490 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [23 octobre 1789.] mais cependant permettez-moi de repousser une objection trop répétée. On dit qu’il faut rendre nos biens au commerce en les ôtant-de nos mains ; mais, Messieurs, que veut dire cette assertion? Veut-on multiplier les ventes, ou seulement les mutations de possesseurs? Quant aux ventes, que fait à la chose publique leur multiplication? Je n’y vois d’utilité que pour les notaires qui passent les actes, et pour les seigneurs qui percevaient des droits de lods et ventes, et rien pour la nation. Quant aux mutations, certainement elles sont moins fréquentes par les ventes que par les vacances ecclésiastiques : et considérez de plus, Messieurs, que les ventes ne font que transporter un bien de la main d’un riche dans la main d’un autre riche, au lieu que nos mutations vont chercher ceux qui ont besoin, et peuvent les aller chercher dans toutes les classes de citoyens. Cette prétendue nécessité de remettre nos biens dans le commerce est donc nulle et illusoire, et s’évanouit ainsi que tous les projets envahisseurs, devant le jour irrésistible de la vérité et de la justice. Mais, Messieurs, si nos biens sont à nous, si nous, nous sommes citoyens, qui peut avoir le droit de nous les ôter? La nation? La nation est l’agrégation de tous les citoyens eux-mêmes réunis par leur volonté commune, et dont tous les membres ont les mêmes droits. La justice la plus impartiale est la seule base de cette réunion, et si cette base est renvervée la réunion s’écroule. Dès lors plus d’ordre, plus d’ensemble plus de force publique. La barrière sacrée de la propriété une fois franchie, le serait bientôt encore ; et bientôt vous verriez au nom de la nation aussi, attaquer les propriétés foncières et héréditaires, et prononcer ce mot destructeur de toutes grandes sociétés, mais si flatteur pour le plus grand nombre, ce mot de loi agraire. Votre sagesse le repousserait sans doute, mais avec quel poids il parlerait en sa faveur, celui qui pourrait citer un aussi grand exemple ! J’ose l'espérer, on ne le citera pas. Sans doute, Messieurs, et c’est le dernier signal de détresse d’une nation, elle peut exiger, dans un besoin extrême, jusqu’au sacrifice d’une partie des fonds des propriétés; mais alors encore, la justice doit dicter ses demandes, l’impartialité doit tracer ses plans, et la plus juste proportion entre tous les propriétaires doit fixer le sacrifice de chacun au salut de la chose publique. Alors, Messieurs, nous gémirions, non sur nos biens, mais sur la patrie réduite à une assez cruelle extrémité. Vous l’avez sans doute remarqué, Messieurs, je n’ai parlé que de la propriété de nos biens. Leur partage, leur meilleure distribution entre les ministres des autels est une question à part que je n’ai pas traitée, et sur laquelle sans doute tout le monde sera d’accord. Sans doute aussi on ne me fera pas l’injustice de conclure de ce que j’ai dit, que je pense que nos biens ne doivent pas être appelés au secours de la chose publique. Cette antique erreur, si elle a existé, ne peut plus se montrer. Nous devons, comme citoyens, et, dans les jours de la détresse, nous devons l’exemple des sacrifices à la patrie. Mais où les rendre, ces sacrifices? est-ce sur les fonds de nos iens ? Certes, ceux de nous qui croiraient pouvoir les offrir me paraîtraient bien hardis et me sembleraient en même temps bien économes de leurs jouissances personnelles. Ces fonds sont au clergé. Nous ne sommes pas ici le clergé délibérant, et nous n’avons pas mission. Mais ce qui est à nous, mais ce que nous pouvons offrir, mais ce qui serait sans doute approuvé par tous nos commettants, c’est un sacrifice sur nos revenus qui-surpassât ceux de tous nos concitoyens, et c’est à quoi je conclus, et en outre qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la propriété de nos biens. M. Treilhard (1). Messieurs, le clergé est-il propriétaire des biens qu’il possède? Il suffit d’énoncer cette question pour en faire sentir l’importance. Que le clergé possède plus ou moins d’immeubles; que ces immeubles soient grevés de charges plus ou moins considérables ; qu’ils aient été été donnés purement et simplement, ou sous condition : rien n’est plus étranger à la question. Le propriétaire des biens du clergé, quel qu’il puisse être, doit acquitter toutes les charges légitimes dont ils sont grevés ; les fondateurs et les créanciers ne peuvent donc avoir ici aucune espèce d’intérêt ; de quelque manière qu’on décide, leurs droits, s’ils en ont, doivent être sacrés. Les calculs sur les possessions ecclésiastiques ne sont pas moins indifférents : quelque avantage qu’on pût trouver à envahir ces possessions, la nation ne pourrait en disposer sans injustice, si elle n’en est pas propriétaire; et si, au contraire, la propriété lui en appartient, il faut déclarer cette vérité, même quand on suppose-, rait que les possessions ecclésiastiques n’excèdent pas ce qui est rigoureusement nécessaire pour le culte divin. Peu importe aussi, dans ce moment, l’usage que le clergé a pu faire de ses revenus; s’il en a mal usé, il faut réprimer l’abus ; mais cet abus ne fournirait pas un argument solide contre sa propriété, comme la sagesse de l’emploi ne suffirait pas pour la lui acquérir. Ecartons toutes ces considérations et une foule d’autres que les partisans et les adversaires de la propriété du clergé ont pu respectivement opposer; ce n’est pas par des considérations pareilles qu’une question de cette nature peut se décider. Pour la traiter avec méthode, il faut, avant tout, bien déterminer ce qu’on entend par le mot propriété. Les lois le définissent par le droit d'user et d'abuser. On dit d’abuser, et ce n’est pas sans motif que la loi a employé cette expression; c’est elle précisément qui distingue le simple? possesseur du propriétaire. Le premier peut user, mais sans détruire, sans détériorer le fonds; il ne peut donc pas abuser : le propriétaire seul a le droit de se jouer de la chose. Ce n’est pas que l’exercice du droit de propriété ne puisse quelquefois être momentanément suspendu dans la main du propriétaire, on a cité l’exemple du mineur, qui ne peut pas dis-’ poser, parce que pour disposer il faut consentir, et que pour consentir il faut des connaissances que la loi ne suppose pas avant un certain âge ; mais cette suspension accidentelle de l’exercice d’une partie des droits de la propriété ne prouve rien contre la définition qu’on a donnée : la propriété n’en est pas moins le droit d’user et d’abuser. Le clergé a-t-il le droit d'user et d’abuser des biens qu’il possède? Le clergé a acquis, il jouit, il aliène. Mais pour (1) Le Moniteur se borne à mentionner le discours de M. Treilhard. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1789.] 491 acquérir, il a eu besoin d’une habilitation particulière : il ne peut mettre hors de ses mains qu’en vertu d’une permission expresse, et avec des formes très-rigoureuses; sa jouissance même . est restreinte et modifiée par une foule de règle-* ments : il n’a donc pas le droit d’user et d’abuser, il n’est donc pas véritablement propriétaire. Pourquoi le clergé n a-t-il pas le droit de disposer? C’est dans la nature même des choses ' qu’il faut en chercher la raison. Qu’est-ce que le clergé, c’est un être moral, composé d’inaividus voués au culte divin. Mais une société peut exister sans aucune corporation ► particulière; elle peut à son gré admettre ou rejeter ces êtres moraux ; elle peut leur permettre ou leur défendre de posséder des immeubles ; elle peut suspendre, modifier, révoquer ces permissions ; elle peut, en un mot, pour employer l’expression énergique d’un auteur mo-� derne , elle peut, sans injustice et légalement, tuer la personne de la corporation ; elle peut donc, et à bien plus forte raison, en tuer les ac-; cessoires. Les corporations particulières ne sont i donc pas, en général, et à proprement parler, propriétaires, puisque la nation peut toujours, et peut seule disposer de leurs possessions. Cette observation générale s’applique au clergé bien plus directement qu’à toute autre corpo-h ration ; s’il a fait un corps dans l’Etat, ce n’est pas dans l’intérêt particulier des membres qui *' le composent ; ce n’est pas même pour leur intérêt collectif ; les ministres de la religion existent pour l’intérêt de l’Eglise et de l’Etat ; c’est par conséquent sur l’universalité des fidèles qu’a dû tomber la charge du salaire de ces ministres ; mais il n’est pas nécessaire qu’ils ► forment un corps particulier , et le soin du Culte peut être confié à des individus qui n’auront v entre eux d’autre rapport que celui d’un devoir commun. Sans doute tant que la corporation existe, tant qu’elle existe avec la permission de posséder des immeubles, tant qu’il plaît à la nation d’en salarier ainsi les membres, il faut bien que la puissance publique protège ses possessions ; il faut qu’elle règle la manière dont cette corporation pourra acquérir, aliéner, et jouir ; mais L ne nous abusons pas sur l’esprit et sur les motifs de ces règlements ; leur but a été de maintenir * contre toute invasion des possessions que l’Etat aurait été forcé de remplacer, de manière ou d’autre, si elles avaient disparu : de là cette foule de règlements sur l’effet. de la possession, pour ou contre les ecclésiastiques, et sur la manière dont ils doivent jouir ; de là ces défenses générales ► d’aliéner et d’hypothêquer leurs immeubles; mais loin que ces lois, citées avec tant d’affection de , la part du clergé, établissent un véritable droit de propriété, elles prouvent au contraire qu’il n’est pas propriétaire, puisque ni le corps, ni les individus ne peuvent et n’ont pu dans aucun temps jouir et disposer librement de leurs immeubles. L’idée d’une substitution perpétuelle des biens ► du clergé en faveur des titulaires de bénéfices qui pourront se succéder est, sans contredit, ► une idée fort ingénieuse, mais elle manque absolument de justesse. Qu’est-ce qu’un grevé de substitution ? C’est un donataire chargé de rendre à des personnes désignées : il est chargé de rendre, mais il n’en est pas moins un véritable donataire ; il est propriétaire par conséquent, et ►. si bien propriétaire qu’il aliène valablement ; l’aliénation par lui faite peut seulement être révoquée, s’il existe à son décès quelque personne appelée à la substitution. Oserait-on dire qu’un titulaire de bénéfice est aussi propriétaire, et que les aliénations par lui faites ne sont pas nulles de plein droit? Il n’y a donc aucune espèce d’analogie entre le bénéficier et le grevé de substitution. Concluons : le clergé n’est pas propriétaire des biens qu’il possède; tout le monde reconnaît que les titulaires ne sont pas propriétaires : le corps moral et intellectuel du clergé ne l’est pas davantage , car il n’a pas plus que les titulaires le droit de disposer ; il faut cependant bien que cette.propriété réside quelque part. A qui donc peut-elle appartenir, si ce n’est à la nation ? Cette grande vérité n’a jamais été méconnue : sans recourir à des exemples étrangers, on pourrait s’étayer ici sur l’autorité du clergé lui-même ou de ses conseils les plus éclairés ; mais faut-il des autorités pour établir ce que la raison nous démontre? Lorsque les Etats du royaume ont demandé en différentes occasions que partie des biens du clergé fût employée à récompenser les loyaux serviteurs , à soulager d’autant le pauvre peuple de tailles, ou à racheter le domaine, ne supposaient-ils pas évidemment qu’à la nation seule appartenait la propriété des biens du clergé ? Lorsque le clergé, pressé par ces demandes, se soumit, en 1561, à racheter les aides, les gabelles et les domaines engagés pour des sommes considérables, ne reconnaissait-il pas que la nation avait le droit de disposer de ses possessions ? Lorsque dans vingt ordonnances des xme et xive siècles, nos Rois, en révoquant les anciennes donations des domaines de la couronne, exceptaient très-expressément les donations par eux faites à Dieu et à Sainte Eglise, n’est-il pas évident qu’ils supposaient à la puissance publique le droit de disposer toujours de ces objets ? Lors donc qu’on déclarera qu’à la nation appar-tien t la propriété des biens du clergé, on ne fera que rendre hommage à une vérité incontestable. Parcourons au surplus les objections des partisans de la propriété du clergé , « Le clergé, dit-on, peut aliéner; donc il est propriétaire. » Le clergé n’a jamais eu le droit d’aliéner ; cette faculté lui a toujours été interdite par les conseils et par les lois de l’Etat ; donc il n’est pas propriétaire. « Le cierge, ajoute-t-on, a payé des subsides; donc il est propriétaire. » Tout usufruitier paye des subsides ; donc l’acquit des subsides ne prouve pas la propriété. « Lorsque le clergé a été forcé d’aliéner pour ses subventions, il a été libre de mettre hors de ses mains celles de ses possessions qui lui ont paru les moins avantageuses ; donc il est propriétaire. » Il était indifférent que l’aliénation tombât sur un immeuble plutôt que sur un autre, pourvu que la subvention fut payée. « Que diriez-vous, s’écrie-t-on encore, d’un seigneur de paroisse qui, presse par. ses créanciers , les rassemblerait pour leur dire : Mes aïeux ont doté la cure de ma paroisse ; prenez-en les fonds et soyons quittes .» Ce que nous dirions? nous disions que ce seigneur serait déraisonnable et injuste : déraisonnable, en ce qu’il voudrait disposer d’un bien qui ne lui appartient pas; injuste, en ce qu’il voudrait dépouiller un possesseur pour revêtir un étranger auquel le possesseur ne doit rien. En quoi donc la nation ressemblera-t-elle à ce sei- 492 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1789.] gneur, quand elle déclarera sa propriété sur les biens du clergé ? « Mais quel fâcheux exemple , et qui sera désormais assuré de sa propriété, si le clergé ne l’est pas de la sienne ? » On suppose ici ce qui est en question, c’est-à-dire que le clergé est propriétaire : il ne l’est pas ; cela est démontré : lorsque la nation reconnaîtra cette vérité, elle ne portera aucune atteinte aux droits des citoyens qui sont véritablement propriétaires. « Mais ce n’est pas à la nation que les biens du clergé furent donnés ; c’est à un bénéfice, à une communauté : comment la nation se trouverait-elle propriétaire de ces biens ? » On l’a déjà dit: un être moral ne peut pas être propriétaire, il n’existe et ne peut exister qu’au-tant et de la manière qu’il plaît à la nation; elle a toujours, qu’il soit permis de le dire, un droit de vie et de mort sur ces corps intellectuels et sur tout ce qui en dépend : ils ne sont créés que sous cette condition, et c’est ce que les donations de biens ecclésiastiques n’ont pas dû ignorer. On ne pourrait donc tirer en faveur du clergé aucune induction de la circonstance, que les donations auraient été faites à un titre particulier de bénéfice. Mais rien ne prouve mieux l’embarras extrême du clergé que sa défense actuelle ; elle est absolument opposée aux principes qu’il a professés dans tous les temps. Empruntons ici le langage des canonistes les plus distingués (1) : « La piété est le principe des fondations; le culte divin en est la fin et le terme , le premier motif du fondateur est toujours de faire un sacrifice à Dieu.... C’est à l’Eglise qu'il adresse l’hommage qu’il veut rendre à la souveraine majesté ; c’est elle qui l’accepte en son nom ..... Cette intention primitive est essentielle aux fondations, elle en est inséparable ; et si les fondateurs spécifient les personnes qu’ils préfèrent pour remplir leurs vues religieuses c’est afin de mieux satisfaire à cet objet principal. » D’après ces maximes le clergé a toujours soutenu que les biens ecclésiastiques avaient été donnés à l’Eglise : à Dieu et à Sainte Eglise , pour employer les expressions d’ordonnances et de chartes anciennes. Ce principe a en effet été consacré par un grand nombre de décisions ; ce n’est donc pas, de l’aveu du clergé lui -même, à un établissement particulier, mais à l’Eglise que les donations ont été faites. Mais gardons-nous de confondre l’Eglise avec le clergé ; le clergé est, sans contredit, une partie, et une partie distinguée de l'Eglise ; mais il n’en est qu’une partie. Personne mignore que l’Eglise eet l’assemblée des fidèles; or, dans un Etat ou la loi n’a jamais reconnu que des fidèles, qu’on nous dise si l’assemblée des fidèles est, et peut être autre chose que la nation ? C’est donc à la nation qu'on été faites, dans les principes du clergé lui-même, les donations de biens ecclésiastiques ; c’est donc la nation qui en est propriétaire. Elle le sera, si l’on veut, sous les charges imposées par les fondateurs ; elle sera tenue de les faire acquitter comme le clergé lui-même, s’il avait une propriété : mais elle est certainement propriétaire, et il n’est plus possible de méconnaître cette précieuse vérité. Faut-il rappeler actuellement que la puissance (1) Mémoire pour le syndic du clergé de Lyon, suivi d’une consultation signée de MM. Mei, Piales, Maultrot et Camus. publique a constamment, et dans tous les temps, exercé ce droit absolu, de disposer des possessions ecclésiastiques ; qu’elle seule a consommé les unions, les transactions, les suppressions de bénéfices ; qu’elle a, dans différentes occasions, forcé des aliénations pour le besoin public, et même pour les besoins des pauvres ; qu’elle a supprimé des ordres entiers ; qu’elle a disposé des immeubles dont ils avaient joui, et qu’enfin, en dernier lieu, elle a éteint la dîme dans les mains des ecclésiastiques ? Qui pourrait donc méconnaître dans la nation un droit de propriété que la saine raison réclame pour elle, et qu’elle a, pour ainsi dire, exercé chaque jour depuis que la monarchie existe ? M. l’abbé Grégoire. Le clergé n’est pas propriétaire, il n’est que dispensateur: s’il prend pour lui plus que le nécessaire, c’est selon les canons un véritable sacrilège. Mais la nation n’est pas propriétaire de tous les biens. Il en est qui ne lui ont pas été donnés, et dont elle ne pourrait pas disposer. Les uns appartiennent aux familles, ils doivent y revenir dans le cas où les fondations ne seraient pas exécutées; ils y reviennent encore quand les héritiers sont dans la détresse, puis-qu’alors ces héritiers sont les premiers pauvres du bénéfice. D’autres appartiennent aux paroisses ; d’autres encore aux provinces, et si, après que la vente en aurait été faite, par quelque événement extraordinaire, une province venait à cesser d’être française, où retrouverait-elle ses biens ? Cependant, malgré ces observations, le principe est toujours que la nation peut ramener les biens à leur véritable destination, et changer le mode de leur administration. Il faudrait seulement verser les revenus dans les caisses des provinces, qui payeraient les dettes locales du clergé et aviseraient aux moyens de fournir leur quote-part pour le service divin. M. de Béthigy, évêque d’Uzès (1). Messieurs, la voix puissante du devoir me ramène sur la grande question des propriétés ecclésiastiques. J’ose encore m’offrir à toutes les inductions qu’on voudra tirer de ma persévérance. Je n’ai qu’un mot à y répondre, je n’ai presque pas de biens-fonds ; et quand j’en aurais , Messieurs , j’aurais encore le courage de les défendre , parce que ie crois fermement que c’est ma dette envers la justice et la vérité. Au reste, Messieurs, mon seul but aujourd’hui est de jeter un coup d’œil rapide sur quelques-unes des objections faites contre la propriété du clergé. Et d’abord, permettez-moi une observation générale. Vous avez remarqué, sans doute, que chacun des honorables membres qui a voulu attaquer le droit de propriété des biens ecclésiastiques a commencé par donner une définition, non de la propriété en général, mais de la sorte de propriété qu’il espérait prouver que nous n’avions pas ; et cependant, il en tirait la conséquence générale que nous n’étions pas propriétaires. Tel, Messieurs, vous avez entendu l’un des opinants dire que la propriété est le pouvoir d’user et d’abuser de sa chose. Certes, c’est bien abuser du talent de la parole, que d’oser donner cette phrase pour une définition et la soutenir. Le droit d’abuser est une des qualités de la (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse d»-discours do M. de Béthisy.