nous ne dussions dénoncer un crime si détestable; nous n’avons jamais douté, non plus, que nous ne dussions dénoncer nommément M. Maillebois et M. Bonne-Savardin, comme prévenus d’en être les auteurs et de l’avoir négocié. C’est effectivement M. Bonne-Savardin qui a eu, dès le 5 décembre dernier, avec une personne considérable, cette conversation coupable, dans laquelle ils cherchaient ensemble les moyens d’emmener le roi hors de sa capitale, et loin de l'Assemblée de nos représentants, en se procurant une armée que l’on pût opposer à la garde nationale. C’est M. Maillebois, que M. Bonne-Savardin a proposé pour le général de cette armée. et les noms factices, dont iis étaient convenus d’avance, pour désigner les personnes qui seraient l’objet de cette conversation, annoncent seuls que le tout était déjà combiné entre eux deux. C’est M. Maillebois qui a conçu ensuite le plan de conspiration, dans lequel, pour suppléer à cette armée amipatriotique qu’on ne pouvait pas trouver en France, il propose d’introduire (1) Ordonnance de Blois, article 183. dans le royaume des troupes qui seraient fournies par le roi de Sardaigne, le roi d’Espagne et des princes d’Allemagne. C’est lui qui a entièrement écrit de sa main ce plan criminel, et qui l’a donné à copier à M. Bonne-Savardin. C’est M. Bonne-Savardin, qui, ayant trop de peine à lire l’écriture de M. Maillebois, l’a donné à son tour à copier à M. Massot-Grand’Maison, pour le recopier ensuite sur sa copie. C’est M. Maillebois enfin, qui a fourni l’argent nécessaire pour le voyage de M. Bonne-Savardin à la cour de Sardaigne (I). Vous n’avez pas oublié, Messieurs, que les avis de Turin, qui nous ont été remis par le comité des recherches de l’Assemblée nationale, s’accordent avec la déclaration de M. Massot-Grand’Mai-sou sur le plan de conspiration, et qu’ils assurent de plus que ce plan a ôté effectivement présenté par M. Bonne-Savardin à M. d’Artois, de la part de M. Maillebois. Si ces avis, tout importants qu’ils sont, ne peuvent pas faire preuve d’après leur caractère anonyme, ils ont pu du moins vous servir d’indication, et toutes les pièces qu’on a trouvées sur M. Bonne-Savardin, lorsqu’il a été arrêté au Pont-Beauvoisin, tous les éclaircissements que vous avez obtenus depuis, confirment ces indications. M. Bonne-Savardin a reconnu lui-même qu'il avait porté à M. d’Artois, dès le jour de son arrivée, un paquet contenu dans un autre, que M. Maillebois avait adressé à M. Séran, gouverneur de ses enfants. On voit dans son livre-journal (2) et dans plusieurs pièces saisies sur lui (3), qu’il a été présenté depuis, non seulement aux princes de la maison de France, qui y étaient réfugiés, mais encore au roi de Sardaigne et à toute sa famille, quoiqu’il ne soit resté à Turin qu’une quinzaine de jours. Les cartes de ceux qui sont venus pour le voir, sans le trouver, dans ce court intervalle, constatent qu’il a reçu des visites, et même des visites réitérées des personnes les pins considérables (4). Son livre-journal et d’autres pièces prouvent, encore qu’il est parti de Paris aussi précipitamment qu’il y était arrivé; qu’après avoir porté à l’ambassadeur de Sardaigne un paquet, dont on l’avait chargé pour lui (5), il s’est hâté d’aller rejoindre en Hollande, M. Muii-lebois, qui s’y était réfugié; qu’il est revenu tout de suite à Paris, et qu’après le refus fait par M. l’ambassadeur fie Sardaigne de le recevoir, à cause du bruit que faisait la découverte de son complot, il est reparti en poste pour la Savoie. Il est remarquable que parmi ces pièces on trouve une lettre de M. de la Chastre (6) pour M. Mounier, que M. Bonne-Savardin devait remettre personnellement à ce dernier; M. de la Chastre y annonçait une conversation très détaillée, qu’ils avaient eue ensemble. M. Bonne-Savardin, convient, dans son interrogatoire, qu’il avait vu précédemment M. Mounier, lors de son premier voyage à Turin. Or, suivant la dénonciation de M. Massot-Grand’Maison, et les lettres de Turin, c’était MM. Mounier et Lally-Tollendal qu’on devait charger de faire le manifeste des révoltés. On trouve enfin, parmi ces papiers, deux lettres écrites à M. Bonne-Savardin, l’une par M. l’ambassa-(1) Voyez l’extrait du Livre-Journal de M. Bonue-Savardin, pièces justificatives, n° 8. (2) Ibid , page 13. (3) Voyez pièces justificatives, n° 10. (4) Ibid, a» 10. (5) Ibid , n« 10. (6) Ci-devant M. le comte de la Chastre. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. deur de Sardaigne, l’autre par M. Maillebois. Toutes deux, comme on le verra bientôt, loin de démentir les indications précédentes, qui avaient déterminé dés lors M. Maillebois à s’enfuir, et M. Bonne-Savnrdio à se cacher dans son premier voyage à Paris, rend nt un nouveau témoignage à la réalité de leur projet. Les embarras perpétuels où M. Bonne-Sa var-din s’est trouvé, malgré toute sa présence d’esprit, lors des interrogatoires que le comité lui a laits, et les contradictions qui lui sont échappées, ajoutent une nouvelle force à toutes ces preuves. Il dénie les principaux faits relatifs au projet de conspiration rapportés dans la déclaration de M. Massot-Grand’Maison, et dans les avis de Turin; mais il se sert des expressions les plus vagues, parce qu’il craint, sans doute, qu’on ne lui oppose ou des pièces, ou d’autres témoignages qui démentent ses assertions à cet égard (1). Il ne nie pas la conversation importante qu’il a eue, le 5 décembre dernier, avant de venir au comité, parce que le récit en est écrit de sa main ; mais il ne peut pas se rappeler avec qui il l’a eue, parce que l’interlocuteur n’est désigné, dans son récit, que sous un nom convenu, et qu’il a, dit-il, perdu la clef que M. Maillebois lui avait donnée. Et quand on lui observe que celte conversation s’est tenue avec une personne qu’il a vue le 5 et le 6 décembre, de son propre aveu, pour l’instruire de sa visite au comité; quand ou lui montre que son livre-journal n’énonce qu’une seule personne qu’il ait vue le 5 décembre au matin, et chez laquelle il soit retourné le lendemain; quand on rappelle enfin, que, dans son interrogatoire, il n’a lui-même nommé qu’une seule personne, chez laquelle il ait été ces deux jours-là, et à qui il ait rendu compte de sa visite au comité, il déclare « qu’il paraît bien que c’est « cette personne-là, mais qu’une affirmation se-« rail hasardée en pareil cas; que la lecture de « son livre-journal marque une conformité de « noms; quHl y a des rapprochements, mais que « l’affirmation est encore une chose impossible, « pour ne pas compromettre la vérité (2). » M. Bonne-Savardin n’a pas mieux expliqué l’objet de cette conversation que le nom de la personne avec qui elle avait eu lieu. Il prétend qu’il n'a proposé M. Maillebois que pour être à la tête de l’une des trois divisions de l’armée française, projetées par M. de la Tour-du-Pin, dans son plan d’organisation militaire ; et l’on voit, dans cette conversation, qu’il s’agissait d’une armée qu’on ne savait pas où trouver ; on y voit que cette armée devait être opposée à la garde-nationale et que M. Bonne-Savardin demande comment on se débarrassera de M. le commandant général. Enfin, cette armée, suivant la conversation, devait conduire le roi dans les provinces; et l’interlocuteur de M. Bonne-Savardin ne veut pas donner le com-maudement à un général qui paraît être M. le maréchal de Broglie, parce que la dernière fois qu’on l’a employé, « il s’est conduit de manière à ôter « l’envie aux plus entêtés, et qu’il ne fait rien « depuis cet instant (3). » Si on demande à M. Bonne-Savardin pourquoi c’est M. Maillebois qui a fourni mille écus pour son voyage à Turin, il répond que M. Maillebois lui devait cette somme dès le temps où il serait sous ses ordres en Hollande ; et rien ne constate, dans sonlivre-journal, ce qu’il allègue à cet égard. (1) Voyez les pièces justificatives, u°5. (2) Ibid., n" 5. 5* séance. (3) Voyez les pièces justificatives, n° 6. 1T9 Série, T. XVII. ]2 août 1790.] gl3 Si on lui demande pourquoi, lors de son dernier départ pour la Savoie, il a obtenu un passeport sous le nom de Saint-Marc, en annonçant qu’il allaita Auxerre, il répond que sa voiture étant ch -z M. Saint-Marc, son domestique a vraisemblablement trouvé plus commode pour le postillon qui devait amener les chevaux (mais qui ne devait pas être muni de passeport) de donner l’adresse précise du lieu où était sa voiture, et que, passant par Auxerre pour aller en Savoie, il n’avait pas cru déguiser ni sa marche ni la vérité, en faisant concevoir ainsi un passeport qui n’était utile que pour sortir deParis.il n’explique pas mieux pourquoi il s’est donné des titres qu’il n’avait pas, dans un passeport qui lui a été donné à Grenoble : pourquoi il voyageait sous le nom de Savardin , quand toutes les autres pièces qu’on a trouvées sur lui, annoncent qu’il ne s’était fait désigner jusqu’alors que sous le nom de Bonne. Enfin, quand on lui demande pourquoi il s’est caché en passant au Pont-Bcauvoisin, et pourquoi il s’est annoncé comme aide-de-camp de M. de La Fayette, il nie ces deux faits, qui sont pourtant constatés par les informations sommaires faites par la municipalité du Pont-Beauvoisin. M. Bonne-Savardin nous déclare encore qu’il comptait faire passer à M. Mounier, par une de ces occasions qui se présentent à tout moment, la lettre dont il était chargé pour lui, quoique cette lettre dise qu’il ea serait personnellement porteur, qu’elle annonce uniquement à M. Mounier «ne conversation très détaillée, dont M. Bonne-Savardin pourrait seul rendre compte, puisqu’elle avait eu lieu entre lui seul et M. de la Ghastre (1). Ajoutons que, dans un premier interrogatoire, M. Bonne-Savardin déclare qu’il ne se souvient pas de qui est cette lettre pour M. Mounier, ni qui la lui a remise (2), tandis que, dans un second U avoue nettement qu’elle est de M. de la Ghastre, député à l’Assemblée nationale (3). Inlerrogé quel est l’objet de cette conversation détaillée que M. de la Ghastre annonce à M. Mounier, il répond qu’elle n’a eu pour objet que sou avancement à la cour de Turin, tandis que la conversation n’a rien produit de relatif à cet avancement, du propre aveu de M. Bonne-Savardin, et quoiqu’il soit évident que des détails sur ce sujet ne pouvaient pas intéresser M. Mounier (4). M. Bonne-Savardin prétend encore que sa correspondance avec M. Maillebois, durant son séjour à Turin, ou dans la Savoie, se bornait uniquement à lui donner des nouvelles de sa santé; M. Bonne-Savardin lui a néanmoins écrit trois ou quatre lettres, de son propre aveu (5), dans le court intervalle de dix-sept jours (depuis le 7 jusqu’au 23 mars). Ce n’est pas tout : il prend la précaution de lui adresser mystérieusement ces lettres sous un nom étranger, sous celui de M. (Massot) Grand' Maison, «lors secrétaire de M. Maillebois. Il les adresse au domicile de ce secrétaire, et non pas chez M. Maillebois. L’une de ces lettres, écrite de la Novalèse, et arrivée après la fuite de M. Maillebois, a été remise au comité parM. Massot-Grand’Maison, et il n’y est pas question de la santé de M. Bonne-Savardin (6). On a (1) Voyez les pièces justificatives, n° S, arlicle 93 et suiv. (2) Ibid., n° 5, article 22. (3) Ibid., n° 5, article 58. (4) Ibid., n° 5, article 61. (5) Ibid., u° 5, article 409. (6) Voyez les pièces justificatives, u° 1. 33 [Assemblée nationale-! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M trouvé ]a fiote d’une autre, dans les papiers saisis sur lui. Il n’y en est pas plus question (1). Cette lettre, écrite de la Novalèse, annonce que M. Bonne-Savardin était chargé d’en remettre une à M.' Maillebois, et de porter un paquet à son ami de là rué du Cherche-Midi , c’est-à-dire, comme M. Bonne-Savardin en convient dans son interrogatoire, à M. l’ambassadeur de Sardaigne, qui demeure dans la rue du Cherche-Midi. M. Bonne-Savardin ajoute, dans sa lettre de la Novalèse* qu’il croit qu’il sera nécessaire que cet ami communique le paquet à M. Maillebois. Il résulte de là qüë M. Bonne-Savardin connaissait bien le contenu de ce paquet, et qu’il était réellement pour fil. l’ambassadeur de Sardaigne . Cependant M. BoUnè-Savârdin prétend, dans ses interrogatoires, qu’il ignorait le contenu du paquet, qu’il présumait, dit-il, renfermer les pièces relatives à son êbtrée au service de Sardaigne, mais que M. l’ambassadeur ayant oüVvrt eu sa présence la première enveloppe, il n’y trouva rien autre chose qu’un paquet pour M. de Sérau (2). Ce n’êst pas tout encore ; les lettrés mêmes de M. Maillebois à M. Bonne-Savardin, sont des énigmes pouf ce dernier. M. Maillebois lui a écrit de Hollande, le jeudi 15 (avril dernier) « que les * nouvelles de sa famille et de ses amis parais-« Sent croire à la chute prochaine du complot; i qu’tm aUlre avis plus entortillé semble croire * qu’on attend des lettres dé Turin;..... qu’ainsi « il voit que, sans celle lettre très inutile de la « Novalèse, et là blêchêrie du Cherche-Midi à qua-« ïor%e heures', cela serait bientôt fini (3) «. Quand ©n demande à M. Bonne-Savardin ce que c’est qüë cet avis plus entortillé, et cette blêchérie du Cherche-Midi à quatorze heures -, il répond qu’il U’en sait rien (4), quoiqu’il ait précédemment déclaré qu’il n’avait été voir M. Maillebois que pour lui demander des éclaircissements sur la dénonciation faite aü Comité par U-. Massot-Grand’Maison (5). Un post-scriptum de cette même lettre remercie M. Bonne-Savardin des nouvelles qu’il a données à M. Maillebois, et que celui-ci dit être assez ■graves, chacune dans leur genre. M. Maillebois y ©joute qü’ii espère que M. Bonne-Savardin aura BiiB toute la prudence possible dans son entrevue , si elle a lieu. Suivant M. Bonne-Savardin, ces nouvelles •assez graves sont relatives, en partie, aux troubles dü Brabant, et, en partie, à d’autres affaires dont il ne sé rappelle pas-. L’entrevue dont il s’agit devait aVoir lieu, pour le même objet, avec M. le géfféCaï de Klenberg* et il rapporte en preuve uft passeport de ce général. Enfiû, par rapport à ces mots : la chute prochaine du complot, qui prouvent que ce n’était pas tiû'e chimère dans l’opinion même de M. Maii-fèbois, M. Bonne-Savardin dit que c'est une négligence de Style. C’est encore unb négligence de style, suivant lui, quê cette expression de la lettre qui lui a été édite par M. l’ambassadeur de Sardaigne, le 26 avril dernier : « Je sais qu’on vous a fait cher-Cher, et que vous pouviez bien encore être « arrêté, quoique des bruits de vos projets soient « ralentis depuis quelques jours. » Quant au post-scriptum de la même lettre, où (1) Ibid, n° 6. 12) Voyez les pièces justificatives, û° S, articlôS. (3) Voyez la note sur cet objet, tf* fi. (4) Voyez les pièces justificàtivès, Thto S, âïdcTè 132. (5) Ibid., n° S. [2 août 1790.] M, l’ambassadeur lui marque : « les choses sont « d’ailleurs comme vous les avez laissées, et je « n’ai rien appris de nouveau depuis vous », M. Bonne-Savardin n’en peut pas rendre compte, parce qu’il n’a pas vu M. l’ambassadeur depuis qu’il lui avait porté le paquet pour M. de Séran, et il parait croire que tout cela ne se rapporte qu’aux promesses d’avancement de services qui lui avaient été faites à la cour de Turin. Ainsi, les réponses de M. Bonne-Savardin ne font qu’aggraver de plus en plus les charges qui résultent contre lui de tant de pièces, La plupart de ces pièces chargent également M. Maillebois; et si sa fuite n’a pas permis de l’interroger personnellement, on peut dire qu’elle forme line nouvelle présomption contre lui, La déclaration faite au comité par M, Lenoir-üuclos, qui a été son valet de chambre jusqu’au moment où il s’est réfugié en Hollande, confirme celle de M. Massot-Grand-Maison. On y lit que ce dernier lui avait annoncé, dès le commencement de mars, qu’il paraissait que M. Maillebois tramait une contre-révolution, comme il l’avait appris par un écrit de ce dernier, qu’il avait copié sur la prière de M. Bonne-Savardin. On y lit encore qu’il a vu chezM, Maillebois une lettre à l’adresse de M. Mas-sot-Grand-Maisott, qui voulut la lui porter; mais que M. Maillebois t’en empêcha, en disant que ces lettres étaient pour lui, et quê Cela était de convention avec M Massot. M. Lenoir-Duclos ajoute qü’après le départ de M. Massot-Grand-Maison, M. Maillebois s’était emparé de son portefeuille; que lui (Lenoir-Duclos) n l’avait trouvé « dans une situation qui ne lui était pas ordinaire, « et paraissant agité; qu’au moment où le décia-« rant se disposait à le raser, il se leva précipitam-« ment sans rien dire, etsortitde son appartement; * que, revenu Un instant après, il parut au dé-« clarant beaucoup plus agité; que le rouge lui « montait au visage pendant qu’on le rasait; et « que, la toilette faite, il dit, en s’appuyant sur la <> tablette de la cheminée, et en parlant au décla-« rant : Massot m'a fait une atrocité *v Enfin, M. Maillebois a fait insérer dans les papiers publics de Hollande, une lettre écrite le 19 mai à la grande Société de Breda, où, en dénonçant Un article du Courrier de Leyde, il affirme q de M . Bonne-Savardin ayant i üùtté, dès 1 788, lé service des Etats généraux* rie peut y avoir aucun grade militaire; qu’il ne lui a jamais donné la moindre mission, ni écrit aucune lettre (1), L’interrogatoire dé M. Bonne-Savardûa prouve néanmoins qu’il a porté les lettres de M, Maille-bois à Turin ; qu’il lui en a rapporté les réponses ; et vous avez de plus SOUS les yeux la lettre écrite d’Anvers, le 15 avril dernier, 4 M. Bonne-Savardin par M . Maillebois, pour lui faire part de ce qu’il a appris sur la chute du complot, et pour d’autres objets. M. Maillebois a donc senti lui-même qu’il ne pouvait se défendre des imputations qui lui étaient faites, qu’en cachant la vérité, comme M. Bonne-Savardin. Il doit -donc être dénoncé comme lui. SECONDE QUESTION-. Ÿ a-t-il lieu à dénoncer la pefsbntte ’àvec lôiquèWe M. Bonne-Savardin a eu Vënïrefien du S décembre 1789 1'' Et comment cette dénonciation doit-elle être faite? Vous avez, Messieurs, sous les yeux le récit de (1) Gazette nhidérseWe, ï§2, pagfc 769. [Assemblée nation ale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.} conversation, que M. Bonne-Savardin avait écrit pourM. Maillebois, en désignautceuxqui en étaient l’objet, et son interlocuteur même, sous des noms convenus (l). Il egt nécessaire de vous en rappeler les principaux traits, pour vous mettre à portée de vous décider. M. Bonne-Savardin commence cet entretien en demandant à son interlocuteur, qu’il désigne Sous le nom de Farcy : Quand cela finira-t-il? Question qui se rapporte évidemment à l’état où les choses se trouvaient depuis la Révolution. Farcy répond : « il faudra bien qu'il y ait un « terme; et si cette espérance ne nous soutenait, « il faudrait mettre la clef sous la porte , et y at-« tendre l'instant d'être égorgés ». Ainsi, l’interlocuteur de M. Bonne-Savardin désirait une < ontre-révolution ; celte espérance le soutenait : il aurait quitté sa place sans cela; et ce n’est que de cette manière qu’il prétend, pouvoir éviter d’être égorgé. L’interlocuteur ajoute : « que ce terme sera le « printemps, puisque c’est l’époque que le roi a « choisie pu ur aller visiter les provinces » . M. Bon n e-Savardin lui dit alors : « Ne craignez-vous pas « que toute cette milice n’y mette des entraves? « qu’elle ne veuille nous suivre et rendre vos pro-« jets sans effet? » L’interlocuteur avait donc des projets que la garde nationale aurait rendus sans effet, en sui vaut le roi. Il est clair que de tels projets ne pouvaient être que ceux d’une contre-révolution. La réponse de l’interlocuteur confirme cette idée. « Hé bien, dit-il, si elle est tentée de suivre, « nous la laisserons faire; quand une fois nous « aurons ie cul sur la selle, nous verrons. » M. Bonne-Savardin sent à merveille qu’on entend par-là des mesures hostiles contre la garde nationale, et il iui dit : « Je conçois qu’alors il y « aurait des moyens , si vous aviez des troupes , mais « où en trouverez-vous? » On redoutait trop le patriotisme des soldats français pour compter sur eux, et l’on n’avait pas apparemment encore de promesses des puissances étrangères. L’interlocuteur garde le silence. M. Bonne-Savardin continue *. « Comment vous « débarrasserez-vous de Betville ? Son ambition est « vaste, et ii est en mesure ». H paraît, d’après les détails qui suivent, qu’il s’agit ici de M. le commandant général de la garde nationale. L’interlocuteur prétend que ce commandant est plus embarrassé qu’eux; que les moyens ne leur manqueront pas, quand ils n’auront que lui à craindre. M. Bonne-Savardin propose alors pour général M. Maillebois, sous le nom d'Adrien (2), dont il vante les talents et l’esprit fécond en ressources. Mais l’interlocuteur craint qu’il ne puisse pas le faire agréer, quoiqu’il en ait la même opinion. Enfin, M. Bonne-Savardin demande si l’on prendrait M. de Culan , nom par lequel il paraît avoir voulu désigner M. le maréchal de Broglie. L’interlocuteur répond que ceseraitune folie; qu’il s est conduit d’une manière à en ôter l'envie au plus entêté, qu’avec de l’énergie, une tête, il serait allé babiter les mêmes lieux qu ’Ermand (3) puisqu’il y a une possession; mais que sa tête n’y (i) Voyez ce récit, avec les notes de M. Agier, aux pièces justificatives, n° 7. (2) M. Bonne-Savardin a reconnu que le nom d 'Adrien désignait M. Maillebois. C’est le seul des noms convenus que M. Bonne-Savardin ait interprété. (3) Voyez pièces-justificatives, n® 7. m est plus. Farcy finit par prier M. de Bonne-Savardin de lui rendre compte de ce qui se passera au comité. On ne peut pas douter, d’après le début même de cette conversation, qu’il n’y en eût en déjà d’autres sur le même sujet entre les mêmes personnes; et il en résulte du moins de c« ile-ci, que l’interlocuteur, quel qu’il soit, avait dès lors des pro* jets de con tre-ré volution , pour l’exécu tioü desquels il lui fallaitune armée, qu’il opposerait aux gardes nationales; qu’il avait examiné, avec M. Bonne-Savardin, quel en serait le chef, et s’il serait nécessaire de se débarrasser du commandant général de la garde nationale. D’après cela, il est bien constant que cet interlocuteur, quel qu’il soit, doit être dénoncé, pour avoir trempé dans le projet d’une conspiration avec M. Maillebois et M. Bonne-Savardin nominativement, si nous avons des moyens suffisants pour le connaître, et, dans le cas contraire, sous les désignations que donne le récit de la conversation. Ces dénonciations de personnes inconnues ne sont ni contraires à la raison, ni contraires à nos formes judiciaires. Le but des dénonciations est évidemment de mettre la justice à portée d’acquérir, par les informations, de nouvelles indications du délit et des personnes qui peuvent en être coupables. Lors donc qu’on n’a que des indications incomplètes sur la personne de ceux qui paraissent y avoir participé, rien n’est plus juste que de les dénoncer dans cet état d’incertitude, afin que les magistrats puissent compléter ce qui manque aux preuves, soit du côté du délit dont elles sont prévenues, et pour les avertir elles-mêmes de venir offrir leur justification, si c’est mal à propos qu’on leur attribue cette participation au délit. Les tribunaux vont bien plus loin : lors même que les informations laissent encore de l’incertitude sur la personne, ils décrètent des quidams, en les désignant par les caractères que donnent ces informations, et l’on ne peut pas se dispenser de considérer ces sortes de décrets comme abusifs, parce qu’il ne faut pas laisser aux officiers ministériels, chargés de lesmettre à exécution, le soin de juger leur application. Ges inconvénients ne peuvent pas s’étendre aux dénonciations faites dans la même forme; car c’est évidemment aux tribunaux à juger si les dépositions des témoins ou les autres preuves qui existent au procès, désignent quelqu’un individuellement, et quel est ce quelqu’un. Mais nous devons-nous borner à une dénonciation aussi vague? N’avons-nous pas desindications de la personne queM. Bonne-Savardin a désignée sous le nom de Farcy ? et ces indications ne suffisent-elles pas pour en autoriser la dénonciation individuelle? Vous vous rappelez, Messieurs, que l’écrit de M. Bonne-Savardin annonce qu’il a rendu visite, le cinq décembre dernier, avant de venir au comité, à ce prétendu Farcy, et qu’il y est retourné le lendemain matin. Vous vous rappelez encore, qu’en consultant le livre-journal de M. Bonne-Savardin, où il a mis soigneusement toutes les personnes chez qui il est allé chaque jour, vous y avez trouvé qu’il avait été, ie cinq décembre dernier, chez M. Guignard de Saint Priest, avant d’aller au comité, et qu’il y avait retourné le lendemain matin. Ce journal n’énonce que M. Guignard de Saint-Priest seul, chez qui M.Bonne-Savardin soit a lié consécutivement ces deux jours-là, quoiqu’il nomme plusieurs personnes chez qui il avait au ssi été l’un ou l’autre 4e ces deux jours seulement. g|6 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.] Il est impossible, d’après cela, que M. Guignard de Saint-Priest ne s’offrît pas à vous, comme l’interlocuteur avec lequel cette conversation avait eu lieu; et ses fonctions de ministre ne cadraient que trop avec la manière dont l’interlocuteur de M. Bonne-Savardin s’est exprimé dans cette conversation. Vous avez donc demandé à M. Bonne-Savardin, qui ignorait alors que vous eussiez entre les mains le récit de son entretien, « si le jour où il s’est rendu au comité de re-« cherches, sur notre invitation, il n’a pas été, « dans la matinée, voir une personne, à qui il a « fait part de cette invitation, et si le lendemain « il n’y est pas retourné, pour lui rendre compie « de ce qui s’était passé au comité. On lui demande « quelle est cette personne. » M. Bonne-Savardin a répondu « que oui, et que cette personne est M. le comte de Saint-Priest. » Il est vrai que quand on a montré à M. Bonne-Savardin le récit, écrit de sa main, de la conversation du 5 décembre, il n’a pas voulu formellement avouer que M. Guignard de Saint-Priest en fût l’interlocuteur; mais il s’est bien gardé de dire qu’elle eût été tenue avec une autre personne ; il a seulement prétendu que, n’ayant pas la clef que lui avait donnée M. Maillebois, il ne pouvait plus reconnaître celui qu’il avait désigné sous le nom de Farcy; comme s’il pouvait être besoin de cette clef pour se rappeler l’unique interlocuteur d’une conversation si intéressante, dont M. Bonne-Savardin avait annoncé le récit à M. Maillebois, par une première lettre, et qu’il avait détaillée dans un second écrit. Aussi quand nous lui avons rappelé combien tout concourait à établir que cet interlocuteur était M. de Saint-Priest, il a ôté réduit à dire, comme vous l’avez déjà vu, « qu’il paraissait que c’était lui (M. Gui-« gnard de Saint-Priest) qu’il avait voulu dési-« gner; mais qu’une affirmation serait hasardée « en pareil cas; que la lecture qu’on lui a faite « de son livre de raison, aux dates annoncées, « marque une conformité des noms de M. le « comte de Saint-Priest et de Farcy; mais qu’en-« core une lois, il ne peut affirmer que ce soit la « même personne : qu’il répète qu’il y a des rap-« prochements entre ces deux noms"; mais que « l’affirmation est encore une chose impossible, « pour ne pas compromettre la venté. » Il n’est pas un de vous, Messieurs, qui ait pu ajouter foi à ces restes d’incertitude affectée par M. Bonne-Savardin. Il ne vous a plus été permis de douter, après cet interrogatoire, que M. Guignard de Saint-Priest ne fût l’interlocuteur de cette conversation criminelle; et les tergiversations de M. Bonne-Savardin, pour éviter de le nommer, sont, pour qui jugera bien le cœur humain, une désignation beaucoup plus irréprochable de ce ministre, que ne le serait l’aveu le plus formel. Nous avons donc le témoignage écrit deM. Bonne-Savardin, dans un temps non suspect pour la réalité de la conversation et le concours de toutes les circonstances, pour l’attribuer à M. Guignard de Saint-Priest. Gela suffit, sans doute, pour nous autoriser à la dénoncer et pour nous en faire un devoir. Mais ne doit-il pas nous êtfe permis d’ajouter que cette dénonciation spéciale présente l’avantage précieux de mettre la justice plus à portée d’acquérir les informations nécessaires pour déterminer son jugement? G’est moins la conversation en elle-même qu’il s’agit de déférer au tribunal national, que le projet de contre-révolution qui en était le sujet. Si l’on se contente de dénoncer un quidam désigné sous le nom de Farcy, n’a-t-on pas à craindre que le ministère public ne puisse appeler, et que les juges eux-mêmes ne puissent entendre, à cet égard, que les témoins qui pourraient déposer de cette conversation, ou prouver l’identité de M. Guignard de Saint-Priest avec le prétendu Farcy? Les autres témoins qui pourraient se présenter pour déposer contre ce ministre, des faits relatifs à un projet de contrer-évolution, courraient le risque d’être rejetés, parce qu’il ne serait point dénoncé au procès, mais son ombre seule, et son ombre encore inconnue aux yeux de la loi; ou plutôt ces témoins ne se présenteraient pas. D’après les préjugés que la barbarie de notre ancienne instruction criminelle a laissés dans tant d’esprits, combien la crainte de passer pour dénonciateur, en allant offrir son témoignage à la justice, ne retient-elle pas de citoyens dévoués d’ailleurs au bien public? Or, il est à peu près impossible d’acquérir de nouvelles preuves de la conversation tenue entre M. Bonne-Savardin et son interlocuteur. Ils étaient probablement seuls lorsqu’elle a eu lieu, comme l’annonce M. Bonne-Savardin dans son interrogatoire (1). Vous avez néanmoins, contre M. Guignard de Saint-Priest, d’autres indications qui ne se rapportent que trop au projet de conire-révolution sur lequel a roulé la conversation du 6 décembre 1789. Sans parler ici des troubles de Marseille, qui ont engagé cette grande ville à dénoncer ce ministre à l’Assemblée nationale, et sur lesquels vous n’avez point encore acquis de preuves suffisantes, pour en induire la liaison avec le projet coupable d’une contre-révolution, on vous annonce plusieurs autres faits à la charge de M. Guignard de Saint-Priest. On vous assure qu’il a témoigné hautement son aversion et son mépris contre l’Assemblée nationale ; qu’il a tenu des propos scandaleux sur ses travaux et sur la belle Constitution qu’elle établissait; qu’il n’y avait pas de sarcasmes qu’il ne lâchât contre les plus estimables défenseurs de notre liberté, et contre l’Assemblée nationale elle-même et la Constitution, en annonçant qu’elle ne subsisterait pas longtemps, et que les choses retourneraient bientôt sur l’ancien pied. Vainement prétendrait-on que la place éminente de M. Guignard de Saint-Priest mérite des égards particuliers; que nos lois mêmes paraissent l’exiger, puisque l’ordonnance criminelle veut, dans l’article 2 du titre 10, que « selon la « qualité des crimes, des preuves et des per - « sonnes, il soit ordonné que la partie sera « assignée pour être ouïe, ajournée à comparoir « en personne, ou prise au corps. > Il n’est pas besoin, Messieurs, de vous rappeler que cette distinction, dans la qualité des personnes, est pour jamais abolie par les décrets de l’Assemblée nationale, et qu’au surplus, la faveur due à la qualité de la personne serait abondamment compensée par tout ce que la qualité du crime a d’odieux, si nous nous croyons permis d’invoquer ici les principes effrayants de notre jurisprudence criminelle sur les crimes de ièse-majesté royale ou nationale. Il est du moins incontestable que cet article de l'ordonnance criminelle doit être resserré dans les bornes les plus étroites, et son texte ne parle que des diverses espèces de décrets ; il ne dit rien des dénonciations ou des accusations. La loi ne fait aucune distinction à cet égard : tous ceux qui paraissent prévenus de tel ou tel crime doivent (1) Voyez pièces justificatives, o° 5. [2 août 1790.] 517 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. donc, d’après cette loi môme, être dénoncés, sauf à prononcer à leur égard un décret plus ou moins rigoureux, suivant les circonstances. Si les fonctions importantes dont M. Guignard de Saint-Priest est chargé, pouvaient être ici de quelque considération, elles offriraient un motif de plus pour le dénoncer, soit qu’on examine les devoirs que sa place lui imposait, soit qu’on porte ses regards sur les grands motifs qui devaient l’engager à bien servir son pays, ou sur les circonstances honorables dans lesquelles il a été rappelé au ministère. Lps obligations qui unissent tous les hommes entre eux, qui leur inspirent la loi de se protéger mutuellement, et surtout de ne point se nuire, reçoivent une nouvelle force de l’union sociale, et l’infraction de ces devoirs est bien plus coupable encore de la part de tous ceux qui sont chargés de veiller à leur observation. Mais est-il un degré de crime au delà de celui d’un ministre qui trahit la confiance de tout un peuple, dont il a l’autorité en dépôt? Quelque parfaite, quelque prévoyante que soit une législation, quelque régie qu’on y puisse mettre, il y a toujours, beaucoup d’arbitraire dans l’exécution; et un ministre peut faire beaucoup de mal sans être à la portée du glaive de la loi. Le sort de plusieurs milliers d’hommes est à sa disposition.il est le dispensateur des grâces; sa bienveillance seule est une faveur, que peu de personnes ont la sagesse de négliger. Armé de tant de moyens, combien n’est-il pas dangereux, s’il veut faire le mal? combien n’est-il pas coupable, surtout si, à tant de moyens pour nuire, se joint, encore, la facilité que donne l’arnachie pour exciter des troubles ? Son crime ne s’aggrave-t-il pas de toutes ces circonstances combinées ? L’administration précédente avait emporté avec soi l’exécration publique ; et c’est dans ce moment que M. Guignard de Saint-Priest fut rappelé. L’empire des lois venait d’être solennellement proclamé sur les ruines de la tyrannie; le peuple et le roi s’étaient unis pour marcher de concert dans la voie du bien public et de la liberté. Sans doute, on doit s'attendre qu’une administration créée par le despotisme en défende la cause : alors en abhorrant les agents du pouvoir arbitraire, on peut encore, s’ils vont ouvertement à leur but, conserver quelque estime pour l’audace avec laquelle ils s'exposent aux suites dangereuses de leurs desseins pervers. Mais le patriotisme doit toute sa haine, et la justice toutes ses rigueurs, au ministre perfide qui, portant les drapeaux de la liberté, veut la livrer à ses ennemis, et qui tourne contre le peuple même le pouvoir qu’il tient de lui. Un prince, qui savait mieux écrire sur ses devoirs que les remplir, le successeur de la reine Elisabeth, a dit, dans son premier discours au parlement d’Angleterre, que les rois étaient les premiers serviteurs de la République (1) ; mais, dans un pays où le chef n’est pas responsable, cette qualification convient encore mieux aux agents immédiats du pouvoir exécutif. Ils sont bien plus les ministres du peuple que ceux du prince; et c’est contre eux surtout qu’on doit admettre, dans toute son emphrase, la dénonciation de haute trahison , qu’a donnée aux crimes de lèse-nation le peuple qui nous a précédés dans la carrière de la liberté. Il n’est assurément pas injuste d’exiger plus de celui à qui l’on a plus confié. (1) Voyez le fameux numéro 45 du North-Briton. On pourrait donc dire qu’on a droit de traduire plus facilement un ministre en justice, non pour le juger sur des preuves plus légères, mais pour appeler sur lui toutes les lumières, pour dissiper tous les nuages qui peuvent obscurcir sa réputation, et pour que la nation soit sûre de le connaître. Enfin, Messieurs, la publicité de l’instruction indiquera, comme complice, M. Guignard de Saint-Priest, soit que vous le dénonciez nominativement ou non. Mais si vous ne le dénoncez pas, vous l’inculpez, indirectement à la vérité, mais d’une manière tout aussi sûre, sans lui donner les moyens de se justifier légalement. Getle méthode d’attaquer un ministre suspect peut être la meilleure, politiquement parlant, lorsqu’on veut lui nuire ou le perdre, sans se compromettre; elle peut être la plus sûre pour ceux qui consultent plus leur tranquillité que les devoirs dont ils sont chargés; mais, par cela même, elle ne convient pas aux délégués d’un peuple libre. Ils doivent attaquer franchement, courageusement, et, si je puis le dire, dans tout l’éclat de la lumière, ceux qui leur paraissent les ennemis du bien public. Il n’est pas un de vous qui n’aimât mieux, si l’on avait des soupçons sur lui, se voir accuser hautement afin d’être à portée de les détruire, que d’être forcé de les laisser se perpétuer dans les ténèbres. Tel sera toujours le vœu des gens de bien ; tel doit être celui de M. Guignard de Samt-Priest, si nous avons le bonheur de nous tromper, en croyant voir en lui un ennemi du bien public. Il est trop vrai, Messieurs, que les pièces dont vous venez devoir les principaux résultats, font naître nécessairement des soupçons sur quelques autres personnes, contre lesquelles nous n’avons pas des indices suffisants, pour les comprendre dans la dénonciation. Notre devoir est de les surveiller sans interruption, et nous continuerons à le remplir dans toute son exactitude. Mais vous penserez, sans doute aussi, que vous devez, dès à présent, publier les principales pièces de cette grande affaire. Cette publicité appellera, sans doute, les dépositions des bons citoyens, qui sentiront enfin qu’on se rend complice des traîtres, en cachant leur trahison; elle mettra tous les dépositaires du pouvoir exécutif à portée de prendre les mesures, que ces indications leur suggéreront. Aucun de ceux que ces pièces peuvent compromettre n’aura droit de s’en plaindre, parce qu’elles font partie d’une instruction qui doit devenir publique; parce que la publicité de tout ce qui intéresse une nation est plus particulièrement nécessaire, quand c’est le seul moyen qu’on ait de la garantir d’un danger apparent; parce qu’enfin la même voie est ouverte, pour détruire les soupçons que des circonstances extraordinaires font naître nécessairement contre eux. Si, comme l’espérait M. Maillebois, quelques princes de l’Europe étaient disposés à se liguer avec les mécontents, qui voudraient river les fers de tous les peuples, en asservissant de nouveau leur patrie, ils apprendront, sans doute, à connaître l’impuissance de leurs efforts contre la liberté française; ils se hâteront peut-être de prévenir les commotions qui ne tarderont pas à se propager, dans ce qu’ils appellent leurs états. L’amour inné de cette liberté, dont le germe n’attend qu’un moment favorable, pour la développer dans tout ce qui respire, donne à notre cause des surveillants chez tous les peuples. Cette gjg [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.] affaire vous en fournit tin exemple, et ce n’est pas le seul que vous puissiez produire de l’intérêt que les étrangers p"ennent à notre Révolution. Bientôt les princes de l’Europe, qui n’auront pas la sagesse de suivre l’exemple du roi des Français, s’apercevront que les nations se liguent aussi contre eux; et les despotes, accoutumés de longue main à se méfier de tout ce qui les entoure, craindront toujours qu’il' ne se trouve, autour d’eux, quelque ami de la liberté, pour détruire l’effet de leurs complots perfides, par une trahison magnanime. Arrêté du comité des recherches. Vu les déclarations faites au comité les 24, 27, 31 mars et 18 juin 1790; les avis reçus de Turin et de Nice, eu dates des 12, 23, 27 du même mois de mars et 19 avril communiqués au comité de recherches de l’Assemblée nationale ; le procès-verbal d’arrestation de M. Bonne-Savardin, fait le 31 avril par la municipalité du Pont-Beauvoisin, contenant visite et examen de ses papiers et effets; l’information sommaire faite le lendemain par la même municipalité; la lettre par elle adressée, tant au comité des recherches de l’Assemblée nationale, qu’au présent comité et à M. le commandant général de la garde nationale parisienne, pour leur faire part de ces diverses opérations; les interrogatoires subis devant le comité, par M. Bonne-Savardin, les 21, 22, 23, 24 mai et 4 juin ; la lettre par lui écrite de la Novalèse le 24 mars, son livre de raison ; une lettre à lui écrite d’Anvers par M. Mai llebois, le jeudi 15 (avril); plusieurs autres lettres à lui adressées par différentes personnes, ou dont il s’est trouvé porteur; et généralement toutes les pièces trouvées sur lui, ou déposées au comité; vu enfin le récit d’une conversation de M. Bonne-Savardin, écrit par lui-même, et envoyé à M. Mail-lebois, en décembre dernier. Le comité, instruit par ces pièces et déclarations, qu’un projet qui tendait à attirer sur la France des armées étrangères pour renvêrser l’ordre public que la Constitution établit, avait étcconçu par des personnes d’autant plus coupables, qu’elles ont obtenu des grades et des honneurs au nom de l’Etat, pour le mieux servir, par M. Desmarets-Maillebois, lieutenant-général des armées françaises et chevalier de l’ordre du Saint-Esprit, et M. Bonne-Savardin, officier de cavalerie, chevalier de Saint-Louis; Que l’un et l’autre ont offert leur projet et leurs services àM. d’Artois et à la cour de Turin; qu’à cet effet, M. Bonne-Savardin a été envoyé et s’est rendu à cette cour, aux frais de M. Desmarets-Maillebois, pour y négocier l’exécution de ce projet; ce qu’il a fait autant qu’il lui a été possible ; Que M. Bonne-Savardin a également offert les services de M. Desmarets-Maillebois contre la patrie, à une personne désignée entre eux par le nom de Farcy, et que les pièces annoncent être M. Guignard de Saint-Priest, ministre et secrétaire d’Etat; que celui-ci, loin de repousser ou même de dénoncer aux tribunaux des offres aussi criminelles, a favorablement accueilli M. Bonne-Savardin par des témoignages de bienveillance et par la communication d’autres projets non moins contraires à la Constitution ; Que M. Guignard de Saint-Priest n’a cessé de témoigner sa naine et son mépris pour l’Assemblée nationale et les lois décrétées par elle et acceptées par le roi, tandis que le premier devoir d’un ministre est de les faire exécuter et res - pecter. Le comité, après en avoir plusieurs fois conféré avec les membres du comité des recherches de l’Assemblée nationale, estime que M. le procureur syndic de la municipalité de Paris doit, en vertu des pouvoirs qui lui ont été donnés, dénoncer les crimes ci-dessus mentionnés, circonstances et dépendances; dénoncer aussi comme prévenus desdits crimes, M. Ives-Marie Desmarets-Maillebois, lieutenant-général des armées françaises et chevalier de l’ordre du Saint-Esprit; M. Bertrand Bonne-Savardin, officier de cavalerie et chevalier de Saint-Louis, et M. François-Emmanuel Guignard de Saint-Priest, ministre et secrétaire d’Etat, leurs fauteurs, complices et adhérents. Fait au comité, le 9 juillet 1790. Signés : àgier, Perron, Oudart, J.-Ph. Garran, J. -P. Brissot. PIÈGES JUSTIFICATIVES N° 1. Déclarations faites au comité des recherches et pièces y annexées. Note préliminaire. Certaines personnes ne manqueront pas de se récrier contre ces déclarations que, suivant leur usage, elles qualifieront de délations infâmes. Notre réponse est dans une autorité qu’ils ne contesteront pas. « Une délation qui tend à sau-« ver l’Etat est une action honorable, qu’on ne « saurait trop récompenser; il n’y a de délations « criminelles que celles qui sont faites aux tyrans « contre les défenseurs de la liberté et de la vé-« rite. » ( Exposé de la conduite de M. Mounier , page 40.) Au reste ce serait bien à tort que la déclaration du sieur Massot-Grand’Maison serait mise dans la classe des délations. En premier lieu, comme on l’observe dans le rapport, ce n’est point lui qui a donné an comité les premières indications du complot tramé par MM. de Maillebois et Bonne-Savardin; c’est un homme respectable qui, ayant appris de M. Massot-Grand’Maison le secret affreux dont il était dépositaire, est venu sur-le-chamn en faire part au comité pour s’acquitter de son devoir de citoyen. En second lieu, M. Massot-Grand’Maison n’a quitté M. de Maillebois que malgré lui et pour sa propre conservation, lorsqu'il a vu que, par l’effet d’une complaisance déplacée, il allait nécessairement se trouver compromis dans une affaire aussi grave, surtout depuis qu’il eut découvert que son nom ne servait pas seulement de passeport aux lettres que M. Bonne-Savardin écrivait à, M. de Maillebois, mais que, dans le contexte même, elles paraissaient lui être adressées, à lui Grand’Maison. Enfin, M. Massot a positivement déclaré que le patriotisme seul l'avait engagé à faire sa déclaration, et qu'il n'entendait en recevoir aucune récompense, quelle quen pût être l'issue. Ges circonslances paraissent suffire pour rassurer les personnes les plus difficiles. La déclaration du sieur Lenoir-Duclos est encore moins suspecte : il n’a paru au comité qu’a� [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 17904 près y avoir été mandé par nous, et sur l’indication qu’en avait donné le sieur Massot-Grand’Maison. Déclarations de M. Massot-Grand Maison. Gejourd’hui vingt-quatre mars mil sept cent quatre-vingt-dix, est comparu par devant nous, Thomas-Jean Mussot-Grand’Maison, ci-devant attaché à M. le comte de Maillebuis, de présent à Paris, n° 3, rue du Théâtre-Français, lequel nous a déclaré que, dans le mois de février dernier, M. le chevalier de Bonne, ancien capilai m au service de Hollande dans la légion de Mail lehois, lui a remis un mémoire écrit de la main de M. le comte de Maillet ois , avec prière de le copier pour lui, parce que l’écriture était difficile à lire ; qu’il consentit à le copier ; qu’après l’avoir lu, il fût véritablement effrayé des idées que contenait ce mémoire ; que cependant il en fit une copie qu’il remit à M. de Bonne, sous la condition que ceder-nier la copierait lui-même devant lui déclarant, et lui rendrait ensuite sa copie, ce qui fut fait; que cetie copie fut ensuite jetée au l'eu ; que lui déclarant remit à M. de Bonne l’original ; que M. de Bonne partit le vingi-deux février pour Turin ; que, dès le soir même de son départ, le déclarant, lou-jours frappe de l’énormité du projet que contenait. le mémoire, crut devoir mettre par écrit les principales idées que sa mémoire lui fournit; que, dès ce moment, il forma le projet de quitter M. de Maillebois, afin de ne point être compromis dans une affaire aussi grave; qu’en conséquence il écrivit à sa mère afin qu’elle le rappelât sous un prétexte qui ne pût donner aucun ombrage à M. de Maillebois, ou lui laisser entrevoir que le déclarant était instruit de son projet ; que M. de Maillebois prévint le déclarant qu’il arriverait des lettres du chevalier de Bonne à l’adresse suivante : A monsieur de Grand1 Maison n° 91, rue Grenelle-Saint-Germain. Et comme le déclarant connaissait l’écriture du chevalier, M. de Maille-hois lui recommanda de lui remettre ces lettres sans les lire ni les ouvrir. Que M. de Maillebois le prévint, en outre, que ces lettres porteraient une indication particulière de deux étoiles ; que depuis il a vu arriver deux lettres sous cette couverture, qu’il a remises à M. de Maillebois ; que ses craintes sur les suites de cette correspondance ont redoublé, lorsqu’un coup du hasard lui a fait découvrir que, dans le cours de ces lettres, M. le chevalier de Bonne avait l’air de les adresser à lui-même déclarant, en l’appelant par ces mots: mon eher Grand’ Maison ; que depuis cette découverte, le déclarant chercha tous les moyens de quitter M. de Maillebois; qu’ij attendait, pour cet effet, un voyage que ce dernier devait faire à Paris, voyage qui fut retardé par une attaque de goutte qu’il essuya ; que ne prévoyant pas le terme ou cette goutte finirait, le déclarant prit le parti de quitter, le samedi vingt du courant, ie château de Thuri, où demeurait à cette époque M. de Maillebois ; qu’arrivé à Clermont, H pria les filles de Pierre Bance, journalier demeurant, de se charger des clefs de la cham-re qu'il occupait au château de Thuri, el d’une armoire dans laquelle était son portefeuille, de les faire remettre secrètement au nommé Lenoir-Duclos, valet de chambre de M. de. Maillebois, en lui recommandant d’avoir soin du portefeuille; dont la clef était restée au déclarant; qu’il a pris ensuite la route de Paris, < ù il est arrivé dimanche dernier; qu’ii se proposait d’y attendre 819 M. de Maillebois, de lui déclarer qu’il le quittait, et ensuite de le prévenir qu’il était instruit de son projet, de l’engager à y renoncer en le menaçant de ledénoncer, s’il n’y renonçait pas; qu’hier, en allant chezMme de Maillebois, il apprit de cette dame que, dimanche dernier, M. de Maillebois ne voyant pas reparaîire le déclarant, et ayanrt su la recommandation faite pour le portefeuille, avait eu des soupçons, et en conséquence s’était fait remettre le portefeuille de lui déclarant, et en avait brisé la serrure; que M. de Maillebois était ensuite parti le jeudi de grand matin, sans avoir indiqué l’endroit où il allait, et avait écrit à Mme de Maillebois de ne point remettre à lui déclarant, les lettres qui viendraient sous son nom; qu’il en avait vu arriver une qui était entre les mains de Mme de Maillebois. Ajoute le déclarant, que M. de Saint-Mauris, conseiller au parlement, rue Vivien ne, lui avait remis l’argent nécessaire pour ce voyage; qu’il était dans le secret de cette affaire, ainsi queM. l’ambassadeur de Sardaigne; que le mémoire d’instruction contenait, entre autres choses, ce que lui déclarant a consigné, d’après sa mémoire, dans ta note annexée aux présentes, et qu’il a paraphée; note dans laquelle M. de Maillebois est désigné sous le nom d’un militaire, et M. le chevalier de Bonne sous celui d’un courrier. Et ledit sieur Massot no is a po-sitivemem déclaré que le p rtriotisme seul l’a engagé à faire la présente déclaration, et qu’il n’entend eu recevoir aucune récompense, quelle qu’en puisse être l’issue, et le déclarant a signé avec nous. Ainsi signé : Massot-Grand Maison, Brissot de Warville, Gar - ran de Boulon et Perron. Suit la teneur du précis annexé à la déclaration précédente. Précis du mémoire copié par le sieur Massot-Grand - Maison , d'après l'orignal de M. de Maillebois, qui a été remis sur-le-champ à M. le chevalier de Bonne. Le 22 février dernier, il est parti pour Turin un courrier chargé de différentes dépêches, entre autres, d’une lettre adressée à M. le comte d’Artois, dans laquelle il est prié de donner croyance et confiance au courrier sur les objets dont il lui fera les propositions. Voici un résumé très succinct des principaux articles contenus dans l’instruction du courrier : Un militaire éclairé offre à M. le comte d’Artois ses services pour le faire rentrer en France d’une manière convenable à sa dignité (au cas que le prince n’eût pas d’autres vues). Ge militaire, qui croit la chose possible, propose d’engager le roi de Sardaigne à prêter vingt-cinq mille hommes de troupes, et à faire une avance de 6 millions; D’engager l’Espagne à entrer dans ce projet, soit en fournissant des troupes ou en faisant une avanee de 8 millions; De tâter l’Empereur, pour savoir s’il serait aussi dans l’intention de fournir des secours de l’una ou de l’autre espèce. On paraît sûr que le duc des Deux-Ponts, margrave de Baden, landgrave de Hessen, etc. f appuieront de toutes leurs forces le plan, puis-* qu’ils sont décidés à soutenir leurs droits en Alsace. Cette confédération formée, il est question de fabriquer un manifeste dans le cabinet du prince, 520 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. rédigé par MM. Mounier et Lally-Tollendal, et fondé sur la déclaration du mois de juin (1). Ce manifeste, après avoir été revu par le militaire, serait publié avant d’entrer en campagne. Ou commencerait par marcher vers Lyon, où l’on espère n’éprouver que peu de difficultés, par les privilèges qu’on accorderait d’abord à cette ville pour son commerce. Un autre corps d’armée serait dirigé par le Brabant. Et le troisième marcherait par la Lorraine. On compte que ces trois corps d’armée se grossiraient inliniment par tous les gens du parti antipatriotique. On gagnerait, par les menées d’agents adroits et à force d’argent, les troupes qui sont sur les frontières. Les trois corps d’armée s’avanceraient jusqu’à Corbeil, Senlis et Meaux, désarmeraient sur leur passage et aux environs, toutes les municipalités, leur feraient prêter serment au roi, et les forceraient à rappeler leurs députés, au cas que les Etats généraux tinssent encore leurs séances. Paris serait bloqué, et on espère, par ce moyen, faire venir la nation à récipiscence. Et le 31 desdits mois et an, est comparu au comité ledit sieur Massot-Grand’Maison, lequel nous a présenté une lettre daiée de la Novalèse le 24 mars, et adressée à lui Grand’Maison, rue de Grenelle-Saint-Germain, n° 91, qu’il nous a déclaré ê*re de la main du chevalier de Bonne, mentionné en la déclaration ci-jointe, et qu’il nous a déposée après l’avoir paragraphée avec nous. Et a signé : Massot-Grand’-Maison, Agier. A la Novalèse, le 24 mars. J’ai enfin quitté Turin, mon cher Grand’Maison ; mais je suis retenu ici peut être pour plusieurs jours (2). Il est tombé une si grande quantité de neige sur le mont Cénis qu’il est impénétrable ; les voyageurs s’accumulent ici ; il y en a déjà depuis deux jours. Je voudrais bien vous rencontrer à Paris, à mon retour, j'ai une lettre à vous remettre , et un paquet pour votre ami de la rue du Cherche-Midi (3); je crois qu’il sera nécessaire qu'il vous le communique (4). . Je me fais un grand plaisir de vous voir ; je serai certainement à Paris vendredi ou samedi saint; je voudrais vous y voir, et vous y trouver ' chez vous (5). De vos nouvelles, sinon je m’empresserai d’aller vous chercher, et de vous renouveler le sincère attachement que je vous ai voué. Au dos est écrit : A monsieur , monsieur de Grand' Maison., rue de Grenelle-Saint-Germain , iV° 91, à Paris. Ajoute le déclarant à sa précédente déclaration les faits qui suivent : 1° Que M. de Bonne lui a dit, au mois de février dernier, que M. l’ambassadeur de Sardaigne (1) Du 23 juin, publiée à la séance royale. (2) Il n’ est resté à Turin que seize jours (du 7 au 23 mars), et il écrit : « J’ai enfin quitté Turin ». Voyez dans l’interrogatoire, article 144, comment M. Bonne - Savardin explique cette impatience. (3) Voyez dans l’interrogatoire, article 90, ce que c’est que l'ami de la rue du Cherche-Midi. Voyez aussi, articles 91, 92 et 93, ce qu’étaient, suivant M. Bonne-Savardin, les lettres et paquet dont il est question. (4) Voyez dans l’interrogatoire, articles 111 et 112, pourquoi il était nécessaire, selon M. Bonne-Savardin, que le paquet fût communiqué à M. Maillebois. (5) Les deux mots sont soulignés dans l’original. 12 août 1790.1 se faisait fort de trouver 30 millions dans Paris. (il était question alors du projet que M. de Bonne était chargé de négocier.) 2° Que M. de Bonne lui a dit pareillement que la marquise deCassini se proposait d’aller à Chambéry, lorsque le comte de Maillebois se serait rendu àTurin; mais que lui, chevalier de Bonne, avait employé toutes les raisons possibles pour la dissuader d’un pareil projet, entre autres celle-ci, qu’une pareille démarche nuirait au comte de Maillebois. 3° Que le déclarant lui ayant observé que son projet ne réussirait pas, et que c’était de l’argent perdu, le chevalier de Bonne lui répondit que M. le comte d’Artois serait toujours sensible à cette marque de zèle, et ne manquerait pas de la reconnaître , lorsqu’il reviendrait en France , ce qui arriverait tôt ou tard. 4° Que le valet de chambre du comte de Maillebois a dit au déclarant, depuis qu’il est de retour à Paris, que le lundi vingt-deux du présent mois, jour où le comte de Maillebois est parti pour la Hollande, au moment où il faisait sa toilette, toute sa personne était dans la plus grande agitation, qu’il lui monta un feu qui, du cou, se répandit par gradation sur toute la tête, qu’il lui prit un tremblement général, que ses dents claquaient, ses lèvres remuaient sans cesse ; qu’il voulut parler, mais ne put rien articuler ; qu’a-près sa toilette, il s’appuya sur sa cheminée, et dit d’un ton douloureux' : Massot ..... le cruel homme ! il m’a trahi ! Observe aussi le déclarant, qu’il s’est trompé dans sa première déclaration, en disant que M. de Bonne lui avait dit que M. de Saint-Mauris, conseiller au parlement, rue Vivienne, lui avait remis l’argent nécessaire pour son voyage de Turin ; que M. de Bonne lui avait dit simplement que c’était M. de Saint-Mauris qui avait fourni aux frais dudit voyage. Lecture faite, a' déclaré persister, et a signé lesdits jours et an. Signé : Massot-Grand' Maison, Agier. Je soussigné, après avoir relu mes déclarations ci-dessus, et des autres parts, consens qu’elles soient communiquées par messieurs du comité des recherches, ainsi qu’ils le croiront convenable, et même rendues publiques par la voie de l’impression. A l’Hôtel-de-Ville, ce 16 juin 1790. Signé : Massot-Grand’ Maison. Déclaration de M. Lenoir-Duclos. Le 27 mars 1790 est comparu au comité, en vertu de notre invitation, M. Marin Lenoir-Duclos, bourgeois de Paris, ci-devant valet de chambre de M. le comte de Maillebois, demeurant rue des Champs-Elysées, place de Louis XV, chez M. de la Reynière, lequel a déclaré qu’il y a environ trois semaines, M. Massot, secrétaire de mondit sieur de Maillebois, lui ayant annoncé qu’il avait des choses de la dernière importance, qui 1 inquiétaient, après diverses instances que M. Lenoir lit à M. Massot, ce dernier lui apprit qu’il paraissait que M. de Maillebois tramait une contre-révolution; que le sieur Lenoir et le sieur Massotse donnèrent dès lors parole mutuellequ’ils ne resteraient pas au service de M. de Maillebois; que, sur les questions que cette conversation amena, le sieur Massot ajouta que M. de Maillebois devait se concerter avec les puissances étrangères pour faire entrer des troupes en France; que lui, sieur Massot, avait été instruit de ces faits par (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.) 52t un écrit de M. de Maillebois, qui lui avait été communiqué par M. le chevalier de Boane, avec prière de le copier, à cause de la difficulté d’en lire l’écriture; ce que le lit sieur Massot avait fait. M. Lpnoir ne se rappelle aucun autre détail relatif à cette conversation. Mais depuis, ayant demandé au sieur Massot, qui s’appelle aussi Grand’- Maison, s’il avait de nouveaux renseignements à ce sujet, le sieur Massot lui déclara qu’il ne savait rien de nouveau ; que seulement M. de Maillebois recevait des lettres à l’adresse de lui Massot, qui étaient distinguées par deux petites croix ; qu’effectivement le sieur Duclos ayant vu, sur le lit de M. de Maillebois, une lettre à l’adresse de M. Grand’Maison, il voulut la lui porter; mais que M. de Maillebois l’en empêcha, eu disant que ces lettres étaient pour lui, et que cela était de convention avec le sieur Massot; que les choses avaient resté dans cet état jusqu’à samedi dernier, où le sieur Massot était parti pour Pans, à neuf ou dix heures du soir, sans en prévenir le déclarant, que le lendemain dimanche, à midi, le nommé Bans, journalier à Thuri, où les faits précédents se sont passés, vint annoncer au déclarant que le si-eur Massot l’avait chargé de prier ledit sieur Lenoir de prendre son portefeuille; que le même jour, d’après l’indication de ce paysan, ledit sieur Lenoir alla prendre les clefs de la chambre du sieur Massot, dans la maison dudit sieur Bans, aux filles de qui le sieur Massot les avait remises; que le sieur Lenoir prit effectivement le portefeuille, et le descendit pour le porter dans sa chambre, mais que M. de Maillebois le lui demanda, ayant été instruit que le sieur Lenoir en était chargé, parce que le sieur Bans avait déclaré, dans la maison, la commission dont le sieur Massot l’avait chargé; que le sieur Lenoir remit le portefeuille à M. de Maillebois; qu’il s’enferma alors avec Mme de Cassini ; que M. de Maillebois et Mme de Cassini demandèrent au déclarant s’il avait reçu quelques communications de la part du sieur Massot, ce que le déclarant ne voulut point reconnaître; que le lundi matin, M. de Maillebois chargea le sieur Lenoir de prévenir Mme de Maillebois qu’il allait coucher chez un de ses amis, sur une atrocité que le sieur Massot lui faisait, sans autre explication ; que non seulement il lui demanda s’il le suivrait, et que le déclarant lui répondit que non; que s’il allait à Paris, il le suivrait jusque là, mais non pas ailleurs, que Mme de Gassiui demanda ensuite plusieurs fois au déclarant, s’il ne savait pas pourquoi le sieur Massot s’en était en allé, que M. de Cassini lui fit aussi les mêmes demandes, à quoi il répondit toujours qu’il n’en savait rien; queM. de Cassini et le déclarant sont alors partis dans le cabriolet de M. de Cassini, et qu’il lui dit seulement en le quittant : « Si vous « voyez M. Massot, et qu’il vous dise quelque « chose vous passerez chez moi pour m’en ins-« truire », et que M. de Cassini ne lui a rien dit autre chose dont il se rappelle. Ajoute le déclarant, qu’il a vu depuis le sieur Massot, qui ne lui a rien appris de nouveau, et auquel il a fait des reproches d’être parti sans l’en prévenir, mais qu’il n’a point vu M. de Cassini. Le déclarant se rappelle d’avoir vu une seule fois M. de Bonne chez M. de Maillebois, sans savoir pourquoi il y était, ni ce qu’il y a dit ou fait. Il ajoute, que M. de Maillebois est parti avec son valet de chambre chirurgien , nommé Perrier, le sieur Auguste, son laquais, et le sieur Chevalier, domestique de M. de Cassini; il n’a pas ouï dire qu’aucun d’entre eux soit revenu. Lecture faite de ladite déclaration, ledit sieur Duclos a persisté et signé avec nous. Signé : Marin Lenoir-Duclos et Garran de Coulon. Et le vingt-neuf dudit mois de mars, est de nouveau comparu au comité ledit sieur Lenoir-Duclos, ci-devant qualifié, lequel a déclaré que c’est par inadvertance qu’il a dit, dans sa précédente déclaration, que, depuis son retour à Paris, il n’avait point vu M. de Cassini; que la vérité est que, dès le lendemain mardi, ledit sieur de Cassini, chez lequel ledit sieur Lenoir-Duclos s’était transporté, lui avait dit que M. de Maillebois était parti pour la Hollande, et que, sous quinze jours, il reviendrait à Paris ; que ledit sieur Lenoir-Duclos avait eu tort d’abandonner si promptement le service dudit sieur de Maillebois; que la même observation avait été faite au déclarant, au château de Thuri, par Mme de Cassini, et que le déclarant leur avait constamment répondu qu’il ne demeurerait avec M. de Maillebois que dans le cas où il retournerait à Paris, ayant même, ledit sieur Lenoir-Duclos, l'intention de sortir alors du service de M. de Maillebois. Ajoute le déclarant, qu’avant son départ du château de Thuri, c’est-à-dire trois semaines avant cette époque, le sieur Massot-Grand’Maison, secrétaire de M. de Maillebois, lui avait dit que l’ambassadeur de Sardaigne et M. de Saint-Mauris, seigneur d’Houdainville, château très voisin de celui de Thuri, devaient fournir de l’argent pour le succès de la contre-révolution imaginée et projetée par M. de Maillebois, dont acte. Signé : LENOIR-DUCLOS et Perron. Ce jour, dix-huitième juin mil sept cent quatre-vingt-dix, est comparu de nouveau, par-devant le comité, le sieur Lenoir-Duclos, qualifié et domicilié dans les déclarations ci-dessus, lequel, après qu’il lui a été fait lecture, tant desdites déclarations, que d’un article de la dernière déclaration dudit sieur Massot - Grand’Maison, dans lequel celui-ci rend compte d’un fait important, qu’il dit tenir dudit sieur Lenoir-Duclos, a déclaré qu’il est vrai que, le lundi vingt-deux mars dernier, étant entré, suivant l’usage, chez M. de Maillebois, entre huit et neuf heures du matin, pour lui donner son chocolat, il l’avait trouvé dans une situation qui ne lui était pas ordinaire, et paraissant aaité ; qu’environ un quart d’heure après, il a demandé à faire sa toilette, ce qu’il n’avait coutume de faire que vers l’heure du dîner, et a ordonné que l’on fît la vache pour partir sur-le-champ, sans dire où il allait; qu’au moment où le déclarant se disposait à le raser, il se leva précipitamment , sans rien dire, et sortit de son appariement (le déclarant a su qu’il avait été chez Mme de Cassini ; que, revenu un instant après, il a paru au déclarant beaucoup plus agité ; que le rouge lui montait au visage pendant qu’on le rasait, et que sa toilette faite, il dit en s’appuyant sur la tablette de sa cheminée, et en parlant au déclarant : Massot m’a fait une atrocité , ce qu’il a depuis répété au déclarant, étant monté dans sa voiture, et en le chargeant de rendre ce "propos à Mmo de Maillebois, ainsi que ledit sieur Lenoir l’a exposé dans la précédente déclaration ; que c’est là tout ce que le déclarant se rappelle et ce qu’il croit avoir dit à M. Massot-Grand’Maison. Persiste, au surplus, ledit sieur Lenoir dans ses précédentes déclarations, et n’empêche que lesdites déclaration, ainsi que la présente addition, soient rendues publiques. Signé: Lenoir Duclos, Agier et Perron. $93 {Assemblée oafionate,] ARGfllYÉS PARLEMENTAIRES. [2 août �790-1 N° 2. Avis de Turin et de Nice, Note préliminaire, Les letttres suivantes nous ont été communiquées par Messieurs du comité des recherches de l’Assemblée nationale. Elles sont anonymes et dès lors nous nous garderons hieq de les présenter comme des preuves; mais nous rendons compte au public des motifs qui nous ont déterminés à voter la dénonciation, et, sous ce rapport, il pops a semblé que nous pourrions compter, pour quelque chose cette eireonsiance remarquable, que, tandis que nous recevions ici, à la fin de mars, les déclarations sur le projet de contre-révolutioc tramé par M. Maillebois, le comité des recherches de l’Assemblée nationale recevait de son côté des avis de Turin, presque absolument conformes, tant pour le fond que pour les détails. Peut-être, au reste, que ces avis, actuellement non probants, se convertiront en preuves pendant le cours de l’instruction. Les deux premières lettres sont d’un homme employé à la cour de Turin, et très à portée de tout savoir. On lui avait écrit au sujet d’une conférence qui devait se tenir (disait-on) à Rome, entre les réfugiés français, et dont un membre de l’Assemblée nationale, mal informé, s’était empressé de faire part â son comité des recherches. L’auteur des lettres répond, dans la première, du 12 mars, que cette nouvelle est fausse, mais qu’j) peut en attester une autre comme bien certaine; et il parle du projet de contre-révolution de M. Maillebois, dont R expose les particularités, à pi-u près comme l’a fait depuis M, Massot-Grand’Maison. Dans la seconde lettre, du 27 mars, M* Maillebois est nommément indiqué comms l’auteur du projet. La troisième a été écrite dans l’intervalle des précédentes, avec lesquelles elle s’accorde complètement; elle est du 23 mars, et a pour auteur, comme le texte même l’annonce, un Français très attaché à la Constitution, qui voyageait en Italie, On voit, par cette lettre, qqe les démarches de M, Maillebois ou 4e son envoyé étaient connues en partje dans les cercles de la cour de Turin, et y faisaient l’objet des conversations. Nous ne donnons qu'un extrait de la quatrième lettre, écrite de Nice: elle est fort longue, et contient des détails intéressants sur la conduite de nos réfugiés; mais le fragment que l’on imprime, est tout ce qu’elle présente de relatif à l’affaire de M* MaiUebois, Première lettre de Turin. De Turin, ce 12 mars (1), Je me hâte, mon cher ami, de répondre à voire lettre du premier du couraut, en vous assurant que la conférence de Rome, dont vous me parlez est une fausse nouvelle. M. le comte d’Artois n’a jamais quitté notre ville un instant, ce que je puis vous certifier comme témojn oculaire, mais (1) Il y a, dans la pièce remise au comité: 12 mai ; mais c’est visiblement une faute du copiste, comme ii pa ait par la lettre suivanie, qui est un développement de celk-ci, et qui pfirt§ la 4» 27 mars. ce que je puis vous asmrer de science certaine, c’est qu’il est arrivé ici, depuis quatre jours (1), une personne dq Paris, chargée de présenter un projet à M. le comte d’Artois, pour opérer une contre-révolution. Ce projet ne part pas du roi de France, mais d’une autre personne distinguée dans l’ancienne armée française. Pour l’exécution dudit projet, l’on voudrait que M. le comte d’Artois tâchât d’engager le roi de Sardaigne à prendre fait et cause, en fournissant une armée de 25,000 hommes, à partager en trois divisions, dont une entrerait en Dauphiné, par Embrun ; l’autre, par la Savoie, dans le Lyonnais ; et la troisième, par Nice, dans la Provence. Pour cela, il faudrait que le roi de Sardaigne fournît les 25,000 hommes, cautionnât un emprunt de plusieurs millions; que l’on engageât le roi de Naples de fournir aussi de l’argent, ainsi que l’Espagne. L’auteur du projet espère que les mécontents du Dauphiné, ceux de la Proveuee et du Languedoc grossiraient l’armée. Au moment que le projet serait combiné ici, on ferait reprendre un manifeste (que l’on engagerait MM. Mounieret Lally-Tollendal à rédiger) en Dauphiné, ch Provence, et surtout à Lyon, où l’on lâcherait, par le moyen des aristocrates annoblis, de se faire nn parti, et y avoir de l’argent. Une fois assurés de Lyon, on inviterait le roi à s’y rendre, l’auteur ayant déjà aussi son projet pour que le roi pût se rendre à l’invitation, sans être exposé. En même temps, le projet est aussi d’engager les princes d’Allemagne, qui ont des droits en Alsace, d’y entrer avec une armée d’une dizaine de mille hommes, et avançant ainsi, l’on espérerait le grossissement des armées combinée� par leg mécontents, et par i’&rgent que l’on répandrait pour arriver enfin à assiéger Paris. Voilà l’extrait snrcinGt du plan, que le hasard le plus extraordinaire a mis sous mes yeux:, et que j’ai eu le temps de lire. Je sais que M. le comte d’Artois dans le premier entretien, a dit qu’il ne voulait point d'une guerre civile, et qu'il était bien ici, — qu ü voulait auparavant voir le§ choses. Or, bien positivement, il n’a encore donné aucune réponse, et s’il la donne, je la saurai. Ge que je puis vous dire, c’est que tout ce plan me paraît absolument en l’air, et il y manque Jes bases les plus essentielles, savoir: l'grgent qqe l’auteur demande, et d’ailleurs je ne crois pas que notre cour entre dans un pareil projet. Outre cela, il est certain qu’il faudrait plus de trois mois pour ie concerter, et en faire les préparatifs, lesquels ne pourraient être secrets que pour peu de temps, et il serait bien aisé à la nation de prendre les mesures nécessaires pour opposer des forces suffisantes à tonte invasion. Je me sers d’une main étrangère pour qe pas vous compromettre : il faut que vous me mandiez si l’on est sûr du cours des lettres; car a|urs, si vous le souhaitez, et que vous le croyiez utile, je vous nommerai l’auteur du projet, je vous donnerai d’autres détails, et je vous tiendrai au courant. M* de fi,,, est ingtrqit du projet en question. Seconde lettre de Turin. Turin, le 27 mars. , L’auteur du projet est M. de Maillebois, général au service de Hollande, actuellement à paris. (1) M. Bonne-Savardin, suivant son livre-journal, Pt de son ayeu, est arrivé à Paris le 1 mars, [ Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [â août 1790.1 II avait été proposé au roi, par M. d’Âr ..... . pour commander l’armée au mois de juillet; mais le roi était déjà décidé pour M. de Brogtie. Il était dit, dans le plan formé, nue s’il était accepté, on lui aurait fourni 2,000 louis ; qu’il se serait retiré à Genève ; que, de là, il aurait envoyé sa démission en Hollande, sur l’assurance qu’on lui aurait donné la place de général au service de Sardaigne, en tout événement que la réussite de l’affaire eût manqué en France. Vous sentez bien que tout cela formait de grandes difficultés, soit pour l’argent, que pour décider ce gouvernement à lui donner une place de général. Les autres parties du plan n’étaient pas non plus à la portée de ce gouvernement, soit parce qu’il n’y avait pas les 25,000 hommes de troupes, ni l’argent, c’est-à-dire 4 à 5 millions, ni la disposition au cautionnement. Après beaucoup de pourparlers, de conférences entre les princes français et leurs conseils, l’on s’est réduit à renvoyer le porteur du plan, disant que les circonstances n’étaient pas encore assez favorables; qu’il aurait fallu commencer par s’as'ur. r de l’insurrection de quelques provinces, pour avoir un point fixe, comme la Picardie, l’Artois, le Languedoc, la Provence (il paraît que les vues sur le Lyonnais n'étaient plus favorables); mais que les démarches pour tâcher de disposer à une insurrection exigeaient du temps et des ménagements; qu’en attendant qu’on aurait lâché de se ménager des ressources pécuniaires à Naples, en Espagne, et des secours auprès des princes mécontents d’Allemagne, il fallait, pour le présent, agir, par tous les moyens possibles à Paris, pour rapprocher le roi de M. de Maillebois, lui faire goûter ses conseils, et, s’il était possible, de le faire entrer au conseil du roi, pour qu’il pût, petit à p tit, diminuer sa confiance en M. de La Fayette et en M. de Liancourt, et même tâcher de le conduire au département de la guerre. Que si ce que dessus n’était pas possible, tâcher au moins de lui faire prendre le service en France, et de lui donner le commandement d’une province, où il pourrait disposer les choses à une insurrection de son gré. Ce qui est sûr, c’est que cetie cour n’adoptera jamais aucun projet d’action. Un se tient dans l’inaction pour des affaires urgentes et des plus intéressantes pour le pays, jugez si l’on en sortirait pour une cause étrangère, dont l’issue serait infiniment douteuse, et qui, ne réussissant pas, serait la plus ruineuse pour ce pays. Le point essentiel est de surveiller toutes les démarches du fromage hollandais (1) qui remuera ciel et terre; et en tâchant de connaître toutes ses allures, on pourra aisément connaître les projets qui se formeront à mesure des circonstances. Celui qui a présenté le projet est un officier français (2), dont je pourrai vous dire le nom une autre fois. Il est reparti depuis huit jou\s (3). Il y a ici un M. Barthès de Montpellier, frère du médecin, qui est un grand agent; il va et vient en Provence, en (1) L’auteur désigne ainsi M. Maillebois, par allusion à son grade de général au service de Hollande. Il le nomme aussi plus bas, par la même raison, le Hollandais. (2) Nous n’avons pas la suite de la correspondance, où ce nom se trouverait probablement indiqué ; mais d’après toutes les données, il est clair que cet officier français ne peut être que M. Bonne-Savardin. (3) Pas tout à fait depuis huit jours, puisque M. Bonne-Savardin, suivant son livre de raison, est reparti le 23 ; mais la différence n’est pas considérable. 523 Languedoc, pour tâcher de disposer à un parti. le ne crois pas jusqu’à présent que l’on ait rien d’assez satisfaisant. Le grand espoir est dans la banqueroute qu’ils annoncent comme sûre, tout haut. Je vous le répète: il faut suivre de près le Hollandais dans toutes ses démarches. Comptez sur l’exactitude de ces notions, comme je compte sur votre discrétion, pour n’être pas compromis, et pouvoir continuer à avoir peut-être des notions ultérieures, que je ne manquerai pas de voua donner. Troisième le tir g de Turin . A Turin, le 23 mars 1790. Le patriotisme qui m’anime m’a donné bien des inquiétudes, depuis quinze jours que je suis en cette ville, et ce qui m’afflige, c’est d’êire obligé d’en partir demain, sans pouvoir pénétrer plus avant dans les intrigues qui se machinent à la cour de Turin, contre notre chère Constitution française. Il faut donc que vous sachiez, par moi, certaines démarches qui ont été faites, dont quelques-unes sont connues dans les cercles de cour , et d’autres sont tenues secrètes. Au commencement, de ce mois, je ne sais quel jour, un exprès, arrivé de Paris, présenta au comte d’Artois un projet de contre-révolution en France, combiné par M. de Maillebois, qui se proposait pour en diriger l’exécution. On proposait à ce prince d’engager le roi de Sardaigne à fournir 25,003 hommes, une somme de 6 à 7 millions, ou. tout au rnoiu3 son cautionnement; on voulait encore que le comte d’Artois engageât les rois de Naples et d’Espagne à concourir pour un subside d’argent, et le plus tôt possible, pour commencer dans deux mois l’exécution du projet. On devait former de ces 25,000 hommes, trois divisions, dont une entrerait en Dauphiné, par Embrun; la seconde, dans le Lyonnais, par la Savoie; la troisième en Provence, "par Nice. On se faisait fort d’engager MM. Mounier et Laly-Tol-lendul, qu’on disait y être tout disposés, à rédiger un manifeste propre à faire une grande impression sur les peuples, sous couleur d’exciter leur amour pour la personne du roi, et dont les moindres effets seraient de les jeter dans l’incertitude sur la légitimité et l’utilité de la nouvelle Constitution. On y disait que l’armée se grossirait chemin faisant, par tous les mécontents du Dauphiné, du Lyonnais el de la Provence; que, pour y parvenir plus promptement, on avait un certain nombre de gens affidés, qui agiraient clandestinement, et distribueraient, à propos, de l'argent, soit au peuple, soit aux troupes d’ordonnance. Que les armees, ainsi grossies, s’avanceraient vers le point central qui serait la ville de Lyon, où, sans beaucoup de difficultés, un parti qui y est déjà très nombreux, et qui attend le moment favorable, s’augmenterait bientôt avec de l’argent, malgré l’échec que ce parti y avait reçu au commencement de février. Que, pour lors, on prendrait des moyens assurés d’engager le roi à se rendre à Lyon; que ce plan est formé à son insu, et qu’il est nécessaire de le lui laisser ignorer, jusqu’à l’époque où son voyage serait possible. Ce se ...... de Maillebois offrait de se rendre à Genève et d’envoyer, jde là, à ja république de Hollande, la démission de sa place et de son gouvernement deBreda; mais il voulait qu’on lui assurât pour compensation un service à Turin. 524 [Assemblée nationale.] Mais les choses ici ne se décident pas si promptement. Le comte d’Artois répondit d’abord à la personne qui apportait ce plan, et qui était chargée de le négocier, qu’il ne voulait entrer dans aucun projet qui aurait sa base dans une guerre civile; qu’il était bien à Turin, et qu’il y attendait le résultat des événements; que cependant il prendrait le projet en considération. Le plan du comte de Maillebois n’a pas été adopté pour le présent, parce que l’on n’a pas jugé les circonstances favorables : d’ailleurs, ce monstre exigeait, en outre, quelques mille louis comptant pour son déplacement, ce qui était une difficulté, et le cautionnement de plusieurs millions en était bien une plus grande encore. On a répondu finalement à l’envoyé, qu’il aurait fallu commencer par disposer les choses dans quelques provinces aune insurrection, et la conduire à l'éclat (1); que pour lors, peut-être, on aurait pu agir; que, d’ailleurs, il faudrait beaucoup de temps pour négocier et obtenir les secours Napolitains, Espagnols ou Allemands, ce qui n'est point encore avancé, quoiqu’on y travaille, et qu’on ne désespère pas de quelque réussite. L’exprès est reparti, et voici les moyens qu’on lui a mis en avant. C’est de trouver le moyen de faire rapprocher du roi et de la cour de France M. de Maillebois; de déterminer le roi et les Parisiens, par des cabales bien combinées, à le porter à la place de M.de La Fayette, qu’on tâcherait de rendre suspect au roi, car ici on en veut beaucoup à M. de La Fayette et on voudrait au moins lui faire ôter le commandement général. Que si on ne peut élever par cette voie M. de Maillebois, on pourrait faire en sorte de lui procurer le ministère de la guerre, ou le commandement d’une principale province, dont on formerait les garnisons avec des troupes que l’on pût, peuà peu, et moyennant de l’argent, attacher au parti. Qu’en attendant on préparerait les secours du dehors, pour venir à l’appui de l’insurrection interne. On voudrait aussi éloigner des affaires étrangères M. de Mon tmorin, dont on ne peut rien espérer, et qu’on ne négligeât rien pour ôter au roi la confiance qu’il paraît avoir dans M. de Liancourt. On espère aussi que le départ de M. Necker pour les eaux, avant que le public soit tranquillisé sur les finances, pourra favoriser la contre-révolution. L’on recommande de maintenir, le plus qu'il sera possible, l’inquiétude sur les finances, et la défiance sur les opérations de l’Assemblée à cet égard; car on compte beaucoup sur un discrédit prolongé. Tout ce plan paraît bien vague, mais il prouve au moins que les projets de contre-révolution ne sont point imaginaires. Ah! qu’il serait bien important qu’on pût surveiller de près toutes les actions et démarches du comte de Maillebois ! Ce n’est pas tout ; il y a ici d’autres personnes qui vont et viennent ; entre autres un M. Barthès, frère d’un médecin, qui est, je crois, chancelier de l’université de Montpellier, et qui fit, il y a quelques années, un peu de bruit à Versailles par son adroit charlatanisme auprès des grands. C’est son frère qui va et vient d’ici en Languedoc, et du Languedoc ici. Il est à Turin en ce moment (2). On dit qu’il a apporté de Montpellier, . (1) Mots soulignés dans l’original. (2) On dit qu’il a apporté de Montpellier, au prince, de grosses sommes d’argent pour l’entretien de sa maison. (Cette note est dans l'original.) [2 août 1790.] au prince, de grosses sommes d’argent pour l’entretien de sa maison; mais je vous le répète, le point essentiel est de tenir les yeux ouverts sur ce Maillebois, qui est très actif, comme vous le savez, et dont la bassesse d’âme et l’avidité sont assez connues. C’est avec regret, me trouvant à portée d’être instruit de la suite de ces mouvements, je ne puis cependant rester un jour de plus en Piémont. Si j’ai quelque séjour dans l’une on l’autre ville d’Italie, je vous donnerai de mes nouvelles ; mais comptez sur les avis que je vous donne aujourd’hui, et qui sont bien sûrs. Billet d'envoi au comité des recherches , de la lettre précédente. Je communique au comité des recherches une lettre qui m’a été écrite de Turin par un de mes amis, bien digne de foi, mais qui ne veut, non plus que moi, déposer comme témoin ou comme délateur. Ce n’est donc que pour mettre le comité sur la voie, s’il en a besoin, que je lui en envoie copie. Paris, le 31 mars 1790. Extrait d'une lettre de Nice, du 19 avril 1790. Il y a quelque temps qu’au retour des seigneurs courriers (1) à Turin, on entendait confusément le nom de Maillebois dans leurs chuchotâmes ; les nouvelles d’un plan nous développent l’énigme. N° 3. Procès-verbaux et délibérations du conseil général de la commune du Pont-de-Beauvoisin, lors de l’arrestattonde M. Bonne-Savardin, et pièces y annexées. Extrait des registres de la municipalité de la ville du Pont-de-Beauvoisin. Du samedi premier mai mil sept cent quatre-vingt-dix, dans la salle de la maison commune au Pont-de-Beauvoisin, sur les sept heures du matin, le conseil général de la commune assemblé aux formes ordinaires, savoir : M. Dufraisne, maire, MM. Berlioz, Buquin. Chevalier et Pravaz cadet, officiers municipaux, 'MM. Gondamin père, Court, Pravaz l’aîné, Berthet cadet, Berthet, notaire, Louis Pariot, NicolasDurand, Benoît Lanet, et Paul Monavon, notables. Le procureur de la commune a dit : Messieurs, je m’empresse de vous dénoncer qu’hier, sur les dix heures et demie du soir, il est arrivé en poste, dans une voiture conduite par le postillon Rey du Gaz, deux étrangers, dont l’un a mis pied à terre au faubourg, et a cherché à éviter d'être vu et reconnu parla garde nationale de poste à lamaison de ville , et s’est rendu à la barrière du royaume, qui, à cette heure était fermée. Là, il a voulu se faire ouvrir la barrière au sergent d’invalides de garde, en lui disant qu’il était aide-de-camp de M. de La Fayette ; qu’il voulait passer en Savoie; que sa voiture était au-devant de l’hôtel-de-ville (1) L’auteur appelle ainsi nos réfugiés, ci-devant gentilshommes, qui vont et viennent sans cesse de Nice à Turin, et de Turin à Nice. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2 août 1790.] [Assemblée nationale.] avec son passeport, et qu’elle allait passer à l’instant. Pendant que le sergent de garde lui refusait d’ouvrir, la voiture dans laquelle était resté l’autre étranger est parvenue au poste de l’hô-tel-de-ville, où la sentinelle l’a arrêtée, en demandant le passeport qui a été exhibé; et, par sa lecture, on a connu que ce passeport était donné à M. le chevalier de Savardin, sujet du roi de Sardaigne, allant en Savoie, sa patrie, avec son domestique, signé par le marquis de Gordon, ambassadeur de Sa Majesté sarde auprès du roi, daté à Paris le 1er avril 1790. A peine le vu a été mis sur ledit passe port, que le sieur Per-mezel, citoyen de garde, entendant nommer le nom de Savardin, s'est rappelé que le nom de Savardin était un surnom du chevalier de Bonne, dénoncé dans tous les papiers publics pour être des coopérateurs d’un projet de contre-révolution et de conspiration contre l’Etat, laquelle conspiration a été dénoncée au Châtelet par le comité des recherches de la commune de Paris (1). Sur cette observation, le dit Permezel voyant que la personne qui était dans la voiture ne s’annonçait que pour être le domestique dudit che\alier de Bonne, s’est transporté jusqu’à la barrière, où il a trouvé ledit chevalier de Bonne, qui demandait au sergent de garde du poste des Invalides de lui ouvrir la porte pour passer en Savoie. Le chevalier de Bonne a été requis par le sieur Permezel de se rendre à l’hôtel-de-vilf e, où était le poste de la garde nationale. Le chevalier de Bonne s’y est rendu; alors le comparant, instruit de l’arrivée du chevalier de Bonne à l’hôtei-de-ville, s’y est rendu avec M. Berlioz, premier officier municipal, remplaçant M. le maire, le sieur Chevalier, officier municipal, le sieur Drevon, colonel de la garde natiouale, s’y sont rendus pareillement, la brigade de cavaliers de maréchaussée et plusieurs autres citoyens (2). Le comparant, en sa qualité, a requis que ledit chevalier de Bonne fût arrêté provisoirement a\ec son domestique ; que tous les effets qu’ils avaient sur eux, ainsi que sur la voiture et dans icelle, fussent mis sous les scellés; ce qui a été fait en présence dudit chevalier de Bonne, et qui en a signé l’e’ut; il a été fait procès-verbal du rapport fait par e postillon Rey, en presence dudit chevalier Bonne et de son domestique; tous les effets ont été mis dans quatre sacs cachetés du cachet du chevalier de Bonne, et ont été laissés, ainsi qu’une vache aussi cachetée, et deux pistolets à la consigne de la garde, deux pendules ont été confiées au comparant. Le chevalier de Bonne a été consigné avec son domestique dans une chambre de l’auberge des Trois-Gouronnes, à la garde et vigilance de la maréchaussée et de la garde nationale. Les choses en cet état, le comparant considérant qu’il est très important de s’assurer de la personne dudit chevalier de Bonne, dénoncé publiquement comme coopérateur d’une conspiration contre l’Etat, venant d’être instruit actuellement que, dans la semaine d’après Pâques, deux personnes arrivèrent de Paris en cette ville avec une commission secrète pour arrêter le chevalier de Bonne avec ses papiers ; Considérant encore que le chevalier de Bonne (1) C’est une erreur, la dénonciation n’existait pas alors. (2) Voyez ci-après le récit du maire du Pont-de-Beau-voisin. 525 est porteur d’un passeport sous le nom de chevalier de Savardin, daté du 1er avril, délivré par l’ambassadeur d’une puissance étrangère; que, pour se faciliter son évasion en Savoie, ledit chevalier de Bonne a mis pied à terre dans le faubourg de cette ville, qu’il s’est glissé, à la faveur de la nuit, jusqu’à parvenir à la barrière du royaume, qu’il a cherché à se faire ouvrir sans ordre, se disant l’aide-de-camp de M. de La Fayette : Par ces motifs, le comparant estime que ledit chevalier de Bonne doit être gardé à vue avec toutes les précautions nécessaires pour s’assurer de sa personne et de celle de son domestique jusqu’à ce que, sur le rapport qui sera fait immédiatement au comité des recherches de l’Assemblée nationale et à celui de la commune de Paris, il ait été statué sur leur sort ; qu’en ce moment il est instant d’entendre le rapport du sieur Morel, sergent d’invalides, à qui le chevalier de Bonne a demandé l’ouverture de la barrière sous sa prétendue qualité d’aide-de-camp de M. le marquis de La Fayette, ainsi que la déposition de toutes autres personnes qui auront des instructions à donner, et que, de suite, il doit être procédé à la vérification de tous les effets, papiers dudit chevalier et de son dom stique, en leur présence; du tout dresser procès-verbal. Sur quoi le comparant requiert acte, et que le conseil ait à délibérer ce qu’il appartiendra. Signé : Bossieu cadet, procureur de la commune. Le conseil général, ouï lecture de la comparution et réquisition du procureur de la commune, la matière mise en délibération, a arrêté que ses réquisitions seront exécutées en leur entier; en conséquence, M. le chevalier de Bonne, dénoncé dans les papiers publics coin ne coopérateur d’une conspiration conlre l’Etat, sera gardé à vue et consigné à la garde et diligence, tant de la maréchaussée que de la garde natiouale de cette ville, conjointement avec le domestique dudit chevalier de Bonne, jusqu’à ce qu’autrement soit pourvu; qu’il sera, sans délai, donné communication de leur arrestation au comité des recherches de l’Assemblée nationale, et celui de la commune de Paris, pour, sur leur diligence, être statué sur le sort des prévenus ; que le sieur Morel, sergent d’invalides, et toutes autres personnes qui auraient des instructions, seront ouïs en leurs rapports, à la diligence et en présence du procureur de la commune; qu’il sera immédiatement procédé à une visite scrupuleuse de tous les effets trouvés sur les personnes et dans la voiture dudit chevalier de Bonne et sou domestique, en leur présence ; que, dans le cas où, parmi les papiers et effets qui seront visités, il se trouverait des papiers ou autre chose qui aurait trait ou rapport à une conspiration et correspondance illicite contre l’Etat, ou qui pourrait fournir quelques indices, lesdits papiers et effets suspects seront déposés sur le bureau, paraphés ne varietur, par M. le maire et son lieutenant ; et ledit chevalier de Bonne et son domestique seront également requis de parapher, s’ils le veulent, les pièces suspectes ; et il sera délibéré ensuite sur ce qu’il convieadra de faire desdites pièces suspectes, et dressé procès-verbal de ladite visite. Le maire a dit qu’il n’a été informé de la détention de M. le chevalier de Bonne que sur environ les six heures du matin de ce jour; daQS ce moment, il a déclaré avoir vu, il y a environ un mois, un ordre d arrêter ledit sieur Bonne et les papiers qu’il pouvait avoir sur lui. Cet ordre, eu 520 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [2 août 1790.] ®ffet, signé de M. le marquis de La Fayette, autant qu’il peut s’en ressouvenir, lui avait été comm1 niqué secrètement par les personnes arrivées ici expiés de Paris, le 4 du mois d’avril, et dont il ne peut se rappeler les noms ni les qualités. M. Berlioz, lieutenant de la mairie, en eut alors connais-ance ; mais le bruit s’étant répandu aujourd’hui que ledii sieur chevalier de Bonne avait été arrêté sur les ordres qu’en avait le maire, ce qui n’est point exact, c'est pour éclairer et pour établir les faits dans leur simple vérité, que le maire fait son présent rapport et a signé. Signé : DüFRAINE . De tout quoi, le conseil général de la commune a fait acte, et a signé avec le procureur de la commune et le secrétaire. Signé à l’original : Berlioz l’aîué, Buquin, officier municipal, Chevalier, officier municipal, Court, notable, Pariot, idem, Gon-damin, idem, Pravaz, idem, Blanet, idem. Berthet, idem, Durand, idem, Berthet, idem, Monavon, idem, Pravaz, officier municipal, Boissieu cadet, procureur de la commune, Dufraine, maire, et Permezel, secrétaire. Procès-verbal de visite des papiers et effets de M. Bonne-Savardin. Du susdit jour, 1er mai 1790, sur les deux heures de relevée, au Pont-de-Beauvoisin, le conseil général de la commune, assemblé aux formes ordinaires, écrivant le secrétaire de la municipalité. Se sont assemblés, savoir: M. Henri Dufraine, maire, M. Christophe Berlioz, lieutenant de la mairie, MM. François Buquin, Jean Chevalier et Gabriel Pravaz, officiers municipaux; M. Etienne Boissieu cadet, procureur de la commune, MM. Pierre Coud ami n, François Berthet, Louis Pariot, Antoine Berthet, notaire, Benoît Laoet, Paul Monavon, Nicolas Durand et Thomas Gourt, notables. En exécution 4e l’arrêté du conseil général de ce jour, M. te chevalier de Bonne et Joseph Meis, son domestique, ont été mandés de comparaître, par-devant le conseil, pour assister à la visite qui va être faite de tous leurs effets, conformément à l’arrêté de ce jour ; et à l’instant, le sieur Bertrand de Bonne, chevalier de Saint-Louis, lieutenant-colonel d’infanterie, au service de Hollande, natif des Echelles, en Savoie, âgé d’environ quarante ans, et Joseph Meis, son domestique, natif de Blâment, en Lorraine, âgé d’environ qua-ranie-cinq ans, son t comparus dans la salle du conseil, et il leur a été à chacun déclaré qu’il va être procédé, en leur présence, à la visite et vérification de tous leurs effets, sur lesquels les scellés furent apposés dans la nuit précédente ; et ils ont été requis de faire telles observations et réquisitions qu’ils aviseront. Interpellation faite à M. le chevalier de Bonne de reconnaître si les cachets apposés sur les deux sacs qui furent décachetés dans la chambre de l’auberge sont sains et entiers, ie sieur chevalier de Bonne a déclaré reconnaître ses cachets apposés sur les liens desdits deux sacs pour être sains et entiers. Visite faite scrupuleusement di s effets contenus dans iesdits deux sacs, il ne s’y est rien trouvé de suspect. Interpellé te sieur chevalier ée Bonne de reconnaît/ e si le 'Cachet apposé sur le premier des sacs contient huit paquets déposés en l’hôtel-de-vil le à l’olticier de garde, se trouve sain et entier, ledit sieur chevalier nyant vérifié, a répondu que oui. Ouverture laite 4e *oe sac, a été procédé à la vi* site : 1° d’un paquet de chapeaux sous le nu méro 8, où il ne s’y est rien trouvé de suspect; 2° Ouverture faite d’un paquet couvert de toile cirée noire, cachetée, et le sieur chevalier de Bonne a reconnu le cachet entier; il ne s’est trouvé, dans ledit paquet, que de la vaisselle plate et autre argenterie, et rien de suspect, ladite argenterie étant marquée aux armoiries dudit sieur chevalier de Bonne, portant le champ de gueule au lion d’or, au chef cousu d’azur, chargé d’une tour et de deux roses d’argent ; 3° Ouverture faite d’une petite caisse bois de hêtre, cachetée, le cachet a été reconnu sain et entier par ledit chevalier de Bonne; il ne s’y est rien trouvé de suspect; 4° Ouverture faite d’un nécessaire fermant à clef et cacheté, 1e cachet reconnu sain et entier par ledit sieur chevalier de Bonne, il ne s’y est rien trouvé de suspect; 5° Ouverture faite d’un petit paquet, enveloppé d’une chemise, ficelé et cachelé; le cachet a été reconnu sain et entier par M. le chevalier de Bonne, et il ne s’y est rien trouvé de suspect; 6° La première valise de cuir roux, sur laquelle était apposé le cachet, qui a été reconnu sain et entier par le sieur chevalier de Bonne; l’ouverture en a été faite et il ne s’y est rien trouvé de suspect ; 7° La seconde valise en cuir noir, sur laquelle était aussi apposé le cachet, que ledit sieur chevalier de Bonne a reconnu sain et entier, l’ouverture en a été faite, et il ne s’y est rien trouvé de suspect; 8° Il a été fait la visite, pièce par pièce, d’ua portefeuille cacheté, dont te cachet a été reconnu sain et entier par le sieur chevalier de Bonne, et véritication faite, il ne s’y est trouvé aucun papier suspect. Les huit articles ci-dessus formaient tout le contenu au premier sac. . De suite, le sieur chevalier de Bonne a été interpellé de vérifier si le cachet apposé sur le second sac était sain et entier ; a répondu que oui, Vérification faite, en sa presence, d’une caisse couverte de toile cirée, de deux coussins de voiture, et d’une selle de cheval, formant les trois premiers articles, il ne s’y est rien trouvé de suspect. Vérification faite du quatrième article, qui est un petit portefeuille, enveloppé d’un papier ca-- cheté, et dont ledit sieur chevalier de Bonne a rei ou ma le cachet sain et entier, il s’y est trouvé différentes pièces relatives ù la dénonciation faite par le comité des recherches , lesquelles pièces ont été mises à part, et seront ci* après désignées, numéro t ées e t parap hées . 9° A été faite l’ouverture de la vache qui était au-dessus de la voiture, qui était fermée par une cliaîue, au bout de laquelle était mi cadenas, et cachetée ; le sieur chevalier de Bonne a reconnu le cachet sain et entier. Vérification faite de ladite vache, il n’y a rien été trouvé de suspect, qu'un livre de raison qui sera ci-après numéroté et paraphé , conjointement avec les autres papiers mis en réserve ; 10° Il a été ouvert un petit paquet ficelé et cacheté, contenant une petite pendule. Le sieur chevalier de Bunne ayant reconnu le cachet sain et entier, la vérification en a été faite, ainsi que d’une autre plus grande, lesquelles avaient été remises à M. Boissieu, procureur de la commune, après la rédaction du procès-verbal qui a été dressé dans la nuit dernière ; et vérification faite d’icelles, ne renfermant rien de suspect, elles ént (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2 août 1790*] été placées dans la vache) et raondit sieur Boissieu er, a été déchargé; 11° Ont été représentés deux pistolets, et d’après la vérification qui en a été faite, ne renfermant rien de suspect, ils ont été fermés dans la vaclie ; 12° La clôture dudit sieur chevalier de Bonne, gardé à vue, depuis son arrivée jusqu’à ce moment, a été véritiée, mais il n’v a rien été trouvé de suspect* De suite, il a été procédé à la description, numéro et paraphe des pièces mises en réserve. Le conseil a interpellé le sieur chevalier de Bonne de parapher lesdites pièces mises en réserve; a répondu qu’il Je regardait fort inutile, et a refusé de le faire. Elles i’ontété de suite par M. Berlioz, lieutenant de la mairie, en commençant par le livre de raison dudit sieur de Bonne (1), dans lequel livre le conseil a remarqué qu'aux folios 37,38,39 et 40, se trouvent portés� jour par jour , les différents voyages dudit sieur chevalier de Bonne à Thuri , chez M. de Maillebois , son voyage à Turin , son séjour en ladite ville, les visites qu il a faites au comte d’Artois , au prince de Gondé et à V ambassadeur de France , et à d'autres seigneurs , l'itinéraire de son retour en France. Ce livre de raison se trouve composé de quatre-vingl-six feuillets. Les trente-quatre premiers sont presque tous écrits eu entier ; le trente-cinquième est en blanc; les cinq suivants sont presque écrits tout entier. Depuis le n° 41 jusqu’à celui 75 inclusivement, les feuillets sont en blanc ; les n03 76, 77, et commencement de 78, sont écriis; les deux suivants sont en blanc. Depuis te n° 81, jusqu’au dernier 80 inclusivement, lesdits feuillets sont écrits presque en entier. Il sont tous été cotés et paraphés, comme a étéditei-devant* Il a été trouvé dans ledit livre, cinq feuilles détachées (2), qui ont été également numérotées et paraphées, et laissées à la fin dudit livre-. 1° De suite, il a été procédé à la description des autres pièces détachées-, mises en réserve, savoir : un passeport delà ville de Paris, du 8 octobre dernier, paraphé et coté de n° 6; 2° Un passeport, signé par le comte d’Haute-ville à Turin, le 22 mars dernier, accordé à M. le chevalier de Bonne, officier au service de France, paraphé et coté de n° 7 ; 3° Autre passeport du éomte de Darfort donné à Grenoble le 28 mars dernier) accordé au susdit, paraphé et coté de n° 8 ; 4° Autre passeport de l’ambassadeur de Sardaigne à Paris, signé 4 Paris le 1er avril dernier, accordé au sieur chevalier de Savardin, paraphé et coté de n° 9 ; 5° Passeport, signé par le baron de Kleinn-berg, le 16 avril dernier, accordé au même, paraphé et coté de n° 10 ; 6° Autre passeport accordé au même par M. de Balnelrode, commandant de Malines, le 21 avril dernier, parapné et coté de n° 11 (3); 7° Lettre du baron de Kleninberg, datée de Malines le 5 avril dernier, adressée audit sieur chevalier de Boune-Savardin , paraphée et cotée de n° 12; 8° Autre lettre, signée par le chevalier de Revel, datée ée la Haye le 9 avril dernier, adressée au (1) Voyez ci-après, n" 8, plusieurs extraits de ce livre de raison. (2) Voyez ci-après, sous le n° 10 les deux pièces cotées 4 et 5 ; les Trois autres nous paraissent inutiles. (S) Voyez tous ces passeports rétmis ci-après, sous lè u* Ô . même, au gouvernement à Breda, paraphée et cotée de n° 13 ; 9° Petit billet renfermé dans une enveloppe, sans date, adresse ni signature, paraphé et coté de n° 14. ainsi que l’enveloppe (1); 10° Une autre, datée jeudi 15, dont la signature n'a pu se déchiffrer (2) adressée à M. le chevalier Bonne, à Anvers, paraphée et cotée de n° 15 ; 11° Lettre adressée à M. Mounier, ladite lettre, cachetée avec un pain rouge, a été décachetée, elle se trouve sous la date du 27 avril. Cette lettre fut déchirée en partie la nuit dernière , par le sieur chevalier de Bonne, pendant qu'on recueillait et l'enfermait ses effets. Elle a été cotée et paraphée de n° 16; 12° Lettre dans une enveloppe, adressée àM. le chevalier de Bonne, cour des princes, Gette lettre est sans signature, datée du 5 avril dernier. Elle fut également commencée à déchirer par le sieur chevalier de Bonne, la nuit dernière. Elle a été paraphée, ainsi que l’enveloppe, et cotée de ra O -I Ut-, 13° Lettre d’invitation (3), adressée au sieur chevalier de Bonce, à l’arsenal, par l’ambassadeur et l’ambassadrice de Sardaigne, datée du 12 janvier dernier, paraphée et cotée de n° 18; 14° Lettre adressée à M. le chevalier de Bonne, à Paris, signée Broglie, prince de Revel, datée de Luxembourg ie 3 août dernier, paraphée et cotée de n° 19 (4), 15° Ordre du roi (5), daté dé Versailles le 15 avril 1773, signé Louis, et plus bas, Phely-peaux, concernant le sieur Boîme-Savardin, paraphé et coté de n° 20; 16e Mémoire du sieur chevalier de Bonne (6) paraphé et coté de n° 21 ; 17° Itinéraire de voyage (7), paraphé et coté de u° 22 ; 17 bis. Mémoire sans signature, daté Breda, le 11 avril dernier (8) paraphé et coté de n® 23 ; 18° Mémoire, daté du 10 mars (9) paraphé et coté de n° 24; 19° Six extraits baptistaires de Saint-Bertrand Benne de Savardin (10), paraphés et cotés chacun de a® 25 ; 20° Extrait de mariage (il), paraphé et coté de n° 26; 21° Billet de présentation (12) de M.le chevalier (1) Cette pièce et les deux précédentes nous “ont paru inutiles. (2) C'est k lettre 4e M. Maillebois, du jeudi 18 avril, signée simplement des initiales de sent nom (le C. de M,), entrelacées les unes dans les autres, ce qui rend la signature un peu difficile à lire. Voyez ci-après cette lettre n° 6, ainsi que les deux suivantes. (3) C’est un billet d’invitatioü â dîner, que nous supprimons comme inutile. (4) Cette lettre est inutile. (5) Voyez ci-après, n° 11. (6) Voyez ci-après, 11. (7) Pièce inutile ; c’est l’itinéraire d’un aneien voyage de M. Bonne Savardin, de Paris à Metz, où il a servi comme aide-de-camp du maréchal de Broglie, lors du camp qui y a été assemblé. (8) C’est un mémoire dressé pat M. Bonne-SàvarAin, lors des premiers bruits de son affaire, pour en rendre compte à sa façon. Nous l’omettons comme inutile. (9) Ce n’est point un mémoire, mais u®e simple «tilt d’un bruit politique dont M. Bonne-Savardin, pour lors à Turin, voulait entretenir M. Maillebois. Cette lettre se trouve en substance dans un papier imprimé ci-après, n° 10. (10) Voyez ci-après, n» 11. (11) Voyez ci-après, n» 11. (12) Voyez ci-après, n° 10. 528 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.1 de Bonne et de M. l’abbé (le Bonne, son frère, chez LL. AA. RR. les ducs de Géuevois et comte de Morienne, pour le dimanche 14, paraphé et coté de n° 27 ; 22° Vingt-huit billets ou cartes de visite (1), renfermés dans un billet de visite, en papier, paraphé sur ce dernier, et colé de n° 28; 23° Ordre des postes, signé Thésaie, à Grenoble, le 25 mars 1790 (2), paraphé et coté de n° 25; 24° Ordre des postes donné à Paris, le 27 avril dernier, sous le nom de M. le baron d’Ogny, pour M. le M... de Saint-Marc (3), lequel billet a été déchiré par le sieur chevalier de Bonne, en quatre pièces, ce jourd’hui, lesquelles pièces ont été chacune paraphées et cotées pareillement de n° 30. Toutes lesquelles pièces ci-dessus, formant la totalité des papiers que le conseil a distingué avoir relation à la dénonciation du comité des recherches. Le conseil a fait renfermer tous lesdits papiers, avec le livre de raisoD, en un paquet, enveloppés de papiers, sur laquelle enveloppe a été apposé le sceau de la municipalité. Le sieur chevalier de Bonne a été interpellé d’apposer son cachet sur ladite enveloppe; ce qu’il a refusé de faire. Il a été remis et laissé à la disposition du sieur chevalier de Bonne, tous ses effets renfermés dans la vache, ceux dans le porte-manteau ou valises; et le conseil a retenu : 1° le paquet ci-devant scellé; 2° le nécessaire; 3° le paquet de toile cirée, contenant ue l’argenterie; 4° une paire de pistolets : le tout quoi a été mis dans une sache, liée d’une ficelle, sur le nœud de laquelle a été apposé le sceau de la municipalité. Le sieur chevalier de Bonne, ayant été interpellé d’y apposer le sien, a refusé. Cette sache a été transportée dans la chambre de l'auberge, où couche le sieur chevalier de Bonne, a été confiée à la garde de la maréchaussée et de la garde nationale : le paquet de papiers estresté en dépôt aux archives de la municipalité. Le conseil s’est ajourné à demain pour décider et délibérer ce qu’il appartiendra ; ordonne que, provisoirement, ledit chevalier sera gardé à vue, avec son domestique, par la brigade de maréchaussée et la garde nationale; de tout quoi a été fait acte. Le sieur chevalier de Bonne a été interpellé de signer et a déclarûne le faire que pour la décharge des effets qui lui ont été remis, et proiesle pour tout le surplus; et ont tous les membres du conseil signé avec le secrétaire. Je déclaré avoir reçu la portion de mes effets énoncés dans le prés*ent procès-verbal, le reste reste sous le scellé et la garde de la municipalité, protestant, au surplus, contre tout ce quia été fait, tant contre ma personne que ce qui m’appat tient, étant sous la sauvegarde du roi de Sardaigne, mon maître, puisque j’étais muni d’un passeport de son ambassadeur près Sa Majesté le roi des Français, tn date du 1er avril 1790, valable pour trois*mois, resté entre les mains de messieurs de la municipalité; ledit passeport sous Je nom de chevalier de Savardin. Signe à l’original ; le chevalier de Savardin. Le conseil a signé sans entendre donner aucune approbation aux protestations ci-dessus. Signé à l’original : Berlioz l’aîné; L.-M. Buquin, officier municipal; Chevalier, Pravaz, notable; Court, idem; Pariot, idem; Condamin, idem ; Bla-(1) Voyez ci-après, n° 10. (2) Voyez ci-après, n° 9. (3) Pour M. le marquis de Saint-Marc. Voyez ci-après, n* 9. nef, idem ; Monavois, idem; Berthet, idem ; Durana, idem; Berthet, idem; Boissieu cadet, procureur de la commune; Dufraisne, Permezel, secrétaire. Arrêté définitif pris par la commune de Pont-de Beauvoisin. Du dimanche, 2 mai 1790, en la salle de la maison commune à Pont-de-Beau voisin, sur les deux heures de relevée, le conseil général delà communeassembléaux formes ordinaires, en suite du renvoi de la séance du jour d’hier, convoqué dès ce moment par M. le maire à la présente heure, par devant nous Christophe Berlioz, lieutenant de la mairie, en l’absence de M. le maire pour cause d’indisposition, écrivant le secrétaire de la municipalité ; Se sont assemblés, savoir : MM. François Buquin, Jean Chevalier, Gabriel Pravaz et Pierre Maguin, officiers municipaux; M. Etienne Boissieu, procureur de la commune, sieur Pierre Condamin, sieur Claude Lavigne, sieur Thomas Court, sieur François Bertel, sieur Paul Monavois, sieur Jacques Permezel, sieur Louis Pariot, Me Antoine Bertel, notaire, sieur Joseph Antoine Pravaz, sieur Joseph Bertel, sieur Benoit Lanet et sieur Nicolas Veuillet Durand, notables. Le conseil général, après avoir entendu le procureur de la commune dans ses observations et réquisitions, relativement à la détention du sieur chevalier de Bonne et du nommé Joseph Meis, se disant son domestique ; Considérant qu’il existe dans les pièces mises en réserve, des notions certaines que le sieur chevalier de Bonne a été un des coopérât, urs pour un projet de contre-révolution et conspiration contre 1 Etat, lequel projet a été dénoncé au comité des recherches de l’Assemblée nationale et à celui de la commune de Paris, contre M. de Maillebois; considérant encore qu’il est du plus grand danger de les laisser plus longtemps séjourner en cette ville, extrême frontière, où il n’y a aucune prison, ni des forces suffisantes pour opposer de la résistance, si l’on tentait d’enlever ces prisonniers, le tout vérifié et mûrement réiléchi. Le conseil général a définitivement arrêté que ledit sieur chevalier de Bonne, et le nommé Joseph Meis, se disant son domestique, seront traduits d’ici à Lyon pour être remis entre les mains de la municipalité de ladite ville, qui sera ci-après priée et requise à cet effet, avec tous les effets, y compris les objets mis en réserve le jour d’hier, et dans une sache sur le lien de laquelle il est opposé le sceau des armes de la ville, et qui sera encore emballée avec une autre toile plombée et cachetée; que le petit paquet de papiers aussi mis en réserve, où » st compris le livre de raison dudit sieur chevalier de Bonne, également scellé sous le sceau des armes de la ville, restera jusqu’à demain, pour être envoyé séparément, et par la poste, au comité des recherches de l’Assemblée nationale, avec extrait en forme des procès-verbaux du jour d’hier et de ce jour, qui seront délivrés par le secrétaire ; que ledit sieur chevalier et son domestique seront traduits par la brigade de maréchaussée, celle des employés des fermes, et accompagnés par deux officiers de la garde nationale qui seront requis à cet effet; que, de suite, il sera écrit à la municipalité de Lyon, pour la prier et requérir, aux termes des décrets de l’Assemblée nationale, dé se charger desdites personnes tra- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [à août 1790.] duites et de les faire garder avec sûreté, jusqu’après les ordres de ladite Assemblée ou du Châtelet de Paris, tribunal établi pour la connaissance des crimes de lèse-nation ; que les frais de la détention et traduction jusqu’à Lyon, et autres, faits ici, seront remboursés par un mandat qui sera tiré sur le trésorier de la ville, d’après le compte général qui en sera arrêté par le conseil. Signé à l’original : Buquin , officier municipal, /. Chevalier, idem; G. Pravas, idem; P. Ma-guin , idem; Condamin, notable; Pariot, idem; J. Berlet, idem; Lavigne, idem; Monavon, idem; Berlet , idem; Pravas, idem; Permezel, idem; B. Lanet, idem; Court , idem; Berlet, idem; Durand, idem; Boissieu , procureur de la commune; Berlioz l’aîné, lieutenant du maire, pour le maire absent; et Permezel, secrétaire. Extrait conforme à son original, pour être envoyé et servir au comité des Recherches de l’Assemblée nationale. Signé : Permezel, secrétaire. Information sommaire faite par la municipalité du Pont-de-Beauvoisin, sur les circonstances qui ont précédé l’arrestation de M. Bonne-Savardin. Du samedi, 1er mai 1790, à un quart d’heure du matin, dans la salle de l’hôtel de ville de Pont-Beauvoisin, par-devant nous Christophe-Désiré Berlioz, premier officier municipal, en présence du sieur Boissieu, procureur de la commune, et de plusieurs autres personnes, écrivant M. Flandrin, greffier, par nous pris d’office et dûment assermenté par le moyen du serment qu’il a présentement prêté, levant la main à la manière accoutumée, dont acte, ayant signé avec nous, Flandrin , greffier ; Berlioz l’aîné, lieutenant du maire. Premier témoin. Est comparu, sieur Antoine Rey, postillon, frère du maître de poste au Gastz, poste la plus prochaine de cette ville, sur la route de Lyon, lequel a dit qu’hier, sur environ les neuf heures du soir, il est arrivé à sa poste un étranger en cabriolet, accompagné d’un domestique, conduit par le nommé Jean, postillon de la Tour-du-Pin. Cet étranger a demandé, en arrivant, des chevaux ; ils ont été attelés, et le comparaissant s’est mis à conduire la voiture. A peine parti du lieu du Gastz, et à la montée appelée de ce nom, sur la route, du Pont-de-Beauvoi-sin, l’étranger qui était dans la voiture, a dit au comparaissant, qu’il voulait aller loger au Pont-de-Beauvoisin, dans la partie de Savoie, qu’on l’y attendait. Sur quoi le comparaissant a observé audit étranger que cela le retarderait trop, à cause de la vérification de l’hôtel de ville, et de celle de la barrière de Pont-de-Beau voisin ; à quoi l’étranger a répondu au comparaissant qu’il lui donnerait pour boire. Le comparaissant lui a répondu :« Monsieur, nous ne nous battrons pas.» L’étranger lui répondit: « Non, non, mon enfant.» Chemin faisant, et quelque temps après, l’étranger a dit au comparaissant qu’il voulait descendre de voiture à l’entrée du Pont-de-Beauvoisin. Le comparaissant lui a répondu : «Monsieur, où bon vous semblera. » Parvenus au faubourg du Pont-de-Beauvoisin, et à peu près vers le milieu, l’etranger, ou son domestique, qui était aussi dans la voiture, ont appelé le comparaissant, en lui disant d’arrêter. Le comparaissant a arrêté; l’étranger à mis pied à terre; son domestique est resté dans la voiture, et a dit au comparaissant : Allez tout doucement. » Le comparaissant n’a point vu passer devant la voiture l’étranger, qui a suivi lrû Série. T. XVII. 529 derrière, à ce que le comparaissant imagine. Le comparaissant est ainsi parvenu jusqu’au-devant de cet hôtel de ville, où les sentinelles de la garde nationale lui ont ordonné de s’arrêter, et ont demandé le passeport au domestique qui était dans la voiture; celui-ci l’a donné à la sentinelle , un instant après on a rapporté et rendu le passeport au domestique. Le comparaissant a demandé à la sentinelle si la voiture pourrait passer en Savoie ; on a répondu que oui : alors le comparaissant a fouetté les chevaux en avant; à peine la voiture a avancé de soixante pas, qu’un fusilier de la garde nationale est venu ordonner d’arrêter et de retourner à l’hôtel de ville, ce que le comparaissant a exécuté. Tel est le rapport que fait ledit sieur Rey, relativement aux deux étrangers qu'il a conduits au poste hier au soir en cette ville, sur les interrogats qui lui ont été faits à la réquisition du procureur de la commune, en présence de M. le chevalier deBonne et de son domestique, qui sont les mêmes étrangers dont s’agit au présent rapport, duquel nous avons fait faire lecture en entier audit sieur Rey, et avons interpellé M. le chevalier de Bonne et son domestique, de faire telle observation qu’ils aviseront, ou déclarer s’ils ont ou n’ont pas d’observations à faire sur le rapport dudit sieur Rey, et ce avons aussi interpellé de signer le présent procès-verbal. Le sieur Rey, qui, lecture de son dit rapport, a dit qu’il contient vérité et qu’il y persiste, sans vouloir y changer, ajouter ni diminuer, et a déclaré ne savoir signer, de ce en-quis et interpellé. Le sieur chevalier de Bonne déclare qu’il ne blâme ni approuve le contenu au présent, se réserve de faire ses observations, s’il y a lieu, et déclare ne vouloir signer. Le domestique, qui a déclaré se nommer Joseph Meis, a dit n’avoir aucune observation à faire, et ne vouloir signer, ayant été, ainsi que le sieur chevalier de Bonne, requiset interpellé de le faire, de tout quoi avons donné acte et signé avec le procureur de la commune, le greffier, l’officier de garde, et autres personnes ici présentes, postillon, frère du maître de poste. Dix mots ont été rayés comme nuis. Boissieu cadet, procureur de la commune; Durand, notable; Gillot , brigadier; Drevon, colonel ; Permezel, fils aîné ; Ollier, officier ; Berlioz, l’aîné, lieutenant du maire ; Flandrin, greffier. Suite de l’information. Du dit jour, sur les neuf heures du matin, en la salle de la maison commune, au Pont-de-Beauvoisin, par-devant nous, premier officier municipal susdit, en l’absence du maire, présent le procureur de la commune, écrivant le secrétaire de la municipalité. Deuxième témoin. Est comparu François Morel, sergent d’invalides, de garde depuis le jour d’hier à la barrière de ce lieu qui sépare la France d’avec la Savoie, lequel a rapporté que, hier au soir, trente avril, sur environ dix heures et demie, un étranger s’est présenté à son poste, a demandé l’officier de garde; le comparaissant s’est approché pour savoir ce qu’il voulait. Get étranger a dit : « Ouvrez-moi la barrière, je veux passer en Savoie; je suis l’aide-de-camp de M. de La Fayette ; mon passeport et ma voiture sont à la maison de ville.» Le comparaissant lui a répondu qu’il ne pouvait lui ouvrir sans un ordre du commandant. Get étranger insiste à le faire ouvrir, et le comparaissant a persisté dans son refus. Alors le sieur 34 530 [Assemblée -nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.] Permezel, soldat citoyen, est survenu et a ordonné à cet étranger de se rendre au corps de garde de l’hôtel de ville, pour y parler à l’officier, et ils y sont allés ensemble; lecture faite au comparaissant de son rapport, a dit qu’il contient la vérité, et persiste; et a signé avec nous, le procureur de la commune et le secrétaire. Morel, sergent delà garde; Berlioz l’aîné ; L. M. Boissier cadet, procureur de la commune; Permezel, secrétaire. Suite de l'information. Du dimanche deux mai mil sept cent quatre-vingt-dix, au lieu du Pont-de-Beauvoisin, dans la maison commune dudit lieu, par-devant nous premier officier municipal susdit, en l’absence du maire, présent le procureur de la commune, écrivant le secrétaire de la municipalité * Troisième témoin. Est comparue DUe Thé-rèze Prépaz, épouse du sieur Henri Maguin-Postillon* marchand, habitant de cette ville, laquelle a rapporté que vendredi dernier* trente, sur environ dix heures et demie du soir* se retirant de chez le sieur Thomas Boissieu, bourgeois de ce lieu, et étant parvenue dans la grande rue* elle vit un cabriolet conduit en poste, venant du côté du faubourg; elle s’arrêta et remarqua que le cabriolet fût arrêté par la sentinelle de la garde nationale du pont de l’hôtel de ville; elle remarqua aussi un étranger à pied du côté de l’église qui marchait doucement et en observant, en s’arrêtant de temps en temps. Quand cet étranger eut dépassé la comparaissante, elle le suivit quelques pas, et vit qu’il se retourna, puis il s’avança vers l’hôtel de ville, se plaça au milieu de la rue, examinant ce qui se passait devant le oorps de garde. Il aperçut une lumière qui sortait du corps de garde; aussitôt il se recula en se cachant contre une boutique : un moment après il traversa la rue, et se glissa rapidement le long des boutiques, du côté opposé à l’hôtel de ville, au-devant duquel était le cabriolet. La comparaissante le perdit alors de vue, et soupçonnant sa démarche, elle en avertit un fusilier de la garde» La comparaissante avait remarqué que cet étranger était vêtu d’un surtout ou frac de couleur obscure, avec un chapeau rond, d’une taillé moyenne. Tel est le rapport, et la comparaissante, qui en a ouï lecture et répétition, a uéclaré qu’il contient vérité, et qu’elle y persiste; ayant signé avec nous, et nous secrétaire. Thérèse ’ Postillon - Prépaz, Berlioz l’ainé, le maire absent* Permezel, secrétaire; Boissieu, cadet» Quatrième et dernier témoin. De suite est coup paru sieur Aimé Permezel fils, marchand, résidant en cette ville* qui a rapporté que le vendredi trente avril dernier, sur les dix heures et demie du soir, étant au-devant du corps de garde de l’hôtel de ville, il est arrivé un cabriolet en poste, qui fut arrêté : il n’y avait qu’une personne dedans, à qui on demanda le passeport qui fut exhibé. Pendant que l’officier de garde visitait ledit passeport, la nommée Thérèse Prépaz, femme Maguin-Postillon, s’approchant du corps de garde, dit au secrétaire Flandrin, fils cadet, qu’elle avait vu un étrai ger suivre la voiture; marcher en se cachant lorsqu’il avait aperçu une lumière; se recachant et s’esquivant ensuite du côté de la Savoie. Alors le comparaissant s’approcha de la voiture et entendit que l’officier de garde nomma le nom de M. de Savardin* en rem dant le passeport. A ce nom de Savardin, le comparaissant observa à l’officier que celui de Savardin était le surnom du chevalier de Bonne, du lieu des Echelles, dénommé dans les papiers publics pour être de la conspiration de Maille-bois; il avertit aussi l’officier de ce que la femme Maguin avait dit au sieur Flandrin ; le procureur de la commune ayant paru à l’instant, le comparaissant lui rendit compte de ces circonstances. Le procureur de la commune l’invita de courir jusqu’à la barrière, pour tâcher de l’arrêter. Déjà le cabriolet était en marche du côté de la Savoie'; le postillon ayant demandé s’il pouvait passer de suite en Savoie, et ayant reçu réponse que oui-, de l’officier de garde, dans le moment le comparaissant, qui était de garde* sur l’ordre de son officier et du procureur de la commune, courut jusqu’à la barrière du royaume, qui était fermée, où il trouva le sieur chevalier de Bonne qui sollicitait le sergent de garde des invalides de lui ouvrir la barrière. Le comparaissant ordonna au sieur chevalier de Bonne de se rendre au corps de garde de l’hôtel de ville, où le cabriolet et la personne qüi y était, étaient déjà retôhfdês sur l’ordre que le comparaissant aVàit donné éhémin faisânti Observe le comparaissant, qu’ên approchant m chevalier de Bonne, il lui dit :« Monsieur, on vous demande au corps de garde.» Il répondit : Que me veut-on? On veut vous parler.» Le chevalier répondit : « Mon domestique y est avec le passeport.» Le comparaissant répartit : «Gela ne suffit pas, il faut y venir également. » Il s’y rendit en disant qu’il n’était pas bien étranger. Lecture faite au comparaissant de son rapport, a dit qu’il contient vérité, qu’il y persiste, et ont signé à l’original ; Permezel fils aîné; Boissieu cadet, procureur de la commune; Berlioz l’aîné; L.-M. Permezel, secrétaire. Pour extrait conforme à son original, Signé : PERMEZEL. 'Copie dé la lettre écrite îpàr M. Dèvaulx, commandant provisionnel de ta province dû Dauphiné, à M. de Chambourg, commandant au Pont-de-Beàuvoisin, en date de Grenoble le premier mai 1790. Je viens d’apprendre, Monsieur* que M. le chevalier de Bonne, officier, employé âü service de France, et originaire de Savoie, a été arrêté au Pont-de-Beauvoisin par la milice nationale* je vous ai déjà fait part des plaintes portées pair lé commandant de Savoie, contré les habitants de Saint-Christophe, qui ont insulté M* de Bonne-Savardin des Echelles, et M. l’abbé, sôn frère. Jé vous prie de vous informer des motifs qui ont engagé la municipalité dü Pont-de-Beauvoisin à faire arrêter et détenir M. le chevalier dé Bdiibe* dans le cas où il n’aurait pas déjà été rélâché. Rien ne serait plus contraire à la liberté individuelle qui nous est assurée par la nouvelle Constitution, que de saisir et de mettre en prison des citoyens ou des étrangers qui voyagent en France. Je vous prie de représenter à MM. de la municipalité, qu’ils doivent lire avec défiance les pâ-piers publics* lorsqu’ils sont remplis de complots et de projets de contre-révolution ; qùé jüsqü’â présent ces complots ont été les enfants de l’imagination des gazetiers et des folliculaires* Que ces conjurations imaginaires pourraient leur attirer une guerre réelle avec les Savoyards; que leurs voisins ne manqueraient pas d’user de représailles, si an les maltraite. M. Dutâfëf le [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.] K31 fait pressentir dans la lettre qu’il m’a adressée concernant ce qui s’est passé à Saint-Christophe. Vous sentez aussi bien que moi, Monsieur, combien une rupture entre les deux nations serait fâcheuse, dans les circonstances critiques où nous nous trouvons. Je ne doute pas que vous n’employiez tous vos soins pour engager MM. les officiers de la municipalité à se conduire avec l’équité et la circonspection que l’on doit attendre d'une assemblée aussi bien composée, et je vous prie d’étre persuadé des sentiments avec lesquels j’ai l’honneur d’être, Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur, Signé : Devaulx. — Pour ampliation, Signé : Chambourg. — Pour copie sur l’ampliation, Signé : Permezel, secrétaire. Observation sur la lettre précédente. M. le président Devaulx commande pour le roi par intérim à Grenoble. On reconnaît parfaitement dans cette lettre le langage des ennemis de la Révolution, dont un trop grand nombre occupe des places importantes, soit à la cour, soit dans les provinces ou près des puissances étrangères. Arrêter une personne prévenue du crime de lèse-nation, c’est, selon eux, un attentat à la liberté individuelle et à la Constitution même, qui nous garantit celte liberté. — Tous ces complots et ces projets de contre-révolution (tels que ceux de Favras et autres), n’ont été que les enfants de l’imagination des gazetiers et des folliculaires. — Ces précautions déplacées pour des conjurations imaginaires peuvent nous attirer des guerres réelles , des ruptures avec les puissances... Heureusement ces insinuations n’ont pas fait fortune auprès de la municipalité du Pont-de-Beauvoisin. IV. Lettre instructive écrite par la municipalité du Pont-de-Beauvoisin, et dans laquelle elle fait part au comité de ses opérations. Nota. Pareilles lettres ont été écrites à MM. du comité des Recherches de l’Assemblée nationale, et à M. le commandant général de la garde nationale parisienne. Messieurs, nous avons l'honneur de vous faire part que vendredi, 30 avril, sur les dix heures et demie du soir, arriva en poste, en cette ville, le sieur Bertrand Bonne , natif des Echelles, en Savoie, connu sous le nom de chevalier de Bonne, surnommé Savardin, chevalier de Saint-Louis, ci-devant gendarme, puis aide-de-eamp de M. de Broglie, capitaine d’artillerie au service de Hollande, légion Maillebois, actuellement breveté de lieutenant-colonel au même service, et qui a été dénoncé dans plusieurs papiers publics comme coopérateur de la conspiration Maillebois. Il était accompagné de Joseph Meis, se disant son domestique, dans un cabriolet chargé de plusieurs effets. Il a été constaté qu’en arrivant au faubourg de cette ville il mit pied à terre, laissa avancer sa voiture jusqu’au poste de la garde nationale, placé à i’ hôtel de ville, suivit de loin sa voiture, observant, se cachant lorsque la lumière paraissait, et pendant que l’officier de garde visait le passeport, il se glissa le long des boutiques , échappa à la vigilance de la sentinelle, par V intermédiaire de sa voiture , et se rendit â la barrière du royaume, fermée alors, et qu’il chercha à se faire ouvrir. Son passeport était de M. de Gordon, ambassadeur de Sardaigne, daté du 1er avril dernier, sous le nom de chevalier Savardin. Malgré son adresse à vouloir passer en Savoie, le hasard a fait qu’au prononcé du nom de chevalier de Savardin, que fit l’officier, un soldat reconnut ce nom, et par un autre avis donné par une femme, de ses démarches obliques dans les rues, il fut arrêté à la barrière et reconduit au corps de garde de l’hôtel de ville, où il fut consigné par le procureur de la commune qui survint avec d’autres officiers municipaux. On fit poser son cachet sur ses effets. Il se mit à déchirer quelques papiers qu'il avait sur lui. Le procureur de la commune le pria de ne plus se donner cette peine. On le fit fouiller ; tout fut soigneusement recueilli. 11 fut gardé à vue par la garde nationale et la maréchaussée, dans une chambre de l’auberge, où il fut consigné. Le conseil général, assemblé le lendemain samedi, dans la maison commune, en présence du chevalier de Bonne et de son domestique, on a procédé à la visite et reconnaissance de leurs effets et papiers. On a trouvé, parmi ces papiers, plusieurs pièces relatives à ses démarches, c’est-à-dire à la conspiration Maillebois. Toutes ces pièces ont été indiquées dans le procès-verbal par numéros; elles ont été paraphéeset cotées au refus du chevalier de Bonne de le faire pareillement. On a remarqué, surtout, différentes petites lettres, billets et avis, qui ne seront point des éhigmes pour le comité des recherches. On trouvera aussi un livre de raison, écrit de la main du chevalier; et l’on verra aux folios 37, 38, 39 et 40, l’itinéraire et le journal sommaire dudit chevalier, depuis février 1790. On remarquera ses deux voyages à Thuri, avec les chevaux de M. de Maillebois; une somme de 1,600 livres en billets, reçu de mademoiselle de Bissy. (1) ; des dîners chez l’ambassadeur de Sardaigne; son départ et son itinéraire depuis Thuri à Turin; son arrivée à Turin le 17; sa présentation chez l’ambassadeur de France; le lendemain chez une dame; les 9, 10 et 11 mars, chez M. le comte d’Artois; les jours suivants chez le prince de Gondé, chez Leurs Altesses le prince et la princesse de Piémont, chez les autres princes de la même famille; ses dîners chez l’ambassadeur de France; ses billets de visite qu’il a reçus de différents personnages, puis son retour de Turin en France, son arrivée aux Echelles, sa patrie; son voyage à Grenoble avec M. Gagnon, son ami. On verra, dans le même livre, ses habitudes chez dfférentes personnes; ses articles de dépenses, etc. Les papiers qu'il avait déchirés la nuit précédente étaient : 1° une lettreà l’adresse de M. Mon-nier, écrite par une personne qui soupire pour l’air de Suisse, du 27 avril : 41 en était le porteur et l’explicateur ; 2° une autre lettre contenant un avis important (2). Tous ces papiers essentiels ont été mis en sa présence, sous enveloppe, au cachet de notre ville; il a refusé d’y mettre le sien, en ayant été requis. On a laissé à sa disposition deux valises, une (1) Erreur. Le livre de raison porte, à la date du 18 février dernier, que M. Bonne-Savardin a reçu les 1,600 livres de M. de Bussy, et non de Mxu de Bissy ; et qu’il les a reçus, non en billets, mais en espèces échangées contre des billets de caisse. (2) C’est celle de M. l’ambassadeur de Sardaigne. £J32 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.J vache et des paquets contenant des effets où l’on n’a rien découvert de suspect. On a fait, sous le même cachet de la ville et sous un plomb de douane, un ballot composé d’un paquet d’argenterie, d’une caisse appelée nécessaire, de deux pistolets et d’un gros portefeuille rempli de papiers, mémoires, cartes topographiques, et de diverses lettres, dont une visite bien rapide, pressée sur le temps, n’a pas permis de faire un triage bien exact. Ilya; surtout, une correspondance ancienne et suivie de lettres à lui écrites de la main de M. de La Luzerne, ambassadeur (1). Ce ballot est consigné avec les personnes arrêtées. Hier, dimanche, le conseil général assemblé, considérant que, placé sur une extrême frontière, craignant un enlèvement de la personne du chevalier de Bonne, n’ayant point de prison ni maison sûres, avec une garde nationale trop peu nombreuse, et point assez d’armes pour opposer résistance à des tentatives ; entouré des parents du chevalier de Bonne, qui habitent aux Echelles, en Savoie, à deux lieues de cette ville, qui déjà nous obsèdent, a arrêté que le chevalier de Bonne, son domestique et leurs effets, seraient transférés à Lyon, et remis et consignés à la municipalité de cette grande ville, à qui nous avons écrit pour-la requérir de vouloir s'en charger, et de les faire garder avec sûreté, jusqu’à ce que l’Assemblée nationale et le Châtelet en aient autrement ordonné, annonçant que nous allions avoir l’honneur de vous écrire. En exécution de l’arrêté, le chevalier de Bonne, son domestique et ses effets sont partis hier au soir sous bonne escorte; il doivent arriver aujourd’hui à Lyon. Avant de partir, le chevalier de Bonne a fait des protestations par-devant notaire; il y regrette surtout son nécessaire qui est sous le sceau ; il paraît y mettre beaucoup d’attachement : peut-être renferme-t-il quelque chose d’important échappé à nos recherches (2)? Pendant que le conseil délibérait, M. le maire a reçu une lettre de M. le chevalier de Ghambourg, commandant pour le roi en cette ville, par laquelle il lui annonce que M. le président Devaulx, commandant pour le roi par intérim, à Grenoble, demande les motifs de son arrestation; qu’il dit pouvoir occasionner la guerre avec la Savoie. Le conseil a fait demande de la lettre de M. Devaulx, et en a pris lecture; et s’en est fait remettre une ampliation signée par M. de Cham-bourg. Nous adressons au comité des recherches de l’Assemblée nationale extrait du procès-verbal fait à cette occasion, et le paquet contenant le livre de raison et les papiers découverts suspects parmi ceux du chevalier de Boune. Vous pouvez, Messieurs, prendre communication de ces pièces à ce comité. Nous vous prions de nous honorer d’une réponse, en indiquant, dans votre sagesse, si les opérations de notre zèle pratriotique méritent votre approbation. Nous avons l’honneur d’être avec respect, Messieurs, vos très-humbles et très-obéissants serviteurs. Les membres du conseil municipal et du con-(1) Elles n’ont rien de relatif aux affaires présentes. fà) Nous n’y avons rien trouvé de suspect, mais ce nécessaire avait été remis par la municipalité de Lyon à M. Bonne-Savardin, qui, dès lors, put en ôter ce qu’il a voulu. seil général de la commune du Pont-de-Beau-voisin : Berlioz l’aîné, lieutenant du maire ; — le maire absent; — J. Chevalier, officier municipal; — Buquin, officier municipal; Boissieu cadet, procureur de la commune; — Gondamin, notable; — Pravaz, notable; — Hanet, notable; — Durand, notable; — J. Berthet, notable; — La-vigne, notable: Permezel, notable; — Court, notable ; Berthet, notable; Permezel, secrétaire. A Messieurs du comité des recherches de la commune de Paris. N° 5. Interrogatoire de M. le chevalier de Bbnne-Sa-vardin , subi devant le comité. Première séance, 21 mai 1790. L’an mil sept cent quatre-vingt-dix, le 21 mai, nous soussignés, membres du comité des recherches de la municipalité de Paris, nous sommes transportés aux prisons de l’abbaye Saint-Germain, où après avoir mandé M. le chevalier de Bonne, détenu par notre ordre dans lesdites prisons, nous l’avons interrogé ainsi qu’il suit : 1. Interrogé sur ses noms, âge, qualités et demeure, a dit se nommer Bertrand de Bonne-Savardin, âgé de quarante-deux ans ou environ, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancien gendarme de la garde, réformé, demeurant à Paris, cour de l’Orme, à l’Arsenal. 2. Interrogé si, aux barrières du royaume, il ne s’est pas dit aide-de-camp de M. le marquis de La Fayette, il a dit qu’il n’a jamais pris cette qualité. 3. A lui observé que ce fait se trouve consigné dans l’information sommaire, faite au Pont-de-Beauvoisin; a persisté à dire que cette allégation est de toute fausseté. 4. interrogé pourquoi il a mis pied à terre en arrivant au Pont-de-Beau voisin : a répondu qu’il se proposait d’aller coucher chez M. François, de la connaissance de ses frères, demeurant dans la partie de Pont-de-Beau voisin, qui est de la dépendance de Savoie; qu’étant fatigué, ayant la poitrine échauffée, et besoin de repos, sachant qu’on était toujours fort longtemps à Pont-de-Beauvoisin pour visiter les voitures et faire viser les passeports, et commençant à se faire tard, il avait cru devoir descendre pendant qu'on se livrerait à ces opérations, afin d’arriver plus tôt, ne doutant pas qu’il ne pût passer, comme cela arrive ordinairement, sans être obligé d’attendre sa voiture. 5. Interrogé comment il a présumé qu’on le laisserait passer sans passeport: a répondu qu’on n’en demandait point aux personnes à pied, au moins à ce qu’il croit. 6. Interrogé, si, pendant le cours du voyage, son domestique était avec lui dans la voiture� a répondu : toujours, excepté quelques postes qu’il a courues devant la voiture pendant la première nuit. 7. Interrogé s’il savait, à cette époque, que le comité fût instruit de son voyage à Turin, et du nut que l’on assignait à ce voyage dans les papiers publics : a répondu que oui. 8. Interrogé pourquoi, après avoir mis pied à terre à Pont-de-Beauvoisin, et eu marchant dou- [2 août 1790.] [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 533 cernent derrière sa voiture, il s’arrêtait de temps en temps, puis s’étant avancé vers l’hôtel-de-ville, il se plaça au milieu de la rue, examinant ce qui se passait devant le corps de garde; pourquoi, en apercevant une lumière qui sortait du corps de garde, il se recula en se cachant contre une boutique, et glissa rapidement le long des boutiques opposées à l’hôtel de ville, au-devant duquel était le cabriolet: a répondu que sa marche a été toute simple; qu’il a suivi la rue qui est le chemin le plus direct pour arriver à sa destination. 9. A lui observé que les circonstances, dont on vient de lui parler, se trouvent énoncées et attestées dans l’information sommaire faite à Pont-de-Beau-voisin : a répondu qu’on y a mis ce que l’on a voulu, mais qu’il vient de nous dire la vérité. 10. Interrogé pourquoi il quittait le royaume à une époque où il savait être compromis auprès du comité des recherches de l'hôtel de ville: a répondu que sa� santé extrêmement dérangée, exigeait qu’il allât changer d’air ; que sa fortune, qui avait également souffert quelque atteinte, le déterminait à retourner dans son pays, où il comptait faire venir Mme de Bonne. 11. A lui représenté qu’étant en Savoie au mois de mars, il paraît extraordinaire qu’ayant l’intention d’y fixer son séjour, il soit revenu en France, soit parti de là pour aller en Flandre, puis en Hollande, et soit encore revenu en France pour retourner dans les Etats de Savoie : a dit qu’il était en mai à la cour de Turin pour y demander du service, n’ayant pour le moment en France ni emploi, ni pension, ni traitement d’aucune espèce; que sa demande à la cour de Turin n’a été ni acceptée ni rejetée; qu’il n’avait pas laissé néanmoins de concevoir l’espérance de la voir agréée; que n’ayant pas assez de fortune pour attendre ce moment désiré, il était revenu en France, présumant bien que l’on ferait prendre des renseignements sur-le peu de talents qu’il peut avoir; qu’arrivé à Paris, il avait appris la dénonciation faite contre M. le comte de Maii-lebois, dans laquelle il se trouvait impliqué; qu’il avait cédé aux instances de ses amis qui avaient exigé de lui qu’il se rendît près M. le comte de Maillebois, pour être informé de ce qui avait donné lieu à cette dénonciation; qu’ensuite, après les éclarcissements donnés par M. le comte de Maillebois, il était revenu en France, était arrivé à Paris, où il demanda un rendez-vous à M. l’ambassadeur de Sardaigne, qui s’y refusa, et lui conseilla d’aller dans sa famille, en lui observant, par son post-criptum, à ce que croit le répondant, que, depuis son départ, il n’avait appris rien de nouveau sur son affaire; que le répondant a suivi ce conseil, et est parti pour se rendre chez lui. 12. Interrogé pourquoi il voyageait sous le nom de Saint-Marc: a répondu qu’il voyageait sous le nom de Savardin. 13. A lui représenté une permission de poste donnée le 27 avril, jour de son départ, par le baron d’Ogny, sous le nom de marquis de Saint-Marc, pour aller à Auxerre, et qu’il a déchirée lorsqu’on l’a arrêté au Pont-de-Beauvoisin : a répondu que, n’ayant point de remise chez lui, il avait laissé en arrivant son cabriolet chez le marquis de Saint-Marc, boulevard Saint-Denis, pour y être remisé; que c’est de là qu’il a envoyé chercher des chevaux pour son départ, et que son domestique a trouvé vraisemblablement plus commode pour le postillon qui devait amener les chevaux, de donner l’adresse précise du lieu où était la voiture. Quant au reproche qu’on Jui fait d’avoir déchiré le passeport, lors de son arrestation à Pont-de-Beauvoisin : a dit que le fait n’était pas vrai; que ce passeport avait été déchiré par lui le lendemain, en présence de la municipalité assemblée, qui avait regardé d’abord ce papier comme inutile, ainsi que le répondaut, et que ce n’est qu’après coup qu’un des membres de la municipalité a cru devoir en ramasser les morceaux et les réunir avec les autres ; que plusieurs autres papiers avaient été ainsi déchirés précédemment comme inutiles, tant par lui que par les autres membres de la municipalité. 14. A lui représenté que ce môme passeport, donné sous un nom qui n’est pas le sien, a été donné pour aller à Auxerre, tandis qu’il allait à Auxerre, à la vérité, dans un autre endroit beaucoup plus éloigné de Paris, et hors du royaume:- a dit que, passant réellement par Auxerre, et regardant que ce passeport n’était utile que pour sortir de Paris, il n’avait cru déguiser ni sa marche, ni la vérité, et n’y avait attaché aucune importance. 15. Interrogé si c’était aussi son domestique qui avait fait mettre de lui-même cette indication de la ville d’Auxerre :a répondu qu’il ne s’en souvient pas, que le domestique savait positivement que le répondant allait chez lui, mais que peut-être ne s’est-il pas rappelé du nom du lieu, appelé les Echelles. 16. Interrogé pourquoi il a pris à Turin la qualité d’officier au service de France, et en France la qualité de sujet de Savoie, et d’officier au service de Hollande: a répondu, quant à la première partie, qu’il a été réellemeut au service de France, puisqu’il avait été réformé des gendarmes de la garde du roi, avec la compagqie, à qui Sa Majesté avait laissé une activité de dix années, si toutefois on n’obtenait un remplacement avant cette époque; que, d’ailleurs, comme chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, il est bien réellement officier au service de France. Quant à la seconde partie, ayant commandé l’artillerie attachée à la légion de M. le comte de Maillebois, au service des Provinces-Unies, ayant été dans cette République fait lieutenant colonel, il a pu se regarder, et se regarde en effet comme officier hollandais; qualité qui ne déroge point à la première, puisque ayant passé à ce service avec permission, on a, dans l’état de ses services, compté celui-ci, comme un service actif de guerre. 17. Interrogé quelles sont ses relations avec M. Mounier, ci-devant député à l’Assemblée nationale: a répondu qu’il le connaît peu, et ne l’a vu qu’en revenant de Turin, à son passage à Grenoble, chez un monsieur qui a épousé la nièce de lui répondant, et chez lequel le répondant a soupé et couché; M. Mounier y vint pendant qu’on était à table, avec deux ou trois personnes et y passa la soirée au milieu d’un cercle nombreux. 18. Interrogé pourquoi, arrivé au Pont-de-Beauvoisin, à l’extrémité du royaume, et se trouvant arrêté, il a déchiré une lettre adressée à M. Mounier : a répondu qu’il ne s’était aperçu que cette lettre pouvait tirer à quelque conséquence, qu’au moment où lui-même avait été arrêté; que, dans le momeut du tumulte, la réflexion n’étant pas bien établie, il avait cherché à déchirer cette lettre. 19. Interrogé quel est le nom du monsieur dont il nous parle, demeurant à Grenoble, qui a épousé sa nièce : a répondu qu’il s’appelle Gagnon, avocat du parlement de Grenoble. 534 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2 août 1790.] 20. Interrogé comment il comptait faire parvenir à M. Mounier, domicilié à Grenoble, cette lettre qui a été saisie sur lui, au moment où il allait sortir du royaume : a répondu qu’il comptait la lui faire passer par une de ces occasions qui se présentent à tout moment. 21. A lui représenté que, dépositaire d’une lettre écrite à M. Mounier, il n’a pas dû se croire le droit de la déchirer : a déjà répondu que la réflexion n’était pas encore bien établie dans ce premier moment de trouble, ce qui l’a empêché de sentir pour l’instant l’irrégularité d’un tel procédé. 22. Interrogé par qui cette était écrite à M. Mounier: a répondu qu’il n’en sait rien (1), et que la signature doit l’indiquer. 23. Interrogé qui la lui a remise : a répondu qu’il ne s’en souvient pas. 24. Interrogé s’il était chez lui lorsque la lettre a été apportée , a répondu qu’il ne s’en souvient pas davantage. 25. Interrogé pourquoi, en ce cas, il a déchiré la lettre dont il s’agit, s’il ne savait ni qui l’avait écrite, ni qui l’avait apportée, ni quel était son contenu : a répondu que M. Mounier, ayant quitté l’Assemblée nationale, et, à ce titre, pouvant être suspect dans la province, lui répondant avait cru, dans le premier moment, devoir déchirer cette lettre, de peur de le compromettre. 26. Interrogé quelles sont ses liaisons ayec M. Pison du'Galàud; a répondu qu’il a connu M. Pison du Galand dans son enfance, et que, toutes les fois que l’occasion s’est présentée, ils se sont donné réciproquement des marques d’attachement; qu’il lui a écrit une fois un billet, depuis qu’il est Paris comme député à l’Assemblée nationale, sans se rappeler le contenu de ce billet, et qu’il lui a encore écrit du château de Pierre-Scise, relativement à sa situation. 27, A lui demandé s’il n’a pas rendu quelques visites à M. Pison du Galand, tant à Versailles qu’à Paris: a répondu qu’il a pu lui rendre deux ou trois visites, tant à Versailles qu’à Paris. 28. Interrogé pourquoi il a déchiré, au moment de son arrestation à Pont-de-Beauvoisin, la lettre en réponse que lui avait écrite, le 23 avril, M. de Cordon, ambassadeur du roi de Sardaigne à la cour de France, a répondu : parce que cette lettre, annonçant que l’on cherchait à arrêter le répondant à Paris, pouvait engager les habitants du Pont-de-Beauvoisin à l’arrêter eux-mêmes, ainsi qu’ils l’ont fait. 29. Interrogé s’il a des relations avec le comte et la comtesse de La Fare, et M. de Bellegarde, colonel du régiment de la Fère, artillerie : a répondu qu’il ne les connaît pas et n’a jamais eu avec eux aucune espèce de relations. 30. Interrogé s’il n’a pas eu des relations avec M. le vicomte de Voisin, commandant d’artillerie à Valence : a répondu qu’il n’en a jamais eu et ne l’a jamais connu. 31. A lui demandé s’il a passé à Valence dans ses deux voyages : a répondu que non. 32. Interrogé s’il connaît quelqu’un à Valence : a répondu qu’il croit n’y connaître personne. 33. Interrogé s’il a eu quelques relations avec M. de Narbonne-Fritslar : a répondu qu’il l’a vu à Versailles, mais ne le connaît pas et ne lui a jamais parlé. (1) y oyez ci-après l’article 58, où M. Bonne-Savar-diù reconnaît què cette lettre a été écrite et lui a été remise par 'M. le ci-devant comte de La Châtre, membre de l’Assemblée nationale. 34. Interrogé pareillement s’il a eu des relations avec M. Imbert, colonel commandant de la gardé nationale de Lyon : a répondu qu’il ne le connaît pas. 35. Interrogé s’il a des relations à Lyon : a répondu aucune. 36. Interrogé pourquoi il a pris à Grenoble np passeport de M. de Durfort: a répondq qu’ayant besoin d’une permission pour prendre desphevaui de poste, il avait demandé un passeport en mémo temps. 37. Interrogé s’il connaît M. deflurfort : a répondu qu’il ne le connaît pas même de vue. 38. Interrogé pourquoi il g refusé; à Pont-de* Beauvoisim, de parapher les pièces saisies sur lui et de signer les procès-yerbànx : a répondu que tout ce qu’on y faisait lui paraissant fort irrégulier, il n'avait pas cru devoir l’autoriser, ni de sa signature, ni de ses paraphes, Lecture dp présent interrogatoire, a déclaré qu’il contient vérité, et a signé. Signé : le cavalier de Bonne-Savardin , Perron, ùvdart , £qf 7 ran de CquIoïi, Agier . . Seconde séance , 22 mai 1790, Le vingt-deux mai mil sept cent quatre-vingt-dix, nous soussignés, membres du comité des recherches de l’hôtel de ville de Paris, nous sommes transportés à la prison de l’4bbaye Saintr Germain’, où nous avons interrogé M. le chevalier de Bonne-Savardin, ainsi qu’il suit : 39. Interrogé sur ses nom âge, qualité et demeure : a dit se nommer Bertrand de Bonne-Savardin, âgé de quarante-deux ans ou environ, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancien gendarme de la garde réformée, demeurant à Paris, cour de l’Orme, à l’Arsenal, 40. Interrogé si c’est par ses ordres, qu’après qu’il eut mit pied à terre dans le faubourg du Pont-de Beauvoisin, son domestique, resté dans la voiture, a dit d’aller tout doucement : a répondu qu’il ne s’en souvient pas; qu’au surplus, sa voiture ayant été brisée à Villefranche, et y ayant passé quatre heures ou quatre et demie à la raccommoder, ce qui avait retardé son arrivée au Pont-de-Beauvoisin ; de tout ce temps-là, la voiture étant encore en mauvais état, puisqu’elle s’est recassée de nouveau lorsqu’on l’a ramenée à Lyon, après l’arrestation dudit sieur répondant, cette recommandation avait ôté généralement faite toutes les fois qu’elle était sur le pavé. 41. Interrogé pourquoi lui répondant, qui ayait dit précédemment qu’il était pressé d’arriver en Savoie, a néanmoins suiyi derrière la voiture, au lieu de prendre les devants : a répondu que c’est parce que sa voiture étant traînée par de-* chevaux de poste, quelque doucement qu’elle allât, allait toujours plus vite que Je répondant, qui, étant fatigué de la poitrine, ne pouvait aller que très lentement ; qu’il avait d’ailleurs satisfait un besoin en descendant de sa voituye, ce qui avait donné une avance sur lui d’environ quatre minutes; qu’enfin, s’il avait voulu mettre du mystère daus sa marche, il aurait fait rester sa voiture en arrière, aurait, passé sans bruit, celui de la voiture ne pouvant qu’avertir qu’il passait quelqu’un. 42. Interrogé pourquoi, ayant dit d’abord qu’il allait eu Savoie, lors de son dernier yoyage (qu’il n’a pas fini, parce qu’il a été arrêté), par des raisons de santé et ae fortune, il a dit ensuite. qu’il y allait par le conseil de l’ambassadeur dé [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.] Sardaigne, q.u.i jugeait convenable qu’il s’éloignât à cause des bruits qui couraient sur sou compte ; a répondu qu’il y est allé pour, l’un et pour l’a-tre motif; que si les bruits qui avaient couru lui avaient laissé l’espérauce d’être détruits, il y aurait travaillé; que M. l’ambassadeur lui ayant mandé, dans son billet, qu’il conseillait de se tenir caché encore quelque temps, cette espérance était évanouie, et qu’alors sa santé et sa fortune ont réellement commandé le parti qu’il prenait. 43. Interrogé quels étaient les éclaircissements : qu’il avait demandés à M.de Maillebois, et obtenus de lui lorsde son voyage en Hollande : a répondu ! qeu c’était la négeciation formelle, de la part de : ce général, que l’on eût déuo-é au comité des, : recherchas un plan de sa main, comme quelques papiers l’avaient dit, puisqu’il n’y en avait jamais existé. 44. Interrogé quel jour il est arrivé à Paris, lors de son retour de Hollande: a répondu, le 24 avril. 45. interrogé pourquoi il est retourné à Paris, s’il croyait y courir des risques: a répondu que son intention était et de détruire les bruits qui avaient couru, et de s'y procurer l’argent necessaire à son voyage; qu’il était venu néanmoins, avec quelques précautions, pour éviter d’y être arrêté, si ces bruits n’etaient pas tout a fait détruits. 46. interrogé quels étaient les moyens dont il comptait se servir pour éclaircir ou détrqire ces bruits : a répondu que c’était en allant au comité des recherches. 47. A lui observé que cette réponse paraît en contradiction avec ce qu’il a dit dans la précédente, « qu’il était vend néanmoins avec quelques pré-« cautions, pour éviter d’y être arrêté, si ces « bruits n’étaient pas tout à fait détrpits »: a répondu que sa conduite, à cet égard, devait être déterminée d’après le plus ou moins d’activité qu’auraient conservé ces bruits, que s’ils l’eussent conservée telle qu’elle avait été au commencement, il aurait garde l’incognito , comme il l’a fait; que s’ils eussent été affaiblis, jusqu’à un certain point, il se serait présenté au comité, toujours en prenant d’abord, dans l’un et l’autre cas, l’avis de M. l’ambassadeur de Sardaigne, à raison des demandes de service qu’il avait faites à la cour de Turin, lors de son précédent voyage ; qu’enfin s’il eût eu seulement l’intention de cacher le voyage qu’il se proposait de faire bientôt en Savoie, il lui eût été facile d’y aller par l’Allemagne, sans passer par la France. 48. Interrogé pourquoi il n’a pas cojiché chez lui, lors de son arrivée de la Hollande: à répondu que c’étajt une suite des précautions qu’il ayait cru devoir prendre. 49. Interrogé PU il est descendu en arrivant à Pans: a répondu qu’il comptait trouver l’appartement de M. le marquis de Saint-Marc tout meublé, et y loger ; que le cocher qui eu avait |a garde étant parti ce jour-là même, avec une partie des meubles, pour se rendre à Bordeaux auprès de son maître, à ce qu’on a dit au répondant, i} y avait laissé spn cabriolet, et s’était rendu à l’Arsenal, cour des Princes, à l’hôtel d’Amblimonî, d’où jl avait fait prévenir Mme de Bonne et les personnes auxquelles il avait à faire. 5Q. Interrogé dans quel endroit sa voiture a été plmrsée, lors de son dernier départ de Paris : a répondu qu’elle n’avait pas été déchargée. 51. A lui observé que, lors de la visite par nous faite, eh sa présence, des effets qui étaient dans pa vache et dans ses porte-manteaux, il nous avait déclaré que si nous y voyions une si grande quan-535 tité d’effets, c’était parce qu’il comptait se retirer dans sa famille, et que ce voyage était une espèce de dédommagement; que cependant sa vache n’ayant pas élé déchargée, il paraît naturel de conclure que ce projet n’a pas eu lieu, ou avait existé dès sou premier voyage: a répondu qu’il avait, en effet, existé dès le premier vovage, et qu il aurait eu lieu, s’il avait obtenu de suite le service qn’ii demandait à la cour de Sardaigne ; que la preuve, en estque, lorsde ce premier voyage, il avait encore plus d’effets, ayant., outre la même vache, une malle attachée derrière sa voiture, qu’il aurait eue encore, s’il avait été seul; mais qu’ayant un domestique, il n’avait pas voulu la surcharger. 52. Interrogé si, avant son départ de Paris pour son dernier voyage, il a dit à quelqu’un qu’il allait en Savoie ou en Dauphiné: a répondu que ne suspectant personne de ceux qu’il avait pu voir, pendant son court séjour, H n’avait pas cru devoir dissimuler. 53. Interrogé quelles sont les personnes qu’il a vues à Paris pendant ce dernier séjour : a répondu, celles qui lui tenaient de près, quelques amies et peu d’autres. 54. A lui observé que c’est le nom et la qualité de ces personnes que nous lui demandons : a répondu que sa mémoire n’est pas très locale, et qu’il n’ayait un journal que pour suppléer à lin-fidélité de cette même mémoire. 55. À lui demandé s’il n’a pas une réponse plus précise et plus satisfaisante à nous faire: a répondu qu’il n’en voit la nécessité ni le but. 56. A lui représenté que cette dernière réponse détruit la première, puisqu’il suppose qu’il pourrait indiquer les personnes qu’il a vues durant son dernier séjour à Paris, s’il voyait la nécessité et le but de la question qui lui a été faite à cet égard; que la nécessité et le but sont évidents, puisqu’ils ne tendent qu’à connaître la vérité, qui ne peut que lui être favorable, s’il est véritablement innocent; que des réponses si vagues, outre qu’elles paraissent contradictoires, ne peuvent être prises que pour un refus de s’expliquer sur cet objet: a répondu que sa mémoire est réellement peu sûre, que cependant il ne se refusera jamais à chercher de se la rappeler toutes les fois qu’on le croira nécessaire; que, pour nous donner une satisfaction complète, il nous dira qu’il a vu plusieurs personnes dans la maison où il était logé, sa lemme, M. Muguet de Champallier, un homme d’affaires pour avoir de l’argent, qui s appelle Moulin, demeurant rue Guénégaud : que ce sont à peu près les seules personnes qu’il a vues dans ce temps-là, ajoutant aussi qu’iï a vu plusieurs dq-mestiques qui se sont présentés pour son seryiee, parce qu’il en cherchait un. 57. A lui demandé s’il n’a pas vu aussi un membre de l’Assemblée nationale: a répondu que ouj, que c’est M. le comte de La Châtre. 58. 4 lui demandé si la lettre qu’il avait pour M. Mounier, était de M. le comte de La Châtre ; a répondu que oui. 5>S|. Interrogé s’il a fait préyenir M. le comte de La Châtre de spp arrivée, avec [trière de passer chez lui : a répondu que c’était lui-même qui était allé chezM. lé comte de La Châtre, quoiqu’il n’eût point l’honneur de leconhaître. 60. A lui demandé pourquoi il est alléchez M. le comte de La Châtre, puisqu’il ne le connaît point du tout : a répondu que sachant M. le comte de La Châtre attaché à Monsieur, désirant de se faire de nouveaux appuis à la cour de Turin, au sujet de la demande qu’il y avait faite t 536 [Assemblée imioüale.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. il avait espéré, à raison de l’intérêt que pouvait inspirer sa position, que M.le comte de La Châtre interposerait ses bons offices pour lui obtenir des recommandations. 61. Interrogé s’il avait effectivement obtenu ces recommandations par le canal de M. le comte de la Châtre : a répondu qu’ayant expliqué sa demande au comte de La Châtre, il n’en avait obtenu que des espérances vagues. 62. Interrogé s’il était porteur de quelque lettre de M. le comte de Maillebois, ou des autres personnes que le répondant avait vues en Hollande, pour M. le comte de La Châtre, ou pour quelques autres de ces personnes : a répondu que non. 63. A lui demandé si M. le comte de Maillebois lui avait remis quelques paquets, lors de son précédent voyage à Turin : a répondu qu’il en avait eu une seule de recommandation pour M. le marquis de Séran, gouverneur des enfants de M. le comte d’Artois. 64. Interrogé quel jour il est parti pour son dernier voyage : a répondu qu’il croit que c’est le vingt-sept avril à huit heures du soir. 65. Interrogé si M. Gagnon, mari de sa nièce, connaît particulièrement M. Mounier : a répondu qu’il n’en sait rien, et qu’il connaît lui-même fort peu M. Gagnon. 66. Interrogé si, avant les deux voyages dont il s’agit, il n’a pas fait quelques visites avec M. Pison du Galand : a dit qu’il l’a conduit une seule fois chez M. le comte de Maillebois, où était un monsieur qui a détaillé quelques idées sur la finance, et a demandé à M. Pison du Galand, la permission de les lui présenter plus ensemble ; le répondant ignore s’il l’a fait. 67. A lui fait lecture de plusieurs passages d’une lettre datée de Turin, le 12 mars de cetie année, par laquelle on annonce l’arrivée à Turin, depuis quatre jours, d’une personne chargée de présenter à M. le comte d’Artois un projet pour opérer une contre-révolution, projet qui a été dressé par une personne distinguée dans l’ancienne armée française, et qu’on offre dénommer dans une lettre subséquente. A lui ajouté que M. de Cordon est instruit du projet en question, suivant la même lettre : a répondu qu’il ne croit pas à la possibilité d’une contre-révolution ; qu’au reste, ces détails ne peuvent pas avoir trait à lui répondant. 68. A lui demandé quels papiers il avait remis àM. le comte d’Artois : a répondu que c’était une lettre qui se trouvait incluse dans celle qu’il avait remise à M. le marquis de Séran, et que M. le marquis de Séran a remise au répondant, cour lui donner une occasion plus prompte de faire sa cour à Son Altesse. 69. A lui demandé s’il sait le contenu de l’une ou de l’autre de ces lettres : a répondu qu’il regardait la première comme une recommandation de M. le comte de Maillebois pour sa personne ; quant à l’autre, qu’il n’en connaît ni le contenu, ni l’auteur. 70. A lui observé qu’une autre lettre, du 23 du mois de mars, annonce que M. le comte d’Artois répondit à la personne qui apportait le plan, et qui était chargée de le négocier, qu’il ne voulait entrer dans aucun projet qui aurait sa base dans la guerre civile; qu’il était bien à Turin, et qu’il y attendait le résultat des événements; que d’après cette lettre, il paraît constant que M. le chevalier de Bonne, porteur du plan de M. de Maillebois, était chargé effectivement de le négocier; a répondu qu’il ne doute point que si quelqu'un avait été assez hardi pour faire à Monseigneur 12 août 1790.) dépareilles propositions, il n’eût répondu, comme il est dit, que, quant au répondant, son but, dans ce voyage, avait été d’avoir du service dans les troupes de Sardaigne. 71. A lui demandé s’il entend avouer ou nier qu’il avait été porteur du plan et chargé de le négocier: a répondu qu’il n’a été chargé que de la lettre dont il a fait mention, qu'il a suivi cette affaire, autant qu’il l’a pu, et qu’à cela s’est borné toute sa négociation. 72. A lui demandé si cette iettre contenait le plan, si c’est cela qu’il a négocié, et à quoi il s’est borné: a répondu que M. le comte de Maillebois a bien voulu lui faire lecture de la lettre de recommandation, pleine d’intérêt et de force, et qu’à cela s’est réduit la connaissance qu’il avait de la lettre. 73. A lui demandé de laquelle des deux lettres il entend parler: a répondu que c’était de celle pour M. le marquis de Séran. 74. A lui demandé s’il sait le contenu de la lettre de M. le comte de Maillebois à M. le comte d’Artois: a répondu qu’il ignore si la lettre incluse dans celle de M. le marquis de Séran est de M. de Maillebois, et ce qu’elle contient. 75. Interrogé s’il était présent lors de la lecture faite par M. le marquis de Séran de la lettre à lui adressée, qui renfermait celle pour M. le comte d’Artois: a répondu que oui. 76. Interrogé si la lettre pourM. le comte d’Artois, renfermée dans la première, était ouverte ou cachetée, soit avec un cachet volant, soit autrement: a répondu qu’il l’ignore, qu’il n’a pas porté sa curiosité jusqu’à le regarder; que M. le marquis de Séran lui ayant demandé s’il désirait faire sa cour à Monseigneur, il lui a répondu que c’était une faveur dont il serait très reconnaissant ; et, pour en accélérer le moment, M. le marquis de Séran lui a dit qu’il le chargeait d’aller lui porter la lettre qu’il lui remettait. 77. Observé au répondant que la lettre pour M. le marquis de Séran devait amener celle pour M. le comte d’Artois, et demandé ce que la lettre pour M. le marquis de Séran disait de cette dernière : a répondu que le comie de Maillebois lui avait lu la lettre de recommandation et qu’il ne paraissait pas que cette même lettre contînt rien de plus. 78. Interrogé s’il était présent lors de la lecture, faite par M. le comte d’Artois, de la lettre que le répondant lui avait portée : a répondu que non, qu’il n’avait été qu’une minute avec M. le comte d'Artois qui avait pris la lettre et l’avait mise dans sa poche. 79. Interrogé si M. le comte d’Artois a parlé au répondant, dans quelques autres entrevues, du contenu de cette lettre :a répondu que non. 80. A lui demandé s’il a su à Turin, ce qu’un grand nombre de personnes, surtout à la cour, savaient sur le plan offert à M. le comte d’Artois : a répondu que non. 81. Interrogé si la lettre qu’il a remise à M. le comte d’Artois, était une simple lettre, ou un paquet plus ou moins considérable : a répondu, qu’autant qu’il peut s’en souvenir, c’était une lettre en papier ordinaire, et une seule feuille, à ce qu’il croit, sous enveloppe. 82. A lui demandé pourquoi il dit qu’il ne connaissait pas le complot de M. de Maillebois, puisque M. de Maillebois lui-même lui en parle dans ses lettres : a répondu que, depuis cette époque, il croit n’avoir reçu de M. le comte de Maillebois qu’une seule lettre, dans laquelle il l’informe que les bruits répandus dans Paris [2 août 1790.) [Assemblée nationale. J tombent; que telles sont les nouvelles qu’il reçoit de ses parents et amis. Le répondant observe que c’est à peu près là ce à quoi se réduit cette lettre sur cet objet. 83. A lui demandé où il a reçu cette lettre, et quand; a répondu que c’est à Anvers qu’elle lui est parvenue; qu’il ne s’en rappelle pas précisément le jour. 84. A lui fait lecture de cette lettre datée du jeudi 15, et du post-scriptum daté de huit heures; à lui observé que M. de Maillebois, dit dans cette lettre, que les nouvelles de sa famille et de ses amis paraissent croire à une chute prochaine du complot, etc., ce qui annonce que le complot était très réel * a répondu que c’est une négligence de style de la part de M. le comte de Mail-febois, et non certainement une affirmation. 85. A lui demandé s’il avait vu M. le comte de Maillebois avant de recevoir cette lettre, s’il la revu aussi depuis, toujours en Hollande, lors de son dernier voyage : a répondu qu’il l’a vu en Hollande auparavant et depuis dans son dernier voyage. 86. A lui demandé quel avait été le but de ce retour auprès de M. de Maillebois: a répondu que c’était pour lui faire ses adieux, au moment où M. de Maillebois quittait Breda pour s’en retourner à la Haye, et lui répondant repartant aussi pour revenir en France. 87. A lui représentéqu’il était surprenant qu’il ne lui eût pas fait ses adieux dès la première fois : a répondu que M. le comte de Maillebois, comptant se �reposer une demi-journée à Gor-cum, pendant sa route, il avait désiré avoir auprès de lui le répondant, pour dominer sa solitude; et que c’est de là qu’il l’a quitté pour revenir à Paris. 88. A lui observé, de nouveau, qu’ayant passé tant de temps avec le comte de Maillebois, il a dû avoir sur le complot qui leur était attribué en commun des conversations très détaillées, et qu’une des réponses du précédent interrogatoire, paraît effectivement annoncer qu’il avait eu des éclaircissements à ce sujet avec lui; ce qui semble indiquer plus qu’une simple dénégation du complot; a répondu que M. le comté de Maille-bois sait toujours s’arrêter au point juste où il veut porter sa confidence et ses épanchements. Lecture faite du présent interrogatoire, M. le chevalier de Bonne a déclaré y persister, et a signé avec nous. Signé : le chevalier de Bonne-Savardin, Oudart , Perron, Garran de Coulon, Agier. Trosième séance, 23 mai 1790. Le vingt-trois mai mil sept cent quatre-vingt-dix, nous, soussignés, membres du comité des ' recherches, nous sommes transportés à la prison de l’Abbaye, où nous avons continué àtinterroger M. le chevalier de Bonne ainsi qu’il suit : 89. Interrogé sur ses noms, âge, qualités et demeure : a dit se nommer Bertrand Bonne-Sa-vardin, âgé de quarante-deux ans ou environ, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancien gendarme de la garde, réformé, demeurant à Paris, cour de l’Orme, à l’Arsenal. 90. Interrogé pourquoi des raisons de santé et de fortune l’ayant déterminé, ainsi qu’il nous l’a dit, lors de son premier voyage, à aller demeurer en Savoie, au sein de sa famille, il n’y est pas resté, au lieu de revenir en France comme il l’a fait; a répondu qu’il croit avoir déjà satisfait à cette question ; qu’au surplus, il répète que, présumant qu’on prendrait en France des ren-537 seignements sur le peu de talents militaires qu’il pouvait avoir, il s’était déterminé à venir à Paris ; qu’il a été fortifié dans cette idée, lorsque M. le marquis de Séran lui a remis une lettre pour M. le comte de Maillebois et un paquet à l’adresse de M. l’ambassadeur de Sardaigne. 91. Interrogé s’il sait pour qui était le paquet à l’adresse de l’ambassadeur de Sardaigne : a répondu que, le croyant relatif à lui, il ne fut pas peu surpris lorsque M. l’ambassadeur ayant ôté la première enveloppe, M. l’ambassadeur lui fit voir que l’enveloppe seule était à son adresse, et le paquet pour Mme la marquise de Séran. 92. Interrogé s’il sait ce que contenait le paquet, et pourquoi M. de Séranl’adressa à M. l’ambassadeur sans aucune lettre, au lieu de l’adresser directement à sa femme, que ces deux faits paraissent peu croyables: a répondu que ces faits sont exacts et quHl n’en sait pas davantage. 93. Interrogé s’il sait ce que contenait la lettre pour M. de Maillebois : a répondu qu’il ne l’a pas vue, mais que M. le comte de Maillebois lui a dit qu’elle contenait des dispositions favorables aux vues que le répondant avait d’entrer au service de la cour de Turin. 94. Interrogé si, au retour de son premier voyage, il n’a pas remis à M. le comte de La Châtre, une lettre de M. Mounier, que ce dernier lui aurait remise à Grenoble, où le répondant nous a dit l’avoir vu : a répondu n’avoir jamais vu M. le comte de La Châtre qu’une seule fois, et ne lui a remis ni fait remettre aucune lettre quelconque. 95. Interrogé quelle est la conversation détaillée qu’il a eue avec M. le comte de La Châtre, suivant la lettre de ce dernier: a répondu que la conversation qu’il a eue avec M. le comte de la Châtre s’est passée presque tout entière en présence du fils de ce dernier, et qu’elle a porté sur l'intérêt que lui, répondant, désirait lui inspirer pour le déterminer à interposer ses bons offices, pour le succès de la demande de service qu’il avait faite antérieurement à la cour de Turin. 96. Après avoir fait lecture au répondant de ladite lettre, nous lui avons demandé pourquoi M. le comte de La Châtre annonce dans sa lettre cette conversation à. M. Mounier, que le répondant ne connaît point particulièrement, ainsi qu'il nous l’a dit, et qui ne l’avait point recommandé à M. de La Châtre ; pourquoi ce dernier observe même dans sa lettre que la conversation dont il s’agit a été aussi détaillée qu’il est possible : a répondu qu'il saurait rendre compte des fiiotifs et des expressions de M. le comte de La Châtre , qui, ayant su du répondant qu’il avait passé par Grenoble, lui a demandé s’il avait entendu parler de M. Mounier; à quoi il a répondu qu’il l’avait vu quelques moments en société ; M. de La Châtre a repris: Savez-vous s’il est à son aise ? le répondant lui a dit qu'il l’ignorait absolument. M. le comte de La Châtre alors a fait l’éloge de ses talents et de son honnêteté. 97. A lui observé qu’il résulte de la première phrase de la lettre, combinée avec la seconde, que le répondant avait été chargé de rendre compte à M. Mounier d’une conversation que M. de La Châtre n’avait pas eu le temps de mettre par écrit : a répondu qu’il se réfère à sa dernière réponse. 98. Interrogé si cette conversation n’avait pas pour objet de charger le répondant d’engager M. Mounier à prendre part au projet de M. de Maillebois, et notamment à rédiger le manifeste qui devait être un des premiers actes de l’exécution ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |2 août 1790.] 638 [Assemblée nationale.] du projet, ainsi que l’annonce la partie des lettres de Turin qui a été lue au répondant, dans la séance précédente et qu’on lui a relue dans l’instant : a répondu qu’il a rendu compte du motif qui l’a conduit chez M. de La Châtre et de ce qui avait fait le sujet de leur conversation. 99. Interrogé s’il était instruit du contenu de la lettre de M. de La Châtre à M. Mounier, lorsqu’il en a été chargé: a répondu que non. 100. Interrogé si M. de La Châtre ne l’avait pas chargé de la mettre en mains propres à M. Mounier : a répondu que non. 101. A lui observé que cette lettre semble néanmoins s’en référer au répondant, pour rendre compte de la conversation détaillée dont elle parle et qu’il n’est pas possible que M. de La Châtre n’ait pas chargé le répondant d’en rendre compte à M. Mounier: a répondu que non, comme aux deux réponses précédentes. 102. A lui représenté que le projet de faire rédiger par M. Mounier, conjointement avec M.deLal-ly-Tollendal, un manifeste, n’est pas seulement assuré par les lettres de Turin, mais encore dans le précis laissé au comité par M. Massot-Grand’Maison, qui a déclaré avoir transcrit lui-même le projet dont il nous a remis le précis, sur l’original de la main de M. de Maillebois, sur la communication qui lui en avait été faite, avec prière de le transcrire, par le répondant, à l’appui de laquelle représentation, nous lui avons fait lecture, tant de la déclaration faite au comité par M. Massot-Grand’Maison , le vingt-quatre mars dernier, que du précis du projet que ce dernier y a joint : 103. A répondu que, de quelque manière, et par qui que ce soit, qu’ait été assuré que le projet de faire rédiger par M. Mounier et par M. de Lally-Tollendal, un manifeste, ait eu lieu, il n’en résulte rien qui ait trait au répondant ; que tout ce qu’a pu dire M. Masgo-Grand’Maison, tant dans sa déclaration que dans son précis, est loin de ce caractère d'évidence qui peut seul faire ajouter foi au dire d’un secrétaire, qui se porte à dénoncer son bienfaiteur et à impliquer un homme qui ne lui a donné que des marques d’amitié. 104. A lui représenté que cette réponse n’est point du tout précise, qu’elle ne contient ni aveu ni dénégation des faits sur lesquels le répondant vient d’être interrogé : a répondu qu’il n’a entendu, dans sa réponse, mettre autre chose qu’une dénégation formelle. 105. A lui demandé si, par cette réponse, il entend nier avoir communiqué à M. Massot le projet de contre-révolution qui avait été confié au répondapt, par M. de Maillebois : a répondu que oui. 106. A lui demandé si, à l’époque du mois de février, il n’a pas remis à M. Massot quelque écrit de M. de Maillebois, pour le copier, attendu la peine que lui, répondant, avait à en lire l’écriture : a répondu que non. 107. Interrogé s’il n’était pas convenu, entre M. de Maillebois et le répondant, que les lettres qui seraient écrites de Turin par ce dernier à M� de Maillebois, seraient adressées à M. Grand’- Maison, avec l'indication particulière de deux étoiles pour les remettre, sans les ouvrir, à M. de Maillebois : a répondu qu’en effet M. le comte de Maillebois ayant demandé au répondant de lui donner de ses nouvelles, il lui avait observé qu’on ne manquerait pas, si on voyait venir à son adresse des lettres de l’étranger, de les ouvrir et de tes commenter d’une manière quelconque ; que dans la plupart des affaires de Hollande, il s’était servi de l’adresse de M. Grand’Maison, et qu’il CFoyaif que le répondant ferait bien d’employer te même moyen ; que, cependant le nom de Grand’Maison étant compromis dans une affaire de contrefaçon de billets de la caisse dVscom-pte, il n’en craignait pas les inconvénients, les détails de sa santé, que le répondant pouvait lui donner, n’intéressant que son amitié ; ajouté que par rapport à la prétendue indication des deux étoiles, le fait n’était pas vrai ; ce qui est prouvé par la lettre écr-ite par le répondant de la Novalèsa, et que M. Grand’Maison a remise au comité des recherches. 108. A lui observé que, puisque les lettres du répondant ne devaient rontcnir que des nouvelles de sa santé, M. de Maillebois n’avait point à craindre qu’elles fussent commentées en aucune manière, et que, dès lors, la précaution ci-dessus rappelée est inutile. Observé encore au répondant que sa lettre, écrite de la Novalèse, et déposée au comité, ne parle point de santé: a répondu qu’il a pu mai rendre l’intention de M le comte de Maillebois, mais que cette manière de s’expliquer ne détruit pas la vérité; que, quant à la seconde observation, c’est pour ne pas toujours parler de lui, surtout au moment où il se portait bien, qu’il n’a pas fait mention de sa santé. 109. A lui demandé s’il a écrit d’autres lettres à M de Maillebois, depuis son arrivée à Turin : a répondu que oui, qu’il en a écrit deux ou trois. 110. A lui observé que ce sont des nouvelles bien suivies dans un si court délai, surtout quand il n’est pas question de santé dans la dernière lettre qui est de la Novalèse ; qu’il paraît constant qu’il y en a eu quatre en djx-sept jours, en y comprenant celle de la Novalèse : A répondu qu’il est peu sûr du nombre positif des lettres; qu’il était dans son usage d’écrire à M. de Maillebois presque à tous les courriers, depuis plusieurs années. 111. A lui observé que, par sa lettre de la Novalèse, il écrit à M. de Maillebois qu’il a une lettre à lui remettre et un paquet pour son ami de la rue du Gherche-Midi, ajoutant qu’il croit qu’il sera nécessaire que cet ami le communique à M. le comte de Maillebois; qu’il résulte, ce semble, de là, que ce paquet, dont il était porteur pour M. de Gordon, était bien pour ce dernier, et non pour Mme la marquise de Séran, comme le répondant l’a déclaré dans une de ses réponses précédentes: A répondu qu’en effet, présumant que le paquet contenait les pièces relatives à l’entrée au service de la Sardaigue, qu’il sollicitait, il avait cru que le marquis de Gordon devait les remettre à M. le comte de Maillebois, comme étant celui qni avait mis le plus d’intérêt à ce qu’il obtînt la faveur qu’il était allé demander; qu’il a été déçu dans cette espérance, lorsque M. l’ambassadeur eu a ôté la première enveloppe. 112. A lui représenté qu’il paraît bien extraordinaire que M. le marquis de Séran ait donné de pareilles, espérances au répondant, comme on doit le conclure de cela seul qpe le répondant les avait eues, et que cependant il ne se soit rien trouvé de relatif au répondant dans le paquet adressé à M. le comte de Gordon : A répondu qu’il est de toute vérité qu’au moment où le marquis de Séran lui a remis le paquet, le répondant a demandé s’il pouvait compter sur l’obtention de la grâce qu’il avait sollicitée, à quoi M. de Séran a répondu qu’il crovait que cela était contenu dans le paquet qu’il lui remettait. 539 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRE S. [2 août 1790.) Lecture faite dudit interrogatoire, M. te chevalier de Bonne y a persisté et a signé avec nous. Signé : le chevalier de Bonne-Savardin, Garran de Goulon, Perron , Agier , Qudart. Quatrième séance, 24 mai 1790. L’an mil sept cept quatre-vingt-dix, le 24 mai, nous, soussignés, membres du comité des recherches, nous sommes transportés à la prison de l’Àbbaye, où nous avons continué à interroger M. le chevalier de Bonne, ainsi qu’il suit ; 113. Interrogé sur ses noms, âge, qualités et demeure, a dit se nommer Bertrand Bonne-Sa vardiq, âgé de quarante-six ans et demi, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancien gendarme dp la garde, réformé, demeurant à Paris, cours de l'Orme, à l’Arsepah observe que , dans ses précédents interrogatoires , il s'est trompé sur son âge, étant né le 6 décembre 1743, ainsi qu'il vient d'être constaté par son extrait de baptême, 114, Interrogé pourquoi il ne s’était pas contenté de prendre l’adresse du sieur Grand’Maigon, pour écrire à M. de Maillebois, mais que, dans le corps même de la lettre, il appelle celui à qui il écrit * mon cher Grand’Maison »; a répondu que ces lettres étaient si peu importantes qu’il n’avait point de raison pour que M. Grand’¬ Maison n’en eût pas connaissance, lequel sieur Grand’Maison n’aurait pas manqué d’éh donner connaissance à M. de Maillebois. 115. A lui présenté qu’il présente comme faux le mémoire remis par M-Grand’Maison au co-mité dps recherches, dans lequel il est dit, entre antres choses, que les frais du voyage de Thuri à Turin ont été faits par M. Bourgevin de Saiut-Mp, ris, et que cependant ces faits sont constatés parle journal du répondant lui-même ; a répondu que ce n’est point avec l’argent de M-le comte de Maillebois qu’il a fait les frais de ce voyage ; qu’il est vrai cependant que c’est M. le comte de Maillebois qui lui en a fourni les moyens alors, plais M. de Maillebois n’a fait qu’acquitter vis-â-vis de lpi une ancienne dette qu’il avait contractée, lors même de la réforme de sa légion. M. Mossot-Grand’Maison doit se rappeler très bipn qp’à cefte époque, les Etats généraux de Hollande ont accordé à chaque capitaine propriétaire l’armement et équipements de leur compagnie, que chacun de ces capitaines a vendus à son profit. Les gens d’affaires de M-de Maillebois onf non seulement vendu les arme? et équipements des deux compagnies de cavalerie et des deux outres d’infanterie qui appartenaient à M. de Maillebois, mais encore les armes et équipements de la compagnie d’artillerie qui appar-tenaient au répondant. Cet argent est resté entre les mains des gens d’affaires de M. le comte .de Maillebois, qui avait toujours promis au répondant de lui en -tenir compte, et qui l’a fait, à l’époque de sou voyage, en lui envoyant un effet de M. Bourgevin de Saint-Moris, sur lequel effet le répondant a reçu dix-Luit cents francs par les mains deM-Moulin, demeurant rue Guénégaud, somme qui n’équivaut pas aux répétitions qu’il a à faire sur M. de Maillebois, relativement à l’objet dpnt il vient de nous parler. 116. Interrogé si c’est lui qui, étant à Thur|, a fait part à M. Massot-Grand’Maison de la remise entre ses mains de l’effet souscrit par M. bourgevin de Saint-Moris, au prqSt de M. f|e Maillebois, a répondu qu’il ne croit pas en ayoïr parié à M-Massot, qui, d’mllpups, n’a pas eu bffr soin de ce que pouvait lui dire le répondant pour être informé de ce fait, puisque M. le comte de Maillebois ayant remis à M. Massot une lettre noq cachetée, qui traitait de cette affaire avecM. Moulin, M. Massot l’a gardée plusieurs jours et a fini par l’envoyer sous enveloppe au répondant, avec prière de ne pas parler à M. le comte de Maillebois du retard qu’il a apporté â faire partir cette lettre, d’y mettre l'adresse et de l’envoyer à sa destination, ce que le répondant a fait-117. A lui observé qu’il paraît tellement eer* tain que la somme procurée par M. de Maillebois avait pour objet les frais du yoyage à Turin; que le calcul des frais de ppste a été fait entre le ré* pondant et M. de Maillebois, à l’époque de son départ: a répondu que, dans l’intention OÙ U était de faire ce voyage, il a souvent prpyoqué M. de Maillebois pour lai en fournir les moyens, en acquittant l’ancienne dette ci-dessus énoncée j que le calcul des postes, fait avec M. de Maillebpis, est vrai, et est une suite des connaissances locales et exactes qu’a M. de Maillebois, non seqr tentent dans les provinces de France, mais encore dans presque tous les pays étrangers. 118. À lui demandé si, lors de la remise del'efr fet dont il s'agit , M. de Maillebois a dit au répondant quHl s'acquittait d’autant envers lui de son ancienne dette : A répondu que |L de Maillebois n’est entré dans aucun détail à cet égard, et que lui, répondant, a consigné dans sou registre la somme reçue, non seulement pour s’en rendre compte , mais encore pour en décharger M. ds Maillebois. 119. A lui représenté que cette imputation n’est pas faite sur le registre du répondant •’ a répondu que la dette de M. de Maillebois vis-à-vis de lui était plus ancienne que son registre, et que, dans un moment de loisir, il l’aurait portée en décharge dans le lieu où la même date était consignée. 120. À lui demandé qui sont M. et M1?16 Yinai, habitants à Turin : a répondu qn’ij les croit négociants, et qu’il leur a été présente par M, Giraud, un de leurs amis, que le répondant ne connaissait point particulièrement alors, mais qu’il connaissait beaucoup sa famille. 121. Alui demandéquiestM.Ducayla:& réppndii que c’est un maréchal de camp, gentilhomme attaché à M. le prince de Gondé, chargé, en cette qualité, de présenter à Son Altesse. 122. A lui demandé comment i}{. le marquis de Séran l'a chargé, ainsi qu'il nous l’a dif dans un de ses précédents interrogatoires, dp présentera lp comte d’Artois une lettré qui lui était adressée 4 lui-même, marquis de Séran , pour la remette qu prince : a répondu qu'il peut facilement rendre coynple de ses motifs, de ses démarches; ma™ qu’il ne lui est pas également facile de rendre compte de ceux des autres, 123. Interrogé si M. le marquis de Séran ne l'a chargé de présenter cette lettre, parce qu'elle contenait l’annonce d'un projet ou affaire quelconque dont le répondant devait donner l' explication ; a répondu que lorsqu'il a eu l’honneur de voir morp-r seigneur le comte d'Artois à cette époque, Sqtp Air tesse a mis la lettre dans sa poche sap? Ig lire, ainsi qu'il nous l’a observé précédemment, 124. Interrogé quel jour il a remis à M. le pmrr quis de Séran la lettre dont il était chargé pour lui, et ensuite à M. le comte d’Artois celle jnclpè dans la précédente : a répondu que c’est le joqp même de sou arrivée à Turip, 125. Interrogé s’il a ensuite été présenté dap§ les formes à M, le comte d’4rtPis, et par qpi : à répondu que u’y ayant point de gentifbomuiè de 540 �Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.] la chambre auprès de Son Altesse, il a été présenté par le valet de chambre de service, peu de jours après. 126. Interrogé pourquoi M . l'ambassadeur de Sardaigne , dans la lettre qu'il lui a écrite le vingt-cinq avril, lui dit : Je sais qu’on vous a fait chercher , et que vous pourriez bien encore être arrêté, quoique les bruits DE VOS PROJETS soient ralentis depuis quelques jours ; terme qui parait annoncer que le répondant avait réellement des projets qui étaient à la connaissance de M. l'ambassadeur, et dont les bruits couraient dans le public, a répondu que CETTE NEGLIGENCE DE STYLE n'est pas rare dans un billet mal soigné; queM. l'ambassadeur, comme tout le monde, a dû être informé des bruits qui auraient couru, et qu’en instruisant le répondant qu’on l’avait fait chercher, et qu’il pourrait encore être arrêté, il a voulu le mettre sur la voie, et lui rappeler les bruits qui avaient eu lieu et qui se ralentissaient à l’époque du billet; M. l’ambassadeur n’a certainement pu avoir une autre intention. 127. Interrogé sur ce que signifie le post-scriptum conçu en ces termes: « les choses sont d’ailleurs comme vous les avez laissées, et je n’ai rien appris de nouveau depuis vous » : a répondu qu’il n’avait pas eu l’honneur de voir M. l’ambassadeur depuis l’époque où il lui avait remis le paquet, qu’il croyait contenir les assurances positives de l’obtention de la grâce que le répondant sollicitait à la cour de Turin; qu’il avait manifesté sa surprise, lorsqu’il a été déçu, et avoir prié M. l’ambassadeur de vouloir bien l’informer, lorsque l’occasion s’en présenterait, s’il n’avait rien appris de nouveau à cet égard. 128. Interrogé pourquoi M. de Maillebois, à qui, suivant qu’il nous l’a dit précédemment, il n’écrivait que des choses indifférentes, lui dit, dans la réponse du jeudi quinze : Je vous remercie de vos nouvelles ; elles sont assez graves, chacune dans leur genre : a répondu que la lettre de M. de Maillebois dont il s'agit, est une réponse à une que lui, chevalier de Bonne, avait écrite à M.de Maillebois, d’Anvers, et dans laquelle il lui faisait part que le général Vander-Mersch avait été arrêté et conduit à la citadelle d’Anvers, objet dont il se souvient positivement ; l’autre nouvelle avait apparemment trait aux affaires du Brabant, ce dont il ne se souvient pas. 129. A lui observé que sa réponse paraît peu d’accord avec le commencement du post-scriptum, où M. de Maillebois dit : « Je reçois dans le moment votre lettre, monsieur le chevalier; j’espère que vous aurez mis toute la prudence possible dans votre entrevue, si elle a lieu»; à lui demandé si toutes ces précautions de prudence et ces nouvelles assez graves, chacune dans leur genre, n’ont pas trait plutôt au complot dont il est parlé dans le commencement de la lettre : a répondu qu’elles n’ont trait qu’aux nouvelles que lui répondant avait mandées à M. de Maillebois, et que la prudence que M. de Maillebois lui recommande porte sur ce qu’il devait se rendre près du général de Kleinberg, attesterait, s’il en était besoin, la vérité de ce qu’il vient de dire. 130. A lui demandé qui est M. de Crassier dont il est parlé dans la même lettre de M. de Maillebois : a répondu que c’est un député à l’Assemblée nationale, qui était lieutenant-colonel de la légion de M. de Maillebois, et que le répondant a connu à cette occasion, mais sans avoir jamais eu de liaisons avec lui. 131. Interrogé ce que signifie cette autre phrase de M. de Maillebois : « un troisième avis plus entortillé semble croire qu’on attend des réponses de T...» : a répondu qu’il n’en sait rien. 132. A lui demandé ce que c’est que la blêche-rie du cherche-midi à quatorze heures, dont il est encore parlé dans la même lettre : a répondu qu’il n’avait point entendu cette expression, et n’y a attaché aucune importance. 133. A lui observé qu’il vient de déclarer qu’il n’avait pas entendu les deux phrases de la lettre de M. de Maillebois, rappelées dans les deux questions précédentes; qu’il a vu très peu de temps après M. de Maillebois; qu’il est impossible qu’ils n’aient pas parlé ensemble du sujet de cette lettre, qui intéressait essentiellement leur honneur, leur liberté et leur vie à tous deux; qu’en effet, c’est, à ce qu’il paraît, le seul sujet dont il soit question, tant dans cette lettre, que dans d’autres adressées au répondant, et dont il a été trouvé nanti; que d’après cela M. de Maillebois a dû nécessairement interpréter an répondant ces deux phrases, dans l’eDtrevue qu’ils ont eue ensemble, par les détails où il a dû entrer à ce sujet ; et qu’en tout cas le répondant n’a pu oublier de lui en demander l’interprétation : a répondu que toutes les fois que M. le comte de Maillebois ne s’expliquait pas clairement et positivement vis-à-vis du répondant, il croyait devoir respecter ses motifs, et n’en demander jamais compte. 134. A lui représenté que M. de Maillebois, en lui écrivant, a bien pu vouloir employer des expressions inintelligibles pour des tiers, mais qu’il serait absolument déraisonnable de supposer qu’il eût voulu n’être pas entendu de celui-là même auquel il écrivait, et que, dès lors, le répondant n’ayant pas entendu une partie aussi intéressante de cette lettre, il a dû nécessairement en demander l’explication, en supposant qu’elle ne lui eût pas été donnée sans la demander: a répondu que la lettre est généralement intéressante, et a été entendue par lui répondant, comme elle peut l’être par tout le monde; ce qui ne l’est pas également pour lui répondant, comme pour ceux qui l’interrogent, est le mot blêcherie du cherche-midi à quatorze heures. Car, quant à l’autre phrase qui parle d’un troisième avis plus entortillé, elle annonce que M. le comte de Maillebois a reçu deux avis antérieurs ; et il paraît ne vouloir pas dire d’où part le troisième avis qu’il dit entortillé. Surtout cela, il n’en est pas moins vrai que le répondant n’a fait nulle espèce de question, et ne peut, par conséquent, donner de solution plus précise. 135. Interrogé pourquoi, dans le billet de présentation aux duc de Genevois et comte de Maurienne, le répondant est qualifié de lieutenant-colonel au service de France, quoiqu’il ne le soit pas : a répondu que, servant la France, il a, sans quitter ce service, servi en Hollande, où il a obtenu le grade de lieutenant-colonel; ce qui a vraisemblablement occasionné un quiproquo qui n’est point du tout de son fait. 136. Interrogé pourquoi, dans un passeport du 28 mars dernier, signé de M.deDurfort, commandant à Grenoble, le répondant se trouve qualifié de lieuteDant-colonel dans l’état-major de l’armée : a répondu qu’ayant réellement le brevet de lieutenant-colonel, ayant servi dans l’état-major de l’armée, fait connu de sa famille, c’est un de ses parents qui, pendant le court espace qu’il resta à Grenoble, à l’époque de ce passeport, fut le demander à M.de Durfort, et qui a commis de son chef cette erreur; que ce parent est M. Gagnon, mari de la nièce du répondant, qu'au reste cette erreur est moins grave qu’on ne semble le pré- 541 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.] sumer, puisque, lorsque l’année dernière, il servait dans l’état-major de l’armée, il a porté, de l’aveu du général, la marque distincte de ce grade, et est allé faire part, dans les bureaux de la guerre, de la permission que le général lui avait donnée. 137. A lui observé que son livre-journal prouve qu’il a rendu des visites fréquentes à M. de Maillebois et à M. de Cordou, et pour ainsi dire, au même instant, à l’un et à l’autre, peu de temps avant son voyage de Turin, au mois de février. A lui demandé l’objet de ses visites: a répondu qu’il allait, en effet, souvent chez M. le comte de Maillebois, beaucoup plus rarement chez M. le marquis de Gordon ; et que, s’il est allé de chez le premier chez le dernier, c’est qu’aimant à rendre, par devoir et par attachement, ce qu’il doitàces messieurs, logeant à une grande distance de l’un et de l’autre, il profitait, soit de la voiture qui l’avait amené, lorsqu’il en prenait, soit de la proximité où il se trouvait alors. 138. Interrogé pourquoi n’allant à Turin que recevoir de M. de Maillebois des lettres de recommandation à la cour de Turin, ce dernier a porté la prévenance jusqu’à envoyer ses chevaux prendre le répondant à Paris, et le porter jusqu’à Beaumont : a répondu que ce n’est pas seulement pour obtenir des recommandations de M. de Maillebois, non pour la cour de Turin, pour laquelle M. de Maillebois ne lui en a point donné, mais encore par attachement pour M. de Maillebois, pour M10'* la marquise et M. le marquis de Cassini, qu’il connaissait depuis longtemps, et à l’invitation desquels il ne s’est pas toujours rendu ; que les chevaux que M. le comte Maillebois a bien voulu lui prêter pour faire une partie de la route, dans les différents voyages et dans les différentes années où il y a été, étaient pour diminuer les frais qu’entraînaient ces voyages; qu’au reste, le dernier qu’il y a fait a été avec des chevaux de poste. 139. A lui observé que, suivant son livre-journal, à l’époque du mois de février dernier, ses relations avec M. de Maillebois deviennent beaucoup plus fréquentes, quoique M. de Maillebois fût à la campagne; qu’on le voit arriver à Thuri le 9, conduit par les chevaux de M. de Maillebois, qui étaient venus le chercher la veille, y rester les 10, 11 et 12, et en partir le 13 à quatre heures du matin, pour y retourner le 21, et en partir le 22; a répondu que l’activité qu’on observe est motivée par le séjour de M. de Maillebois à la campagne, après un long séjour à Paris, ou la gontte l’avait retenu; que M. de Maillebois était parti peu de jours auparavant, pour se rendre lui-même à la campagne, et ne s’était point servi de ses chevaux, trop peu nombreux pour conduire sa voiture chargée comme elle l’était; que c’est ce qui a donné au répondant la facilité d’en faire usage; que s’il est reparti de Thuri quatre jours après, et de si grand matin, c’est qu’il s’était chargé d’amener à Paris MUe Saint-Hilaire de Forceville, nièce de M. le marquis de Cassini, qui venait pour affaires, et qui a logé à l’Observatoire, chez Mm<5 de Cassini, sa tante, à ce que croit le répondant ; qu’il est retourné, en effet, à Thuri peu de jours après, et y est resté peu de temps; qu’il a rempli à cet égard l’engagement qu’il avait pris avec ses hôtes, et est revenu à Paris, où ses affaires l’appelaient. 140. Interrogé pourquoi, pendant le court séjour du répondant à Turin, il s’est fait présenter, non seulement à M. le comte d’Artois, mais au roi de Sardaigne et à toute sa famille, ainsi que M. le prince de Gondé : a répondu qu’ayant obtenu cette faveur, il a cru, comme sujet du roi de Sardaigne, et officier au service de France, devoir porter à Leurs Altesses le tribut de son hommage et de ses respects. 141. Interrogé pourquoi, son journal contenant exactement ce qu’il a fait à Turin, même les jours où il a simplement dîné à sou hôtel, les 15 et 20 mars sont absolument en blanc dans ce même journal : a répondu qu’on trouvera plus d’une fois, dans ce même journal, des dates en blanc; ce qui annonce, ou qu’il n’a pu se rendre compte de ce qu’il inscrit ordinairement sur ce journal, à l’époque où il a voulu soulager sa mémoire, ou qu’il n’y a rien eu dans ces jours qui nécessitât un memento. 142. Interrogé pourquoi ce journal finit au 11 avril: a répondu qu’ayant toujours été en course depuis ce moment-là, il lui a été impossible de se rendre compte en détail de ses dépenses, objet particulier de ce journal. Lecture faite dudit interrogatoire, M. le chevalier de Bonne-Savardin a persisté dans ses réponses, et a signé avec nous. Signé ; le chevalier de Bonne-Savardin , Garran de Coulon , Agier , Perron, Oudart. Cinquième et dernière séance, 4 juin 1790. L’an mil sept cent quatre-vingt-dix, le quatre juin, nous soussignés, membres du comité des recherches, nous sommes transportés à la prison de l’Abbave-Saint-Germain où le chevalier de Bonne a été par nous interrogé ainsi qu’il suit : Interrogé sur ses noms, âge, qualités et demeure; a dit se nommer Bertrand Bonne-Savardin, âgé de 46 ans et demi, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancien gendarme de la garde, réformé, demeurant à Paris cour de l’Orme, à l’Arsenal. Interrogé à qui les trois lettres de Turin, suivant une note de sa main (1), trouvée dans ses papiers, étaient adressées et ce qu’elles contenaient : a répondu qu’il ne croit avoir écrit de Turin que deux lettres; qu’il en a écrit une troisième, mais seulement lorsqu'il était à la Nova-lèse; que toutes trois étaient adressées à M. Grand’Maison ; que les deux premières ne contenaient que des nouvelles de gazette, et que quant à celle de la Novalèse, nous en avons l’original entre les mains; qu’au surplus, la note que nous venons de lui présenter indique le contenu de la première lettre de Turin. Interrogé pourquoi sa lettre écrite de la Novalèse, le 24 mars, commence par ces mots : « J’ai enfin quitté Turin, » lorsqu’il n’y est resté que 17 jours; à lui observé que cette expression semble indiquer qu’il était allé à Turin pour une affaire qui requérait beaucoup de célérité, et dont il lui tardait de rendre compte : a répondu que croyant être chargé d’uu paquet, qui, s’il n’annonçait son admission précise dans les troupes du roi de Sardaigne, lui en donnait au moins l’espérance, il était assez naturel qu’il eût de l’empressement d’être éclairci du fait; qu’on en a d’ailleurs toujours à quitter un pays où l’on connaît peu de monde, où l’on dépense au delà de ses moyens. Interrogé si le jour où il s'est rendu au comité des recherches, sur notre invitation, il n'a pas été dans la matinée voir une personne à qui il a fait part de cette invitation, et si le lendemain il (1) Voyez cette note ci-apres. 342 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [2 août 1790.] ri y est, pas retourné pour lui rendre compte de ce qui s’était passé au comité', à lui demandé qu’elle est eette personne : a répondu que oui, et que cette personne est le comte de Saint-Priest. Interrogé si', à l’occasion de ces deux visites* il n’a pas eu avec M. le comte de Saint-Priest une conversation très détaillée sur ia Révolution; conversation qu’il a même trouvée si intéressante* qu’il l'a couchée par écrit et en a fait passer la narration à M. le comte. deMaillebois : a répondu qu’il n’a jamais pu avoir de conversation très détaillée, sur un objet de cette nature avec M. de Saint-Priest* qui n’avait vraisemblablement pas de moments à perdre pour entrer dans tous ces détails avec lui répondant; qu’il lui a parlé à la vérité, soit dans cette conversation* soit dans d’autres, çe dont il ne se souvient pas, de M. le comte de Mailiebois* et que ce peut être là les détails dont il., a entretenu M. le comte deMaillebois; mais qu’il n’a point d’idées précises que ce soit à cette époque .plutôt qu’à une autre. . Interrogé quelles personnes étaient présentes à ces visites : a répondu qu’il ne s’en souvient pas, mais qu’il né croit pas qu’il n’y eût personne de présente. A lui représenté qu’il est étonnant qu’il ne se souvienne pas de cette conversation qu'il parait annoncer dans une lettre à M. de Maillebois, du U 'décembre 'dernier, dont nous avons fait lecture , lettre Où il parle de cette conversation , comme ayant été très longue, et dont il se propose de faire part personnellement à M. de Maillebois. Interrogé si M. le comte de Sairit-Priest ri est pas celui qu’il désigne dans cette lettre sous le nom de FaRcA ; à répondu que nous ne lui avons fait la lectùYe âe sa lettre qïie dans l’instant , par conséquent àprès sa réponse ; que cette lettre lui rappelle bien qu’il a causé avec M. dé Saint-Priest ; mais dire précisément la nature dé celte conver-s'aîion Ht une chose à lui impossible: qu’à l’égard dii nom dé Farcy 'annoncé dans sa lettre, il dë-sïgri'er en effet quelqu’un, qu’il rie pourrait pas àrinôncer que ce fût M. le comte de Saint-Priest ; qüé M. te 'coüitè deMaillebois lui avait alors donné des hoftls à la place des véritables; que rie les ayant pas conservés, il lui est impossible d’èn laite aujourd'hui l’application. A lui observé qu’il se trouve en contradiction Avec lui-même, puisque d’une part il convient que la phr'ùse qui vient dé lui être relue, lui rappelle la conversa lion qu’il a eue avec M. de Saint-Priest: et que , 'de l'autre, il dit ne pas savoir si le mot FARCY, ÿ appelé dans cette môme phrase , pour in-‘diquer la personne avec laquelle il a eu conversation, désigne ou non M. le comte de Saint-Priest à répondu que ce qîi’on vient de lui dire lui a rappelé, en effet, qu’il avait causé avec M. le comte de Sairit-Priest, mais n’a pu lui rappeler positivement cette conversation ; que quant au noïn de Farcy, que l'on veut appliquer à M. de Sairit-Priest, 'il a déjà répondu que M. de Maille-bois lui a donné des mots dont il pas conservé la clef, et dont l’application lui est actuellement impossible. En ce moment nous lui avons représenté un écrit de sa main sur trois feuilles de .papier à lettre, dont nous lui avons lu le premier alinéa dé îâ première page, la première ligne de la quatrième, et ces premiers mots du dernier alinéa *de. cët ôcïit : « Je fus, dimanche malin, faire part Ù ’Far'ôy de tout ce qui s ’étai t passé. » A lui demandé j si, d’après ces passages, Il rie reconnaît pas que ’ ce nom de Farcy désigne réellement -M. le "comte de Saint-Priest: arépondu qu’il paraissait que c'était lui qu’il avait voulu désigner, mais qu’une affirmation serait hasardée en pareil cas. À lui donné lecture de son livre de raison, journées des 5 et 6 décembre, où nous lui avons fait remarquer que M. le comte de Saint-Priest était véritablement le seul chez lequel il fût allé le matin du 5 décembre (jour où il est venu au comité), et chez lequel il fut retourné le lende-riiain 6, ainsi qu’il annonce l’avoir fait à l’égard de Farcy dont nous lui ayons lu quelques phrases : a répondu que la lecture qu’on lui a faite de son livre de raison , aux dates annoncées , marque une conformité des noms de M. le comte de Saint-Priest et de FâRCY ; mais qu’ encore une fois , il ne peut affirmer que ce soit la môme personne. À lui donné lecture des premières pages de l’écrit dont il vient d’être parlé, et qui contiennent la relation de la première visite faite à Farcy, avant d’aller au comité, lu ensuite le dernier alinéa du même écrit, qui parle de la seconde visite ; à lui demandé si, d’après cette lecture, il est enfin pleinement convaincu que Farcy désigne M. le comte de Saint-Priest : a répondu qu'il a déjà dit , et qu'il le répète , qu’il y a des rapprochements dans ces deux noms ; mais que V affirmation est encore une chose impossible , pour ne pas compromettre la vérité. A lui observé qu'il est inconcevable que non seulement d’après tous les renseignements qui viennent de lui être donnés, mais d’après ia lecture de la conversation entière , tel qu’il l’a écrite , il ne se rappelle pas d'une manière certaine quelle est la personne avec qui il a eu cette conversation : arépondu qu’en effet il y a de grands rapprochements entre les noms ; mais qu’il ne peut pas hasarder une affirmation 4a/ns un fait dont il ri’est pas physiquement sûr, Interrogé quelle est la personne qu’il a désignée dans la conversation dont il s’agit par le nom de hetmille: a répondu que n’ayant plus la clef des noms en remplacement, il n’osera jamais affirmer à qui ils doivent précisément s’appliquer. À lui observé que son récit paraît néanmoins lui fournir un assez grand nombre de données pour le remettre sur la voie, et puisque Betville paraît être un homme qui a de grands rapports avec la milice ou garde nationale de Paris, auquel le répondant suppose une ambition vaste, qui est (selon lui) en mesure, et auquel on a imputé le désir d’être connétable :a répondu que, dans le temps qu’il écrivait à M. le comte deMaillebois, qui était à la campagne, il lui parlait de ce qu’il entendait dire çà et là; que les noms se plaçaient alors sous sa plume, d’après le tableau de ceux qu’il représentait et qu’il avait sous les yeux, et qu’aujourd’hui, à une grande distance de cette époque, les ayant infiniment varié, il lui est, comme il l’a déjà dit, d’une impossibilité physique de dire précisément à quels noms s’applique tel ou tel autre. A lui demandé s’il sait ce que signifie le nom d 'Adrien . a répondu qu’il désignait M. le comte de Maillebois g que tous ceux dont il sera positivement sûr, il n’hésitera point de les nommer, mais qu’on ne peut lui savoir mauvais gré de ne pas hasarder ce dont il n’est pas certain. A lui demandé s’il sait aussi ce que c’est que M. de Culan, et en même temps nous lui avons donné lecture de l’endroit de la conversation où -il -en eét parlé : a répondu que n’étant par sûr de la personne désignée par ce nom là, il ne hasarde .pas davantage d’en faire d&ppHcatàon- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.) §43 Interrogé s’il ne se rappelle pas du moins avec vraisemblance, quoique non pas, suivant lui, avec une entière certitude, ce que signifie le nom de Culan, d’après les indications précises et multipliées que présente à cet égard la conversation*. a répondu qui si on lui eût présenté tous ces détails à l’époque où ils ont été donnés ou à peu près, ces rapprochements, qui paraissent n’être pas une énigme pour les membres du comité, n’en seraient certainement pas une pour lui non plus; mais qu’à une grande distance du temps, cette conversation, qui lui a paru intéressante, au moins pour alimenter les entretiens de la campagne, ne lui a pas paru cependant asséî: importante pour y avoir réfléchi depuis, et s’en être meublé la mémoire. . . -, Interrogé s’il se rappelle c‘è qué signifie le nom d 'Ermand, qui se trouve dans la même partie de l’écrit en question : a répondu que ce mot-là est dans la classe de toüs les autres. Interrogé s’il sait ce que signifie le nom d’ Hardiment , qui se trouve à la fin dé l’écrit ; a répondu comme à la question précédente: A lui demandé pourquoi il avait eu recours, de concert avec M. de Maillebois, dans Sa correspondance àvec lui, à un travestissement de noms, pour l’explication desquels il était besoin dé ré-courir à une clef : â répondu qu’à cette époque ce n’était point une chose nouvelle entre M. le comte de Maillebois et lui ; qu’elle avait pris naissance à fitistarit où M. fe comté de Maillebois l'Avait prié dé traiter de ses affaires en Hollande, et lorsque le répondant était allé traiter celles qu’il avait avec la République personnellement. A lui demandé quelles étaient les personnes où le genre dé personnes qu’avait [lotir objet ce travestissement de noms : a répondu celles qui avaient trait tant à ses affaires personnelles, ses connaissances mêmes, que celles qui étaient de la connaissance de M. le comte de Maillebois, où qui avaient des rapports âVee lui. A lui demandé s’il se rappelle quand cette clef a été faite, à répondu : d’abord à l’époque où il est allé en Hollande pour y traiter Ses affaires personnelles, et où M. té comte de Mâiliebôis le pria de donner quelques soins aux siennes propres, en Octobre mil sept cent qüatre-vingt-sept; puis, suivant les circonstances, les noms ont été changés ou ajoutés. A lui demandé cé qu’est 'dévenue cette clef : a répondu qu elle aurait dû Se trouver dans ses papiers, ainsi qu’uu passeport de M. de Montmo-rin, qui lui avait été donné à l’époque désignée ci-dessus . A lui observé que non seulement cette clef et passeport né se trôûvent point dans les papiers qui nous ont été rémis, maïs encore ‘que, par ses réponses précédentes, il n’â point supposé que nous eussions cette clef; que cés réponses supposent même que bons ne l’avons point, puisqu’il n’a point demandé qu’on la lui représentât : a répondu que nous ne lui avons d'abord fait lecture que d'une très petite partie du contenu dans l’écrit sur lequel porte l'interrogatoire actuel; qu'il ignorait nos motifs et les formes usuelles en pareils cas, et si nous ne voulions pas obtenir de lui répondant l’aveu de ce que nous lui demandions avant que de lui montrer la clef dont il est question. A lui observé qu’il résulte de sa conversation écrite, et des explications qu’il vient de nous donner, que Farcjp, qu’il convient lui-même être probablement M.deSaini-Priest, lui â fait ouverture d’un projet de contre-révolution, et «pré fë répondant, de son côté, a proposé à M. de Saint-PrïesJt, M. le comte de Maillebois pour être à la tête dé l'entreprise a répondu qu’il né eroit pas qü’il puisse jamais résulter de la conversation dont il s’agit; et des aveux faits par le répondant, qu’il ait été question d’ouverture de projet de contré-révolution par M: le comte de Saint-Priést, que lé répondant nepeutencore assurer être celui désigné par le nom Farcy ; qu’il ne croit pas, par la connaissance qu’il a du persounél de M. le comte de Saint-Priest; qu’il fût jamais l’apôtre d’une contre-ré voluti ou ; que très certainement lui répondant n’aurait pas hasardé, ea pareil cas; de lui nommer M. le comte de Maillebois, pour être, comme général, à la tête de l’entreprise *, que lorsqu’il Hui a parlé de M. le comte de Maillebois (ce qui lui est arrivé souvent et longtemps avant la Révolution), c’est d’après la conviction de ses talents politiques et militaires, et l’avantage dont il est encore très persuadé qu’un pareil homme pourrait être dans son pays, pour lequel, malgré son éloignement; il a conservé tous les sentiments d’un bon citoyen ; que c’est ainsi au moins qtl’il i’a toujours entendu sans s’expliquer. _ Interrogé quelle devait être; suivant lui; la destination de l’armée à laquelle il voulait qu’on donnât pour chef M. de Maillebois: a répondu qué M. lé comte de la Tour-du-Pin, dans le plan qu’il avait donné de l’armée française, l’avait divisée en plusieurs parties; que c’est une de ces parties à la tête de laquelle il aurait désiré voir M. le comte de Maillebois: A lui observé que, suivant l’écrit dont il s’agit, il n’est point question de trois armées; où de trois parties d’armées, dirigées par des chefs différents, mais d’une armée unique pour laquelle on proposait M. de Maillebois, sous le nom d’ï-drien , en examinant pourquoi elle ne Serait pâs commandée par celui qu’ou désignait par le nom de Culan; qu’il s’agissait de S’én servir poûr conduire le roi dans les provinces, nfâtgré lefs efforts et la poursuite dé la milice nationale; que tel était si évidemment l’objet unique de cetté armée; que ié répondant objecterait à eette occasion� qu’on n’avait pas de moyens; parce qû’on n’avait pas 'dé trOupes; qu’il demandait où Ou en trouverait, objection et demande qui n’auraient pas été proposâmes, s’il eût été question dés troupes de ligne ordinaires; qtie l’écrit ajoute que, suivant le répondant, il paraissait nécessaire et préalable de sé débarrasser de Êetville , par lequel on paraît avoir entendu le commandant de la garde nationale : a répondu qu’il n’avait pas entendu, en parlant de M. le comte de Maillèbois, te désigner pour commander les troupes du royaume, mais pour avoir un commandement particulier, suivant le plan de M. le comte de la ïour-du-Pin, présenté à l’AsSemblée nationale, et qui a été connu dé tout le monde ; que ce plan ne contenant qu’un petit nombre de divisions, il lui paraissait difficile que l’oh ne donnât pas un commandement à quelques autres officiers connus dans l’armée par leurs talents, et dont les idées pourraient être en contrariété avec celles deM-. le comte de Maillebois-, et qu’aiors les prétendants pouvaient être assez nombreux, pour qu’il ne restât pas de places pour un officier dont le mérite ne le cédé sûrement A aucun autre, mais qui se trouve dans uu service étranger; qu’au rèste les troupes du roi sont identifiées avec les milices nationales, les unes et les autres étant composées de citoyens; quil serait, en effet, embarrassant si toutes marchaient à lafois; que dé là estvenîfè l’idée de séparer ces corps tespecftffc, fêt (dede 544 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. grand nombre naîtrait nécessairement une confusion nuisible au pays dans lequel on serait; qu'en disant que l’on n'avait pas de troupes, il avait entendît qiï en effet, ces mêmes troupes n ayant point encore prêté serment entre les mains des municipalités, on pourrait peu compter sur elles ; qu’il n’a jamais entendu qu’on dût se débarrasser du commandant de la garde nationale, dont les talents lui sont plus connus qu’à beaucoup d’autres, et auquel il a, depuis longtem ps, voué attachement et reconnaissance ; non qu’il reconnaisse non plus que le mot Betville soit applicable au commandant dont il s’agit. Interrogé pourquoi, s’il n’était pas question d’une contre-révolution pour le printemps alors prochain, dans cette conversation, il a parlé d’un voyage du roi dans les provinces durant la tenue de l’Assemblée nationale, et des poursuites de la garde ou milice nationale qui s’y opposerait : a répondu que ce n’est pas lui qui a parlé du projet d’un voyage dans les provinces ; qu’il croit, au reste, que Sa Majesté avait elle-même donné cette espérance à ses peuples; que, dans cette supposition, Sa Majesté avait pu croire que les travaux de l’Assemblée nationale seraient terminés, et que l’opposition, s’il pouvait y en avoir à un acte de bienfaisance, ne pourrait certainement partir que de l’amour extrême de son peuple de Paris, qui, se regardantcomme les fils aînés d’une famille, dont le roi est le père, craindra toujours de le voir éloigner, malgré la certitude d’un retour aussi prochain que nécessaire. A lui observé que toute la teneur de l’écrit, et particulièrement ces mots : « Ne craignez-vous « pas que toute cette milice n’y mette des en-« traves, qu’elle ne veuille vous suivre et rendre « vos projets sans effet? » indiquent plutôt un enlèvement du roi à main armée, contre son gré et contre son peuple, qu’un voyage volontaire dans les provinces : A répondu qu’il est impossible qu’il existe des hommes assez audacieux pour oser porter la main sur l'oint du Seigneur, et que l’opposition dont est question, n’aurait pu partir que d’un amour extrême de la milice de Paris, qui ne pourrait voir sans peine une absence de Sa Majesté, et sans former le plan delà suivre, ce qui deviendrait réellement embarrassant, tant par le nombre de bouches que par la quantité de logements que cela entraînerait, ce qui nécessiterait alors le désistement, de la part de Sa Majesté, d’un projet qu’elle n’aurait conçu que dans son amour pour son royaume en générai. A lui fait lecture des autres parties de l’écrit dont il s’agit, où il est question de la comparution que le répondant venait défaire au comité le 5 décembre dernier, et observé que décompté qu’il rend est extrêmement inexact et même infidèle; que jamais les membres du comité n’ont manqué d’égards à ceux qu’ils y ont reçus, et qu’ils les ont" encore moins menacés ; qu'au surplus, cette comparution fut si courte et si peu importante (parce que ie répondant ne fit aucune déclaration), qu’on ne jugea pas convenable d’en dresser aucun procès-verbal, ajoutant qu’on ne peut se dispenser de faire ici cette réclamation, uniquement parce que le compte de cette comparution se trouve dans une pièce qui est importante pour l’objet de cet interrogatoire. A répondu qu’il est impossible qu’il n’ait pas rendu un compte exact de ce qui s’est passé, mais que dans ce moment-ci, comme dans tous les temps, il est bien luin d’avoir eu l'intention de rien dire qui puisse blesser qui que ce soit, et moins encore des membres d’un comité qu’il a avoué lui-même avoir mis beaucoup d’hon-{2 août 1790.] nêteté dans leurs procédés, témoignage qu’il se plaît à rendre comme un hommage à la vérité. Lecture faite du présent interrogatoire, mondit sieur ie chevalier de Bonne a déclaré persister dans ses réponses, et a signé. Signé : le chevalier de Bonne-Savardin; Garran de Goulon; Agier et Perron. N° VI. Trois lettres trouvées dans le portefeuille de M. Bonne-Savardin. Observations sur ces lettres. La première est de M. de Maillebois à M. Bonne-Savardin. La signature, qui est abrégée et formée de lettres entrelacées les unes dans les autres, n'a pas pu être déchiffrée par messieurs de la municipalité de Pont-de-Beauvoisin (voyez ci-dessus leur procès-verbal); avec de l’attention, néanmoins, on y reconnaît fort distinctement les lettres initiales du nom de M. le ci-devant comte de Maillebois. D’ailleurs l’écriture, aussi bien que le cachet, sont constamment ceux de M. de Maillebois. M. le maire de Paris a fait remettre au comité une lettre que M. de Maillebois lui a écrite d’Anvers le 1er avril, et qui peut servir de pièce de comparaison. Enfin M. Bonne-Savardin est convenu, dans son interrogatoire, que cette lettre lui avait été écrite par M. de Maillebois. (Voyez ci-après l’interrogatoire, art. 82. 83 etsuiv.) La seconde lettre est de M. le marquis de Cordon, ambassadeur du roi de Sardaigne ; elle est sans signature; mais le cachet, le même que celui d’un passeport de M. l’ambassadeur, trouvé sur M. Boune-Savardin, nous ont tout d’un coup mis sur la voie, et M. Bonne-Savardin est effectivement convenu, dans son interrogatoire, que cette lettre était de M. de Cordon. (Voyez l’art. 28 et plusieurs autres.) Cette lettre est une de celles que M. Bonne-Savardin a voulu déchirer lors de son arrestation. La troisième est deM. de La Châtre (ci-devant comte de La Châtre), membre de l’Assemblée nationale, à M. Mounier. C’est l’autre lettre que M. Bonne-Savardin avait commencé de déchirer au moment de son arrestation. M. Bonne-Savardin a refusé longtemps d’en dire l’auteur; il a prétendu ne pas savoir par qui cette lettre avait été écrite, ni même qui la lui avait remise (voyez interrogatoires, art. 22, 23 et 24); mais enfin il a avoué (art. 58) que cette lettre était de M. le comte de La Châtre. Première lettre. Jeudi, 15 (1). Les nouvelles de ma famille et de mes amis paraissent croire à une chute prochaine du com-(1) C’est le jeudi, 15 avril, le seul jeudi depuis le commencement de l’année qui tombe au 15 du mois ; M. Bonne-Savardin ne méconnaît pas cette date. (Voyez interrogatoires, art. 84 et suiv.). [2 août 1790.) [Assemblée nationale.] plot (1)- D’autres, et surtout une, de M. de Crassier (2), annonce que le plus fort argument est une lettre de la Novalèse (3). Un troisième avis, plus entortille, semble croire qu’on attend des réponses de T. . . (4); ainsi je vois que sans cette lettre très inutile de la Novalèse, et la blêcherie du cherche-midi à quatorze heures (5), cela serait bientôt fini. Il n’y a rien de changé pour le rendez-vous de dimanche. Je vous renouvelle, Monsieur le chevalier, mes fidèles sentiments. A 8 heures. Je reçois (6), dans le moment, votre lettre, Monsieur le chevalier; j’espère que vous aurez mis toute la prudence possible dans votre entrevue, siellea eue lieu. Vous allongeriez en effet de beaucoup en passant par Bois-le-Duc; informez-vous du chemin droit, que l’on dit être par Silberg, maison ne le saitpasaujuste.Je vous remercie de vos nouvelles ; elles sont assez graves, chacune dans leur genre. Je vous souhaite le bonsoir ; n’oubliez pas le banquier Werbrones. Au dos est écrit : à monsieur le chevalier de Bonne, à l’hôtel de l’Ours, place du Maire, à Anvers. Seconde lettre. Je suis fâché de vous savoir à Paris, Monsieur, quelque caché que vous puissiez y être, je ue vous y crois pas en sûreté; je sais 'qu’on vous a fait chercher, et que vous pourriez bien encore être arrêté, quoique les bruits de vos projets (7) soient ralentis depuis quelques jours. Vous sentez que, dans ces circonstances, ce serait me compromettre que de vous recevoir chez moi, et je n’en veux pas courir le risque; vous m’obligerez donc de n’y pas paraître et de vous tenir caché, si vous ne préférez de vous éloigner encore quelque temps : ce qui me paraît le plus sage. Ce 25 avril 1790. P. S. Les choses sont d’ailleurs comme vous les avez laissées, et je n’ai rien appris de nouveau depuis vous (8). (1) M. Bonne-Savardin prétend, dans son interrogatoire (art. 84), que ce mot est une négligence de style. (2) M. de Crassier est un membre de l’Assemblée nationale, qui a servi en Hollande sous M. de Maillebois. (Voyez interrogatoire, art. 130.) (3) La lettre déposée au comité par M. Massot-Grand’- Maison est imprimée ci-dessus. (4) De Turin. 11 paraît que les amis deM. de Maille-bois étaient parvenus à clécouvrir que le comité des recherches de l’Assemblée nationale avait des correspondances avec Turin, et en attendait des éclaircissements ultérieurs. M. Bonne-Savardin a prétendu ne pas savoir ce que cette phrase signifie. (5) On a demandé à M. Bonne-Savardin le sens de ces expressions : la blêcherie du cherche-midi à quatorze heures. Il a prétendu ne pas les entendre, et n’en avoir pas demandé l’explication à M. de Maillebois, qu’il a vu depuis. (Interrogatoire art. 132 et suiv.) Cette phrase est visiblement une allusion au paquet destiné pour l’ami de la rue du Cherche-Midi, dont il est parlé dans la lettre de la Novalèse. M. de Maillebois taxe d’indiscrétion cette annonce, dont son envoyé aurait pu se dispenser, et il l’appelle une blêcherie. Blêcherie paraît signifier ici sottise. Voyez dans le Dictionnaire de Trévoux, le mof Blêche. (6) M. Bonne-Savardin explique ou cherche à expliquer ce post-scriptum dans son interrogatoire, articles 128 et 129. (7) M. Bonne-Savardin prétend encore *dans son interrogatoire (art. 126) que c’est là une négligence de style, qui n’est pas rare (ajoute-t-il) dans un billet non signé. (8) Voyez dans le même interrogatoire (art. 127), comment M. Bonne-Savardin explique ce post-scriptum. 545 Sur l’enveloppe est écrit : à monsieur, monsieur le chevalier de Bonne, à l’Arsenal, Cour des princes. Troisième lettre. Je n'ai pas le loisir, mon cher ami, de causer avec vous ; la personne qui vous remettra ce billet a eu avec moi une conversation aussi détaillée qu'il lui a été possible. J’aurais bien désiré que l’Assemblée nationale me rendît la liberté pour aller prendre l’air de Suisse, et vous embrasser en passant. Donnez-moi de vos nouvelles, et comptez sur moi en tout et partout (1). Ge 25 avril. Au dos est écrit: à monsieur, monsieur Mon-uier, et cachetée avec un pain rouge. N° 7. Lettre de M. Bonne-Savardin à M. de Maillebois, par laquelle il lui annonce une conversation importante qu'il a eue avec un personnage désigné entre eux sous le nom de Farcy, et récit détaillé de cette conversation , écrit par M. Bonne-Savardin lui-même. Observations. Jusqu’ici l’on n’a aperçu dans cette affaire que deux personnage?, MM. de Maillebois et Bonne-Savardin. Les pièces suivantes vont en découvrir un autre, d’autant plus digne de fixer l’atteatiou, qu’il occupe une place plus éminente ; c’est M. Guignard ( ci-devant comte de Saint-Priest ), ministre et secrétaire d’Etat, désigné, par convention entre MM. de Maillebois et Bonne-Savardin, sous le nom de Farcy. Pour l’intelligence de ces pièces, il faut se rappeler que M. Bon ne-Savardin , demeurant à l’Arsenal, fut indiqué aucomilé, alors occupé de l’affaire de MM. Besenval et autres, comme pouvant donner des renseignements sur la prise de la Bastille et les circonstances qui l’ont précédée. Il avait d’ailleurs été aide de camp du maréchal de Broglie, lors de la Révolution (fait inconnu au comité, qui l’a appris de lui-même); et, à ce titre, il devait être informé de beaucoup de choses. M. Bonne-Savardin fut donc mandé au comité le 11 décembre dernier, pour le 5 au soir, et il y parut. La conférence fut courte; M. Bonne-Savardin prétendit ne rien savoir. Mais l’invitation, qu’il avait reçue du comité, lui parut assez importante pour aller en faire part, dès le 5 au matin, à M. de Saint-Priest; et, le lendemain, il retourna lui rendre compte de ce qui s’était passé au comité. G’est dans la première de ces visites qu’a eu lieu la conversation dont il s’agit ici. Nous avous à établir que M. de Saint-Priest est réellement le personnage désigné par M. Bonne-Savardin, sous le nom de Farcy; et la démonstration est complète. Le récit même, écrit par M. Bonne-Savardin, nous donne une indication sûre pour découvrir (1) Voyez dans l’interrogatoire, articles 18, 20, 21, 39, 60, 61, 62, 94 et suivants jusqu’à l’article 104 inclusivement, les questions qui ont été faites à M. Bonne-Savardin au sujet de cette lettre et ses réponses. 35 archives parlementaires. 4re Série T. XVII. 546 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.] ce personnage. C’est, suivant ce récit, un individu chez lequel il a été le 5 décembre, avant de paraître au comité, pour lui faire part de l’invitation qu’il avait reçue la veille, et chez lequel il est retourné le lendemain matin, pour lui rendre compte de ce qui s’était passé. Or, en premier lieu, M. Bonne-Savardin, suivant son livre-journal (1) a réellement été chez M. de Saint-Priest dans la matinée du 5 décembre, jour où il fait note, dans ce même livre, de sa comparution au comité. Il y est retourné, suivant le même journal, le lendemain 6 ; et c’est la seule personne, toujours d’après le journal, qui ait été visitée par lui consécutivement à ces deux époques. En second lieu, nous avons demandé à M. Bonne-Savardin, article 145 de son interiogatoire, « si le jour où il s’est rendu au comité des recherches, sur notre invitation, il n’a pas été, dans la matinée, voir une personne à qui il a fait part de cette invitation, et si, le lendemain, il n’y est pas retourné, pour lui rendre compte de ce qui s’est passé au comité.» A lui demandé quelle est cette personne, voici le réponse de M. Bonne-Savardin, elle est précise: a répondu que oui , et que cette personne est le comte de Saint-Priest. Il a voulu ensuite prétendre qu’il n’était pas sûr que ce fût avec M. de Saint-Priest qu’il eût eu la conversation par lui rapportée; mais, sur le premier point, il n’y a pas eu d’équivoque : c’est M. de Saint-Priest, et nul autre, à qui il a rendu les deux visites du 5 et du 6, l’une avant de venir au comité, pour lui faire part de l’invitation qu’il avait reçue, l’autre après y être venu, pour l’instruire de ce qui s’était passé. Enfin, M. Bonne-Savardin, malgré ses réponses évasives, n’a pu s’empêcher de faire des confessions qui diffèrent peu d’un aveu formel. Il convient que son livre de raison, aux dates énoncées, marque une conformité des noms de M. le comte de Saint-Priest et de Farcy (2): qu’il y a des rapprochements entre ces noms (3), de grands rapprochements (4); qu’il parait que c’est M. de Saint-Priest qu'il a voulu désigner (5). La vérité lui a même échappé sur un point important, dès les premiers pas de son interrogatoire. A lui demandé (6) si, à l’occasion de ces deux visites par lui avouées, il n’a pas eu, avec M. le comte de Saint-Priest, une conversation très détaillée sur la Révolution, conversation qu’il a même trouvée si intéressante, qu’il l’a couchée par écrit, et en a fait passer la narration à M. le comte de Maillebois. Il répond d’abord (ne sachant pas qu’on eut pièces en mains pour le convaincre) qu’il n’a jamais pu avoir de conversation très détaillée, sur un objet de cette nature, avec M. de Saint-Priest, qui n’avait vraisemblablement pas de moments à perdre pour entrer dans tous les détails avec lui. On lui représente (7) qu’il est étonnant qu’il ne se souvienne pas de cette conversation, qu’il paraît annoncer dans une lettre à M. de Maillebois, du 6 décembre dernier, et on lui fait lecture de cette lettre, dans laquelle il parle de la conversation, comme ayant été très longue. Il répond (1) Voyez ci-après, n° 8. (2) Interrogatoire, article 15 (3) Même pièce, article 152. (4) Même pièce, article 153. (5) Même pièce, article 150. (6) Article 146. (7) Article 148. alors que la lettre qu’on vient de lui lire, lui rappelle bien qu'il a causé avec M. de Saint-Priest ; et l’interlocuteur avec lequel il a eu la conversation, n’est désigné dans cette lettre, que par le nom dé Farcy. On lui relit la phrase (1) et il répond de nouveau que ce qu'on vient de lui lire lui a rappelé en effet qu’il avait causé avec M. le comte de Saint-Priest. Gomment contester actuellement que M. de Saint-Priest soit le personnage désigné par M. Bonne-Savardin sous le nom de Farcy? Tous les signes caractéristiques qu’offre le détail de la conversation s’adaptent parfaitement à M. de Saint-Priest. Farcy est évidemment un homme en place, un homme considérable, qui peut influer dans le choix des généraux, et est à la tête de l’administration. Le livre-journal de M. Bonne-Savardin constate ses relations fréquentes avec M. de Saint-Priest, et il n’en disconvient pas ; il avoue même lui avoir souvent parlé de M. de Maillebois (2). Les autres personnages énigmatiquement désignés dans le récit de la conversation, ne sont pas plus difficiles à reconnaître. Betville , qui a de grands rapports avec la milice ou la garde nationale de Paris, à qui M. Bonne-Savardin prête, dans son récit, une ambition vaste, qui est (suivant lui) en mesure, auquel les ennemis de la Révolution ont osé imputer des projets, celui, entre autres, d’être connétable, mais qui a été justifié sur ce point-là même, par tous ceux qu’une extrême passion n’a pas aveuglés ; cet homme est, à n’en point douter, M. de La Fayette. Adrien est M. de Maillebois; M. Bonne-Savardin l’a reconnu dans son interrogatoire (3). M. de Culan, auquel M. Bonne-Savardin appréhende de voir confier le commandement des troupes destinées à opérer une contre-révolution, qui a été précédemment chargé d’une entreprise à peu près pareille, mais qui s’est conduit de manière à en ôter l’envie aux plus entêtés, qui ne fait plus rien depuis cet instant, qui aurait dû, selon Farcy, aller habiter les mêmes lieux qu’Ermand, où il a d’ailleurs des possessions; ce personnage est visiblement M. de Broglie, chargé, l’année dernière, du commandement des troupes contre Versailles et Paris, mais qui a mal réussi dans son expédition; M. de Broglie, origi-ginaire des Etats de Savoie, où il conserve des possessions, et qu’habite actuellement M. Charles Philippe, frère du roi (ci-devant comte d’Artois) désigné, dans la conversation, sous le nom d 'Ermand. On pourrait désigner quelle était probablement la personne désignée sous le nom de Hardiment; mais la conjecture sur ce nom étant étrangère au complot indiqué dans cette pièce, on l’omettra. II resterait à répondre à une dernière question que l’on pourra faire ; d’où le comité tient-il ces pièces? Mais le comité ne croit pas être obligé de s’expliquer là-dessus. Il suffit que ces pièces soient authentiques, écrites en entier de la main de M. Bonne-Savardin; et il n’en disconvient pas. Observons seulement que cette preuve n’est pas la seule qu’administrera le comité contre M. de Saint-Priest; il est des témoins qiifii produira en temps et lieu. 1) Article 149. 2) Article 146. (3) Article 156. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.] $47 Lettre de M. Bonne-Savardin à JJf. de Maillebois. Mon général, je ne me doutais guère que Ton s’occupât de moi à l’hôtel de ville de Pans, lorsque j’ai reçu avant-hier au soir une lettre du comité des recherches, pour me rendre hier, avant midi, ou après six heures du soir. J’y suis allé en effet, et par la quantité, la minutie des questions que l’on m’a faites, il m’a été facile de juger que je leur avais été dénoncé pour avoir été aide de camp de M. le ** (1). Il ne m’a pas fallu un conseil pour me tirer de là. Ces Messieurs m’ont rendu la tâche si facile, que je n’ai eu que des remerciements à leur faire de m’avoir mis en mesure de les désabuser de l’opinion qu’on avait pu leur donner. J’avais passé toute la matinée au palais où j’ai gagné mon affaire. La célérité du jugement me vient sans doute de la démarche que vous avez bien voulu faire, et je vous renouvelle, mon général, mes remerciements. J'ai vu, très longuement, hier, Farcy, dont la conversation exige des détails peu pressés (2), et que je vous ferai personnellement (3). La dénonciation dont on parlait tant, on dit que c’est parce qu’il y a un très grand nombre de personnes qui devaient y être comprises ; j’ai ouï nommer M. le duc d’ Aiguillon et M. de La Clos. M. de La Fayette a été averti que les ennemis du projet de M. Necker, et surtout de la caisse d’escompte, toujours pour empêcher l’utile établissement de la banque nationale, avaient fait le projet d’enlever les fonds qui sont à la caisse d’escompte et de mettre le feu dans tout le quartier. Mais les gardes renforcées, les patrouilles successives et nombreuses, des échelles, des crocs, des paniers, des pompiers, un attirail immense a été déposé dans des magasins environnants, et il est impossible que ces malfaiteurs puissent suivre leur affreux complot. Vous sentez que c’est au ministre des finances qu’on en voulait; et la chose, si elle avait eu lieu, n’allait à rien moins qu’à culbuter la caisse projetée, voler la caisse existante, décevoir le ministre dans ses sages moyens, et même renverser sa personne du gradin honorable où l’ont placé ses talents et l’amour de la nation. La sagesse du général a tout prévu et tout prévenu. Quant au voyage dont vous me parlez, vous savez, mon général, qu’il me sera toujours agréable de rendre mes hommages à Mme de G**, et que je suis bien, lorsque je suis à portée, de vous assurer à tous moments du respectueux attachement avec lequel j’ai l’honneur d’être, (i) M. Bonne-Savardin avait en effet cette idée, et il paraît qu’elle lui est restée, malgré tout ce que nous avons pu lui dire, que nous ignorions jusqu’à sa qualité de ci-devant aide de camp du maréchal de Broglie. Voyez au surplus, sur cette conférence de M. Bonne-Savardin avec le comité, l’article 161 de l’interrogatoire . (2) Peu pressés en effet, puisque, suivant la conversation, l’exécution des projets était différée jusqu’au printemps. (3) 11 paraît, par ces derniers mots, que M. Bonne-Savardin se proposait de rendre compte, en personne, de la conversation à M. de Maillebois ; mais que n’ayant pas pu aller à Thuri aussitôt qu’il l’aurait voulu, il a préféré le lui écrire. mon général, votre très humble et très obéissant serviteur. Le chevalier DE Bonne. Du 6 décembre. l(êcit fait par M. Bonne-Savardin de sa conversation avec Farcy . Incertain du motif ou des soupçons que l’on avait conçus contre moi, puisque l’on me mandait au comité des recherches, je crus qu’il était prudent d’en prévenir Farcy. J’y fus et eus avec lui une conversation que je crois intéressante à mettre sous vos yeux. Quand, lui dis-je, cela finira-t-il ? — Il faudra bien qu'il y ait un terme, me dit-il; et si cette espérance ne nous soutenait, il faudrait mettre la clef sous les portes, et attendre l’instant d’être égorgés. — Mais prévoyez-vous ce terme? — Le printemps, puisque c’est cette époque que le roi a choisie pour aller visiter les provinces. — Mais ne craignez-vous pas que toute cette milice n'y mette des entraves? qu’elle oe veuille vous suivre et rendre vos projets sans effets ? — Eh bien, si elle est tentée de suivre, nous la laisserons faire; et quand une fois nous aurons le cul sur la selle, nous verrons. — Oui, lui dis-je, je conçois qu’alors il y aurait des moyens si vous aviez des troupes, mais où en trouverez-vous ? — Il n