156 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, I Novembre r 93 c’est une montre d’or à répétition. Ma femme offre ses boucles d’argent, plus un écu de 6 li¬ vres, le seul qui nous reste. Nos enfants met¬ tent chacun avec plaisir, sur l’autel de la patrie, leurs petites épargnes de trois assignats de 10 francs. « Vive la République! « Delanney. » Attestation (1). Municipalité de Mennecy. Nous soussignés officiers municipaux, cer¬ tifions que le citoyen Jean-Michel Delanney, ci-devant curé de cette commune, nous a pro¬ posé, dès le 21 octobre dernier, vieux style, de faire son abjuration, qui a eu lieu le 14 bru¬ maire en présence des membres composant le comité révolutionnaire du district de Corbeil. A Mennecy, le 3 frimaire, l’an II de la Répu¬ blique une et indivisible. J. Pater; Bellanger. Certificat (2). Nous soussignés membres du comité révolu¬ tionnaire du district do Corbeil, certifions que le citoyen Jean-Michel Delanney a renoncé, dès le 15 brumaire, aux fonctions curiales et nous a déclaré ne plus vouloir être prêtre, et pour nous prouver qu’il y renonçait à jamais, il a déposé sur le bureau du comité tous les titres et papiers relatifs à ces fonctions, nous déclarant qu’il voulait être tout à la République, que son évangile et celui de ses concitoyens serait dorénavant la Constitution, les Droits de l’homme et du citoyen et qu’il professerait toute sa vie ce qu’il avait professé ouvertement depuis quatre ans : la liberté et la mort des tyrans. De ce que dessus nous lui avons donné acte. Fait au comité révolutionnaire du district de Corbeil, ce 19e brumaire, l’an II de la Répu¬ blique une et indivisible. (Suivent 8 signatures.) Enregistré au registre des délibérations de la commune de Mennecy, le conseil général assem¬ blé ce jourd’hui 3 frimaire, l’an II de la Répu¬ blique une et indivisible. Parant, notable, pour l'absence du greffier. Les jeunes enfants de la section de Mucius Scœvola viennent presser la Convention d’orga¬ niser au plutôt l’instruction publique, dont le besoin devient chaque jour plus imminent. « Ne reculez pas, disent-ils, plus longtemps l’époque (1) Archives nationales, carton C 283, dossier 806. 12) Archives nationales, carton C 283, dossier 806. heureuse de notre régénération; vous serez bénis de nos pères qui sont aux frontières, et auxquels vous avez promis de vous occuper de nous; vous serez bénis de nos parents, de nos amis qui nous accompagnent, et de nous, qui transmet¬ trons vos noms à la postérité la plus reculée. Le Président donne l’accolade fraternelle aux jeunes orateurs de la députation. L’Assemblée décrète la mention honorable de leurs vœux, l’insertion au « Bulletin » et fixe au second décadi du mois de frimaire, sans autre retard, la discussion sur l’instruction publique. « La Convention nationale décrète (l) : Art. 1er. « Que le comité d’instruction publique lui fera incessamment un rapport sur l’organisation des fêtes nationales, leurs époques et les lieux où elles seront célébrées [ motion de Dan¬ ton] (2). Art. 2. » Que la discussion définitive sur l’instruction publique est fixée au second décadi du mois fri¬ maire, sans autre retard [ Motion de Thuriot (3). Suit le texte de la pétition des enfants de la section Mucius Scœvola, d'après un document des Archives nationales (4). Les jeunes enfants de la section de Mucius Scœvola, aux représentants du peuple. « Législateurs, « Nous venons, accompagnés de nos parents» de nos amis, solliciter de vous la plus prompte organisation des écoles primaires. Vous avez senti que l’instruction est le besoin de tous; ne nous privez donc pas plus longtemps de ce bien¬ fait. Accordez-nous des maîtres instruits, doués de bonnes mœurs et qui sachent faire fructifier en nous les sentiments que vous y avez créés. Décrétez qu’à jour fixe votre comité vous fera le rapport définitif sur l’instruction publique; ne reculez pas plus longtemps l’époque heureuse de notre régénération : vous serez bénis de nos pères qui sont aux frontières, et à qui vous avez promis de vous occuper de nous : vous (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 168 et 171. Bien que ces deux passages figurent dans le procès-verbal imprimé, à des pages différentes nous avons cru devoir les réunir parce qu’il ressort clairement du compte rendu de tous les journaux que le décret rendu sur la motion de Danton fut en quelque sorte la conséquence de la pétition des enfants de la section Mutius Scœvola. (2) D’après les divers journaux de l’époque. (3) D’après les divers journaux de l’époque. (4) Archives nationales, carton C 285, dossier n° 829; Bulletin de la Convention du 7e jour de la lre décade du 3e mois de l’an II (mercredi 27 no¬ vembre 1793). [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 157 serez bénis de nos parents, de nos amis qni nous accompagnent, et de nous qui transmettrons Vos noms à la postérité la plus reculée; vous aurez en outre la satisfaction d’avoir fait le bien. Roucelle. « Vive la République ! » Suit le texte du discours prononcé par l'orateur de la députation d'après le Bulletin de la Con¬ vention (1): Citoyens, nos pères, nos amis, Dans ces temps d’orgueil et d’ignorance où des ministres imposteurs travaillaient à main¬ tenir l’homme sous le joug des tyrans, dans ce temps où ces êtres impurs, abusant de la cré¬ dulité de leurs concitoyens, leur prêchaient la soumission la plus aveugle à des mystères dont ils ne faisaient que rire, dans ces temps, dis-je, où l’on croyait aux prêtres, aux saints et à leurs miracles, les plus fameux orateurs fai¬ saient, au moins une fois l’an, à la fête du patron d’une église, l’apologie d’un saint dont tout le mérite se réduisait toujours à avoir pu résister aux principes sacrés de la nature et à s’être honteusement dégradé de l’auguste qualité d’homme, en fuyant la société. Des mots pom¬ peux entortillaient des phrases insignifiantes, et le zèle de ces apôtres du mensonge augmen¬ tait tous les ans la vie du saint patron de quel¬ ques nouveaux miracles. Maintenant donc que, grâce à votre vigilance, nous sommes éclairés sur ces absurdités, que nous ne voulons plus d’autre culte que celui de la justice, de la vérité et de la raison, et d’autre évangile que les Droits sacrés de l’homme et notre sage Constitution; maintenant que nous ne voulons plus honorer que ceux qui méritent de l’être, nous venons vous prier de nous en¬ tendre sur ce que nous savons de notre nouveau patron. Un enfant simple et naïf demande à vous faire un récit pur de ce qui a rendu fameux Mucius Scœvola. Porsenna, tyran des Toscans, assiégeait la ville de Rome l’an de sa fondation 246. Il était près de réduire cette ville à la dernière extré¬ mité. Un jeune Romain, plein d’nue-noble ardeur, passe, déguisé en Etrurien, dans le camp ennemi. Il pénètre jusqu’à la tente de Porsenna, dont il poignarde le secrétaire, qu’il avait pris pour le tyran. On l’arrête; on lui demande son nom. « Je suis Romain, répondit-il fièrement, et l’on me nomme Mucius; tu vois un ennemi qui a voulu tuer son ennemi, et je n’aurai pas moins de courage pour souffrir la mort que jo n’en ai eu pour te la donner. « En même temps, comme pour punir sa main droite d’avoir manqué son coup, il la met sur un brasier qu’on venait d’allumer pour un sacrifice, et la voit brûler sans témoigner aucun sentiment de douleur. Le tyran, frappé de ce prodige de fermeté, le fait éloigner de l’autel, et lui rend sa liberté. « Puisque tu sais, lui dit Mucius, honorer la (1) Supplément au Bulletin de la Convention du 8 frimaire de l’an II (jeudi 28 novembre 1793). vertu, ce que tu n’aurais pu m’arracher par menaces, je l’accorderai à ton bienfait. Sache que nous sommes 300 jeunes Romains qui avons juré devant les dieux de mourir tous , ou de te poignarder au milieu de tes gardes. » Le tyran, saisi de crainte, prit le parti de lever le siège. Serment républicain. Nous promettons, en républicains, que nous exterminerons tous les tyrans, tous les despotes coalisés contre notre sainte liberté; que nous ' promènerons le niveau redoutable de l’égalité pour abattre tout ce qui s’élèvera au-dessus de l’ expression solennelle de la volonté générale; que nous prêterons l’appui fraternel de notre bras à tout républicain opprimé ou injustement persécuté; que nous serons toujours la force du faible et le contre-poids du puissant; les amis du citoyen indigent et les implacables ennemis de l’opulent égoïste; que nous combattrons et poursuivrons tous les abus, restes impurs de la monarchie et d’un despotisme corrupteur; que nous protégerons les chaumières et renverserons tout ce qui pourrait inquiéter la liberté; qu’ au¬ tant qu’il sera en notre pouvoir, nulle Bastille ne restera sur la terre, nul tyran sur son trône, nul peuple dans les fers; que tous les hommes / trouveront en nous des frères et tous nos con¬ citoyens des soutiens inébranlables de la Répu¬ blique une et indivisible; nous le jurons par les ruines de la Bastille; nous le jurons par les Droits immortels de l’homme et du citoyen. Compte rendu du Moniteur universel (1). Une députation de la section de Mucius Scœvola accompagne les jeunes enfants de cette section, qui viennent demander que la Convention s’occupe incessamment de l’organisation de l’instruction publique. Un jeune enfant com¬ mence le récit de l’histoire de Mucius Scævola. L’Assemblée applaudit aux heureuses dispo¬ sitions de ce jeune républicain. Danton. Dans ce moment où la superstition succombe pour faire place à la raison, vous devez donner une centralité à l’instruction publique, comme vous en avez donné une au gouverne¬ ment. Sans doute vous disséminerez dans les départements des maisons où la jeunesse' sera instruite dans les grands principes de la raison et de la liberté; mais le peuple entier doit célé¬ brer les grandes actions qui auront honoré notre révolution. Il faut qu’il se réunisse dans un vaste temple, et je demande que les artistes les plus distingués concourent pour l’élévation de cet édifice, où, à un jour indiqué, seront célébrés des jeux nationaux. Si la Grèce eût ses jeux olympiques, la France solennisera aussi ses jours sans-culottides. Le peuple aura des fêtes dans lesquelles il offrira de l’encens à l’Etre (I) Moniteur universel [n° 68 du 8 frimaire an II (jeudi 28 novembre 1793), p. 276, col. 2]. Voy. d autre part ci-après, annexe n° 1, p. 234 le compte rendu d’après divers journaux, de l’admission à la barre des enfants de la section Mucius Scœvola et des décrets rendus sur la motion de Danton et de Thuriot.