ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 135 [États généraux.] [19 juin 1789.] des vingt bureaux subsistera provisoirement; arrête pareillement que les comités qui viennent d’être établis seront formés par le choix de vingt bureaux; arrête en outre que l'on procédera, parla voie du scrutin, dans chaque bureau, à l’élection d’un membre destiné à entrer dans un bureau général , qui correspondra avec tous les autres. « Les bureaux travailleront au règlement de discipline , au grand œuvre de la déclaration des droits, arrêtés par tous les mandats. « Arrête pareillement qu’il sera immédiatement, après tous ces arrêtés pris, procédé, par la voie du scrutin, à l’élection d’un président et de deux secrétaires. » Ces motions deviennent l’objet de la délibération. Plusieurs membres n’approuvent pas des comités aussi nombreux, dont les uns seront fort inutiles , les autres n’auront que fort peu d’occupations, et qui tous peuvent se réduire à deux, un pour la cberté des grains, et l’autre pour la discussion de la recette , de la dépense et de la dette publique. D’autres veulent parler pour les adopter. M. Pison du Galand. Tous ces projets sont subordonnés à deux opérations. La première, celle de nommer vos officiers ; et cela est nécessaire, parce que les officiers actuels pourront être nommés dans ces différents bureaux. La seconde est la réduction de nos cahiers ; elle est nécessaire parce qu’il est important de se pénétrer de l’esprit de nos mandats ; que c’est là enfin la source où il faut puiser, où il faut consulter le génie de la nation pour pouvoir faire la déclaration des droits. M. Bailly. J’objecte que le travail de cette réduction vient d’être ébauché par un ouvrage déposé sur le bureau ; l’auteur a, dans. une table, classé dans les mêmes colonnes les demandes des différents bailliages, et d’un coup d’œil on voit le nom du bailliage et sa demande avec celles des autres bailliages sur le même objet. Je propose de faire imprimer cette table. Cette ouverture est suspendue jusqu’après la constitution, attendu que l’Assemblée, avant cette époque, ne se regarde que comme une Assemblée d’individus sans titres et sans qualités. M. Mounicr reproduit les trois points vraiment importants que l’Assemblée, par l’acte de sa constitution et de son arrêté, a déjà fixés. 1° Comité pour la rédaction des motifs de la conduite de l'Assemblée nationale avant sa constitution pour les mettre sous les yeux du Roi et de la nation ; 2° Comité pour les grains et les subsistances ; 3° Comité pour les contestations sur les pouvoirs et les élections. M. ***, député de Bordeaux. Le premier décret de l’Assemblée nationale, après sa constitution, doit frapper sur la cherté des grains. Le peuple est malheureux, il manque de pain, hâtons-nous de le secourir. Laissons de côté les causes de la disette, ce serait perdre le temps en de vaines recherches ; il faut du pain aux pauvres ; faisons nos efforts pour leur en donner. La cause de la disette est assez connue ; c’est ioutilement qu’on l’attribue à des accaparements frauduleux. La grêle, une année malhéureuse, voilà les seules causes qui nous ont privés de l’abondance. Le Roi, touché de la misère de ses peuples, a montré une sollicitude vraiment paternelle; il a ouvert des primes , il a donné tous les soins pour faire arriver journellement dans nos ports une grande quantité de grains ; il ne s’agit que de faire refluer ces secours dans les provinces éloignées. Je propose l’arrêté suivant : « L’Assemblée nationale, pénétrée des malheurs qui affligent une grande partie de la nation, déclare que les secours les plus puissants qu’elle peut dans ce moment donner sont ceux en argent. « En conséquence, l’Assemblée ordonne qu’il sera procédé sur-le-champ à un emprunt de trois millions ; que cet emprunt sera appelé patriotique ; elfe déclare qu’elle va procéder incessamment à un comité pour régler le tauxdes intérêts, le délai, la sûreté des créanciers, et pour distribuer l’argent par lui-même dans les villes, villages, etc. » i M. Bailly demande à l’Assemblée si elle veut nommer sur-le-champ ses officiers ; elle y consent. 11 observe que les députés dont on conteste les pouvoirs ou les élections peuvent être nommés officiers, et que par la suite leur élection peut aussi être déclarée nulle ; que d’un autre côté il ferait injuste de les exclure de la nomination. Il paraît, dit-il, raisonnable, dans cette incertitude, de suspendre jusqu’à un temps limité l’élection des officiers, si l’on n’aime mieux nommer sur-le-champ la commission et juger ces contestations. , Un membre. MM. les curés qui se sont soumis à la vérification commune doivent donner leurs suffrages, soit pour nommer, soit pour être nommés ; ils sont actuellement dans leur Chambre pour l’intérêt commun; il convient donc d’attendre leur retour. Ces réflexions éloignent le moment d’élire les officiers. Un membre. Je demande à M. Bailly l’ouverture des lettres et paquets adressés aux communes. I M. Bailly annonce qu’il les apportera demain à l’Assemblée. M. Target. C’est vraiment le moyen de nous égarer, si, sur une question de comité, nous voulons traiter cinq ou six objets. Je laisse de côté toutes les motions que j’ai faites sur les finances. Je les réduis et je demande que l’Assemblée arrête qu’il sera formé dans le jour et sans délai trois comités : le premier, pour remédier à la disette ; le second, pour la rédaction des motifs ; le troisième, pour juger les contestations sur les pouvoirs. L’Assemblée s’occupe de ces objets. On convient de nommer un quatrième comité pour le règlement de police. L’Assemblée adopte l’arrêté suivant : « Il sera formé quatre comités: le premier, sous le titre de comité des subsistances, s’occupera de la recherche des causes et des remèdes de la disette des grains qui afflige le peuple dans plusieurs provinces. « Le second, sous le titre de comité de vérification et contentieux, sera chargé de l’examen et du rapport à l’Assemblée des pouvoirs qui restent à vérifier, et de toutes les difficultés y relatives. « Le troisième, sous le titre de comité de ré- 136 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États généraux.] [19 juin 1789.] daction, s’occupera de la rédaction des motifs de la délibération du 17, et des divers mémoires et adresses qui seront ordonnés par l’Assemblée. « Le quatrième, sous le titre de comité de règlement, s’occupera des règlements nécessaires pour l’ordre et l’expédition des affaires de l’Assemblée. » M. Barrère. Messieurs, la disette des grains afflige la capitale et les provinces ; les cris de la misère se font entendre d’un bout du royaume à l’autre ; et cependant l’on assure que la France recèle encore dans son sein des subsistances en blé pour plus de six mois. Faut-il donc périr au milieu de l’abondance ? Faut-il encore ménager les hommes qui trafiquent de la misère publique? Des ordres sages sans doute dans leurs motifs, mais funestes par leurs conséquences, ont enchaîné la circulation des blés au préjudice des droits des citoyens et des possesseurs des terres : on nous assure de toutes parts qu’un grand nombre de propriétaires, dans différentes provinces, ont de grandes provisions de grains et ne peuvent les vendre dans les lieux de leur résidence, la circulation étant interrompue ; ainsi, d’un côté, les peuples sont réduits h se nourrir d’aliments grossiers, malsains et insuffisants; de l’autre, les propriétaires ressentent le besoin au milieu des richesses. Les commissaires départis dans les provinces ont fait, il est vrai, des perquisitions chez les fermiers, les laboureurs et les marchands de blé : ces démarches ont été nécessaires, mais elles sont insuffisantes. Pourquoi ne ferait-on pas des recherches exactes et générales dans les couvents, dans les maisons ou communautés considérables, soit dans les villes, soit dans les campagnes, pour faire circuler, dans les marchés, le superflu de leur consommation, en leur laissant des blés jusqu’au mois de septembre ou' d’octobre ? Au premier signal les officiers municipaux peuvent remplir cet objet presque en même temps dans tout le royaume. Cette espèce d’inquisition serait sans doute effrayante si elle était érigée en loi ; mais il est des moments, il est des crises dans lesquelles il faut, pour le salut public, violer un instant les lois générales. Pourquoi le ministre du département de la guerre n’emploierait-il pas les mêmes procédés dans les villes de garnison, où de grands abus dans ce genre sont couverts d’un nom respectable? Pourquoi l’Assemblée nationale, en s’occupant du rétablissement de la circulation des grains, n’accorderait-elle pas des primes d’encouragement à ceux qui approvisionneraient les différents marchés du royaume, sous l’inspection des officiers municipaux ? Pourquoi ne pas renouveler le prononcé des peines contre les accapareurs et contre toutes personnes convaincues de recéler des blés morts au commerce, ou d’avoir fait de fausses déclarations de la quantité de grains qui sont dans leurs magasins ou dans leurs greniers? Pourquoi n’ajouterait-on pas à ces injonctions, à ces peines nécessitées par les besoins instants des peuples, des avertissements pressants aux diverses compagnies chargées de la partie des grains, atin qu’ils les fassent moudre sans délai et sans interruption, avant les chaleurs qui dessèchent les rivières ? Les approvisionnements des farines manquent partout, et cependant l’on assure que nous consommerons encore au printemps prochain les blés de 1788. Mettons-nous donc, Messieurs, dans une infatigable activité pour découvrir , déconcerter et punir les projets désastreux des ennemis du peuple, des ennemis de l’humanité. Montrons-nous dignes d’être ses vrais défenseurs, ses libérateurs légitimes. Nommons à l’instant des commissaires chargés d’examiner les causes de la disette, les moyens d’y pourvoir, et le genre de secours que l’Assemblée nationale peut et doit donner à la France indigente. La nomination de ces commissaires est, je le répète, l’unique et le premier objet qui doit nous occuper: il faut donner du pain au peuple avant de lui donner des lois. Ainsi, Messieurs, unissons nos travaux aux sollicitudes du Roi, affligé de la situation malheureuse des provinces et de la capitale. Oui, Mes-i sieurs, nous trouverons des moyens pour effrayer I le monopole, encourager le commerce, rétablir lai circulation des grains, et flétrir ces hommes) avides et cruels qui veulent, s’il est permis de parler ainsi, qui veulent vivre de la mort des peuples. Ma motion tend à ce qu’il soit procédé à l’instant à la nomination de commissaires qui iront, dès leur nomination , examiner les véritables causes de la disette, et aviser aux moyens de la détruire ou de l’adoucir. Les commissaires indiqueront le genre de secours et les moyens provisoires que l’Assemblée nationale peut employer dans le moment actuel, jusqu’à ce que les produits de la nouvelle récolte aient rétabli le prix ordinaire du pain, et assurer les peuples sur leurs subsistances, soit en constatant dans tout le royaume la quantité des grains qui s’y trouve, soit en donnant des injonctions aux officiers municipaux d’en pourvoir les marchés, soit en punissant les monopoleurs, accapareurs et autres personnes convaincues d’avoir fait de fausses déclarations sur la quantité des grains qu’elles ont, soit en donnant plus de liberté au commerce, et des encouragements aux pourvoyeurs des marchés, et des secours d’argent et de blé, au nom de l’Assemblée nationale qui fera un emprunt pour cet objet. Cette motion est renvoyée au comité des subsistances. L’Assemblée a arrêté que les deux comités de subsistance et de vérification des pouvoirs, seraient formés chacun de trente-deux de ses membres, pris dans chaque généralité du royaume, et présentés par les députés réunis de chaque généralités; que les deux autres seraient composés de vingt de ses membres, pris dans chacun des vingt bureaux ci-devant établis provisoirement, dont l’Assemblée confirme, quant à présent, l’existence, ét qui se réuniront, à l’effet de présenter chacun un de ses membres pour commissaire. L’Assemblée s’étant successivement divisée par généralités et par bureaux, ont été présentés : Par les généralités de Alsace. Aix. Alençon. Amiens. Auch et Pau, Franche-Comté. Bretagne. Berri. Bourgogne. Champagne. Caen. Pour le Comité des subsistances, MM. De Turckheim. Lemaréchal. Roussier. Pincepré de Buire. Sentez. Lapoule. Laville-le-Roulx. Boéry. Volfius. Dubois de Crancé. Lamy. Pour le Comité de vérification et contentieux, MM. Rewbel. Bouche. Goupil de Prefeln. Dumetz. Barrière de Vieuzac. Cochard. Gleizen. Thoret. Bouchotte. Prieur. Ango.