[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1791.] « Mais je m’oppose, autant qu’il est eu moi, à ce que cette quotité soit le quart des biens du testateur, selon le projet du comité. Celte proportion beaucoup trop forte étant contraire aux principes que j’ai développés, et reproduisant en grande partie les vices d’inégalité dont il faut extirper ici la racine; ce qu’il sera aisé de démontrer, quand la discussion aura atteint cet article. Je demande donc que cette quotité, dont les chefs de famille pourront disposer par testament, soit bornée à la dixième partie de leurs biens. C’est assez pour ceux qui désirent laisser après eux quelques témoignages d’affection, de reconnaissance particulière; et c’est trop pour ceux qui sont animés d’autres sentiments. « Je demande donc : « 1° Que l’ordre et le partage des successions en ligne directe ascendante et descendante, soient invariablement fixés par la loi; " Qu’il soit assuré aux héritiers dans cette ligne les 9 dixièmes de la masse des biens de celui auquel ils succéderont ; « Et qu’en conséquence l’usage des donations entrevifs, institutions contractuelles, dispositions testamentaires sans charges de rapport, et généralement toutes autres dispositions tendant à déranger l'ordre de succéder et à rompre l’égalité dans les partages, soient prohibés aux ascendants envers leurs descendants, et respectivement, jusqu’à concurrence des 9 dixièmes de ladite masse, sauf la libre disposition de la dixième partie en faveur des personnes étrangères à la ligne. « 2° Que les substitutions et fidéicommis soient à l’avenir prohibés entre toutes personnes. « Et qu’à l’égard des substitutions qui ont commencé d’avoir leur exécution, ou sous la foi desquelles il a été contracté des alliances, elles ne conservent d’effet que dans un degré et par une seule mutation; toute extension au delà d’un degré étant révoquée et abolie. ( Applaudisse - ments.) M. le Président annonce l’ordre du jour des séances de ce soir et de demain. Un membre demande : 1° que l’affaire de Toulouse soit placée la première dans l’ordre du jour de ce soir; 2° que 1 Assemblée veuille bien. s’occuper tout d’abord, dans la séance de demain, de ce qui concerne les monnaies. (Cette double motion est décrétée.) M. le Président lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE MONTESQUIOU. Séance du mardi 2 avril 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. Boissy-d’Anglas, secrétaire , fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier qui est adopté. M. Boissy-d’dLnglas, secrétaire , fait ensuite communication des adresses suivantes : olo Adresse des administrateurs du district de La-grasse, département de l'Aude , qui annoncent que sur 74 ecclésiastiques fonctionnaires publics, formant le clergé du district de Lagrasse, 70 ont prêté le serment prescrit par la loi; que les 4 réfractaires viennent d’être remplacés, à la grande satisfaction des fidèles. Adresse de l'assemblée électorale du district de Saint-Jean-de-Losne , département delà Côte-d'Or ; elle annonce qu'elle vient de terminer le remplacement des curés qui ont refusé de se conformer au décret du 27 novembre dernier. Adresses des municipalités de Coudray-sur-Seine , et de Tremblay en France ; elles ont fait chanter dans leur église paroissiale respective, en action de grâce de la convalescence du roi, un Te Deum, auquel tous les citoyens ont assiste. Adresse du maire de la ville de Champlitte ; il fait hommage à l’Assemblée d’un discours qu’il a prononcé à l’issue de la messe paroissiale, en faveur de la constitution civile du clergé. Adresse de M. Gourdin, docteur-médecin, élu professeur de physique à Montpellier ; il fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage imprimé, ayant pour titre : Entretiens patriotiques sur la Constitution civile du clergé. Adresse de M. Negrel-Bruny, administrateur du district d'Aix , et juge de paix du canton de Ro-quevaire;\l présente à l’Assemblée ses réflexions patriotiques sur la constitution civile du clergé. Adresse de la Société rustique des Amis de la Constitution, du département de la Vendée ; elle annonce que ses membres, habitants des campagnes, se réunissent dans les différents districts du département, à l’effet de concerter en commun les moyens d’assurer partout la paix, l’ordre et la soumission aux lois. Adresse de M. l'abbé Penchenier , ci-devant capucin ; pénétré de reconnaissance envers l’Assemblée nationale, et pour la liberté qu’elle a rendue aux capucins, et pour le traitement qu’elle leur a fait, il offre d’acquitter gratuitement, dans l’église de l’hôpital de Villeaeuve-de-Berg, toutes les messes qui y sont fondées, et de les dire chaque jour à l’heure qui sera la plus commode aux pauvres infirmes. Lettre des administrateurs composant le directoire du département de l’Aveyron / ils annoncent que les électeurs de ce département ont élu pour leur évêque M. de Berthier, curé de Laguiole, supérieur du séminaire de Rodez et membre de l’administration du même département. M. de Rostalng communique à l’Assemblée un mémoire dressé par les officiers municipaux de la paroisse de Gleppé, canton de Boën, district de Montbrison, département de Rhône-et-Loire : ils attestent que Martin Michel, fermier du Bac appelé Colom, Simon DonjoD, Grégoire Beaujeant, journaliers; Baptiste Nicolas, domestique, tous de ladite paroisse de Cleppé, et Abraham André, garçon charpentier, de la paroisse de Fecors, ont sauvé la vie, le 12 mars dernier, à 32 personnes près de périr dans les eaux. (L’Assemblée décrète qu’il sera fait dans son procès-verbal une mention honorable de ces citoyens intrépides et que le mémoire des officiers municipaux de Gleppé sera renvoyé au comité des pensions.) Un membre du comité d'aliénation propose la vente de biens nationaux à diverses municipalités dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. �Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1791.] 516 a été fait par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, des soumissions laites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l’état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci -après, payables de la manière déterminée par le même décret, savoir : A la municipalité de Doulens, département de la Somme .......... 412,594 1. 5 s. 1 d. A celle de Montdidier, même département. 1,164,492 15 6 A celle de Frévent, même département. 557,691 15 8 « Le tout ainsi qu’il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d’estimation respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est un rap-port sur les troubles qui ont eu lieu dans la ville de Toulouse les 16, 17, et 18 du mois de mars. M. "Victor de Broglie, au nom du comité des rapports. Messieurs, je suis chargé par votre comité des rapports, de vous rendre compte des troubles qui ont eu lieu, dans la ville de Toulouse, les 16, 17 et 18 du mois dernier. Ils sont funestes et déplorables, sans doute; ils affligeront les fondateurs et les protecteurs des lois, par le spectacle du désordre et de l’incivisme; ils affecteront douloureusement des législateurs sensibles, qui vont apprendre encore que le sang des citoyens français a coulé. Mais un exposé que je dois vous faire, vous offrira, Messieurs, des motifs puissants de consolation, dans la conduite parfaite des corps administratifs, dans le zèle actif et courageux des gardes nationales, dans l’accord et la subordination continuelle qui ont régné entre les différentes parties de la force publique et dans le vertueux dévouement de quelques citoyens, qui ont sacrifié, au respect pour la loi, le désir d’une .vengeance que sollicitait la voix du sang et de la nature. Le nombre et l’étendue des pièces ne me permettent pas de vous en donner une lecture entière; j’en extrairai le détail des faits ; je citerai seulement les expressions mêmes des procès-verbaux, lorsqu’elles diront avec énergie et précision ce que je ne pourrais dire autrement sans l’affaiblir. Je dois d’abord vous donner connaissance de quelques circonstances antérieures, qui ont préparé et occasionné ces malheureux événements. Dès la formation des gardes nationales, les habitants de Toulouse se divisèrent en 14 sections, dont chacune forma un corps ou légion; les citoyens ci-devant employés au palais et, par conséquent, les plus maltraités par la Révolution, composèrent la légion appelée la seconde de Saint-Barthélemy et se donnèrent pour colonel M. d’Aspe, ci-devant président à mortier. Les principes de cette légion parurent très équivoques dès l’origine; et ses démarches suspectes, ses opinions presque toujours opposées à celles des autres légions et ses liaisons antipatriotes n’ont que trop justifié dans la suite, et surtout dans ces derniers temps, les craintes qu’elle avait inspirées d’abord aux véritables amis de la Constitution. De là vint un défaut d’intelligence, et bientôt une inimitié ouverte entre la seconde légion de Saint-Barthélemy et les autres légions; de là même s’en étaient déjà suivies quelques provocations et quelques voies de fait particulières, lorsque, le 16 mars, des légionnaires de cette seconde légion, parlant au nom du sieur d’Aspe, leur colonel, annoncèrent à la municipalité qu’il devait se former dans la nuit un rassemblement de malintentionnés, dans un lieu qu’ils désignèrent pour se porter de là dans le quartier de Nazareth, et fondre sur les habitauts, après avoir dispersé ou saccagé le corps de garde. D’après cet avis, les officiers municipaux se rendirent à 11 heures du soir, à la maison commune, où l’un desdits légionnaires leur confirme les mêmes bruits, toujours au nom du colonel. Ils se portent au lieu désigné, où ils trouvent tout dans le plus grand calme. Ils s’arrêtent à un corps de garde de cette même légion; là on leur répète encore les mêmes rapports; on leur assure qu’on a vu des gens attroupés et entendu leurs propos dans une auberge voisine. Ils y vont; ils y font une visite exacte; ils n’y trouvent personne; et l’aubergiste leur assure que, depuis 8 heures du soir, elle n’a eu personne chez elle et qu’il ne s’y est rien passé qui ait rapport au complot prétendu. Les officiers municipaux retournent au corps de garde, pour le rassurer sur des craintes imaginaires; ils se retirent enfin, laissant la ville dans la tranquillité la plus profonde. Le lendemain 17, les sieurs d’Aspe et Roucoule, l’un colonel, l’autre légionnaire de la seconde légion de Saint-Barthélemy, vinrent à la municipalité réclamer un jugement relatif à des discussions et à des rixes élevées entre ladite légion et celle de Saint-Nicolas. Il leur fut répondu que les mesures extraordinaires, prises la nuit précédente par plusieurs officiers municipaux pour la sûreté et la tranquillité de leur légion même et, à leur propre réquisition, n’avaient pas permis de s’assembler en nombre suffisant pour prononcer ou prendre un tempérament sur ces objets. Le sieur d’Aspe répliqua, qu'il fallait que cette affaire fût absolument décidée, ou qu'on autorisât sa légion à tirer sur ses ennemis; qu’ alors elle n’avait pas besoin de jugement, parce qu'elle saurait se faire justice elle-même. Mais les représentations qu’on lui fit sur l’imprudence de ce propos, le forcèrent à le reconnaître, et il la rejeta sur l’impatience de sa légion qu’il prétendit être journellement insultée, menacée et maltraitée par certains individus, qu’il appelait la bande noire. Lorsqu’on lui eut promis d’avoir égard, le plus promptement possible, à sa requête, il se retira, satisfait en apparence, avec le sieur Roucoule. A peine étaient-ils sortis de la maison commune, qu’il vint à la connaissance du conseil municipal qu’on disait, dans la ville, que la nuit précédente on avait maltraité, d’autres disaient même tué le sieur Lavigne; qu’il y avait de3 mouvements à Saint-Gyprien, d’où l’on voulait se porter vers la seconde légion de Saint-Barthélemy, pour tirer raison de ces prétendus excès. La municipalité se disposait à envoyer à Saint-Gyprien pour y maintenir la paix ; lorsque le sieur Sabatier fils, colonel de cette légion, pria la municipalité de le charger d’y pacifier les esprits; ce qui lui fut accordé. Il y trouva en effet quelques mouvements et un rassemblement extraordinaire qu’il était parvenu à dissiper lorsqu’on apprit que deux citoyens du faubourg de Guil-herme avaient été attaqués par des légionnaires,