404 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 août 1790.] M. l’abbé Gouttes. L’improbation d’un jurisconsulte anglais nous est assez indifférente parce que nous ne sommes pas Anglais et que nous n’avons pas besoin des lois anglaises. M. Rewbell. M. l’abbé Maury ne ménage point l’Assemblée et lui manque volontiers de respect. M. l’abbé Maury. Si lorsqu’on dit la vérité à l’Assemblée, on lui manque de respect, je suis coupable. Pour moi, j’estime que ce serait trahir sa gloire que de ne pas lui signaler les erreurs qu’elle peut commettre de bonne foi et je crois que je lui témoigne un respect plus sincère que celui de ses flatteurs en l’empêchant de tomber dans l’injustice. M. Boutteville-Dumetz . Je demande à répondre aux erreurs que vient d’avancer l’académicien abbé Maury. (On rit). M. Malouet. Je veux présenter une seule observation. Une faut pas argumenter de la signification du mot jury en Angleterre, par rapport à ce qui se passe chez nous. Le comité de la marine, en adoptant le mot, n’a pas entendu lui donner les conséquences qui en découlent pour les Anglais. M. Duport. Je ne sache point qu’on ait fait venir un jurisconsulte très éclairé d’Angleterre. Je connais un jurisconsulte anglais célèbre qui convient de la sagesse de ce que nous venons de faire en France. M. Goupil. Des circonstances particulières ont peut-être déterminé le comité de la marine ; je m’en rapporte à lui. Mais lorsqu’on veut vous faire entendre qu’il est de l’essence de la procédure par jurés, de n’être point écrite, je proteste. On vous a fait entendre que c’est dans l’intérêt de la justice que la procédure ne doit pas être écrite parce que lesjurés se déterminent sur l’altération ou l’état paisible de la physionomie, sur la contenance de l’accusé ; peut-on interpréter équitablement la contenance et la physionomie d’un homme que l’inquiétude, la bonté d’être accusé feraient si souvent prendre pour un coupable? Si cette méthode atroce était admise, Suellesconséquences inévitables n’aurait-elle pas? n juré tiendrait dans ses mains le sort de l’accusé; un juré pourrait assassiner légalement et il serait impuni. Oui, l’impunité serait assurée par ce moyen au juré. Qui pourrait, en effet, lui dire qu’il n’a pas jugé sur des preuves suffisantes quand un démenti de sa part confirmerait la sentence qu’il aurait rendue ? Si nous interrogeons la jurisprudence anglaise, nous trouvons des jurés accusés de prévarication, des jurés iniques. S’ils ne sont pas incapables de prévariquer, comment introduire parmi nous cet ordre monstrueux de procédure qui ne laisserait subsister aucune trace du crime commis au nom de la loi? Je vais plus loin, ce juré aura entendu les témoins. Un malheureux accusé aura succombé sous le témoignage d’un scélérat et vous lui enlèveriez, par l’institution projetée, ce grand succès pour l’humanité, de découvrir la fausseté du témoignage sur lequel il aurait été condamné?... Ce peude mots et vos réflexions, Messieurs, vous empêcheront sans doute que l’on prononce sur la vie d’un accusé sans qu’il en reste des traces et un monument écrit des preuves qui auront été alléguées contre lui. Je conclus à ce que la procédure par jurés soit écrite. (Cet amendement est mis aux voix et adopté.) M. de Lachèze. Je propose de laisser à l’accusé la faculté de choisir un défenseur. (Cet amendement est adopté.) M. de Champagny. Par suite des résolutions que l’Assemblée vient de prendre, les articles en discussion doivent être refondus. Voici la nouvelle rédaction que nous avons l'honneur de vous soumettre : «Art. 8. La requête en plainte ayant été répondue d'un soit fait ainsi qu'il est requis , sera remise à l’officier chargé du détail, et le commandant de vaisseau procédera à la formation du jury, en indiquant sur le rôle de quart, dont ne sera pas l'accusé, un nombre double de chaque grade, dont il sera loisible à l’accusé de récuser la moitié; l’accusé pourra, s’il le veut, choisir un défenseur. « Art. 9. La récusation ayant été exercée par l’accusé, ou dans le cas où il y renoncerait, le jury s’étant réduit au nombre de sept par la voie du sort, s’assemblera sur-le-champ, et le lieutenant chargé du détail procédera en sa présence à l’audition des témoins, confrontation et interrogatoire de l’accusé. « Art. 10. La procédure ainsi faite en présence du jury sera rédigée par écrit et annexée au rôle d’équipage. » M. le Président met successivement aux voix ces trois articles. Us sont adoptés. La séance est levée à dix heures du soir. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 16 AOUT 1790. DÉCRET sur l'organisation judiciaire, du 16 août 1790, sanctionné par lettres patentes du 24 du même mois. Titre Ier. — Des arbitres. Art. 1er. L’arbitrage étant le moyen le plus raisonnable de terminer les contestations entre les citoyens, les législatures ne pourront faire aucunes dispositions qui tendraient à diminuer soit la faveur, soit l’effi cacité des compromis. Art. 2. Toutes personnes ayant le libre exercice de leurs droits et de leurs actions, pourront nommer un ou plusieurs arbitres pour prononcer sur leurs intérêts privés, dans tous les cas, et en toutes matières sans exception. Art. 3. Les compromis, qui ne fixeront aucun délai dans lequel les arbitres devront prononcer, et ceux dont le délai sera expiré, seront néanmoins valables, et auront leur exécution, jusqu’à ce qu’une des parties ait fait signifier aux arbitres qu’elle ne veut plus tenir à l’arbitrage. Art. 4. Il ne sera pas permis d’appeler des sentences arbitrales, à moins que les parties ne